Le chapeau rapiécé se tut et redevint immobile. Augurey avait longtemps attendu d’entendre la fameuse chanson du Choixpeau Magique. Ses parents lui en avaient déjà parlé, bien sûr. Hier encore, à la veille de son départ, Augurey leur avait encore fait réciter les rimes dont ils se souvenaient. « Si vous allez à Gryffondor, vous rejoindrez les courageux, les plus hardis et les plus forts sont rassemblés en ce haut lieu. » lui avait récité son père. « La passion de Serdaigle envers l’intelligence, animait son amour des bienfaits de la science. » avait chanté sa mère. Chacun avait été évidemment marqué par les vers de leur propre maison. Et chacun était persuadé qu’Augurey y finirait. Son père la voyait chez Godric : elle prenait toujours des risques inconsidérés lorsqu’elle avait une idée en tête. Sa mère ne jurait que par Rowena : Augurey avait toujours le nez dans un bouquin.
« Dearborn, Alexis » fût appelé. Le jeune homme vint s’assoir et l’on posa le Choixpeau sur sa tête.
La jeune sorcière rousse se retourna vers la table de Gryffondor et trouva le visage de Meliès, qui lui fit un signe de la main. Augurey lui sourit, puis ses yeux se tournèrent vers la table des Serpentards. Elle savait pertinemment qu’elle n’irait ni à Gryffondor ni à Serdaigle. Elle irait rejoindre Fenrir chez les verts et argents. Elle irait dans la maison de Merlin, le plus grand de tous les sorciers. Augurey fit un signe de la main à son beau-frère alors queLannister, Angharad était envoyée à Serdaigle et que McLeod, Delilha venait poser le Choixpeau sur son crâne. Les noms défilaient lentement le long des lettres de l’alphabet… « Queen », « Saint-Saëns », « Shacksfil »… et enfin…
« Weasley, Augurey… » Quelques élèves pouffèrent dans son dos.
La bulle d’excitation et de joie dans laquelle elle s’était trouvée éclata soudain sur elle comme une fine pluie de honte. Elle avait oublié que son nom serait lu devant l’école entière. Une énième fois, Augurey maudit ses parents de lui avoir donné un prénom si ridicule. Elle s’assit sur la tabouret, face à l’immense foule d’élèves, de laquelle s’élèva un long sifflement, semblable à celui de l’oiseau dont elle portait le nom. Elle n’eut pas le temps d’en repérer la source que le Choixpeau tomba sur ses yeux.



Augurey faisait partie de ces élèves dont les Patronus n’avaient pas été touchés par la peste. En deuxième année de recherche, elle était en pleine étude des patronus afin de comprendre leur origine, et peut-être, la cause de leur mal. Myrdhin l’y aidait beaucoup.
« Tu ne t’attendais pas réellement à ce qu’ils acceptent… » A mi-chemin entre la question et l’affirmation. Le paon déambulait à ses côtés, ses longues plumes colorées balayant les dalles du couloir du deuxième étage.
« C’est tout de même scandaleux que nous soyons tous victimes de leur sort foiré et que l’on ait même pas le droit d’en savoir plus sur quel type de sort il s’agissait exactement ! Des patrnous meurent !!! » L’exclamation d’Augurey ne demandait aucune réponse. Elle savait que Myrdhin partageait sa colère et sa peur. Elle ne faisait qu’exorciser la fureur qu’avait causé la réponse négative du Ministère à sa demande d’enquête dans le cadre de ses recherches.
« Tu n’en as pas réellement besoin. Il y a d’autres pistes à étudier. » La voix grave et sage de son Patronus avait la douceur de l’eau fraîche sur une brûlûre. Augurey se demandait souvent si une telle sagesse pouvait réellement venir d’elle. Elle remerciait tous les matins les étoiles qu’il aille toujours bien.
Arrivés à l’infirmerie, un Médicomage attendait les élèves immunisés. Il faisait sans doute partie de l’équipe de chercheurs qui travaillaient avec Samuel Shacklebolt, se dit Augurey avec une certaine excitation. Elle avait entendu parler de prises de sang pour tenter de trouver un remède. Tout ce qu’elle souhaitait, c’était que cela pourrait aider Fenrir à temps. Il en était au second stade de la maladie. Il avait déjà perdu ses parents. Elle ferait tout ce qu’elle pouvait pour qu’il ne perde pas son patronus également…
« Bonjour, Mademoiselle. Asseyez-vous. Je vais d’abord vous poser quelques questions si cela ne vous fait rien… Votre nom et votre âge pour commencer. »
« Augurey Weasley, 20 ans. »
« Avez-vous été malade dans les derniers mois. »
« Mhmh. » répondit-elle en secouant la tête.
