Anastasie n’écoutait que d’une oreille le cours qu’elle était en train de suivre. Son livre de potions ouvert devant elle, elle ne le regardait pas, son regard perdu. Elle regardait par l’horizon à travers la fenêtre. La jeune sorcière était habituellement une élève sérieuse et assidue, qui suivait avec attention ses cours. Pourtant les derniers événements la préoccupaient et occupaient son esprit. L’épidémie se propageait au sein de la communauté des sorciers, mettant en danger tous ceux qui avaient un patronus. Elle avait surtout peur que cela touche ses proches ou un membre de sa famille. Elle avait déjà perdu sa mère à cause d’une maladie, elle n’avait pas envie de revivre la même chose une fois de plus. Anastasie fut rapidement rappelée à l’ordre par son professeur, d’un coup de baguette contre sa table, attirant le regard de tous les élèves. Anastasia tenta de se reconcentrer sur la potion qu’ils étaient censés préparer, bougonnant quelques mots en français. Ce serait idiot de faire perdre des points à sa maison pour si peu. Si elle voulait maintenir ses notes obtenir son diplôme de médicomagie qu’elle voulait faire depuis le début, Ana avait intérêt à se reprendre en main. Heureusement pour elle, son binôme avait été plus consciencieux et avait noté toutes les instructions. De toute façon, le meilleur moyen de ne pas penser à cette épidémie était de se concentrer sur ses cours, ça lui occuperait bien mieux l’esprit et éviterait qu’elle décroche comme elle venait de le faire.

Ses craintes étaient sûrement fondées mais restèrent inutiles. Cela ne l’empêcha pas d’être atteinte par cette malade, la peste des patronus. Anastasie était passée par tous les stades de la maladie : la fatigue, la fièvre, puis les délires. C’était sûrement qu’elle avait détesté le plus : elle perdait le contrôle et ne faisait plus la différence entre la réalité et ses délires. C’était extrêmement frustrant pour la jeune sorcière. Elle avait l’impression de devenir totalement folle et perdre l’esprit. Quand Anastasie pensait que son état s’améliorait, c’était celui de son patronus qui se dégradait. Il changeait de forme constamment, sans prévenir et sans la moindre once de stabilité. Le pire fut sans doute la phase suivante, celle au cours de laquelle la Française perdait le contact avec son patronus. Ce silence était dérangeant, presque insoutenable. Ils ne duraient pas longtemps mais ils étaient de plus en plus nombreux, signe de la lente agonie du patronus. Anastasie était complètement perdue dans ces moments, elle s’était bien trop habituée. Elle aurait presque préféré avoir de nouveau ses délires. Elle eut une lueur d’espoir quand Samuel Shacklebolt annonça avoir trouvé un antidote. Cela semblait fonctionner sur certains élèves de Poudlard qui étaient en quarantaine avec elle et déjà au dernier stade de la maladie. Anastasie n’avait qu’une hâte : qu’on lui injecte cet antidote et qu’elle n’ait plus à assister jour et nuit à l’agonie de son patronus. Sauf qu’elle était obligée d’attendre que le dernier stade de la maladie soit atteint pour qu’on lui administre l’antidote. Ce qui signifiait qu’Anastasie était obligée d’assister à l’agonie de son patronus, jour après jour, jusqu’à ce qu’il disparaisse. C’était presque de la torture d’assister à cela, mais en tant qu’étudiante en médecine, elle pouvait comprendre qu’il n’y avait pas d’autre alternative et s’y résigner.


