« Miss McLeod… Tout va bien ? » La poupée ne réagit pas, totalement inerte sur son lit à baldaquin. Elle se tient pourtant droite, le regard perdu dans le vague au travers des hautes portes vitrées de sa chambre donnant sur le domaine de sa famille. Elle est pieds nu, la petite poupée, tenant son verre d’eau à la main. Sur sa table de chevet trone son pillulier vidé pour ses prises du soir. Elle inspire lentement. « Maîtresse ? » La jeune femme se redresse un peu et posa son regard sur la femme âgée à l’entrée de sa chambre. « Excusez-moi, j’étais perdue dans mes pensées… » Un faible sourire se glisse sur sa bouche pâle avant qu’elle ne termine son verre et avale sa dernière pillule. « Je peux vous aider à quelque chose ? » La jeune femme semble ne pas comprendre, puis ses yeux clairs balaient sa chambre. Cette dernière, habituellement si bien rangée – que cela en devenait compulsif – était en désorde. Des vêtements étaient posés sur son lit, le divan de sa chambre et les divers fauteuils. Certains étaient simplement jetés sur un tapis plus loin, constituant un tas. « Oh… Je cherchais simplement une tenue. » Elle hausse simplement les épaules avant de poser son verre et de se redresser. Le loup trône sur le bout de son lit, simplement dépité et muet. Calme au souhait. Leurs disputes ont fini par cesser face au comportement mesquin de la sorcière. La domestique sourit, bienveillante. Elle considère l’étudiante quasiment comme sa propre fille. Elle s’en ait occupé depuis sa tendre enfance, l’a bercé lors de ses pleurs et s’est penché si souvent à son chevet lorsqu’elle était alitée. « La dernière fois que je vous ai vu si indécise… C’était lorsque vous étiez avec Amory Beurk. » La petite princesse se fige et considère un instant les tissus au sol. Son cœur s’affole et s’offusque presque, pleine de mauvaise foi. « Absolument pas. Cela m’arrive régulièrement, selon les occasions. » Elle inspire un peu et se penche pour aider Cynthia à ramasser les vêtements. Elle a honte de cette vérité, honte de se retrouver dans un état semblable. Tu ne méritais pas une telle comparaison et cette comparaison n’était pas possible. Amory Beurk était son premier amour, toi, tu n’étais qu’un collègue impur. « Je cherchais simplement quelque chose de… Confortable et élégant, vous voyez… » Inconsciemment, elle fuyait le regard de cette femme. Elle la connaissait trop bien et cela l’effrayait. Elle s’empressait de se justifier : « Ce n’est qu’un verre avec un collègue… » Elle glisse ses doigts dans ses cheveux et serre un peu les doigts en voyant le regard légèrement amusée de la vieille femme. Elle ne bouge pas en la voyant extraire deux tenues de sa garde robe. Elle les considère un instant puis se mord la lèvre. « Merci, Cynthia. » Elle s’approcha d’elle et abandonne un baiser sur sa tempe avant d’attraper la tenue qu’elle enfilera.
(…)
« Sokratis, je t’en prie… » Elle sent la douleur lui dévorer l’échine. Elle serre les dents et tente d’avancer un peu plus. Mais la douleur est insupportable. Elle n’a aucun endurance face à cette sensation désagréable qui tire ses nerfs. Elle se rapproche de son patronus et se glisse à son hauteur. Elle glisse ses doigts dans son poil avant de souffler : « Ce n’est qu’une soirée, qu’un verre. Et puis tu seras là… » Elle gratte un peu son museau avant de lui faire échapper un léger grondement, suite à quoi elle obtient la coopération de la bête qui était littéralement de mauvais poil.
(…)
La sorcière poussait la porte du bar, ses talons claquant légèrement sur le parquet aux reflets d’or. L’air frais qui dévorait sa peau laiteuse laissa place à une douce chaleur agréable. Doucement, elle retirait le léger foulard autour de sa gorge, dégageant les longues boucles sombres de sa chevelure. Elle fit à peine quelques pas, te cherchant du regard quelques longues secondes. Elle pivote légèrement jusqu’à ce que son regard croise le tien. Elle sent une drôle de sensation l’envahir et lui paralyser les trippes. Soudainement, venir ici semblait une idée absurde. Une idée simplement stupide. Elle avalait sa salive avant d’approcher de toi doucement, un léger sourire se glissant sur ses lippes. « Désolée pour l’attente… Je ne me souvenais plus d’où était l’entrée… » Son sourire est désolée. Elle te détaille quelques secondes. Dire que tu ne lui plaisais pas était un mensonge. Dire que tu ne lui faisais pas de l’effet était un mensonge. Elle avait soudainement hâte de voir un verre apparaître devant elle pour s’y noyer dedans. Elle retire doucement sa cape de sorcier pour dévoiler une robe émeuraude soulignant ses courbes avant de se glisser sur la banquette en cuir, face à toi. C’est la première fois qu’elle te voit sans ton uniforme d’étudiant ou ta blouse blanche. Inconsciemment, elle te détaille encore, jusqu’à l’encre sur ta peau avant de combler le vide : « Tu viens souvent ici ? » Elle jette un coup d’œil à la serveuse qui s’approche pour déposer les cartes et leur souhaiter une bonne soirée. Elle y jetta un coup d’œil avant de souffler le nom du cocktail pour lequel elle opte : « Un nectar de gobelin. » Quelques secondes après, la carte disparue pour laisser place lentement à un verre à forme bi-concave dont la base était très large, possédant les armoiries d’une famille ancienne et défunte des Gobelins. La boisson ressemblait à de l’or mouvant, changeant parfois légèrement de reflet.
Delliha se mordit légèrement l’intérieur de la lèvre avant de relever son regard vers toi.
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Idée de la robe : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] and [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Il y était depuis une bonne heure, laissant glisser l’eau sur le tatouage de crâne qui ornait la peau de son dos. Il y avait tant de vapeur dans la salle de bain qu’il ne pouvait même plus voir le fond de la baignoire. Il s’était lavé en vitesse, question de ne laisser aucune trace de cette odeur de marécage qui avait empesté la peau de son corps. Il avait eu l’impression un instant qu’il ne parviendrait jamais à se débarrasser de ce maudit parfum, il avait même pensé à faire brûler ses vêtements puis s’était souvenu qu’il avait déjà vu un sort dans un bouquin pour se genre de situation. Ses vêtements auraient donc la vie sauve, pour cette fois. Ce n’est pas un ours polaire que j’aurais dû être, mais un macaque japonais ! Punaise Ayden, t’exagères pas un peu ? Il y a des gens qui meurent de soif dans le monde tu sais ? Il n’entendait rien, repensant à ce qui s’était déroulé lors de ses deux dernières rencontres avec sa collègue. Il n’avait jamais vraiment réfléchi à ce qu’elle lui inspirait, ce qu’il ressentait en sa présence, mais surtout en son absence, pas avant qu’elle ne fasse son stage à distance, qu’il y ait tout ce brouhaha et qu’il ne se surprenne seul à se demander comment elle allait et si elle était en sécurité. Lorsqu’il l’avait aperçu de retour à l’hôpital, il avait eu l’impression que dans l’instant, ça ne pouvait aller autrement que bien. Que tout était de retour à la normal. Tu sais que vous n’êtes même pas amis hein ? Je dis ça comme ça, simple observation. Je sais. Mais tu sais aussi ce qu’elle me fait, comment je me sens en sa présence. Je n’y peu rien, c’est là c’est tout, je sais que je la connais qu’à peine au fond, nous ne sommes que des collègues de travail, mais… Il passa une main sur le dessus de sa tête, repoussant sa chevelure vers l’arrière. Il ne savait pas quelle mouche l’avait piqué depuis le retour de Delliha, mais si il continuait sur cette pente il se brûlerait ou dans le meilleur des cas il en mourrait et n’aurait plus à se casser la tête. Après tout, quel imbécile aurait osé inviter une sang-pur à prendre un verre dans un bar rempli de sorciers avec un sang impur comme le sien par les temps qui courraient avec toutes ses vagues d’anti-mélange de rang ? Tu as toujours eu du cran, mais là je dois admettre que tu es quelque peu suicidaire…
...
Il s’était préparé à la hâte, non pas par manque de temps, mais par angoisse. Il avait un énorme poing au ventre, comme si sa vie allait se jouer ce soir. Il avait enfilé un pantalon propre de complet avec une chemise blanche remontée sur ses avant-bras laissant à la vue une partie des œuvres qui couvrait sa peau. Par-dessus sa chemise tachetée, il s’était contenté de mettre un gilet carotté pour compléter son ensemble. Une veste aurait, sans l’ombre d’un doute inadapté et encombrante. Il savait déjà d’avance qu’il aurait chaud, parce que les bars avaient toujours cette même température étouffante et qu’il y avait une étrange corrélation entre des coups de chaleur et la présence de sa collègue. Il s’arrêta net devant la porte, comme si il ne pouvait entrer, il se tourna vers Kali qui avait sa forme de chacal.
« En fait, à bien y repenser je crois que demain j’ai un contrôle sur l’anatomie gérontologique des femmes ayant enfantées... peut-être que… » Parce que tu crois qu’elle te pardonnerait que tu lui fasses faux bon ? Arrête de faire le froussard et habite ton courage un peu… tu n’es peut-être pas chez les gryffondors, mais ce n’est pas une raison pour jouer les lopettes.