« Même pas une simple toux ? »
« Je prends du cynorrhodon, du ginseng et du propolis à chaque début d’hiver. Je ne tombe quasiment jamais malade… » expliqua Augurey non sans un peu de fierté. Elle aimait exhiber les pouvoir bénéfiques de ses plantes.
« Bien. Pas de blessures cutanées récentes ? »
A cela, Augurey prit le temps de réfléchir, repassant soigneusement chaque partie de Quidditch des dernières vacances dans sa tête, chaque moment de jardinage.
« Non… » Regard incertain à son patronus, qui confirma d’un signe de tête. « Non. » Plus assuré.
« Bien. Remontez votre manche et allongez-vous. » Augurey s’éxécuta.
Tandis que le Médicomage lui serrait un élastique autour du bras et préparait l’aiguille, Augurey regardait autour d’elle. Il y avait trois Gryffondor, un Serdaigle et un Poufsouffle. Aucun Serpentard. Peut-être y en avait-il eut avant… ou qu’il y en aurait après qu’elle soit venue.
« Donner leur précieux sang pur à des malades ? » Mydhin était toujours là pour lui rappeler la pensée qu’elle cherchait à ignorer.
« Il n’auront peut-être plus le choix quand ils tomberont malade et devront recevoir le sang de quelque de moins pur… » Augurey aurait presque été amusée, mais elle ne souhaitait à personne, pas même au plus cruel des puristes, de tomber malade…
« Vous pensez vraiment que la maladie se passe par le sang ? » demanda-t-elle au Médicomage. « Je croyais que le Patronus était le reflet, sinon une partie de notre âme. »
« Les recherches se poursuivent toujours, mademoiselle. » répondit simplement le Médicomage, les yeux posés sur le second flacon de sang qui se remplissait. Augurey ne poussa pas plus loin, mais le Médicomage du sentir sa frustration.
« Nieriez-vous que l’âme est intrinsèquement lié au corps ? »
« Non… » admis la sorcière.
« Alors pourquoi la Peste des Patronus ne serait-elle pas liée à un élément corporel ? »
« Les Patronus eux-mêmes sont devenus corporels, après tout. » réalisa Augurey en se traitant d’idiote de ne pas avoir étudié cette piste-là plus tôt.
« Je t’avais dit qu’il y avait d’autres pistes. » lui rappela Myrdhin, toujours la voix de la raison. Augurey lui fit une grimace de mauvaise foi et se tourna de nouveau vers le Médicomage, qui en était à la moitié de son troisième flacon de sang.
« Je suis en deuxième année de recherche. Je me concentre sur l’Etude des Moldus cette année… »
« Ah vraiment ? Je tâcherai de suivre vos travaux, alors ! » lui dit le Médicomage en fermant le dernier flacon. Augurey savait qu’il n’en ferait rien, mais trouvait tout de même l’attention gentille. « Et bien nous avons fini Mademoiselle. Allez boire de l’eau et mangez quelque chose, puis reposez-vous. »
« J’espère que vous trouverez un remède bientôt. » Une ombre inquiète et triste passa sur leur sourire poli. Une compréhension mutuelle muette semblait s’être installée entre les deux chercheurs.
« Je l’espère aussi… »



« Les astres ont une influence certaine sur notre magie. Nul sorcier n’oserait cueillir les plantes destinées à sa potion sans d’abord consulter son calendrier lunaire. Les premiers sorciers utilisaient la divination pour annoncer les grandes migrations et les changements de saisons d’après la position des étoiles alors que nous n’étions encore que des hommes des cavernes, sorciers et moldus confondus. Les plus grands alchimistes même, responsables des plus grandes avancées en matière de sorcellerie, ont dû associer chaque métal à une planète afin de trouver le grand œuvre, la pierre philosophale : le mercure pour Mercure, le cuivre pour Vénus, le fer pour Mars, l’étain pour Jupiter, le plomb pour Saturne, l’argent pour la Lune, et l’or pour le Soleil. La métamorphose, art incontesté des sorciers, est le procédé qui nous a amené de la création de l’univers au monde tel que nous le connaissons. Les astres sont omniprésents en matière de magie. Il serait plus juste de dire que la magie est au cœur des astres. C’est une faute typiquement sorcière, et humaine, de se croire au centre de l’univers. Mais si nous tenons réellement à comprendre et exprimer la pleine puissance de la magie, c’est dans l’espace que nous devons aller la chercher. Les moldus s’y sont déjà rendus à maintes reprises. A quand notre tour ? »
