La lettre - onze ans plus tôt. :

« Maman ! Papa ! J’ai reçu une lettre ! »
Afternoon sortit le courrier de la minuscule boite aux lettres de leur appartement.
« — Ah ? répondit monsieur Bradaigh, en caressant affectueusement la chevelure rousse de sa fille. C’est peut-être Mamie qui t’envoie une carte postale d’Islande ?
— Nan, répondit la fillette. Il-y-a un cachet… Mamie utilise jamais d’enveloppe. Hogwarts, lut-elle, en essayant de prononcer convenablement le nom qui lui était étranger. Ça ne veut rien dire !
— Il s’agit probablement d’un canular, Noon, répondit son père. Ou d’une publicité. Hogwarts sonne comme le nom d’une entreprise… Allez viens ! »
La fillette haussa les épaules, obnubilée par la lettre. On lui avait écrit, à elle ! Elle avait hâte de l’ouvrir et de lire ce qu’il-y-avait à l’intérieur. Il était fort probable que cette lettre soit en rapport avec son anniversaire. Peut-être était-ce son amie Deirdre qui lui envoyait une lettre des États-Unis ?
« — Mamaaaaan ! »
Siobhan Bradaigh, une jeune femme à la lourde chevelure rousse était occupée à vider le lave-vaisselle. Journaliste à temps plein, Afternoon avait l’habitude de ne pas la voir à la maison, mais Siobhan avait tout fait envoyer bouler pour l’anniversaire de sa fille. Afternoon était le portrait craché de Siobhan quand elle était petite et, même si la jeune femme ne parlait jamais de son passé, elle répétait sans cesse qu’ Afternoon lui ressemblait traits pour traits durant son enfance.
« — Ma chérie ! fit-elle en soulevant sa fille dans ses bras, avant de déposer un baiser sur son front. Onze ans ! Quelle belle fille ! Comme tu es grande ! Joyeux anniversaire poussin !
— Merci maman, gazouilla l’enfant. Regarde, j’ai reçu une lettre !
— Mamie qui t’écrit ?
Afternoon aurait juré voir un éclat inquiet dans les yeux de sa mère, mais il disparu tellement vite qu’elle cru avoir rêvé. Sa mère la reposa à terre et se remit à la tache.
« — Hogwarts, répondit l’enfant — Siobhan sursauta et une assiette se fracassa conter le sol. Non, ce n’était pas possible ! La jeune femme avait tout fait pour tenir sa famille loin du monde des sorciers — un monde qui l’avait bafouée, traitée comme une moins que rien… parce qu’elle était une cracmolle. Ses parents l’avaient rejetée, reniée lorsqu’elle n’avait pas reçu sa lettre de Poudlard. Ils ont remué ciel et terre pour que leur fille y soit admise, et voilà qu’elle n’y est restée qu’une année — une minuscule année — se sentant misérable face à ses camarades qui se servaient de la timide Siobhan comme d’un bouc émissaire. Elle ne pouvait pas laisser sa fille, sa petite Afternoon à ses monstres.
— Ce n’est rien, chérie, répondit Siobhan en prenant la lettre des mains de l’enfant — qu’elle s’empressera plus tard de brûler. Probablement un canular. Tu veux une part de gâteau ? »
Hélas, quelques jours plus tard, Afternoon reçoit deux lettres. Puis trois. Puis dix. Puis quinze. Siobhan dû se rendre à l’évidence : sa fille irait à Poudlard, contrairement à elle. Sa fille était une sorcière… Ce qu’elle n’était pas. Alors que son mari pleurait de joie, Siobhan, elle, pleurait de tristesse et d’angoisse.

Le prénom - Onze ans plus tôt.

Premier septembre. La rentrée était déjà-là, Afternoon sentait monter en elle une adrénaline qui lui était jusqu’alors inconnu. Sa seule tristesse était que sa mère ne soit pas présente pour son départ… Siobhan avait trop peur de retomber sur son frère ou sa soeur — qui eux-même, d’après ce qu’ Afternoon avait compris, avaient des enfants de l’âge de la fillette. Mais Siobhan se montrait souvent très évasive quand à sa famille d’origine sorcière : elle refusait d’en parler. Elle n’avait même pas donné leur nom. Avec une pointe de tristesse, sa mère lui avait fait promettre de dire qu’Afternoon venait d’une famille de moldus. C’était mieux pour tout le monde : ainsi, la fillette pourrait s’intégrer facilement dans le monde élitiste des sorciers. Être une née-moldue était moins éprouvant qu’être une cracmolle.
Benedict et elle foncèrent dans le mur entre la voie 9 et 10. Devant eux se tenait la locomotive rouge, et des centaines d’étudiants de tout âge se ruaient vers les compartiments vides. Certains se prélassaient avec leurs amis et discutaient avec les familles. D’autres airaient, seuls dans leur coin, l’air hagards.
« — Écris-nous de temps en temps, ma puce, lui glissa Benedict à l’oreille. Je t’aime. Ta mère aussi. C’est difficile pour elle : elle a peur que tu vive la même chose qu’elle.
— Elle n’avait pas de pouvoirs magiques. En quoi c’est mal ?
— Les parents de ta mère étaient des sorciers de sang-pur conservateurs. Ils n’aimaient pas les moldus, alors… Bref. Je ne crois pas que rencontrer cette branche de la famille vaille le coup, après ce qu’ils ont fait subir à ta mère. Elle n’aimerait pas te savoir auprès d’eux.
— D’accord, répondit la petite, la gorge nouée. »
Après avoir dit au revoir à son père, elle se dirigea dans le wagon où elle trouva un compartiment libre. Libre ! Seule une petite fille de son âge était ici, le regard perdu dans le vague, comme si elle réfléchissait. Afternoon faillit faire demi-tour, mais quelque chose l’en empêcha.
— Salut, dit-elle à l’inconnue — une petite fille brune en tenue de moldue. Je peux m’assoir ?
— Bien sûr, répondit l’inconnue en lui souriant. Je m’appelle Johanna. Johanna Slater. Et toi ?
Afternoon hésita. La fille avait un prénom si banal… Elle se voyait mal dire qu’elle s’appelait « afternoon ». Elle n’avait jamais compris pourquoi ce prénom. Sa mère ne le lui avait jamais expliqué. Il était bizarre, inhabituel, et les gens à l’école se moquaient d’elle à cause de lui. Ors, la petite ne voulait plus être victime de moqueries.
— Je m’appelle Ezra, finit-elle par dire. Ezra Bradaigh.
— Enchantée Ezra, répondit Johanna. J’espère que je vais être à Gryffondor. Toute ma famille y était ! »