Je ne me souviens pas de la première moitié de ma vie. Tout est flou, c'est étrange, j'ai l'impression que c'est une autre vie. Je ne sais pas pourquoi cela me reviens que maintenant. Je m'appelle Sacha Miller et je ne sais pas qui je suis. Mes parents ne sont pas mes parents, mes deux soeurs ne le sont pas non plus. Et pourtant, je les aime bien plus qu'ils ne se l'imaginent. Ils sont ce que j'ai de plus précieux, à défaut de savoir d'où je viens en réalité. Je suis un gamin adopté et je suis heureux. Je ne peux pas dire que j'ai été malheureux. Loin de là. On a une bonne situation financière, même si je ne vois que peu mon père. Mes soeurs prennent soin de moi, même encore aujourd'hui. Mais, petit à petit, des choses me reviennent. Je crois me souvenir de choses enfouies tout au fond de ma mémoire. Dans un premier temps, je n'y faisais pas attention. Dans un premier temps, je me fichais bien d'avoir été adopté. Ma famille, mes parents, mes soeurs, ce sont eux. Je suis né à Londres, mais j'ai l'impression, que j'ai toujours vécu à Manchester. Cette ville que j'affectionne particulièrement. C'est chez moi. Cette ville où je me suis épanouie, où je me suis trouvé des amis. J'ai été à l'école du quartier, j'avais une bonne éducation. J'ai très vite goûté à la magie, des magiciens qu'ils appellent ça. Moi je dis sorcier. Mais, on me reprend, on me dit que les sorciers n'existent pas, que la magie n'existe pas. Et pourtant, elle me fascine, elle m'attire, comme un aimant. Alors, soit, si je ne pouvais pas être un sorcier, je serais un magicien. Et le meilleur que l'on puisse trouver. J'allais être le meilleur, je me le devais. L'illusion devint très vite un sujet d'étude, mes parents me laissaient faire dans mon coin, persuadé que cela ne durerait qu'un temps. Mes soeurs étaient mes premières victimes. Et il s'était vite avéré que j'avais un don. Cette envie d'apprendre toujours plus, ne me quittait pas. Je voulais tout savoir, tout maîtriser. Je n'admettais pas les échecs. Je n'aimais pas me planter. Je faisais de mes camarades d'école des victimes également. Je réussissais à chaque fois. Il ne me fallut que quelques années pour maîtriser l'art de l'illusion. J'apprenais par moi même ou avec d'autres. Je savais que j'avais encore beaucoup à apprendre, je n'avais que dix-sept ans, j'étais encore jeune, mais cela surprenait toujours les gens de voir un gosse comme moi, être aussi doué. Je poursuivais des études, mais plus le temps passais, plus je m'en lassais. Pourtant, je continuais, pour faire plaisir à mes parents. Être magicien, illusionniste ou sorcier, appelez ça comme vous voulez, ce n'était pas un boulot fiable. Pour eux, c'était juste un passe-temps où j'étais doué. Pour moi, c'était autre chose. Cela réveillait quelque chose en moi. Comme un rappel d'un lointain passé. Je n'étais pas que ça, j'en étais sûr. J'étais bien plus. Je voulais trouver les réponses à mes questions, mais, mes parents ne savaient pas grand-chose. J'étais arrivé à l'orphelinat à onze ans. Ils m'avaient adopté quelques semaines plus tard. Fin de l'histoire. Sauf que cela ne pouvait pas être aussi simple.  J'avais arrêté de leur poser toute ces questions. Je voyais bien que cela leur faisait du mal, j'étais un Miller. C'est tout ce qu'il me fallait savoir.
Les années passèrent. Alors que je maîtrisais l'art de l'illusion presque sur le bout des doigts, j'avais croisé un magicien qui pouvait changer de visage comme il le souhaitait grâce à des masques plutôt bien foutu. Je voulais essayer moi aussi. Ce n'était pas ma spécialisation, mais je voulais me diversifier. L'illusion c'est drôle et sympa, mais plus j'aurais de cordes à mon arc, mieux cela sera. Mon objectif ? Londres. Je voulais être reconnu parmi les meilleurs. Je jouissais d'une réputation à Manchester et dans les environs, mais cela n'était pas suffisent à mon sens. Je voulais plus. Et si pour se faire, je devais redoubler d'effort, alors soit. Ma famille avait fini par accepter mon choix, même si mes parents s'inquiètent pour mon avenir. J'avais pris l'habitude de leur mentir, pour les rassurer. J'avais pris l'habitude de mentir aux autres. Et j'étais doué. J'aimais jouer avec le feu, mais comme disais si bien ma grand-mère, à force de jouer avec le feu, on fini fatalement par se brûler.. Je faisais attention. Durant les mois qui suivirent, je m'entraînais encore et encore et encore. Toujours plus pour arriver à maîtriser correctement un art qui n'était pas le mien. Je m'entraînais également à changer ma voix. C'était beaucoup plus dur que ce que l'on imagine. Mais, j'étais plein de bonne volonté. Et je voulais réussir à tout prix. Je sacrifiais beaucoup de choses pour y arriver. Puis, un beau jour, ce que j'espérais depuis tant d'année arriva. Un collègue illusionniste partait sur Londres pour donner son spectacle et avait besoin de moi. Je touchais enfin mon objectif du bout des doigts. Sans hésiter, je fis mes bagages, rassurant mes parents que tout irait bien. Je ne leur avais rien dit de réelle motivation qui me poussait à partir pour Londres. J'avais encore eu des flashs de mon enfance. Je crois me souvenir que j'ai une petite-soeur et un petit-frère. Je crois me souvenir que mes vrais parents étaient riches. Je n'en suis pas sûr, mais j'ai besoin de le vérifier. Je suis prêt à y aller. Londres, n'est pas Manchester, m'avait dit mon père. Fais attention à toi, avait rajouté ma mère. Reviens-nous de temps en temps avait demandé Inès. Quant à Anna, elle n'avait rien dit, mais j'avais bien vu son regard plein d'angoisse. Ils avaient tous peur pour moi. Mais, je savais ce que je faisais. Du moins, je pensais le savoir.