De l’origine de la magie et l’univers en expansion des sorciers,
1ère année de Recherche à Poudlard, Ecole de Sorcellerie,
A. Weasley, 1981.

« Voilà quatre ans déjà que notre âme a pris forme corporelle en un compagnon animal inséparable de notre essence même. La compréhension de son apparition ne peut se faire sans une étude approfondie du sortilège qui en aurait été la cause. Le Ministère de la Magie restant secret sur ce sujet, peu de pistes s’offrent à nous…
Commençons par tous les procédés connus par lesquels un corps peut en devenir deux. S’agit-il de séparation, ou de reproduction ? Si nous parlons de séparation, est-ce par dislocation par manque d’attraction d’un élément intérieur, semblable aux Horcuxes ? Par distillation, semblable à certaines potions ? Ou la force d’attraction d’un élément extérieur ?
Si nous parlons de reproduction, est-elle artificielle, tel le Sotilège de Duplication, ou naturelle, un nouveau stade de notre évolution ? Le fait que l’apparition des Patronus aient concordés avec un élément déclencheur, le sortilège du Ministère, élimine l’évolution naturelle. Et l’assurance qu’aucun des jeunes sorciers concernés n’ait été directement touché par le sortilège élimine la duplication artificielle. L’apparition des Patronus est donc due à une séparation de l’âme. Sans avoir été directement touché par le précédemment mentionné sortilège, il est tout aussi invraisemblable qu’il ait d’une quelconque manière diminué ou détruit quelconque élément chez le sorcier lui permettant de conserver son âme entière. Il ne s’agit pas de dislocation. La nature même du sortilège, de ce que nous en savons, est éphémère et instantané. Les sorciers n’y ont pas été exposés suffisamment longtemps pour qu’une distillation, qui un procédé long sur la durée, puisse se faire. La seule hypothèse restante permettant d’expliquer l’apparition des Patronus est la force d’attraction.
C’est une phénomène connu et fréquent dans notre univers. Un premier objet en frôle un autre, et leurs forces gravitationnelles respectives les dévient chacun de leur trajectoire. Dans certains cas, l’attraction est telle qu’elle arrache une partie de l’un des corps, donnant naissance à un troisième objet, qui restera en orbite autour de celui qui lui a donné naissance. C’est ainsi que la puissance du sortilège du Ministère aurait attiré et arraché une partie de l’âme des jeunes sorciers, et donné naissance à nos Patronus. »
Patronus, notre satellite astral.
2ème année de Recherche à Poudlard, Ecole de Sorcellerie,
A. Weasley, 1982.

« Mais qu’est-ce qui m’a pris d’écrire ça, je vais pas bien ! » se morfondit Augurey au souvenir de son devoir de deuxième année, ramenant ses cheveux sur son visage comme si cela pouvait l’arbiter de son sentiment de honte.
« Tu n’avais pas d’autre choix que de le rendre tel quel, c’était la fin de l’année. Personne n’aurait pu faire ce type de recherches en neuf mois. » Myrdhin faisait de son mieux pour soutenir sa sorcière dans son accès d’autodestruction. Il savait que cela allait lui passer d’ici quelques minutes, heures tout au plus. « Tu devrais continuer. Même ta professeur te l’a dit. »
« Tu te rends compte qu’elle va l’envoyer au Ministère ? Je vais être la risée de toute la communauté scientifique ! » Augurey sentit des larmes lui monter aux yeux. Comment avait-elle jamais pu se croire brillante ? Quelques semaines plus tôt, elle était parvenue à finir la rédaction de son grimoire à temps, et en avait été très fière. Puis les résultats de l’équipe de Samuel Shacklebolt étaient également arrivés. Les anticorps étaient la solution. Il fallait guérir le patronus, non pas le sorcier. Comment un anticorps pouvait guérir l’âme ? Comment le Patronus pouvait-il à ce point agir sur le sorcier ? Les résultats avaient soulevé tant de questions qu’Augurey avait réalisé qu’elle avait été très loin d’avoir fini ses recherches, et n’aurait jamais dû rendre à son professeur ce qui était très vraisemblablement faux. C’était une imbécile ! Elle n’aurait jamais la force de se confronter à ses professeurs à la rentrée. Elle préférait disparaître. Partir à l’étranger. Nulle part ne serait suffisamment loin pour fuir son abhoration d’elle-même. Elle ne savait pas ce qu’il l’empêchait de rouler le long du toit et de se laisser tomber, là, maintenant.