Le chacal passa devant, poussant la porte de son flanc droit. Bien obligé de suivre, Ayden laissa pousser un long soupir avant de se mettre à le talonner. Instinctivement, il alla s’installer au fond du bar près du comptoir. Au moins comme ça, il serait en mesure de voir les gens qui entreraient.
…
Il en était à son troisième verre. Il avait siroté le premier, bu le deuxième et englouti le troisième. Assied à une table, il regardait le fond de son gobelet en soupirant. Visiblement c’était elle qui avait pris peur et qui lui avait posé une chocogrenouille. Il ne savait plus à quoi il avait pensé en l’invitant. Elle, une sang-pur se rabaisser à aller prendre un verre avec un sang crasseux, un mécréant de famille modeste. Il avait pourtant été convaincu qu’elle était différente, au moins un peu, suffisamment pour avoir la décence d’honorer sa parole. C’était bien une parole non quand on disait à quelqu’un qu’on allait aller prendre un verre avec lui ? Même si il n’était qu’un collègue… Il tourna la tête une dernière fois vers l’entrée et son regard se figea. Au loin il l’aperçut. Elle fit glisser son foulard faisant danser les boucles de sa longue chevelure de charbon, laissant apparaître quelques secondes la chair de son cou. Elle avança quelque pas devant, visiblement à la recherche de quelqu’un. Instinctivement, il se leva debout. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, il était au-dessus de bon nombre de sorciers et sorcières. Leurs regards eurent tôt fait de se trouver. Son cœur fit un bon dans sa poitrine, il se sentit à la fois soulagé et inquiet. Il n’était plus certain si c’était une bonne idée, mais il était maintenant trop tard pour revenir sur celle-ci. Elle avança jusqu’ à ce qu’il puisse sentir l’air se resserrer autour de lui. Ses lèvres légèrement rougies affichaient un petit sourire qu’il lui rendit.
« Désolée pour l’attente… Je ne me souvenais plus d’où était l’entrée… »
Il souleva une épaule. « Il n’y a pas de soucis. »
Ce n’était pas complètement faux. Bien sûr, il avait remarqué son retard, mais il n’en dit rien, maintenant qu’elle était là ça n’avait plus d’importance. Son regard n’avait pas quitté la jeune femme qui retirait maintenant sa cape de sorcière. La robe qu’elle portait la mettait en valeur. Le vert émeraude ressortait magnifiquement sur sa peau claire. Il suivit du regard les coutures de ces vêtements qui couraient le long de ces courbes. Elle était vraiment ravissante, à la fois élégante et séduisante. Il s’installa sur la banquette devant son verre presque vide et Delliha se posa de l’autre côté de la table. « Tu viens souvent ici ? »
« J’y suis venu une ou deux fois sans plus. Avec des amis, je suis venu avec des amis. »
Il avait précisé comme si cela avait été nécessaire. Il n’était jamais sorti avec des collègues, enfin, pas tant qu’il n’avait pas passé le cap d’amis, c’était donc une première pour lui. Avec la journée qu’ils avaient passée, il s’était dit qu’ils méritaient tous les deux un verre. Il jeta un regard aux cartes sur la table et en attrapa une qu’il posa sur son verre. « La même chose.» Le gobelet disparu sous la carte et de celle-ci sorti un verre de la même forme que celui de la serpentard. Il en but une gorgée puis leva ses yeux vers la jeune femme.
« Et toi, c’est le genre d’endroit que tu fréquentes habituellement? Je veux dire, après avoir sorti un cadavre d’un marais infesté de serpents et de trou sans fond? »
Cette journée n’avait eu rien d’habituel, lui qui était accoutumée à pratiquer dans le sous-sol froid de l’hôpital. Normalement, il aimait bien passer du temps dans l’eau, mais une eau sans serpent et moins nauséabonde. D’ailleurs il se demanda s’il aurait eu une bonne raison d’inviter Delli dans un bar en d’autre occasion. Ça avait peut-être été une chance finalement, cette journée qui de prime abord, avait semblé commencer du mauvais pied. Il passa ses doigts le long de sa mâchoire comme pour aider à sa réflexion.
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Je n’ai malheureusement pas trouvé de photo de Stephen James en robe, mais [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ce n’est pas mal
Elle jetait un coup d’œil à sa montre. Elle avait plus d’une demi-heure de retard. Elle ignorait si elle avait été simplement étourdie ou si c’était une part d’elle-même qui l’avait freinée… Au fond, elle espérait peut-être que tu ne l’attendes pas, qu’elle n’ait pas à surmonter cette épreuve. Elle n’aurait pas à réfléchir pour combler les vides, elle n’aurait pas à s’inquiéter si elle était vue en ta présence. Les temps changeaient et la rentrée était dans quelques jours, quelques minuscules heures avant de remettre pied dans ce château. Elle avait hâte de le quitter. Mais le quitter voulait rimer avec engagement, fiançailles et mariage. Elle n’était pas prête pour tout cela. « Il n’y a pas de soucis. » La question lui brûle les lèvres : pourquoi est-il resté ? Pourquoi l’a-t-il attendu aussi longtemps ? La poupée déglutissait difficilement : elle connaissait certainement la réponse... Celle-ci lui plaisait probablement, au fond d’elle. Mais elle se refusait de réellement l’admettre. Elle n’aurait pas attendu aussi longtemps, elle n’était pas de ce monde-là. Elle se faisait attendre pas l’inverse… sauf lorsqu’il était question de cet homme qui était censé diriger toute sa vie.
« Avec des amis, je suis venu avec des amis. » Vous n’êtes pas des amis. Tu vois. Elle est troublée par ces quelques mots. Pourquoi tant d’insistance ? Pour creuser un peu plus l’écart entre vous ? Pour simplement souligner que ce n’était pas dans tes habitudes de sortir avec tes collègues ? Pour qu’elle comprenne que c’était exception, que tout ceci était alors spécial ? Elle n’y croyait pas. Elle restait sur le fait que vous n’étiez pas amis : c’était impossible. Le monde changeait et si jusqu’alors elle jouait avec le feu, il fallait qu’elle cesse. Tu pourrais causer sa propre perte. Elle comprenait sans comprendre. Elle ne devrait pas se poser autant de questions, défier autant l’éducation qu’elle avait reçu. A croire que lorsque l’emprise de ses frères s’est envolée, Delliha avait commencé à croquer dans la vie, découvrant des plaisirs interdits…. Qu’elle regretterait tôt ou tard, elle en avait conscience.
« Et toi, c’est le genre d’endroit que tu fréquentes habituellement ? » La princesse relève son regard sur toi. Elle te détaille quelques secondes, laisse le silence s’imposer entre vous, avant de répondre de sa voix calme, posée, presque trop douce. Une poupée taillée dans la craie, conditionnée et éduquée pour n’être que cette enfant douce et délicate, une femme élégante au comportement responsable, malgré la noirceur coincée dans son cœur. « Sortir, oui. De temps en temps, comme tout le monde. » Elle se surprenait à sourire faiblement. Pensais-tu toi aussi qu’elle n’appartenait pas à cet autre monde ? Il fut un temps où lorsqu’elle était libre de ses examens, elle sortait si tard que ses pieds étaient en sang, que ses yeux étaient éclatés et sa gorge défoncée. Elle sortait pour oublier, elle sortait pour vivre dans un autre monde, de paillettes d’or et de champagne. Elle sortait dans un autre monde, dans ces manoirs de ces familles de sang-pur et riches, ou ces clubs sélectifs. « Après ce genre de journée… C’est une première. Et la dernière je l’espère. » Elle était cruellement spontanée, faisant allusion à ce qui s’était passé dans le marais, pas pour cette sortie. Pourtant, elle semblait soudainement gênée par ce qu’elle venait de formuler, consciente que tu pourrais mal comprendre. Elle souffla tout bas en quittant ton regard, fixant soudainement son verre : « Je veux dire… Pour ce qui s’est passé au marais. Ou le simple fait d’aller dans un marais… » Parce que tu comptes sortir de nouveau avec lui ? Elle avalait sa salive. Non. Oui. Elle n’en savait rien. Elle semblait un peu plus embourbée dans les sous-entendus que ses paroles délivraient. Tu rêves. C’est la première et la dernière fois.
La poupée attrapa son verre pour en boire une longue gorgée, quand bien même son traitement le déconseille, malgré la gêne qu’elle ressent depuis quelques heures dans la poitrine. Elle devrait peut-être simplement te faire parler, celui lui évitera de dire autant de bêtises. Te faire parler sur toi, sur ta vie, sur tes passions. Cela lui évitera d’avoir à s’exprimer, d’organiser ses idées. Elle avait toujours été douée pour cela, elle avait toujours été à l’aise. Discrète, mais à l’aise. C’était son élément. Mais pas maintenant. Pas avec toi. Elle ne se reconnaissait pas et avait honte de se sentir ainsi, comme une petite fille désœuvrée. Inconsciemment, son regard suivant tes doigts sur ta mâchoire. Elle sentit un léger frisson la prendre avant de demander en jetant un regard vers le bar : « J’ai cru comprendre que tu bossais à côté de tes études… ? Tu utilises un retourneur de temps pour rendre ça possible ? » Elle ignorait ce que tu faisais, ni même comment tu arrivais à suivre le rythme, entre tes cours, tes stages, tes gardes, les examens et puis… ce fameux job. Elle s’autorisait une légère boutade avant de planter de nouveau son regard dans le tien après une longue… longue gorgée. Elle sentait l’alcool réchauffer sa gorge et son ventre vide.