J'y étais enfin. Londres, la ville qui m'avais vu naître. Cette ville où je ne connaissais personne. Cette grande ville inconnue. Mais, j'étais prêt. Seulement, les choses ne se passaient pas exactement comme je l'avais prévu. Mon collègue et ami, qui avait deux ans de plus que moi, tourna très mal et les ennuis ne tardèrent pas arriver à notre porte. Littéralement. Et mon talent pour le mensonge nous sauva la vie à plusieurs reprises. Mon père avait raison, Londres, ce n'est pas Manchester. Au bout de quelques mois, je décidais de faire cavalier seul, ne supportant plus la vie que j'avais aux côtés de mon ami. C'était drôle dans un premier temps, mais cela m'avais presque fais perdre de vue mon objectif. Je donnais quelques spectacles à droite et à gauche en espérant que l'on me remarque enfin. Je faisais même dans le spectacle de rue, c'était bien plus amusant à mon sens. Et plus interactif avec les gens. Ils se laissaient prendre au jeu pour la plupart avec une facilité déconcertante. Il me fallut plus d'un an pour me construire une solide réputation. Je savais que je pouvais y arriver et je ne baissais pas les bras. Je faisais également des recherches à côtés de ça, mais rien de bien concluant pour le moment. Mais, il a fallu d'un soir pour que les choses changent et avancent réellement. Ce soir où j'ai rencontré ma meilleure alliée, celle qui allait m'ouvrir des portes que je croyais inventées dans ma tête. Charline. J'ai senti quelque chose en elle, elle avait l'impression de comprendre quand je parlais d'illusion, quand je parlais de magie. C'était étrange, ce sentiment que j'avais à son égard. On a vite sympathisé et je la voyais de plus en plus souvent. Que ce soit durant les spectacles que je donnais ou en dehors. Elle m'a parlé d'elle et je lui ai parlé de moi, de mon but, de mes recherches.  J'ai fini par lui parler de ce que je ressentais quand j'étais avec elle, ce truc qu'elle avait en elle et qui me faisais réagir. Elle se contenta de sourire. Elle me demanda de la suivre, qu'elle avait quelque chose à me montrer. Sur le chemin, elle m'expliqua certaines choses. Le monde magique existe et elle était une sorcière. Dans un premier temps, je me suis demandé si elle ne se foutait pas de ma gueule, mais tout se mettait en place au fur et à mesure de ses mots. J'étais un être dénué de magie, mais je pouvais quand même la ressentir chez les autres. C'est pour cette raison que mes parents ne m'ont pas garder ? Je lui posais des millions de questions, je voulais savoir, mais elle n'avait pas toutes les réponses. Mes premiers pas dans le monde magique furent difficiles. Je peinais à y croire et pourtant, je l'avais sous les yeux. J'avais raison. Je vivais parmi des sorciers quand j'étais petit. Elle me dit de faire attention, qu'un garçon comme moi n'est pas forcément bien vu par tout le monde. Je la rassure, lui dit que je saurais m'en sortir. Mais, je suis content de l'avoir à mes côtés. Je voudrais prévenir mes parents, leur dire que j'avais raison, mais je ne le fis pas. Je ne pouvais pas le faire. Je ne voulais pas les éloigner plus que je ne le faisais déjà. Ils sont ma famille.

Depuis quelques mois, je vis dans le Londres sorcier. Je ne suis pas encore tout à fait à l'aise avec toutes les règles, mais je pense que je m'en sors bien. J'utilise régulièrement le mensonge pour m'en sortir. Ma baguette ? Elle est planquée sous mon t-shirt. Un patronus ? Ma foi, je l'ai perdue durant la peste et j'ai un chien pour compenser son absence. Parfois je m'y perds et je compte sur Charline. Elle m'informe de ce que je dois savoir. Elle rigole quand elle me présente des objets sorciers que je dois apprendre à utiliser tous les jours. Ma plus violente réaction fut quand elle m'a amené mon premier journal sorcier. Si je voulais vivre comme un sorcier, il fallait que je sois au courant de tout ce qui se passait dans ce monde où j'avais été expulsé. Voir les photos bougées, m'avaient fait sursauter. Je me suis demandé si ce n'était pas l'oeuvre d'un démon ou un truc dans le genre. Elle avait tellement ri qu'elle en avait pleuré. Oui, bon d'accord, peut-être que les choses allaient être plus difficiles que prévue...Heureusement qu'elle était là pour moi. Elle était mon amie et mon alliée la plus précieuse. Je continuais mes recherches également, mais j'avais l'impression de perdre mon temps. Cela ne donnait rien. Pourtant, mes parents étaient des sorciers, ma soeur et mon frère aussi, j'en étais sûr. Je continuais d'avoir des flashs, mais rien de bien exploitable. Charline est retourné dans son école, il y a deux mois de ça, mais on se parle régulièrement. Même si je dois admettre qu'utiliser un hibou est plus difficile que je l'imaginais. Heureusement pour moi, celui de la rouquine est vraiment patient...

J'ai peur de ce que je vais découvrir. J'ai peur de n'être qu'un intrus dans une famille qui n'avait pas voulue de moi. Mais, que puis-je faire d'autre ? Mais, je cherche, je creuse, je continuerais jusqu'à avoir des réponses. Où jusqu'au moment où on me dira que ce n'est qu'une perte de temps...