« MAMAAAAAAAAAAAAAAN ! » La fillette qui s'époumone au beau milieu du jardin a à peine 6 ans. Elle porte un ciré jaune, des bottes en plastique assorties et le bleu de ses yeux ressort étonnamment derrière la boue qui macule tout son visage. Sa mère accourt aussitôt, alarmée. Il est seulement dix heures du matin, et elle est déjà épuisée. Sa fille unique, en deux heures, a déjà teint le chat en violet (elle avait pourtant veillé à mettre la peinture hors d'atteinte de la fillette … elle a dû se tromper) et renversé une petite de dizaine de pots de fleur en essayant de jouer à ne pas toucher le sol et éventré un tableau. Une tornade cette gamine, Myriam n'a aucune idée d'où elle tient ça. Parfois, elle voudrait juste remonter le temps et revenir à l'époque où son seul souci était de vendre ses toiles représentant Londres, sa ville natale, avant même de rencontrer Nathan. Et puis elle baisse les yeux vers sa princesse, avec les cheveux bruns déjà longs et épais, emmêlés dans une tignasse qu'elle aura beaucoup de mal à démêler. Ses yeux bleus étincellent, et Myriam se dit qu'en fait, elle est la maman la plus chanceuse de la terre. « Regarde, j'ai trouvé un crapaud, et si on l'élevait et on le dressait pour protéger la maison ? » Myriam étouffe une exclamation d'horreur.
Nathan, le front plissé, examine l'air vaguement inquiet de la maîtresse. Il paraitrait que sa fille Swann soit capable de déplacer des objets par la pensée et joue des tours à ses camarades. N'importe quoi, cette pauvre femme est en plein délire, elle ferait mieux de prendre sa retraite au lieu de prendre des enfants sous sa responsabilité ! Ces derniers se balancent probablement des stylos entre eux quand elle a le dos tourné. Vraiment, il ne voit pas pourquoi il est là et reporte son attention sur l'horloge au-dessus du tableau. Tic, tac. Encore 10 minutes à promettre qu'il va rectifier le tir avec sa fille, et il est dehors.
« Alors, c'était pour quoi ce rendez-vous ? » Nathan embrasse distraitement sa femme. « Oh rien, je crois juste qu'elle a pris Swann en grippe. Sérieusement, elle se fait vieille cette pauvre dame. »

C’est les vacances d’été. Nathan est très pris par son travail au sein de l’hôpital. Il est chirurgien. Pendant ce temps-là, Swann, elle s’amuse comme une folle. Du haut de ses 10 ans, elle va tous les jours à la mer. Elle aime les dégradés de bleu, parfois vert, et les arbres qui se plient au vent. Par tous les temps, elle descend jouer dans le sable, s’initie à la voile ou au surf, sauf quand sa mère estime que le temps est vraiment trop mauvais. Ces jours-là, elle va voir son grand père, et lui confectionne des cookies. La moitié du temps, ils sont ratés, mais il s’en fiche. Il adore sa petite-fille, son caractère effronté et décomplexé, son innocence. Il aime lui raconter des histoires qu’il invente sur le tas, et la voir écouter avec attention, les yeux légèrement plissés, attentive au moindre détail.

