1966 – dix ans. Les cliquetis de la pendule résonnent dans l'immense pièce, mélangés à ceux des gouttes de pluie tombant sur le toit, ruisselant sur les murs. Le pays venait d'être recouvert d'un mentaux grisâtre et frais, laissant alors les rues vides et une atmosphère de mélancolie chez les habitants. Un feu crépite et joue de ses flammes dans un coin, tenant la famille au chaud dans leur petit manoir. Les pieds balançant sous la table, c'est avec amertume que la petite fille à peine âgée d'une dizaine d'année repousse les légumes dans un coin de son assiette. « Isyle-Grace Odeline Barjow. Je te recommande de les manger si tu veux garder une bonne santé. » La voix de sa mère éclate dans la grande salle à manger ornée par de vieux portraits des ancêtres familiaux. Le regard de son père, lui, installé dans le fauteuil un journal à la main, pose un regard insistant sur son visage angélique. Mais elle ne veut pas. Elle ne veut pas les avaler, pas ceux-ci. La mine boudeuse, elle ne proteste pas plus et se laisse bercer par ses pensées enfantines tout en se ressoudant à les manger un par un. À cet âge, la brune aux cheveux bouclés ne revendique pas les propos de ses aînés. En réalité, elle n'a jamais eu ce sentiment de courage pour le faire. Isyle est enfermée dans une bulle, dans son cocon depuis qu'elle a su faire ses premiers pas. À l'écart de la vie réelle, elle ne se rend pas compte du pouvoir qui demeure entre ses mains. De l'ambition qui se traîne de génération en génération, laissant le voisinage perplexe. Elle ne se rend pas compte du monde qui l'entoure, de son potentiel. Ses parents continuent pourtant de lui présenter leurs idéaux tous les soirs avant d'aller se coucher, leur héritage dont il n'est pas nécessaire de cacher et bien plus. À dix ans, la Barjow ne comprend pas. Elle ne fait qu'hocher la tête de façon innocente, se contentant alors d'imaginer autre chose. Une chose plus distractive pour une gamine. C'est à s'en demander si, un jour, à son tour, elle vient à admettre sa place dans ce cercle conjugal et reprendre le flambeau de la famille. Jetant discrètement une œillade à ses sœurs jumelles qui ne sont encore que des bébés, la réponse ne fut pas difficile à deviner.  
Elle est l'héritière des Barjow, les pieds balançant sous la table, les yeux contemplant la pluie.

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1969 – treize ans. « Wellington ! Wellington ! » Attrapant la manche du garçon d'une main, l'autre portant un bouquin, elle se met à sa hauteur avant de continuer sa route à ses côtés. Serrant le tissu entre ses doigts frêles, c'est comme si la jeune brune ne souhaite plus le lâcher. De son prénom Lawrence, il est la première personne sur qui Isyle-Grace a jeté son dévolu. Le premier ami, le premier repère dans l'enceinte de l'école de magie. À son arrivée, il y a deux ans de ça maintenant, la Barjow n'avait pas fait l'unanimité auprès de ses camarades. Seule sa grande ambition et son goût d'obtenir tout ce qu'elle veut, peu importe par quel moyen, la sauvée et placée dans la maison brodée de vert et d'argent. Mais elle ne leur ressemble pas, pas complètement. Elle ne se voit pas au travers de leur personnalité, ce qui a toujours rendue la sang-mêlée réticente face à certaines situations. Le complexe l'habitait, enviant les plus belles filles de l'école, enviant leur vie, enviant cette nature qui font d'elles des personnes existantes. Isyle était plus celle que l'on pointait du doigt, que l'on jugeait à cause de sa préférence vestimentaire peu séduisante ou à cause de ses lunettes rondes qui habillait son visage. Parfois, la nature du sang qui coule dans ses veines remettant les purs en question. Ils ne se retenaient pas de lui faire remarquer son intrusion parmi eux. Et pourtant, elle ne disait jamais rien, bien trop effrayée de faire face aux bourreaux qui sont capables de tout. Elle préférait se taire, gisant dans le silence même si le feu continuait de brûler en elle.
Jusqu'au jour où il est apparu, où il l'a eu la bravoure de la protéger. Lui, son seul ami. Les cheveux mêlés de façon désordonnés, le minois presque sérieux aux premiers abords, la parole rassurante. C'est de cette manière que la brune a fini par s'y faire, se trouver une place parmi les autres. Malgré leur différence d'âge, la cadette a su trouver protection et réconfort auprès d'un Serpentard différent de ceux que l'on connait tous. À treize ans révolu, Isyle avait besoin de ça. Ce besoin d'être accroché à une personne qui saurait l'accompagner dans ses études. L'indépendance ne s'était pas encore manifesté chez elle et, à ses yeux, c'était à lui, à Lawrence, de prendre ce rôle. Un rôle de frère ainé. Le sourire lui est rendu, cette envie d'apprendre aussi et l'inquiétude de se lever tous les matins fini par s'estomper peu à peu.  
« Rien. Juste... merci, » fait-elle entendre de sa voix cristalline à peine plausible, le sourire aux lèvres. Un remerciement pour être là. Un remerciement pour ce le garçon de dix-neuf ans lui donne. Lâchant avec délicatesse le vêtement de l'ainé, elle continue sa route entre les murs de Poudlard pour ne pas rater son prochain cours.

