03 février 1960.

C'était le jour de ma naissance. Un jour heureux pour mes parents, Yangshuk et Jisoo Kimyong, mon père était un sorcier et ma mère une Moldue. Ils étaient tous deux d'origine coréenne. Leur premier enfant, leur petit prince, leur petit trésor. Néanmoins cette idylle ne dura que peu de temps. Ma mère perdit la vie quelques mois après ma naissance. Elle avait déjà une santé fragile à l'origine et cette grossesse l'avait encore plus fragilisée. Le seul souvenir d'elle que je possède est cet album photo et ces deux fins bracelets en or que je porte toujours, ce cadeau qu'il avait fait à ma mère à l'occasion de leur mariage. Mon père ainsi veuf s'était retrouvé à s'occuper seul de moi, à subvenir aux besoins du petit bout d'homme que j'étais. Jusqu'à maintenant mon père ne m'a jamais raconté tout ce qu'il avait enduré pour s'occuper de moi, il n'est pas du genre à se plaindre, jamais. Je respecte d'ailleurs beaucoup cette dignité qui le caractérise, il est un modèle pour moi. Mon père n'est pas une personne démonstrative, il ne fait pas de câlins, il ne prend pas dans ses bras, il n'embrasse pas. Pourtant, malgré cela, je n'ai aucun doute sur ce qu'il ressent à mon égard. Malgré son travail prenant et ses horaires difficiles il passait le plus de temps possible avec moi, il me trimballait partout avec lui, me montrait énormément de choses. Il me prenait souvent sur ses genoux et me racontait des histoires, des contes, des légendes, sur la Corée mais pas seulement, sur le monde. Et moi, je buvais ses paroles avec ébahissement, les yeux brillants et le sourire aux lèvres. Lorsque mes pouvoirs magiques se dévoilèrent mon père ne perdit pas l'occasion de m'expliquer plus de choses encore, sur la magie, sur le contexte dans lequel nous vivions, sur tout et n'importe quoi qui puissent m'enrichir encore plus. Je l'écoutais toujours religieusement et je posais des questions, immensément curieux.

Juillet 1971

Le grand chambardement, le grand départ. Je me rappelle avoir été nerveux pendant un long moment, incapable de rester en place alors que cette boule d'angoisse enflait dans mes entrailles. Mon père avait été muté à Londres, et cela l'arrangeait aussi de changer de ville, il avait toujours voulu que j'étudie à Poudlard, tout comme lui. Il m'avait appris à parler anglais, alors je me débrouillais suffisamment bien pour être compris. Néanmoins cela ne gommait pas du tout la peur qui m'habitait ni la tristesse de quitter ma ville natale, mes amis et mes proches. J'étais perdu dans cette nouvelle ville si grise et terne. Malgré le fait que je parlais anglais, j'étais souvent seul, n'osant pas approcher les enfants du voisinage, intimidé et effrayé. Je m'étais alors enfermé dans les livres pour relire encore et encore les ouvrages que me lisait mon père lorsque j'étais plus petit, pour passer le temps et pour me calmer aussi. J'avais onze ans et je rentrais à Poudlard, fébrile, nerveux et terriblement impressionné.

Avril 1975

Mon père s'est remarié avec cette femme, une sorcière d'origine londonienne, Laureen. Je m'étais montré réticent et distant avec elle, je ne voulais pas l'accepter comme faisant partie de la famille. Il n'y avait toujours eu que mon père et moi, seuls contre le monde, ainsi lorsqu'il me l'avait présenté, je l'avais ignorée, cruellement, impitoyablement. Je ne lui avais laissé aucune chance pourtant, elle s'était accrochée, elle avait insisté et tenté par tous les moyens de se rapprocher de moi. J'ai fini par tolérer sa présence, le fait de vivre en internat me permettant de la voir le moins souvent possible. Tout juste deux après en mai 1977 naissait Sheryl, la petite poupée, la petite princesse. Une raison de plus pour m'éloigner. Je me souviens avoir été jaloux, c'était idiot et puéril mais j'avais eu du mal à accepter le fait de ne plus être le centre de l'attention, à devoir partager mon père avec deux autres personnes. Une fois encore ma belle-mère s'était échinée afin que je m'attache à cette petite chose remuante et rose qui s'agitait dans ses bras. Encore une fois j'ai accepté de tolérer sa présence sans pour autant m'y attacher.

Décembre 1979

Un an après le sort raté du gouvernement. Une année encore plus secouée par les activités des Forces du Mal, par les Mangemorts et les mages noirs. Je n'aurais jamais imaginé ne serait-ce qu'une seconde que ma famille serait prise dans les feux terrifiants de cette guerre.

C'était arrivé sans prévenir, sans signe avant-coureur. Nous étions tranquillement réunis afin de fêter Noël. Comme à mon habitude j'étais un peu en retrait, les laissant dans leur petit cocon de bonheur malgré les nombreuses sollicitations de ma belle-mère. Une énorme explosion s'était faite entendre au bout de la rue, les vitres avaient vibré sous la puissance de l'onde de choc. Il y en eut d'autres, encore plus puissantes et violentes. Nous n'avions pas eu le temps de penser, de bouger lorsque l'un des murs vola en éclats, laissant apparaitre un groupe vêtu de noir, leurs visages dissimulés. Le temps semblait s'être figé à cet instant-là, mon esprit était resté bloqué, essayant de décrypter ce qu'il se déroulait. Ce furent les pleurs de Sheryl dans les bras de sa mère qui me firent reprendre pied avec la réalité. L'un des individus avait alors pointé sa baguette vers elle dans le but manifeste de la faire taire mais mon père avait réagi plus vite et l'avait désarmé à l'aide d'un sort. Un éclair rouge jaillit d'une des baguettes et le frappa en pleine poitrine, le faisant s'effondrer comme une masse au sol. Laureen était restée incroyablement calme, elle s'était placée devant nous, comme une chatte prête à sortir les griffes pour protéger ses petits.