C’était un jour pluvieux comme ceux-là que ça s’est passé. Swann descend gaiement l’allée pavée qui mène jusque chez son grand père, un sachet de bonbons à la main. C’est le premier été où elle a le droit de parcourir les cinq cent mètres qui séparent sa maison de celle de son aïeul, elle se sent importante. Il pleut à verse, Swann s’amuse à sauter dans les flaques d’eau, les nuages noirs s’amoncellent au-dessus de sa tête. L’orage gronde, sans pour autant déverser sa fureur sur la petite ville Bretonne dans laquelle elle vit. Pas un éclair n’est encore venu déchirer le ciel. Sur le chemin, en passant devant une petite maison au toit d’ardoise, elle tend la main et cueille une jolie fleur sur la plante grimpant le long du muret. Le propriétaire de la maison ne s’apercevra jamais qu’il lui manque une fleur, et elle fera plaisir à son grand père. En observant cependant l’hortensia, elle se dit que le bleu pâle était probablement un peu tristounet. À peine s’est-elle fait la réflexion que déjà, la fleur devient d’un orange éclatant, tranchant nettement avec les nuances de gris du paysage. Swann a un léger sourire, quoique un peu amer. Elle a toujours su qu’elle avait quelque chose de spécial par rapport aux autres, bien qu’elle ait très vite compris qu’il valait mieux le cacher. Déjà, pour récupérer les bonbons hors de sa portée, elle arrivait à faire tomber le pot du haut de l’étagère. Sans le toucher. Bien que le potentiel de ce savoir-faire l’amuse beaucoup, elle a toujours été vaguement inquiète d’être différente. Elle n’en a jamais parlé à personne, excepté son grand père. Elle lui fait confiance pour ne rien révéler à personne. Toute à ses réflexions, elle ne remarque pas la personne derrière elle. « Tu ne dois pas utiliser ta magie avant d’être admise à l’école, fillette, tes parents ne te l’ont donc jamais expliqué ? Et si un moldu te voyait ? » Il lui a saisi le bras pour attirer son attention, mais cette phrase fit l’effet d’un électrochoc sur la jeune fille. * Ne parle jamais à des inconnus *. Elle fait volte-face, regarde l’inconnu avec de grand yeux pleins d’effrois et, sans réfléchir, lui assène un coup de pied bien senti … Droit dans les parties intimes. Il se plie en deux. Elle rentre en courant chez son grand père. Ce n’est que lorsqu’elle se sent en sécurité qu’elle réfléchit au sens de ses paroles. Moldu ? Magie ? De quelle école parlait-il donc ? Elle décide de demander à la seule personne à qui elle se confie : « Papi, c’est quoi un moldu ? »

Le vieil homme soulève un sourcil. Jamais il n’a entendu ce mot. « D’où est-ce que tu le tiens ? ». Sa petite fille réfléchit un instant, et s’assoit avec sérieux sur le canapé. « Un monsieur m’a dit dans la rue que je ne devais pas utiliser ma magie pour ne pas qu’un moldu la voit. Ça veut dire que j’ai vraiment des pouvoirs magiques ? » Son coeur fait un saut périlleux dans son ventre et, pour un instant, il craint pour la santé mentale de la petite fille, avant de se ressaisir. De un, un adulte l'a abordée dans la rue. Ça sent le sapin tout ça. Désormais, il la raccompagnera chez elle tout le temps. De deux, c'est quoi cette histoire, bordel. Il n'a jamais dit à son fils ce que Swann lui a raconté. Il pensait que son imagination débordante lui jouait des tours. Mais si quelque chose du genre magique se profile, il faudra mettre ses parents au courant ... Et surtout découvrir ce qui se cache derrière tout ça. « Je n'en sais pas plus que toi ... Mais tu pourrais me dire où exactement ça s'est passé ? ». Swann n'a pas le temps de répondre, qu'on sonne à la porte. Il se lève pour ouvrir. L'homme sur le parvis a un air légèrement pincé, et soucieux. Il demande à entrer, pour lui parler. « Etes-vous le tuteur légal d'une jeune fille d'environ dix ans, avec les yeux bleus ? » Bordel, tu lui veux quoi à ma petite fille ? Il résiste à la tentation de refermer la porte au nez, et répond par l'affirmative. Il veut savoir. Et là dessus, l'homme lui explique en quelque phrases qu'il existe un monde magique dont il fait lui-même partie, et Swann aussi, bien que le cas soit rare vu qu'il n'y a aucun ascendant possédant de pouvoir magique dans sa famille. Oh boy. Il lui apprend l'existence d'écoles de sorcellerie où elle fera sa rentrée lorsqu'elle aura onze ans. Elle recevra une lettre, et un membre de l'école viendra expliquer à la famille. Il se tourne alors vers Swann, qui, reconnaissant la voix, s'est timidement approchée. « Je suis désolé de t'avoir fait peur, mais il est évident que tu possèdes des pouvoirs magiques ... Je pensais que tu connaissais déjà l'existence du monde magique, tu comprends ? Mais en attendant, il ne faut pas que tu utilises tes pouvoirs avant d'entrer dans une école spécialisée. Là-bas, tu rencontreras des étudiants ayant les mêmes capacités, et des professeurs, mais en attendant tu dois t'abstenir d'accord ? » Swann hoche la tête, une lueur fière dans les yeux. Elle a des pouvoirs magiques.