« Arrête un peu ! » Augurey entendit les plumes de Myrdhin fendre l’air et ses griffes lui fendre la peau de la main gauche.
« Aïe ! » protesta violemment Augurey en se redressant pour saisir sa main. « Tu m’as fait mal ! »
« Tu voulais te faire du mal à toi-même. Je n’ai fait que te montrer que ce n’était pas ce que tu voulais. »
Il avait raison. Augurey n’avait pas plus qu’une fine marque sur sa main, mais cela n’avait pas été agréable pour autant. La jeune sorcière regarda autour d’elle. C’était son endroit préféré. Le toit du terrier, juste au-dessus de la fenêtre de sa chambre. Le ciel étoilé était magnifique. L’air d’été était doux et les parfums des fleurs nocturnes emplissaient l’air. Oui, elle avait été une imbécile. Une imbécile de s’en faire autant pour si peu. Son œil fut attiré par une ombre rousse dans le ciel…
« Ça commence… » murmura-t-elle avec un respect quasi-religieux.
La lune, peu à peu, se couvrait d’une ombre rougeâtre circulaire. Augurey avait attendu cette éclipse lunaire toute l’année. Plus rien n’avait soudain plus d’importance. La Peste des Patronus. La pureté du sang sorcier. La guerre. A plus de trois mille kilomètres de là, la lune passait dans l’ombre de la terre, comme elle l’avait fait pendant des siècles, et comme elle continuerait à le faire des siècles après eux. Imperturbable… La beauté de la danse astrale lui coupait le souffle. Pas le moindre battement de cœur ne venait rompre le silence de la lune se déplaçant, lentement, régulièrement, harmonieusement, dans l’ombre de la terre. Quelle précision infinie dans cette position qui faisait que les diamètres de la terre, de la lune et du soleil se correspondaient parfaitement, dans chacune de leurs éclipses. Ca y était. La lune était entièrement rouge. Les astres étaient totalement alignés.
« La lune est aussi rousse que toi… » releva Myrdhin.
Augurey cilla, se redressant lentement, l’excitation tendant ses muscles un par un alors qu’une idée traçait son chemin dans l’intellect de la sorcière. Une hypothèse qui tenait la route…
« Myrdhin, tu sais pourquoi la lune est rousse… »
Bien sûr qu’il le savait. Ils partageaient la même âme. Mais Myrdhin savait que sa sorcière avait besoin d’exprimer ses déductions à voix haute pour les structurer.
« Dis-le moi. »
« La lumière du soleil est blanche. Elle contient toutes les couleurs. La lune est blanche aussi parce qu’elle nous renvoie la lumière du soleil dans son intégralité. Mais quand la lune passe dans l’ombre de la terre, elle reçoit la lumière filtrée par notre atmosphère. Le bleu passe à travers notre ciel, et le rouge est renvoyé, et atteint la lune… » Augurey ne quittait pas les étoiles des yeux, laissant libre cours à sa pensée. « Mars est rouge, à cause de son sol ferreux. Vénus est jaune à cause son atmosphère sulfurique… » De ses lectures d’enfance, les grands chercheurs moldus lui revenaient en tête. Newton, Ritter, Fraunhofer… « Donne-moi ton spectre et je te dirai de quoi tu es fait… » Augurey se tourna vers son patronus. C’était le moment de mettre sa théorie à l’épreuve. « Les scientifiques moldus ont déterminé les composants des atmosphères des autres planètes en analysant leur couleur… Pourquoi ne ferait-on pas pareil avec les patronus ? Pourquoi ne ferait-on pas pareil avec les sortilèges ? On pourrait trouver de quoi ils sont faits ! On pourrait savoir quels éléments sont communs aux sorciers et aux patronus ! De quoi est fait leur lien ! On pourrait savoir de quoi la magie est composée ! » Augurey s’était levée, transportée par ses idées. « Découvrir les composants de la magie… Tu imagines, si on prouvait que la magie ne venait pas du sang, la claque que ce serait à tous ces puristes ! »
« Méfies-toi, sorcière… » murmura son patronus. « On pourrait bientôt voir la première sorcière brûlée par ses pairs… »