Chez les moldus il y a un dicton qui dit que «le silence est d’or ». Il permet de réfléchir, de peser ses mots, de vivre l’instant présent. Il y avait souvent des silences entre eux, jamais cela n’avait rendu Ayden mal à son aise. Ce soir c’était différent, il ne savait comment il devait prendre ses silences. Il aurait voulu remplir les secondes de mots, mais il avait posé une question et il devait maintenant attendre la réponse de son interlocutrice, lui en déplaise. Elle posa son regard océan sur lui, un regard qu’il sentait lourd, comme s’il pouvait peser le poids de ses prunelles. Jamais il ne l’aurait admis à voix haute et Kali n’allait pas lui faire la remarque au risque de se faire bousculer, de toute façon elle le sentait aussi, cet inconfort, ce sentiment d’être intimidé par la situation, par son regard, sa beauté, sa prestance, par elle.
« Sortir, oui. De temps en temps, comme tout le monde. »
C’était évident. Sa réponse était évasive, bien sûr qu’elle sortait comme tout le monde. D’autant qu’elle faisait partie de ce rang chez les sorciers, les sang-purs plus que bien nantis. Déjà à leurs premières années, on pouvait les distingués des autres, matériels et vêtements dispendieux, se balader comme si le monde leur appartenait, les petits groupes qui se connaisse depuis la plus tendre enfance et bien sûr, cela était d’autant plus évident chez les Serpentards où beaucoup de ces gens finissaient. Il avait longtemps trainé ses préjugés, cette idée préconçue du futur mangemort parfait, ce prêt à emporter invariable dont héritaient tous les gamins de ses familles qu’il croyait alors toutes co-sanguines. Maintenant qu’il avait pris de l’âge et de l’expérience, il avait fait sa propre idée de la chose et savait que bien que la société sorcière voulait leur faire croire que c’était une majorité dans ce rang, il y avait bel et bien des exceptions. Peut-être en était-elle une? Dans le cas contraire, il se morfondrait quelque temps et s’en remettrait. La vie était ainsi faite, des réussites ou des déceptions, dans tous les cas il fallait avancer.
« Après ce genre de journée… C’est une première. Et la dernière je l’espère. »
Son visage se rembrunit. Regrettait-elle déjà son rendez-vous? Était-elle venue simplement par courtoisie? Ayden se sentait soudainement bien con d’avoir pu espérer l’espace d’un instant qu’il pourrait se laisser guider par ses émotions et surtout, de l’avoir attendu. Il fronça les sourcils, chose qu’elle remarqua sans doute puisqu’elle s’empressa de reformuler ce qui avait titillé l’oreille du jeune homme.
« Je veux dire… Pour ce qui s’est passé au marais. Ou le simple fait d’aller dans un marais… »
Il ne put retenir un petit sourire. Les yeux de la belle allaient se perdre au loin et lui du bout de la table singea son geste et but à son tour une longue gorgé de son verre de nectar de gobelin puis caressa la forme carrée de sa macheoir. Il avait toujours eu l’impression que ça l’aidait à réfléchir, ça l’aurait peut-être fait s’il avait eu une énorme barbe, mais il n’avait jamais aimé sentir tous ces poils rugueux sur son visage et n’avait pas la patience de les laisser pousser suffisamment longtemps pour que cela devienne doux. Il avait donc baissé les bras. De toute façon, il ne considérait pas Merlin ou Dumbledore comme des symboles de beauté masculine. La vérité c’était que ce petit geste anodin avait le bienfait de le détendre. Lorsqu’il faisait ça, de façon machinale, sans vraiment y penser, il avait l’impression d’être plus calme, d’être en contrôle. Quoiqu’en ce moment, il avait l’impression de ne rien contrôler du tout. Il aurait bien aimé maitriser la lecture des pensées, sauf que ce n’était pas son cas et qu’il n’était pas certain d’avoir envie de savoir ce qui pouvait bien se passer sous la soyeuse chevelure de la belle. Il surprit son regard qui suivait les doigts qui couraient sur sa mâchoire lui arrachant un petit sourire.
« J’ai cru comprendre que tu bossais à côté de tes études… ? Tu utilises un retourneur de temps pour rendre ça possible ? »
« Bossait, je n’ai plus vraiment le temps, mais j’ai suffisamment d’argent de côté pour faire mes études. J’avoue que je ne sais pas trop comment j’y arrive moi non plus, j’aime mes boulots, il faut croire… »
Le regard vert du jeune homme alla se plonger dans celui de son interlocutrice. Sa phrase faisait écho à ce qu’il lui avait dit plus tôt dans le marais. C’était volontaire. Il avait vu son visage, là-bas, alors qu’il la tenait dans ses bras. Un mélange de méfiance et stupéfaction. Pourtant il le pensait réellement, plus qu’il ne voudrait l’admettre. Par contre, dans le marais, c'était sorti seul. Comme si les mots lui avaient brulé les lèvres jusqu’à tomber de sa bouche pour se poser sur l’oreille de la poupée qu’il tenait. Il aurait voulu lui dire volontairement et il en aurait été probablement incapable, mais de la voir comme ça, fragile, vulnérable, ça avait été plus fort que lui, il avait fallu qui le lui dit. Il retint son souffle un instant, craignant que le lien la fasse fuir. Il prit une gorgée de plus de son verre qui était déjà le quatrième. Il sentait l’inhibition le quitter petit à petit alors que le taux d’alcool dans son sang augmentait. Il n’aurait su dire si c’était la boisson qui lui donnait cette sensation de hausse de la température ou son cœur qui tambourinait dans ses tympans. Il prit une gorgée supplémentaire, il avait envie de lui reparler de l’évènement avant le marais, de ce qu’il avait fait, ce qu’elle lui avait dit, les hiboux, mais se ravisa. Il attendrait au moins qu’elle ait terminé son verre. Ce serait plus sage.
Pourquoi est-ce que tu lui donnes de l’espoir ? Elle n’en sait rien la poupée. Pourquoi faisait-elle ça ? C’était triste au fond. Mais tu savais que ce n’était pas possible non plus ? Cette chose qui tournoyait autour de vous… Tu le savais mais tu avais tout de même attendu. Delliha, tu veux vraiment être reniée par les tiens ? Elle sentait sa gorge se serrer un instant. Elle aimerait simplement que son patronus se taise. La petite princesse bougeait à peine, laissant la mygale remonter sur la table. Ses pattes velues se glissaient sur les doigts de l’étudiante, sans qu’elle ne réagisse vraiment. Elle inspire un peu. Peut-être que j’ai besoin d’espoir aussi… Se dire que sa vie ne serait pas misérable. Qu’elle peut agir selon son bon vouloir. Qu’elle possède un minimum de liberté avant de finir au bras d’un homme qui n’éprouve aucun intérêt pour elle. Un homme qui ne pensera qu’à un héritier qu’elle ne serait probablement pas capable de faire naître, là où elle désire simplement travailler et briller ailleurs. Pourtant, elle était faite pour être une épouse, une maîtresse de maison, une mère peut-être. Elle serait peut-être douée à toutes ces choses-là… elle l’avait déjà prouvée. Mais pas accompagnée d’un monstre. Pas en étant aux côtés d’un Lestrange aussi extrémiste que sa propre famille. Tu n’es plus une enfant. Cesse cette crise d’adolescence.
L’ambiance était si lourde, l’air si pesant. Elle osait à peine respirer comme si le moindre bruit pourrait tout exploser… Quoi, elle l’ignorait, mais elle pressentait que c’était mauvais. Delliha t’observait. Elle a jetté une question à la mer, à tort peut-être. Tu répondais. « J’aime mes boulots, il faut croire… » Elle ne réagit pas. Elle ne sait pas quoi répondre. Elle ne sait pas quoi penser. Il faut croire que je tiens à toi… Elle se souvient de tes mots de ce matin, elle s’en souvient tout comme le trouble qu’il avait soulevé en elle. La poupée avait la sensation que tu la provoquais sans cesse et elle se refusait d’entrer dans ton jeu, de s’y perdre aussi. Elle savait qu’elle allait se brûler si elle s’approchait de toi… Pourtant, elle était venue ce soir. Elle devait y mettre un terme avant que cela ne dégénère. Tu passerais à autre chose. Ce n’est que passager. Lorsque cette chose ne serait plus entretenue, il n’y aura aucune raison que tu joues encore ainsi. Elle valsait entre ce qu’elle était censée être et ce qu’elle était. C’était une valse dangereuse dans laquelle elle se perdait elle-même. Qui était-elle ? Que défendait-elle ? Que croyait-elle réellement ? Que désirait-elle réellement ? Elle était si douée pour maquiller ses propres envies, si douée pour déformer sa réalité pour l’adapter au chemin qu’on lui avait tracé. Elle se mentait sans cesse, elle se rassurait comme elle le pouvait.
