« La pureté du sang est essentielle. Tu comprends cela Perséphone ? » La petite fille hocha timidement de la tête. Perdue dans un fauteuil trop grand pour elle, elle écoutait les dures paroles de son père afin d'apprendre. Elle connaissait ce discours par cœur, elle l'avait si souvent entendu. Chaque phrase, chaque mot, elle pouvait les réciter sans se tromper. Du haut de ses neufs ans, la petite fille apprenait comme ses frères et sœurs les règles familiales. Bien se tenir, bien parler, connaître les valeurs de chaque individu dans la société. Elle se devait de tout savoir, elle se devait de faire honneur à sa famille. Petite fille discrète, obéissante, elle semblait faire le bonheur de ses parents. Facilement modulable, souvent considérée sans caractère, elle était une page vierge qu'on pouvait remplir. Jamais elle ne s'opposait à ses parents, jamais elle n'avait un mot plus élevé que l'autre. Une plante verte, voilà ce qu'elle était auprès des siens. Beaucoup considérés cette petite fille comme simple sotte, sans esprit, avec la conversation pauvre. Mais la réalité était tout autre. Elle avait trop peur. Trop peur de s'opposer, de dire le mot de trop, de provoquer la colère de ses parents. Petite déjà, elle ne semblait pas partager les idéaux familiaux. Un sang plus noble qu'un autre ? Et pour quelle raison avait-elle envie de rétorquer. Mais elle se taisait, encore et toujours, se contentant de faire ce qu'on lui demandait. Elle apprenait chaque leçon que lui enseignait son père et les récitait à la perfection. « C'est bien. Tu es une bonne petite fille Perséphone. Je suis fier de toi. » Une fierté qui s'en irait bientôt. Une fierté qui prendrait la fuite au moment même où elle dirait non pour la première fois. Petite fille douce, elle n'était pas encore prête à s'assumer. Mais dans le creux de son cœur, une boule de lumière grossissait, grandissait, dans l'attente secrète de pouvoir un jour sortir. Un jour, on verrait enfin qu'elle n'était pas qu'une pauvre sotte. Un jour, elle ne se laisserait plus dicter sa conduite.

« Non. » Un son, trois petites lettres. Un torrent de lave. « Je te demande pardon ? » Elle se tenait droite comme un i, jamais elle ne s'était tenue aussi bien. La carrure fière, le visage fermé. « Je ne deviendrais pas partisan du seigneur des ténèbres. » Les mots étaient sortis, rapidement, comme pour s'en débarrer. Dix-neuf ans, première rébellion. Elle avait enfin eu le courage, elle avait enfin réussi à assumer ses envies. Si longtemps à se cacher, si longtemps à tout brider. Elle avait continué à agir en fonction des envies de ses parents, elle avait continué à obéir. Comme bon nombre de sa famille, elle s'était mise au service du seigneur des ténèbres pour faire ses preuves. Pendant un temps, elle n'avait pas encore réalisé que cela ne lui convenait pas, elle n'avait pas vraiment réalisé que toute sa vie serait ainsi. Et puis elle avait rencontré Luke, un sang-mêlé. Il avait su lui insuffler le courage dont elle avait besoin pour s'opposer. Il avait trouvé les mots pour faire sortir la boule de lumière au creux du cœur de la jeune femme. Elle s'était sentie plus vivante à son contact, elle qui avait passé dix-neuf années de sa vie comme spectatrice de ses actes. Elle s'était enfin révélée. Finit la petite fille molle sans avis, finit la petite fille sage et disciplinée. Elle avait révélé son caractère de feu; son impulsivité, sa curiosité sans fin, son côté borné, son inconscience. Elle était devenue quelqu'un d'autre. A un tel point, que ses plus proches amis ne l'avaient pas reconnus. [color:a8b2=green=green]« Ne t'avise pas de me tenir tête sur cela Perséphone, les conséquences pourraient être irréparables. Tu deviendras une mangemort comme nous tous. » Répondit son père le point levé.  « Non. » Et elle était partie sans se retourner.