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1973 – dix-sept ans. Il lui a fallu peu de temps pour qu'Isyle apprenne à s'affirmer et assurer une vengeance envers ses démons. Envers ceux qui ne l'ont pas rassuré suite à son entrée à Poudlard, envers ceux qui lui riaient au nez pour un oui ou pour un non. Le temps d'un été, les vacances de cette même année, l'héritière de la famille a appris à vouloir être celle dont elle a toujours voulu. À être celle qui, dorénavant, ne se laissera plus marcher sur les pieds. Passant d'une tignasse brune à blonde, la Barjow ne passe plus aussi effacée qu'à ses premiers jours. Des courbes adoucies, la fameuse paire de lunette disparue, la jeune fille revit sous une nouvelle forme quasi comme un phœnix renaissant de ses cendres. Il est vrai que cette période a fini par affecter son entourage qui n'a pas accepté pas de voir la petite fille douce et silencieuse devenir une femme déterminée et sans limite. Mais Isyle-Grace n'en n'avait plus rien à faire. Les mots, les paroles, les critiques lui passent au-dessus de la tête depuis ce jour-là. Tout ce dont elle voulait, c'est être une véritable serpentarde, une véritable Barjow et, ce, peu importe la nature de son sang ou de son passé folklrique.

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1976 – vingt ans. Passant les mains sous l'eau chaude du robinet, elle vient ensuite les frotter sur son visage tout en essayant de ne pas faire couleur le reste du maquillage autour de ses yeux et de sa bouche. Son reflet dans la glace dévoile une mine contrariée et peu convaincue par la décision menée par les parents. La décision de porter une robe blanche et lustrée, de porter un sourire à la recherche du bonheur, d'être damnée à un homme qu'elle ne connait à peine. Un mariage. Un stupide mariage, se laisse penser la jeune femme. Isyle n'a jamais donné son accord pour une union aussi discordante. Elle n'a jamais voulu faire comme les autres en suivant les traditions des grandes familles, de leur offrir une nouvelle progéniture pour la survie du nom et ne plus pouvoir se faire entendre. Et, ce soir, dans quelques minutes à peine, elle va devoir y faire face sans avoir un mot à dire. Elle se verra enfiler la bague au doigt, signe de l'événement promu et uniquement disloqué par la mort. L'idée de refuser à vive voix durant la cérémonie principale lui travers l'esprit, mais le regard des autres prennent facilement le dessus. Elle ne veut plus passer par-là, par ces moments de doute, ces moments où tout ce qui l'entoure se permet de la toiser de haut en bas. C'est un véritable poids qui pèse sur ses épaules. Mais en aucun cas elle n'abandonne. Peu importe comment, la Barjow allait avoir son dernier mot.  
C'est de la pure folie. Une folie dont elle peut risquer gros. L'improvisation en est le secret.  
Rejoignant une nouvelle fois le cœur du manoir, là où les invités dansent et où la musique retentit, la blonde s'accapare d'une coupe de champagne avant de rejoindre son amant qui venait d'abuser sur les apéritifs et les boissons. Ses yeux se lèvent en direction du ciel. Elle venait soudainement de comprendre pourquoi elle ne voulait pas de lui, le rejetant comme la peste. Tout semble pourtant être clair. Focalisée par ce qu'elle veut, Isyle-Grace ne fait plus attention entre ceux qui la complimentent sur sa beauté et les autres qui veulent la féliciter. Elle n'en n'a que faire et la tentation de tous leur demander d'aller voir ailleurs la démange. Arrivée à la hauteur de l'homme, un second en extase face aux mélodies des instruments la bouscule, renversant la coupe sur elle, mais aussi le principal intéressé de cette soirée qui n'a pas su garder l'équilibre. Tout s'est passé rapidement, beaucoup trop pour qu'elle puisse à peine réaliser que sa prière a été entendue. L'impact n'a duré que quelques secondes et, malgré tout, le fiancé bascule de l'autre côté de cette petite barrière par plus haute qu'un mètre dont les aînés Barjow devaient faire remplacer depuis la naissance de leurs filles. Une poupée de chiffon. Le verre se brise et les mains rejoignent à ses lèvres. Un silence de plomb survole la salle, laissant tout le monde dans le déni. Avant que certaines succombent à la panique, personne n'a pu deviner le sourire en coin de la femme libre qui se cache derrière ses doigts.  
Les jours qui ont suivi n'ont pas été si simples. Les questions et les révélations de la justice ont fini par la rendre plus forte, plus maligne. Faire semblant d'être autant attristée par la mort de son fiancé n'a été qu'un jeu d'enfant. Les accoutrements sombres n'ont été qu'une routine de quelques mois avant de se libérer complètement de ses chaînes. L'affaire a été classée comme un accident.
Entre nous, la Barjow n'a jamais été plus affectée que ça.