Elle déglutissait lentement. Elle se sentait piégée. Elle n’était pas à son aise. Et tes yeux si clairs semblaient la déchiqueter, prêt à deviner ce qu’elle pensait. Sa main glisse contre sa cuisse, pour essuyée cette gêne qui la secouait. « Tant mieux alors… Pour tes études… J’imagine que cela ne devait pas être réellement viable. » Parler pour combler le vide. Parler pour combler ce silence. Pour arrêter de simplement se regarder. Elle ne savait pas ce que c’était, d’être dans le besoin. Petite poupée qui est née avec une cuillère d’or. Son monde est différent, ses préoccupations aussi. Pourtant, elle enviait souvent cette liberté dont vous sembliez jouir, sans cesse, que vous agitiez sous son nez.
Tout semblait plus simple lorsqu’elle était jeune et insouciante, lorsque les mots de ses parents étaient paroles d’évangiles.
La poupée inspire lentement. Elle boit alors pour ne pas avoir à parler. Pourquoi se tait-il, cet idiot ? Pourquoi ne relançais-tu pas la conversation ? Le silence la gênait et c’était une première à tes côtés. Elle préférait presque lorsque c’était simplement spontané entre vous, lorsque vos répliques acérées s’enchaînaient. Elle n’avait pas besoin de réfléchir, ni de faire attention à ne pas se trahir… De pire en pire…
Alors elle boit. Sa descente trahit certainement son malaise. Ce silence elle n’en voulait pas : il était simplement terrifiant. Une nouvelle fois, elle décidait de le briser, impunément : « J’ai finalement fait un choix. » Elle relevait ses grands yeux clairs sur toi. Elle parlait trop lorsqu’elle était nerveuse. Pas nerveuse de la bonne manière, nerveuse et mal à l’aise. C’était si rare. « Pour ma spécialité. » Tu n’étais pas le seul avec qui elle en avait parlé, simplement l’un des rares. « J’ai opté pour la chirurgie… » Pourtant, elle ne souriait pas. « J’ai été acceptée… » Elle ne semblait pas y croire vraiment. Elle se redressait pour attraper une paille qu’elle glissa dans son cocktail doré. Elle sirotait lentement sa boisson entre ses mots. « Je ne suis pas certaine de le mériter. » Sa mère était dans l’administration de l’hôpital. Le monde changeait. Il changeait mais est-ce que l’on serait prêt à engager des personnes moins compétentes à un poste, seulement pour un nom ? Après tout, ce n’était qu’un concours. Un concours qui ne se basait que sur des connaissances retenues, par réellement sur ses compétences en stages. Elle n’en savait rien. Mais elle avait peur que son nom ait pesé plus lourd que son résultat. Elle ne l’accepterait pas.
Elle se mordait un peu la lèvre, avant d’avaler encore une longue gorgée. Elle regardait le liquide changer de couleur avant de disparaître totalement de son verre. Elle a certainement bu trop vite. Mais qu’importe, elle y survivrait. Elle repoussait un peu son verre, avant de se redresser, laissant son dos rejoindre le dossier en cuir de la banquette. La poupée s’éloignait et observait la mygale sur la table qui s’en allait se dissimuler derrière une décoration.
Delliha relevait son regard de nouveau vers toi. Elle te détaillait en silence. Vos regards se croisaient une nouvelle fois. Et pour une fois, elle soutenait ton regard. Elle ne souriait pas. Tant de choses se bousculaient dans son crâne. Tant de mots qu’elle ravalait pour ne pas laisser s’échapper cette tempête de phrases qui n’avaient aucun sens.
Son cœur semblait battre au rythme de la musique en fond dans le bar. « On va jouer à un jeu. » Elle inclinait légèrement la tête sur le côté, ses doigts jouant avec l’une de ses mèches. L’ombre d’un instant, elle semblait être une enfant. Elle plissait légèrement les yeux et soufflait : « A tour de rôle on dit trois choses sur soi… Deux choses vraies et une chose fausse… Ou l’inverse, comme tu préfères. Le but du jeu c’est de trouver l’intrus. » La poupée se redressait doucement alors que la carte apparaissait de nouveau sur votre table, faisant disparaître son verre. Elle l’attrapait, faisant mine de la lire, une légère moue sur les lèvres.
Le silence encore. Il ne lui avait pas renvoyé de question, il ne savait pas trop quoi demander et cela faisait changement des piques qu’ils s’envoyaient constamment à l’hôpital, c’était différent de leurs conversations professionnelles. La boule qu’il avait dans l’estomac aussi était différente. Pour la première fois, ils se voyaient parce qu’ils avaient eut envie de se voir et non pas par obligation. Peut-être que ça ne voulait rien dire, mais Ayden se laissa croire que ça voulait bien dire quelque chose. Normalement Kali n’aurait pas cessé de critiquer ces moindres faits et gestes, mais comme elle pensait aussi voir une lueur de possibilité, elle préférait s’abstenir de peur de l’encourager dans ce qu’elle voyait comme de la folie.
Elle commenta ce qu’il venait de dire sans réel intérêt. Il savait bien qu’elle n’avait aucune idée de ce que c’était de devoir travailler pour manger et elle ne le saurait probablement jamais, mais il ne s’attendait pas à de une véritable compréhension de sa part et ça lui allait très bien comme ça. C’était l’une de ses forces, socialement, d’attendre des gens la limite de leur capacité ou de leur possibilité. Autant parfois il était à la limite de l’utopisme qu’il pouvait aussi être d’un réalisme troublant. Il essuya ses mains moites sur son pantalon. Le froid de son verre contrastait atrocement avec la chaleur que dégageait ça main. Le choc de température était désagréable.
« J’ai finalement fait un choix. Pour ma spécialité. J’ai opté pour la chirurgie… J’ai été acceptée… »
Elle n’en semblait pas heureuse. Pourtant ce choix semblait la déchirer et maintenant qu’il était fait, elle ne semblait pas être plus satisfaite de la tournure que prenaient les choses.
« Je ne suis pas certaine de le mériter. »
Il n’y connaissait pas grand-chose dans la spécialisation de Delliha, mais pour avoir eu vent de ses travaux et l’avoir vu travailler, il savait qu’elle avait du cœur au ventre et qu’elle était reconnue pour l’excellence de ses notes. Il prit un air sérieux et fronça les sourcils.
« Prends ce qui te revient, tu excelles dans ton domaine, laisse tomber l’humilité un peu. »
Il prit à nouveau son verre pour boire à nouveau. La jeune femme fit de même avec une soif surprenante. Étant barman et médecin, Ayden était très bien placé pour savoir que l’alcool faisait beaucoup de choses, mais s’il y a un truc qu’elle ne faisait pas c’était d’hydrater. Alors ou bien elle aimait énormément le gout de son breuvage ou elle voulait noyer quelque chose. Quoi qu’il en soit, il n’eut pas le temps d’y songer davantage puisqu’elle changea soudainement d’attitude. Elle prit une pose de gamine qui va faire une bêtise et un air moqueur. Clairement elle avait une idée derrière la tête, Ayden n’était pas certain d’avoir envie de savoir ce que c’était. Il se sentit soudainement nerveux. « On va jouer à un jeu. » décidément, ça s’annonçait mal, lui qui était mauvais perdant devrait probablement choisir entre perdre la face ou la partie. «À tour de rôle, on dit trois choses sur soi… Deux choses vraies et une chose fausse… Ou l’inverse, comme tu préfères. Le but du jeu c’est de trouver l’intrus. »
Il prit un instant pour réfléchir et prit une nouvelle gorgée de son verre qui était encore à la moitié de sa quantité. Il plongea son regard dans celui de la jeune femme et prit à son tour un air amusé. Il hocha la tête à la positive.
« D’accord, deux mensonges, une vérité. Je commence? »
Il fixa le plafond une minute le temps de penser à ce qu’il allait dire. C’était une belle occasion d’apprendre à se connaitre, mais Ayden détestait ce jeu parce qu’il était un piètre menteur. Il décida donc de miser sur la vérité. Il tourna son regard à nouveau vers la jeune femme et se pencha sur son banc.
« Bien… J’ai toujours raison, je crois que je te déplais et je me sens idiot en ta présence. »
Kali laissa échapper un petit cri de stupeur. Ayden avait l’habitude d’être directe et de ne pas tourner autour du pot, mais là. Tu ne joue pas AVEC le feu tu joues DANS le feu… t’es con ou quoi?! Il s’adossa sur sa chaise satisfaite de ce qu’il avait trouvé. Une main sur la cuisse, il attrapa son verre de l’autre et but d’un trait ce qu’il y restait. Il prit ensuite une carte et fit apparaitre autre chose dont la couleur passait du bleu au violet et donc dégageait une douce vapeur blanchâtre. Une partie de lui était certaine, trop certaine, c’était de l’arrogance, mais jamais il n’avait ressenti une telle attirance aussi inexplicable pour quelqu’un. Ça n’avait rien de magique puisqu’il était impossible de répéter ce genre d’émotion avec de la magie, c’était tout à fait chimique. Une chimie que seule dame nature maîtrisait. Il ne pouvait pas croire qu’il était le seul à le sentir, cette connexion anormale qu’il y avait entre eux. Ce malaise constant qui les rendait maladroits et incertains. Mais contrairement à elle, il n’avait pas tous ces gens sur son dos pour gérer ses fréquentations. Il se pouvait se laisser aller à ses envies et ses passions. Il avait l’intime conviction qu’elle était l’une d’elle. Un feu incandescent qui l’habitait depuis son départ pour son stage à l’étranger, il avait soudainement trouvé que l’hôpital était beaucoup moins attrayant. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, il avait soudainement très chaud, c’était quitte ou double, mais il ne la laisserait pas filer. Pas comme la dernière fois.