Elle sentit la douce brise du vent sur son visage. Elle entendit le rire cristallin résonner autour d'elle. Elle vit ce visage, ce visage si doux qui était désormais si dur à se remémorer. Elle avait envie de sentir ses bras l'enlacer mais tout ce qu'elle sentit fut une main attrapant violemment son poignet. Perséphone ouvra les yeux et tout ce qu'elle trouva, fut le regard glacial de Peter. Il l'avait brisé, encore une fois, brisé ce rêve si doux, brisé ce rêve envolé. Un an, un an que Luke était mort à cause de son père. Un an qu'elle ne cessait de penser à toute la rage qu'elle éprouvait. Un an qu'elle était sous la responsabilité d'un jeune mangemort qui ne cessait de la façonner comme il le souhaitait. Le lendemain de son refus pour entrer chez les mangemort, elle avait retrouvé Luke mort , message de son père pour la faire revenir sur le droit chemin. Elle avait hurlé, pleuré contre celui qu'elle avait tant aimé mais jamais il ne lui avait répondu. Alors sous la menace, sous la contraire, elle était revenue vers les siens, brisée, anéantit. Elle avait été confié sous la tutelle d'un jeune mangemort qui devait faire d'elle une vraie servante pour les ténèbres. Un an qu'il essayait, un an qu'elle résistait. Duel infini entre les deux, les paroles, les coups pleuvaient. Mais petit à petit, comme désespérée, Perséphone se mit à coopérer, doucement mais sûrement. Elle commença à faire quelques actes, commença à sombrer pour le plus grand plaisir du jeune homme. Pas totalement atteinte, elle vacille entre son désir de vengeance et son désir de lâcher prise. Il serait si facile de se laisser succomber.

Elle avançait d'un pas rapide, les talons claquant sur le marbre froid du manoir. Les cheveux attachés en un chignon déstructuré, les lèvres teintées de rouge, elle était sortie précipitamment en pleine préparation. Elle détestait être dérangée, elle détestait voir sa routine chamboulée. Comme tous les matins, elle s'était mise devant sa coiffeuse pour se préparer. Elle avait vu dans le miroir, le reflet d'une jeune semblant sans éclat. D'une beauté terne et froide, elle semblait avoir perdue toute trace de vie. Elle avait bien vite détourné les yeux de ce miroir, trop dur à supporter. Depuis la mort de son ancien amour il y avait de cela trois ans, Perséphone n'avait pu faire le deuil de cette perte. Malgré les années, malgré le temps passé, elle n'arrivait pas à se détacher de ce malheur qui l'avait tâché à vie. Elle se sentait en réalité cruellement responsable de la mort de cet homme, Luke. Il était mort parce qu'elle avait tenu tête à son père, il était mort parce qu'il avait cru en elle. Il était mort parce qu'elle avait dis non. Pour la première fois de sa courte vie, Perséphone avait eu le courage de s'opposer à son père, de dire non aux idéaux familiaux, de dire non à la marque des ténèbres. Jamais avant elle n'aurait cru cela possible, jamais elle n'y aurait même songé. Pendant de longues années, elle n'avait pas pris la peine de se demander ce qu'elle souhaitait vraiment. Elle s'était contentée de suivre les directives. Elle devait penser comme cela ? Très bien, elle le faisait sur le champs. Elle devait parler ainsi ? Elle transformait aussitôt son comportement. Pendant longtemps, elle n'avait été qu'une ardoise qu'on se contentait de remplir pour à chaque fois l’effacer. Elle n'était qu'un jouet, qu'un robot entre les mains de son père qui se faisait un plaisir de la manipuler à l'aide d'une éducation un peu trop rigide.