Ils ont pris plus de temps avec elle, ils ne l'ont pas stupéfixée tout de suite, ils l'ont fait souffrir. Elle nous avait interdit de bouger, interdit de faire quoi que ce soit. Ses cris m'avaient vrillé les tympans, se mêlant aux grondements assourdissants émis par June à mes côtés. J'avais serré de toutes mes forces la petite chose tremblante qui pleurait contre moi, je l'avais serrée à en mourir. Je n'avais jamais accepté de la prendre dans mes bras pourtant ce jour-là je ne l'avais pas lâchée et elle non plus. Elle avait agrippé mon haut de toute la force de ses minuscules poings, sa tête enfouie dans mon cou rendu humide par ses larmes.

Je n'avais pas compté le nombre de minutes qui s'étaient écoulées, le concept de temps avait tout simplement disparu. Lorsque Laureen s'écroula à son tour, je me suis encore plus recroquevillé, comme pour cacher Sheryl de leur champ de vision, comme si elle disparaîtrait et qu'il l'oublierait si je la serrais ainsi.


Un des mages s'était préparé à l'attaque mais June avait coupé court à son action en lui bondissant dessus, tout crocs dehors. C'était la première fois que je le voyais ainsi, il était toujours calme, tranquille et flegmatique pourtant à cet instant il était méconnaissable, ses poils hérissés, les grondements féroces qu'il poussait alors qu'il s'attaquait à cet individu, au point de déchirer ses habits. À ce moment-là, j'ai entrevu un tatouage, un signe corporel qui allait se graver de façon indélébile dans mon esprit.

Une forme argentée avait jailli de nulle part et avait plaqué June au sol, me faisant glapir et gémir de douleur. Je ne pouvais pas voir de quel animal il s'agissait mais je sentais la pression qu'il exerçait sur la gorge de mon patronus. Il a trainé June, il l'a éloigné de moi. Une douleur que je ne peux décrire avec des mots s'était emparée de tout mon corps à mesure que la distance entre nous se creusait. J'étais comme paralysé, je ne pouvais bouger aucun muscle, pourtant je n'avais pas lâché Sheryl, je l'avais conservé tout contre moi durant tout ce temps. Ma vision s'était troublée à cause de la douleur, ce qu'ils se disaient entre eux me parvint comme un brouillard sonore confus. Je ne parvins à capter que quelques mots qui revenaient souvent. Ils parlaient de Sang Impur, d'éliminer la pourriture, de purifier ce monde.

L'un d'eux ordonna à celui qui m'avait immobilisé de me tuer. La suite des évènements m'échappa totalement. La douleur bien trop insoutenable m'avait terrassé. Tout s'était nimbé de noir, de ténèbres, épaisses et étouffantes, tout simplement suffocantes.

Lorsque j'ai ouvert les yeux de nouveau j'étais allongé sur un lit immaculé, tout était blanc autour de moi, le plafond, les murs, les gens aussi. Ce fut à cet instant que j'ai compris que j'étais à l'hôpital et étant donné les objets qui volaient de temps à autre et la présence de curieux instruments j'ai analysé cet endroit comme étant l'hôpital Saint Mangouste. Je n'ai pas pris le temps de m'enquérir de mon propre état, la première chose que j'avais demandée était l'état de ma famille. Mon coeur qui s'était stoppé d'angoisse avait repris de plus belle quand on m'a annoncé qu'ils allaient bien, qu'ils ne souffraient que de légères blessures. Je ne pourrais décrire à quel point j'étais soulagé.

Une fois de nouveau tous ensemble j'ai de nouveau pris Sheryl dans mes bras, sans qu'on me supplie de le faire, sans que je sois forcé, je l'ai prise naturellement contre moi et elle s'est mise à pleurer, j'ai suivi. Je ne pleurais presque jamais, c'était tellement rare, pourtant tout comme elle j'ai pleuré tous les larmes de mon corps, comme un enfant, intarissable et inconsolable. Les Médico-mages nous ont tous gardés pendant quelques jours afin de vérifier que tout allait bien puis ils nous ont renvoyés chez nous. Du moins, ce qui en restait. En discutant avec des voisins eux aussi sorciers nous pûmes comprendre ce qui s'était passé. Un groupe de mages noirs avait organisé un raid sur notre quartier qui était habité en grande partie par des sorciers de sang-mêlé et des né Moldus, d'où le terme "nettoyage" dans leur discussion. Nous avions été chanceux, car les Aurors étaient vite intervenus et avaient attrapé certains des criminels. Néanmoins d'autres eurent bien moins de chance, un couple avait été froidement tué, d'autres avaient tout simplement disparu. Notre quartier tranquille était devenu un théâtre de destruction et d'horreur en l'espace d'une simple soirée. Une soirée que je n'étais pas prêt d'oublier, pas plus que ce tatouage que j'avais aperçu.

Cet évènement avait orienté mon choix de carrière. Je voulais être en mesure d'aider les personnes blessées ou souffrant d'un quelconque mal alors j'avais choisi la médecine magique comme voie. J'ai beaucoup voyagé, afin de m'ouvrir l'esprit, de voir des choses différentes et surtout d'apprendre, d'emmagasiner le plus de connaissances possible, malgré ce monde en plein conflit et changeant.