« Prends ce qui te revient, tu excelles dans ton domaine, laisse tomber l’humilité un peu. » Ce n’était pas de l’humilité. Delliha McLeod n’était qu’une enfant qui voguait entre deux extrêmes. Arrogante et fière, ou faible et peu confiante. D’ordre général, elle était peu confiante. Elle avait toujours eu besoin d’une ombre dans laquelle se dissimuler. Elle avait grandi ainsi, étouffée par ses parents puis ses frères et ses amis. Elle était la petite poupée à coiffer, à guider, à faire danser et sautiller. Une femme-enfant, qui danse dans ces deux mondes, capable d’être une adversaire redoutable, cruelle et manipulatrice à souhait, qui l’instant d’après sent son petit cœur frémir, capable de s’effrondrer pour des choses…. Qui semblent si anodines. Mais la poupée s’était toujours accrochée à des détails qui lui déchirait le cœur. Elle n’était pas saine, Delliha. C’était une poupée névrosée, souffrant de psychose de perfection sociale : être parfaite. Parfaite. Toujours lisse et parfaite, à chercher, gratter, tirer à elle l’approbation de ses proches, l’attention de ses proches et leur regard et leur aval. Femme-enfant qui vit mal la transition. Femme-enfant en mal d’autorité, découvrant une liberté qui n’est qu’une simple illusion. Alors elle se tait. Elle ne rebondit pas, parce que tu ne comprends pas. Elle a oublié pourquoi elle t’a confié quelque chose qu’elle avait sur le cœur et dont elle n’osait pas confier. Elle noyait alors cette incompréhension dans son verre.
« D’accord, deux mensonges, une vérité. Je commence ? » Elle hochait simplement la tête. Elle jouait ce jeu à une époque avec sa meilleure amie, ou même avec Thaddeus Lestrange. Dans d’autres contextes, avec d’autres personnes. Elle reposait son attention sur la carte, sans trop savoir ce qu’elle voulait prendre… Mais elle opta pour quelque chose de moins sucré, plus âpre avec du citron. Elle laissa son verre apparaître. Elle commençait à sentir que son verre était ridiculement vide.
Elle jouait avec sa paille doucement et releva son attention sur toi. Tu réfléchissais avant de te pencher un peu vers elle. Elle haussait un sourcil doucement. Elle t’écoute. Tu avais toute son attention. « Bien… J’ai toujours raison, je crois que je te déplais et je me sens idiot en ta présence ? » Elle fronce les sourcils. Tu ne joues pas AVEC le feu, tu joues DANS le feu… t’es con ou quoi ?! « Tu… » Mais elle se tait, rattrape ses mots au vol. Tu trichais déjà et elle perdait soudainement envie de jouer. Elle s’était imaginé quelque chose pour… apprendre à te connaître sans doute. Pas pour se sentir de nouveau proie face à toi. Elle finissait par hausser les épaules doucement et soufflait : « Tu me déplais, cela sera ma vérité. » Et son mensonge aussi. Mais l’idée que tu puisses te sentir idiot en sa présence était attirante. Risible mais attirante. Elle n’arrivait pas à imaginer un homme comme toi, avec la carrure que tu avais, se sentir idiot ou intimidée. Elle s’était imaginé tout un personnage dans son esprit et elle était probablement cruellement dans le faux. Elle glissait sa paille entre ses lèvres avant de se redresser : « J’ai faim ; tu m’emmerdes et j’ai envie de te balancer ton verre à la figure. » Un sourire narquois se glissait sur ses lèvres fines. « Oh… J’ai oublié mes mensonges dis donc. » Elle levait les yeux au ciel, se moquant de ton propre comportement. Au fond, elle ignorait si tu avais réellement envie de jouer. Elle se mordit légèrement l’intérieur de la lèvre, avant de bouger sur la banquette. Elle posa son dos contre le mur pour étendre ses jambes. Elle jeta un coup d’œil à son patronus un instant avant de jouer, sérieusement : « J’ai trois grands frères, quinze cousins et sept cousines qui portent le même nom que moi… Je n’ai jamais été tatouée… et… Je lis dans les pensées des gens. » Un petit sourire narquois se glissait sur ses lèvres. Toutes mes félicitations, Miss McLeod. Vous êtes aussi stupide que cet impur. Quelle honte. Elle retient son soupire mais glisse le bout de sa langue contre sa paille pour avaler une nouvelle gorgée. Ce soir, elle veut juste oublier. Juste profiter. Elle n’est plus Delliha McLeod, juste… une étudiante, comme une autre. Juste pour une fois.
Il n’avait aucune idée à quoi s’attendre comme réaction, en fait il ne savait pas du tout ce qu’il faisait ni même quel était son but exactement. Il était tiraillé entre l’envie de la faire fuir et celle de partager quelque chose avec elle, quelque chose à quoi il n’osait penser. Quelque chose qu’il refusait de s’admettre. D’un autre côté c’était lui qui l’avait invité, mais bien franchement, il s’était attendu à un refus. Jamais il n’aurait cru qu’elle accepterait. Il avait bien eu espoir, un tout petit espoir plus microscopique que des nargols. Il avait été agréablement surpris quand elle avait accepté sans hésitation. Elle ne lui avait pas non plus sauté au cou avec dynamisme, mais il était à des lunes d’un refus.
« Tu… »
Elle ne termina pas sa phrase. La première idée qu’elle avait eue resterait donc secrète. Elle n’essaya même pas de deviner la vérité. C’était son jeu et elle ne respectait pas ses propres règles. Ayden se sentit outré. Visiblement elle aussi était mauvaise perdante et contrairement à lui, elle avait peur de se brûler. Il fallait admettre que ces affirmations n’étaient pas du jeu. Peu importe sa réponse, elle se retrouverait dans une situation embarrassante dans laquelle elle n’avait probablement pas envie de se retrouver. Ça avait été plus fort que lui, il avait fallu qu’il déconne. Il avait cette fâcheuse manie de se mettre les pieds dans les plats quand il voulait discuter avec une femme qui lui faisait un tant soit peu d’effet, alors c’était peu dire que Delli lui donnait l’impression d’être un véritable idiot et ce, constamment. Malgré l’estime qu’il avait de lui-même et l’assurance qu’il pouvait dégager, il avait constamment l’impression de ne pas faire la bonne chose avec elle.
Après ce qui lui parut une éternité, elle se décida à ajouter, sans grande conviction, en haussant les épaules qu’il lui déplaisait, que c’était ça, sa vérité à elle. Pourtant Ayden s’acharnait à croire le contraire, sinon pourquoi restait-elle ? Pour se moquer de lui ? Parce qu’elle n’avait personne d’autre avec qui perdre son temps ? C’était un non-sens. Il fallait qu’il y ait quelque chose, même minuscule. Il se sentait peut-être idiot, mais il n’était pas fou. Qu’elle ait seulement envie de prendre un verre avec un collègue, ça ne t’as pas traversé l’esprit ? Machinalement, il se mit à hocher la tête à la négative. Kali soupira en réponse à son sorcier.
« J’ai faim ; tu m’emmerdes et j’ai envie de te balancer ton verre à la figure. Oh… J’ai oublié mes mensonges dis donc. »
Sans vraiment prêter attention à ce qu’elle venait de lui dire, Ayden croisa ses bras sur sa poitrine comme un gamin fâché qu’on ait triché. Il fronça les sourcils et lui lança : « Tu n’as même pas essayé de deviner. C’est ton jeu je te ferai remarqué. » Il se pencha à son tour vers son verre et prit une gorgée avant d’ajouter. « Je ne suis pas responsable si tu n’es pas capable de trouver les mensonges des autres. »
« J’ai trois grands frères, quinze cousins et sept cousines qui portent le même nom que moi… Je n’ai jamais été tatouée… et… Je lis dans les pensées des gens. »
Il croisa une jambe sur son genou et se remis à caresser sa propre mâchoire. Si elle ne voulait pas jouer franc jeu, tant pis pour elle, Ayden lui essaierait pour vrai. Elle pouvait bien avoir trois millions de cousins puisque les mariages forcés amenaient généralement à l’infidélité. D’un autre côté, ils étaient beaucoup trop à cheval sur les traditions pour compter les bâtards. C’était donc plausible. Quoique pour le tatouage il avait aussi des doutes, est-ce que le marquage était considéré comme un tatouage? Il en avait tellement qu’il ne s’était pas posé la question avant cet instant. Il fronça les sourcils pour mieux réfléchir. Lire dans les pensées c’était n’importe quoi, pas de doute, sinon elle n’aurait jamais accepté un rendez-vous avec lui. Il se mit à sourire seul à l’idée qu’elle lise dans les pensées, au fond, ça lui aurait peut-être rendu service.