Perséphone ne put s'empêcher de frissonner en repensant aux châtiments qu'elle avait reçu. Tant de fois elle avait reçu les coups de ceinture sur sa peau. Tant de fois elle avait ressenti la baguette s'enfoncer dans sa chair. Comme ses frères et sœurs, elle avait été élevé avec violence, dans un univers où l'amour n'était pas suffisant pour éduquer. Si son père pouvait se montrer aimant et chaleureux, il pouvait également se montrer froid et brutal. Il portait constamment deux masques, et à chaque fois que Perséphone allait le voir, elle ne savait pas sur lequel elle allait tomber. Jamais les sévices physiques n'avaient eu un bon impact sur elle. Si cela avait enduré certains enfants, pour Perséphone, cela l'avait mené à un désir de liberté encore plus grand.
Un léger toque dans sa porte entrebâillée la fit sursauter. Elle releva les yeux dans son miroir afin de voir sa domestique s'y refléter. Elle connaissait la gouvernante de la maison depuis des années, elle était même dans le manoir avant la naissance de Perséphone. Madame Rose, était une femme assez âgée avec des cheveux gris. Contrairement à la plupart des femmes sorcières, elle n'avait jamais eu recourt à des sorts ou des potions anti-vieillissement. Elle semblait assumer pleinement ses années avancées et cela lui allait comme un gant. Madame Rose avait toujours été au petit soin pour la jeune fille. Secrètement, la jolie blonde était sa préférée des trois enfants Black. Plus lumineuse, moins comme le reste de la famille. « Je suis désolé de vous déranger madame, j'ai quelque chose entre mes mains que vous devez voir de toute urgence. » La jeune sang-pur fronça les sourcils, ce n'était pas le genre de madame Rose de faire des cachotteries. La vieille dame glissa à Perséphone la précieuse enveloppe. « C'est une lettre de votre père à votre frère. Je l'ai intercepté avant qu'il ne puisse la lire. » Et elle disparue, laissant Perséphone seule avec cette maudite lettre. Le cœur battant, le maquillage à moitié fait, elle parcourut rapidement la lettre du regard. « Non.. ce n'est pas possible... » Folle de rage, elle se leva à toute hâte, faisant tomber la chaise où elle était assise au passage. Elle partit de sa chambre, descendit les escaliers dans une direction qu'elle ne connaissait que trop bien. Elle arriva devant les portes du bureau de son père, ouvertes. Elle vit sa mère en sortir, la saluer, mais Perséphone ne prit pas la peine de répondre. Dans le bureau, son frère était assis à la place de leur père. C'était lui maintenant le chef de famille, lui qui prenait les décisions, lui qui remplaçait papa pendant son absence. En passant les portes, elle vit d'un coin de l’œil que sa sœur était également présente dans la pièce mais elle n'y fit même pas attention. Elle était animée par la rage, par la colère. Elle avait l'impression de s'être fait poignardée dans le dos par celui en qui elle avait le plus confiance. Arrivée au bureau de son frère, elle jeta sèchement la lettre ouverte. « Tu m'expliques ? Comment as-tu pu ? Comment as-tu pu faire ça ? A moi ? » Elle sentit sa voix partir de plus en plus dans les aigus. Elle se mit à crier de plus en plus fort sans réellement s'en rendre compte. « A qui ? A qui m'as-tu donné ? » Elle eut le silence comme seule réponse. Contournant le bureau, elle chercha à se rapprocher de son frère pour mieux voir ses yeux. « Aie au moins le courage de me répondre. A qui as-tu vendu ta chère sœur dis-moi ? Quelle famille a payé le plus ? » Les poings serrés, la mâchoire fermée, elle se faisait violence pour ne pas frapper son aîné. Elle commença à faire les cent pas dans la pièce tout en continuant de crier. « Je te faisais confiance et toi pendant ce temps, tu complotais avec notre fabuleux père pour me trouver un mari. » Se rappelant subitement de l’existence de sa sœur, elle pointa cette dernière du doigt. « Et elle ? Elle aussi tu l'as vendu ? A qui as-tu donné ta petite sœur de seize ans dis-moi. Montres-moi quel lâche tu es. » Dans ses dernières paroles, elle prit un verre de Whisky qu'elle envoya briser sur le bureau près de son frère. « Réponds ! »