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1979 – vingt-trois ans. Les formes voluptueuses, le tailleur assigné à la perfection à son corps, la chevelure remontée en chignon, la démarche déhanchée, Isyle-Grace a mis fin à ses études de justice avant les vacances d'été afin d'obtenir un poste à la cour du ministère de la magie. Persuadée d'être prête à entrer dans la vie active, elle n'a pas perdu de temps avant de devenir une personne d'autonome. Elle a délaissé les soucis de ces dernières années pour se consacrer pleinement à son nouveau métier. Le divorce de ses parents, le décès de son fiancé, les conséquences... plus rien ne semble l'affecter. Pas même l'apparition de son patronus il y a une année de ça.  
Le deuxième évènement marquant est certainement l'acceptation de son adhésion au cercle des mangemorts. Lors de son adolescence, elle s'est laissée sombrer par les idéaux de ses parents ou des personnes pratiquant les mêmes intérêts de son entourage. La folie a remplacé la raison, laissant alors la blonde être bernée par un monde sans aucun sens. Tout ce dont elle voulait, c'était de rendre fiers ses parents. De rendre fiers ceux qui se trouvent au-dessus de ses aînés, ceux qui étaient là avant elle. Puis elle l'a fait. Son avant-bras gauche est dorénavant habillé de la marque des ténèbres. L'encre coule sous sa peau, donnant cette quasi impression d'être puissante. D'avoir gagné un certain pouvoir. Seulement, ce n'est pas encore gagné. Voulant préserver sa réputation envers ses plus proches amis, son meilleur ami plus particulièrement, Isyle s'obstine à la masquer avec des produits moldus ou sorciers.
« Quand comptes-tu la laisser à l'air libre ? » Le son rauque de la louve fait écho tandis que son regard se pose sur la chaire humaine. « Bientôt, la louve. Sois patiente. »


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1980 – vingt-quatre ans. Le bras autour des épaules de sa sœur, les lunettes cachant ses yeux rougis par les larmes, Isyle-Grace assiste, à cette date, à l'enterrement de la plus jeune des jumelles. L'affaire du Poudlard Express, des morts et des blessés, des accusations envers les mangemorts alors que les fautifs ne sont qu'un groupe d'élèves partageant les mêmes idéaux que ces derniers. Bien qu'elle partage les mêmes intérêts qu'eux, c'est une perte qui marque son égo. Une perte qui, au bout de quelques semaines seulement, lui est passé au-dessus de la tête. La jeune femme considère ne pas avoir le temps de pleurer sur les tombes des autres, que cela ne sert à rien et qu'ils ne reviendront de toute façon pas à la vie. Depuis, elle n'oublie pas de soutenir sa cadette, de faire la part des choses, mais ça ne la rend pas plus vulnérable. Bien au contraire.

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to be continued...