« En considérant le marquage, tu as un tatouage. Parce que tu n’as pas envie de lire dans mes pensés. Ou peut-être que si. Et pour les cousins, je suis certains que tu en as beaucoup plus, vous donner un nom de famille même aux bâtards? »
Elle ne s’amusait pas et lui non plus. Il n’avait pas envie de ses pointes, il avait envie de la voir, réellement. Comme il l’avait aperçu à quelque reprise et s’il allait manquer sa chance, c’était entièrement de sa faute. Il faisait le con. Il regarda le plafond l’espace d’une minute puis se reprise.
« Je ne voulais pas t’offusquer avec mes affirmations, navrées. Et si tu as réellement faim, je connais un super endroit dans le coin. Là-bas les gens sont assied sur des chaises, pas sur des balais, il y a aussi de l’alcool et des supers pizzas, à moins que tu préfères les pâtes bien sûr? On jouera encore à ton jeu si tu veux, dans les règles. D’ailleurs moi aussi j’ai faim. »
Il avait omis de manger avant de venir. Il fallait dire qu’avec l’ensemble des odeurs qui avaient flotté dans son nez toute la journée, en plus de l’état du corps et de l’énervement du rendez-vous, enfin, si on pouvait dire que ça en était un, l’appétit n’était pas venu. Maintenant qu’il était à tête reposer, la mélodie de son estomac vide lui rappelait qu’il devait se nourrir. Il ne ferait pas de vieux os s’il continuait sur cette pente de mauvaises habitudes de vie. Les repas manqués, les courts sommeils de piètre qualité, la nourriture rapide.
Qu’elle ait seulement envie de pendre un verre avec un collègue, ça ne t’as pas traversé l’esprit ? La poupée t’observe un instant. Tu sembles contrarié qu’elle ne joue pas le jeu. Pourtant, elle avait aussi cette sensation-là à ton propos. « Tu n’as même pas essayé de deviner. C’est ton jeu je te ferai remarquer. » Elle relève son regard vers toi et inspire lentement, profondément. Sa poitrine se soulève et elle réprime les mots qui lui viennent par dizaine dans la bouche. Elle les avale difficilement et elle finit simplement par t’adresser un grand sourire innocent. Delliha était une petite peste, une petite princesse qui avait l’habitude d’obtenir ce qu’elle désirait. Et dans le cas présent, elle n’avait pas envie de jouer avec tes affirmations dangereuses. J’ai l’impression qu’il n’a pas vraiment envie de parler ou de faire connaissance, Sokratis. La mygale grimpe sur l’encadrement de la fenêtre avant de siffler dans son esprit : Pourquoi aurait-il envie d’apprendre à te connaître ? C’est un homme. La poupée restait muette, un instant. « Je ne suis pas responsable si tu n’es pas capable de trouver les mensonges des autres. » Pourquoi devrait-il être différent des hommes de notre monde ? Parce qu’ils étaient libres ? Elle n’en savait rien et réfléchissait aux murmures de son patronus. Mais elle prend la parole, pour te répondre. « Très bien… Tu ne peux pas avoir toujours raison… Et tu peux croire des choses vraies comme fausses et te sentir comme tu veux. J’ignore quelle est ta vérité. Mais j’ai du mal à croire que tu puisses te sentir idiot face à moi… Ou même que tu penses que tu me déplaises, je suis venue ce soir. Mais je ne suis pas certaine que nous parlions de la même chose dans ce dernier cas… Donc, je continue à croire que c’est ta vérité. »
Elle te provoque ensuite, avant d’énoncer ses trois phrases. Elle t’observe sans rien dire, suivant quelques secondes tes doigts contre ta mâchoire avant de simplement siroter son cocktail, tout en jouant un peu avec la mygale, en attendant ta réponse. « En considérant le marquage, tu as un tatouage. » Un léger sourire se glisse sur ses lèvres et elle souffle : « Je ne pensais pas à cela, mais c’est juste. » Elle penchait légèrement la tête sur le côté : « Parce que tu n’as pas envie de lire dans mes pensées. Ou peut-être que si. » Elle haussait simplement un sourcil. Mais lorsque tu commences à parler de sa famille et de leurs manières de faire, elle lève les yeux au ciel. Elle a l’habitude d’entendre ce genre de chose, beaucoup moins venant de ta part. Elle se pencha un peu plus vers toi et répond, sarcastique : « Non. On les enterre vivant, à leur naissance. » C’était un mensonge, mais quand bien même, leurs bâtards ne portaient pas le nom des McLeod. Elle n’en connaissait aucun, à vrai dire. Il se sent supérieur à toi.
« Je ne voulais pas t’offusquer avec mes affirmations, navré. » Elle n’y croit pas un mot, mais elle t’observe simplement. Elle t’écoute parler, sans te couper, sans trop savoir quoi en penser. Etait-ce réellement une bonne idée de poursuivre la soirée avec toi, en ta présence ? Elle ne se sentait pas à l’aise. « Je ne sais pas ce qu’est une… pizza. » Elle laisse son dos aller contre le dossier et elle te détaille un instant lorsque tu parles de son jeu.
Les joues de la poupée sont rosies sous la chaleur du bar et l’alcool qui coule dans ses veines. Pourtant, l’alcool ne l’a pas totalement détendue, la rendait simplement un peu plus sensible mais surtout plus directe. Elle avait l’air un peu contrariée, vaguement triste ou déçue. « Je ne sais pas si c’est une bonne idée… » Elle fronçait un peu les sourcils. « Je n’ai pas l’impression d’être la bienvenue. » Elle plantait son regard dans le sien alors que ses doigts se serraient un peu contre sa cuisse. « Ce ne sont peut-être, que des blagues et je suis désolée si c’est le cas et de ne pas savoir correctement les recevoir… » Elle baisse son regard un instant alors qu’elle a une légère moue. « Je suis venue pour passer une bonne soirée… Alors si c’est juste une blague pour te moquer de moi et de mes origines, Ayden… Je préfère rentrer. » Au fond, elle se demandait certainement pourquoi tu l’avais invité. Tu bousculais les manières de son monde et il est vrai que rien n’était très clair dans son esprit. Elle ignorait aussi pourquoi elle se sentait tant attaquée, tant touché par tes mots.
Dernière édition par Delliha A. McLeod le Dim 10 Sep - 18:51, édité 1 fois
Il ne prit pas la peine de lui dire si elle avait raison ou tort. Visiblement elle avait déjà fait son idée et elle voulait prendre ce qui lui convenait le mieux. Ayden réfléchit tout haut aux réponses qu’elle lui avait formulées. Pour les bâtards, sa question était tout ce qui avait de plus sincère. Mal formulée, certes, mais sincère.
« Non. On les enterre vivant, à leur naissance. »
Il ne savait trop quelle réaction il devait avoir. D’un côté il avait envie de rire, mais à bien y repenser, si elle était sérieuse, ça n’avait rien de drôle. C’était même plutôt barbare. Il décida de faire fit de la réponse qu’elle lui avait formulée et se contenta de formulé des excuses auxquels elle ne sembla pas prêter attention. Peut-être était-il allé trop loin? Habituellement, il lui lançait tout ce qui lui passait par la tête qui était de près ou de loin, une pointe, mais ce soir les choses semblaient différentes et il avait été lent à comprendre. Trop lent. D’ailleurs, ça n’allait pas en s’améliorant d’après la réponse qu’elle lui donna à son invitation au petit restaurant italien du quartier.
« Je ne sais pas si c’est une bonne idée… Je n’ai pas l’impression d’être la bienvenue. »
Son visage c’était assombri et soudainement, Ayden se sentait petit sur sa chaise. Il avait fait une belle gourde. Il n’avait pas l’habitude de la voir réagir de la sorte. Généralement, elle lui lançait quelque chose de plus brillant, de marrant ou une attaque aussi pleine de préjugés, sauf que le jeu semblait avoir changé. Et visiblement on ne l’avait pas avisé des nouvelles règles. Il avait tenté des approches pour changer les règles du jeu, mais il ne s’attendait pas à ça. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui laisse voir qu’elle était touchée par ses préjugés, qu’elle le dérangeait. Son opinion avait-elle une importance? Il avait toujours cru qu’elle se fichait bien de ce qu’il pouvait penser, maintenant, il n’en était plus sûr.
« Ce ne sont peut-être, que des blagues, et je suis désolée si c’est le cas et de ne pas savoir correctement les recevoir… Je suis venue pour passer une bonne soirée… Alors si c’est juste une blague pour te moquer de moi et de mes origines, Ayden… Je préfère rentrer. »
Son sourire moqueur avait disparu plus vite qu’il n’était apparu. S’il se sentait toujours un peu idiot en sa présence, c’était peu dire comparé à ce qu’il ressentait sur le moment. Instinctivement, il se pencha vers l’avant.
« Non c’est moi. J’ai… On fait toujours des blagues remplies de préjugés et j’en ai trop rapidement pris l’habitude. »
Maintenant il était mal à l’aise. Son regard se tourna vers son verre. Il tendit sa main et se mit à faire glisser le bout de son doigt sur le rebord de celui-ci avant de baisser un peu plus le ton.