La fin de l'été se déroule dans une atmosphère froide, les efforts conjugués de Swann et de son grand père ne suffisant pas à convaincre ses parents, qui restent persuadés que le vieil homme devient sénile et qu'il s'est amusé à mettre toutes sortes d'histoires dans la tête de leur fille. L'année scolaire suivant parait interminable pour Swann. Tous les jours, elle attend des nouvelles du monde magique. Elle n'a presque plus le droit d'aller voir son grand père. L'homme qui lui a appris l'existence de ses pouvoirs est retourné en Angleterre, tant et si bien qu'elle se demande si elle n'a pas rêvé. Lorsqu'enfin, quelqu'un se manifeste, elle vient d'avoir onze ans. C'est le début du mois de juillet, et c'est un professeur d'une école appelée "Beauxbâtons" qui sonne un soir. Ses parents tombent des nues. Swann trouve enfin sa place.

Cela fait quatre ans que Swann a appris l’existence du monde magique. Quatre ans à regarder, bouche bée, les splendeurs que lui offrent son école dans le sud de la France. À apprendre à se servir de sa baguette magique. À découvrir sa force. Au départ timide et effacée, elle a vite pris de l’assurance.Elle est heureuse, assez populaire, et très bonne élève. Elle est avide d’apprendre. Plutôt douée dans les sports magiques, elle intègre une équipe étudiante de Quidditch, où elle s’entraine sans relâche. Elle veut prouver qu’elle appartient au monde sorcier. Qu’elle est ici chez elle, à sa place, malgré son statut de sang, qu’elle cherche à tout prix à effacer.

« Ton père a trouvé une place en tant que chef du service de chirurgie au Royal London Hospital. C’est une opportunité unique, nous déménageons cet été. » Swann sait que sa mère est ravie du job, et de retrouver sa ville natale. Elle-même aime bien Londres, mais … Elle a sa vie en France maintenant, en quelque sorte. Mais ses parents se montrent intransigeants, ils ne resteront pas en France. Reste maintenant la question de sa scolarité à Beauxbâtons. Après concertation avec ses professeurs, ces derniers lui apprennent l’existence d’une excellente école de magie en Angleterre. La jeune fille est déjà bilingue par ses origines maternelles, et son niveau scolaire lui permet de s’intégrer à l’école. À quatorze ans, ses parents préfèrent la savoir plus près. Désireuse de leur faire plaisir, et tentée par l’aventure, elle accepte de changer d’école, école qui a son tour, accepte de la recevoir.

En cinquième année, elle se retrouve à nouveau nouvelle, sans repère. Mais cette fois-ci, elle a au moins pour elle de connaître le monde magique. Le jour de la rentrée, après exactement deux heures à tourner dans la gare pour trouver la voie neuf trois quarts, un professeur la dirige immédiatement vers le bureau du sous-directeur, où le choixpeau décide de sa répartition. Puis, elle rejoint les autres, un peu sur la défensive. L’atmosphère est joyeuse, conviviale, mais le climat général en Angleterre prête à la méfiance. Un élève d'approche d'elle, et commence gentiment à lui parler. Il voit bien qu'elle est nouvelle. Il lui pose un tas de question, sur ses origines, sur sa précédente école. Swann se referme sur elle-même, et répond assez sèchement qu'elle est de sang mêlé, originaire de France. Surpris, le garçon recule et se détourne. Elle ne parlera pas à grand monde pendant le banquet.

Septième année. Swann a maintenant atteint la majorité. Il est temps de décider de son cursus prochain. Particulièrement douée en métamorphose et en sortilèges, elle choisit de se diriger vers la filière médicale, un peu par élimination. Soigner les sorciers paraît génial sur le papier, mais au fond de son cœur, la jeune fille rêverait de se démarquer au Quidditch. Mais ses parents ne l’accepteront jamais. Elle se prépare donc à devenir guérisseuse, regardant avec envie les élèves dans le cursus sport magique. Son père, chirurgien, devrait être quelque peu adouci par cette décision. Ses parents n’ont toujours pas digéré le fait qu’elle soit une sorcière.

Swann observe avec curiosité la sorte de brume qui commence à suivre tous les élèves de Poudlard. What on earth could the be. Une protection ? Ses parents vont faire une syncope si elle n’arrive pas à cacher ça. Oh, et puis de toute façon ils ont encore déménagé, aux Etats-Unis. Elle aura bien le temps de trouver une solution avant de les revoir.