Anastasie avait fini par s’en remettre. Grâce à Samuel Shacklebolt. Ça ne faisait que la conforter dans son choix de carrière. C’était un grand médicomage et il avait réussi à sauver les patronus, c’était un héros. Un modèle pour la jeune sorcière. La peste était derrière le monde des sorciers à présent, mais elle avait laissé ses marques. Beaucoup de patronus avaient été affectés définitivement par cette maladie, que ce soit dans leur forme ou leur comportement. Ana elle aussi avait dû se réapprendre à vivre avec son patronus, à le connaître, à prédire ses réactions. Elle avait l’impression de revenir à l’époque où son patronus était apparu pour la première fois à ses côtés. Cette période de sa vie a marqué la jeune sorcière, autant que son enfance chaotique. Cela changea son rapport avec son patronus mais aussi avec ses rêves et ses désirs de carrière. A ses yeux, Samuel Shacklebolt était un sauveur et un modèle dans les pas duquel elle voulait marcher. Elle aussi voulait devenir un médicomage reconnue, trouver des remèdes à bien des maladies du monde des sorciers. Envoyée dans un monastère en Asie avec les autres élèves touchés par la maladie le temps de leur convalescence, Anastasie suivait tous ses travaux et toutes les publications à son sujet, bien qu’elle doive rattraper tout son retard avec les cours auxquels elle n’avait pas pu assister. Ce changement n’était peut-être pas perceptible au premier abord, même pour ses proches, mais il était déjà plus flagrant à l’annonce de la mort du grand médicomage. Ce fut un coup dur, autant pour Anastasie que pour le monde des sorciers. Dumbledore fut accuser de l’avoir tué et même si dans sa famille personne ne semblait y croire, une part d’elle ne pouvait s’empêcher de l’envisager. Qui pourrait tuer un si grand homme ? Et surtout pourquoi, alors qu’il avait sûrement sauvé l’avenir de tous les jeunes sorciers ? Pourquoi tuer celui qui avait trouvé un antidote à la peste des patronus ? Anastasie n’arrivait pas à le comprendre et cela avait porté un coup à son moral et à sa motivation. Certes il n’y avait pas que ses études qui comptaient dans sa vie mais elle avait toujours voulu travailler dans ce domaine et elle avait continué ses études après sa septième année. Se dire qu’on pouvait tuer une personne qui avait apporté autant à leur pays, cela lui paraissait tellement inconcevable. Son manque de motivation s’en était ressenti sur ses résultats avant qu’elle ne se reprenne en main.

Ces événements ont creusé un fossé avec ses frères et sœurs que seule la jeune femme semblait voir. Ils n’avaient pas du tout les mêmes convictions, la même vision du monde. Ce fut d’autant plus marquant lorsque sa sœur aînée Octavie refusa de se faire marquer et devint une fugitive. La fratrie Delacroix avait pourtant toujours été soudée, depuis leur enfance. C’était la première fois qu’Anastasie se sentait totalement en décalage avec eux. Et seule dans ses convictions. C’est pourquoi elle n’en parlait que très peu et que, lorsque la discussion était lancée sur le sujet, elle avait tendance à rester en retrait. Elle avait bien compris que ses aînés ne partageaient pas son point de vue mais elle ne s’était pas attendue à ce qu’Octavie prenne une décision aussi tranchée. C’était l’aînée de la famille, elle aurait dû réagir de façon plus responsable. Jamais les six frères et sœurs n’avaient été séparés de cette façon, même lorsqu’ils avaient perdu leurs parents et qu’ils avaient dû quitter leur France natale pour s’installer à Londres chez une tante. Même en pareille crise familiale, ils étaient restés soudés. Et pourtant, l’adaptation à leur nouvelle vie avait été rude et aurait pu provoquer des tensions au sein de la fratrie. Passer du soleil niçois à la pluie londonienne n’avait rien d’enchanteur ni d’attrayant. Vivre chez une inconnue non plus. La petite Anastasie de l’époque avait très mal vécue le changement et avait dans un premier temps repousser en bloc tout ce qui avait à trait à cette nouvelle vie : la culture, la nourriture, le mode de vie. Au cours de ses premiers mois à Londres, elle avait refusé de prononcer le moindre mot d’anglais. Aujourd’hui, ces années étaient loin derrière elle et Anastasie était parfaitement intégrée à la vie en Angleterre et à Poudlard, même si elle ne reniait pas ses origines françaises et princières, bien au contraire. Il lui arrive très souvent de s’exprimer dans sa langue natale bien que peu de gens la comprennent. Anastasie était française et membre de la famille royale avant d’être anglaise, ou même élève à Poudlard. Son éducation n’y est pas étrangère, et son attachement à sa famille non plus.