« Visiblement ce soir tu n’es pas en air de ce genre d’humour. La journée a été rude et je t’ai effectivement invité pour passé une belle soirée, mais pas à tes dépends. J’aimerais beaucoup que tu rentres chez toi le cœur léger, pas contrarié contre moi parce que je fais le con. »
Il n’avait pas l’habitude d’admettre ses torts. Même Kali fut étonné. Il avait beau être reconnu pour sa franchise, de s’abaisser à s’excuser, à admettre qu’il avait fait fausse route, ça tirait du miracle. C’était peut-être l’alcool, Kali se convainquit seule que c’était forcément l’alcool et que son soudain changement de comportement n’avait rien à voir avec les sentiments qu’il éprouvait pour Delli. Des sentiments que ni lui, ni son patronus n’avaient encore osé qualifier vraiment. Il dégluti nerveusement et prit une nouvelle gorgée de son verre avant de lever son regard à nouveau.
« Tu sais, je ne connais pas grand-chose de ton monde, outre les aprioris et ce qu’on entend dans les couloirs… »
Au fond c’était vrai, que savait-il vraiment de ses familles reconnues pour leur sang-pur et leur fortune, ses familles qui s’identifiaient ouvertement ou plus discrètement comme des extrémistes? Que savait-il de leur motivation, d’où leur venait leur discours? En réalité, il ne savait rien. Il n’en connaissait que très peu et de loin. Il y avait bien Niamh qu’il appréciait somme toute, mais jamais il n’avait réellement échangé avec l’un d’eux. Il fallait dire que jamais il n’avait eu d’intérêt, pas avant Delliha. Il l’avait vraiment remarqué le jour où elle avait atterri en autopsie pour la première fois. Il savait qu’ils fréquentaient la même école, pourtant il avait eu alors l’impression qu’il la voyait pour la première fois. Depuis, il se faisait plus discret sur ses appartenances politiques, comme si il craignait d’être trop à l’opposé d’elle. Elle, qu’il ne connaissait pas vraiment non plus.
« Ce que je préfère de ma famille, c’est qu’on est une famille qui laisse les autres vivres, personne ne se mêle des affaires des autres. On se respecte dans nos choix et nos appartenances. Pour moi c’est une richesse. Et toi, que préfères-tu dans ta famille? »
Il avait de nouveau les yeux vers elle. Sa gêne semblait s’être envolée. Il était maintenant attentif, attendant les réponses qu’elle lui donnerait. Comme pour s’abreuver de ses paroles. Son regard était plongé dans l’océan des yeux de la belle. Il ne voulait pas en rater une miette.
« Non c’est moi. J’ai… On fait toujours des blagues remplies de préjugés et j’en ai trop rapidement pris l’habitude. » Delliha ouvre la bouche puis la referme. Elle fronce les sourcils et elle demande, déconcertée : « Je suis peut-être de très mauvaise foi présentement… Mais je n’ai pas souvenir de m’être moquée de tes origines, lorsque tu n’étais pas désobligeant. » Peut-être avait-elle oubliée et c’était plus que probable. Mais la poupée se désirait discrète à ce propos et gardait généralement ses pensées et son véritable avis pour elle. Globalement, elle se moquait plus de toi que de ton sang. Pourtant, elle était bien pire les rares fois où elle pouvait échapper des mots à ces propos : elle ne jouait pas des préjugés de ton monde, elle échappait des mots purement et clairement raciste. « Visiblement ce soir tu n’es pas en air de ce genre d’humour. » Elle entendait son patronus ronronner dans son crâne. Il se délectait de tes mots qui ne lui plaisaient pas à elle. A croire qu’elle n’était qu’une femme avec ses humeurs. C’est exactement ce que tu es… Ou simplement mieux éduquée que lui. Tu mérites mieux, Delliha, ne le vois-tu donc pas ? Elle ne réagissait pas. Elle savait quel était l’objectif de son patronus. « J’aimerais beaucoup que tu rentres chez toi le cœur léger, pas contrarié contre moi parce que je fais le con. » Elle n’arrivait à croire ce qu’elle entendait. Elle t’observait sans rien dire. Habituellement, on repoussait sa sensibilité. Elle était fautive. Elle se disait toujours qu’elle était fautive. C’était ce que lui racontais son médecin aussi. Après tout, elle était une femme qui ne pouvait remettre réellement en question les agissements des mâles. Mais toi, tu faisais tout l’inverse de ce à quoi elle était habituée. Elle était troublée. « Tu sais, je ne connais pas grand-chose de ton monde, outre les aprioris et ce qu’on entend dans les couloirs… » Elle était triste de t’entendre l’admettre. Mais elle le savait. Tu étais loin d’être le seul. Elle se souvenait de toutes ces insultes à son égard lors du bal d’Halloween, parce qu’elle n’était qu’une McLeod qui traînait avec d’autres sang-pures. Elle détournait le regard quelques secondes. « Je ne connais pas grand-chose non plus, des moldus… » Simplement ce qu’il y avait à savoir, sans doute. Finalement, elle se détend doucement, parce que tu es ouvert à la discussion, parce que le ton a drastiquement changé. Son jeu était une mauvaise idée, sans doute. Elle voulait simplement détendre l’atmosphère, tentant de trouver un moyen d’apprendre à te connaître sans réellement en avoir l’air. « Ce que je préfère de ma famille, c’est qu’on est une famille qui laisse les autres vivre. Personne ne se mêle des affaires des autres. » Ces quelques mots lui arrachent un sourire amusé. C’était bien évidemment à des lieues du fonctionnement de sa famille et de la majorité des familles aristocratiques. « On se respecte dans nos choix et nos appartenances. Pour moi, c’est une richesse. » Peut-être. Elle n’en savait rien. Pour elle, elle n’y voyait qu’une famille fragmentée qui ne constituait pas réellement un tout, qui pouvait se séparer bien plus facilement. Elle prenait une nouvelle gorgée de sa boisson, alors que la mygale traversait la table lentement, agacée que la situation se calme de nouveau. « Et toi, que préfères-tu dans ta famille ? » Elle relève son regard sur toi et sourit faiblement. « Notre patrimoine et notre histoire. » La poupée réfléchit quelques secondes alors qu’elle se redressait pour s’approcher de toi aussi. Delliha posa sa main contre la table, écartant ses doigts. Elle laissait la mygale s’amuser à glisser entre ses doigts ou passer sous sa paume qui ne la dissimulait pas entièrement. « McLeod signifie quelque chose, ici et dans d’autres pays. Nous avons des terres, nous avons des bâtisses qui ont traversés les âges. Des personnes qui ont fait des choses admirables pour notre famille et pour notre communauté. Et d’autres, tout l’inverse, probablement. » Elle se redresse un peu ayant une légère moue. « Evidemment, ce nom est connoté… Et c’est cette même histoire que nous devons tous porter sur nos épaules… Bien sûr, c’est plus ou moins aisé, mais se dire que l’on est élément d’un tout… qui participe à la pluralité et à l’unité de notre famille… Je trouve cela gratifiant. Nous regardons pour la majorité dans la même direction : ce sont les intérêts de notre famille dans son intégralité, avant tout. « Elle a été éduquée ainsi. Elle est une poupée, une femme vendue pour une alliance. Elle te détaille un instant avant d’ajouter plus bas : « A une époque, les moldus et les sorciers vivaient ensemble, tu le savais ? » Il y avait un tas de livre dans les bibliothèques du manoir familial McLeod à ce propos. Des témoignages, des journaux intimes, des documents relatants des tensions qui se sont lentement construites. « Ils ont prit peur… Pour notre magie. Pour notre nombre grandissant. Pourtant, beaucoup des anciennes familles sorcières commerçaient avec eux, ou se mariaient avec eux. » Elle fronçait légèrement les sourcils. « Puis ils se sont mis en tête de nous chasser, de nous tuer. Que nous n’étions que des monstres, ou que nous allions les asservir. Ils brûlaient les sorciers, violaient leurs femmes et étouffaient simplement les enfants…. » Elle avale sa salive doucement. « Il n’y a que les guérisseurs qu’ils gardaient parfois pour réaliser leurs miracles… » Elle ramenait un peu sa main vers elle, la mygale grimpant doucement son bras. Elle sentait son cœur s’agiter. « C’est ainsi qu’est né le Code International du Secret Magique. Pour protéger ceux qui ont subsisté, pour nous protéger de leur haine. » Elle te détaille lentement. Ses yeux clairs se sont plantés dans les tiens et elle ajoute : « Rares sont les écoles qui l’enseignent encore, par peur de ne parvenir à intégrer les né-moldus. Pourtant, c’est inscrit dans nos histoires. Et je fais parti d’une de ces familles qui a vécu cette histoire et qui possède des cicatrices béantes du passé… » Delliha McLeod serre un peu les dents avant de souffler : « Alors se faire chahuter parce que nous portons le nom d’une famille de sorcier qui subsiste depuis des siècles… je trouve cela pathétique. Evidemment, il y a des fossés entre les sang-purs et les né-moldus, qui sont indéniables et probablement trop nombreux pour être comblés… mais les préjugés ont toujours pris le pas sur le respect, qui est pourtant la base de toute cohabitation. » Elle avait une légère moue, avant d’ajouter, presque boudeuse : « Mais lorsque l’on t’insulte, sans raison, cela ne donne pas vraiment envie de s’ouvrir aux autres… Et je crois que j’ai toujours choisi la facilité, en restant dans mon coin. » Elle était sincère sur tout ce qu’elle pouvait souffler et elle sentait la mygale s’inquiéter de ses propres pensées. La petite princesse avait toujours été une étudiante discrète. Excellente, mais discrète.
Doucement, un sourire géné se glisse sur ses lèvres et elle souffle après s’être mordu la lèvre, rougissante : « Arrête moi, lorsque je pars dans un monologue… Désolée… »
C’était vrai, il connaissait bien le monde sorcier, mais d’une famille de sang-mêlé qui était dans la classe moyenne. Rien à voir avec ses familles réputées qu’on retrouvait dans les bouquins d’histoire de la magie.
« Je ne connais pas grand-chose non plus, des moldus… »
Dans l’histoire chez les moldu, si Ayden avait comprit une chose, c’était qu’à travers l’hitoire la haine découlait généralement de l’ignorance de l’autre. Quand on étudiait l’autre, l’esprit ouvert, non pas comme une cruche pleine, mais comme un intéressé, la peurs se dissipait et la coexistence devenait possible. Mais sortir les gens de leur grotte était difficile, surtout pour ceux qui avaient peur d’être aveugler. À bien y songer, c’était ce qu’il ressentait devant Delliha. Elle lui donnait l’impression d’avoir passé sa vie dans une grotte à regarder des ombres sur un mur. Qu’au fond, il ne comprenait pas ce monde qu’était celui de la belle. Elle était le paysage qu’il découvrait, à la fois inquiétant et fascinant, mais tout sauf ce à quoi il s’attendait.
Ils parlèrent ensuite de leur famille respective. Ayden l’écoutait avec attention. Il vit apparaitre dans les yeux de la jeune femme une flamme qu’il n’avait jamais vue. Elle était passionnée, tout son corps s’animait au rythme de son récit. Jamais il n’avait prit en compte les persécutions dont avaient été victimes les sorciers de l’époque. Elle n’avait pas tord, en fait elle avait même plutôt raison. On avait tendance à l’oublier, mais les sorciers du monde avaient presque disparu avec l’inquisition et ces familles, qui étaient pointé du doigt comme étant extrémistes, étaient en fait les gardiennes du savoir, elles n’avaient pas oublié. On ne retrouvait pas ses livres dont Delliha parlait dans les bibliothèques de Poudlard. Enfin, Ayden était presque certain que non. En réalité il n’avait jamais cherché. Comme il avait grandi dans le monde sorcier, il ne s’y était jamais vraiment intéressé. Il n’en ressentait pas le besoin. Peut-être cela changerait-il? Il la regardait avec sentait la fierté dans sa voix. Il ne l’a trouva que plus magnifique dans son élan de passion. Elle était comme un phare dans la salle aux lumières tamisées.
« Arrête moi, lorsque je pars dans un monologue… Désolée… »
Ayden était tellement penché sur la table qu’il y était presque couché. Il était complètement fasciné par la belle et son récit. Il savait maintenant ce que le roi arabe avait ressenti en écoutant les contes de Shéhérazade. Il se redressa sur sa chaise.
« Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle. C’est dommage que l’on ne voit pas ses choses à Poudlard. Ça fait pourtant partie de notre histoire, moldu ou sang-pur. Il faut apprendre ces choses là aux gens, pour éviter que cela ne se reproduise. Dans un sens ou dans l’autre… »
Son visage prit une teinte légèrement rosé. Il avait réfléchis à ce qu’il allait dire et il en était déjà timide, mais cela ne l’empêcha pas de le dire avec confiance car il était sincère : « Et tu rigoles j’espère. Je pourrais t’écouter pendant des heures. Tu es tout simplement magnifique quand tu t’enflamme comme ça. Tu es une femme brillante et loyale, c’est tout à ton honneur. »
Ça il l’avait comprit dès le premier jour. C’était quelque chose qui lui avait apparu comme évident. Pour se mettre autant de pression avec ce que peu penser notre famille, il faut être loyal et bien que la jeune femme avait tendance à se diminuer, il avait pu rapidement constater qu’elle était brillante. Ses relations n’étaient pas tout dans ses réussites. Il savait qu’elle n’en aurait pas eu besoin même à une époque différente.
Il réfléchit un instant. Il faisait chaud dans ce bar et il avait passé ses derniers galions dans son verre dont il venait d’atteindre le fond. Comme sa dernière demande s’était presque soldé par une soirée seul il hésita un instant avant de demander.
« Et si on allait marcher dehors? Je commence à avoir chaud ici. »
Il n’allait pas admettre qu’il était fauché quand même.
Delliha se taisait enfin. La bouche sèche, elle glissa sa paille entre ses lèvres pour prendre les dernières gorgées de son breuvage. Elle sentait l’alcool réchauffer sa gorge et son corps entier. Malgré ses paroles, elle s’était détendue, emportée dans une histoire qu’elle avait tant entendue chez elle. Elle t’observait avant de souffler tout bas : « Cela a certainement déjà commencé à se reproduire… » Sauf que l’histoire était différente, les sorciers étaient préparés. Les gardiens de la magie avaient œuvrer pour contre-carrer les complots des né-moldus. Elle ignorait comment ces personnes pouvaient aller jusqu’à leur propre disparition. Mais il y a certaines choses qu’elle ne comprenait pas. Tous les disparus n’étaient pas que des né-moldus, quand bien même ces autres sorciers cotoyaient les né-moldus sans s’en cacher.
Elle terminait son verre avant de relever son regard totalement sur toi. Son attention glisse de tes lèvres à ta mâchoire. Elle observe les centimètres de peau tatouée sur ta gorge, avant de remonter contre tes pomettes rougies. La surprise la prend, avant qu’un sourire ne glisse sur ses lèvres. Tes mots la possèdent un instant, alors qu’elle échappe une légère exclamation. Elle ne sait pas recevoir tes compliments, puisqu’elle ne sait guère où réellement se positionner face à toi. « Par la barbe de Merlin, tu as rougis. » Elle sourit, amusée, incapable de retenir ce léger pouffement de rire ridicule. Elle préfère se concentrer sur toi que sur tes mots qui gravitent autour d’elle. Elle se redresse, enfantine et surtout alcoolisée.
Loyale… Petite menteuse, surtout. Non, elle n’était pas si loyale qu’elle ne voulait bien le croire. Elle avait pourtant toujours été parfaite à ces jeux là, loin de ces personnages. Ses fréquentations avaient toujours été respectables… Jusqu’à ce que l’on apperçoive l’enfant qui se dissimule sous la maladie, jusqu’à ce que l’on comble cette solitude qui la rongeait. Cela avait commencé avec un né-moldu, malade lui aussi, qui comprenait sa situation. Puis un aveugle alcoolique qui s’était tenté de voir par delà sa froideur protocolaire, celle qu’on lui a si bien appris à donner à ceux qui ne partageaient pas ses origines.
La poupée inspirait doucement.
« Et si on allait marcher dehors ? Je commence à avoir chaud ici. »
Delliha ne fait aucun commentaire à propos de la chaleur, soufflant simplement : « Si tu veux. » Elle avait chaud elle aussi, elle devait l’admettre. Elle espérait seulement que la nuit ne serait pas si froide. Elle se redressait avec toi doucement après avoir posé quelques pièces sur la table pour payer ses consommations et un peu plus. Elle attrapait sa veste et tendait la main vers la mygale pour la laisser rejoindre les plis épais de sa cape.
Elle te suivait sans rien dire, constatant une nouvelle fois que tu étais plus grand qu’elle, malgré ses chaussures à talons. Le rythme de ses pas étaient ponctués par un léger claquement caractérisque sur le sol.
Tu poussais la porte et elle passait devant.
L’air frais la saisi brusquement, à tel point qu’un frisson la prend.
Ses joues sont rougies par la chaleur et l’alcool. Elle étouffe un léger baillement, avant de se tourner vers toi. « Ta… proposition pour aller manger, tiens toujours ? » Ses yeux clairs te suivaient, te laissant la rejoindre doucement. Elle ajouta, avec une légère moue : « Là où tu préfères. » Elle se doutait bien que vous n’auriez pas les mêmes goûts ou les mêmes repères, mais elle était prête à faire un effort, pour se rattraper un peu, ou se faire pardonner. Mais présentement, elle avait trop bu pour réellement réfléchir, sentant simplement l’alcool faire trop d’effet. Venir le ventre vide n’était pas l’idée la plus censée et responsable qu’elle avait pu avoir de la semaine.
Elle emboîtait son pas.
Delliha te jetta un coup d’œil, curieuse : « C’était quoi ta vérité, alors… ? » Parce qu’au fond, elle reste extrèmement curieuse. Elle se mord l’intérieur de la lèvre. Delliha, petite garce… Tu attises son attention. Cherche plutôt celle d’Eren.
Il laissa une poignée de galions sur la table puis se leva. Il savait qu’elle était derrière lui puisqu’il entendait le bruit de ses souliers à talons qui claquaient sur le sol de pierre. Il poussa de la main et invita la jeune femme à passer devant de l’autre, puis lui emboita le pas. La nuit était somptueuse. Le ciel était dégagé, s’il n’avait pas été en ville, le ciel aurait certainement été parsemé de million d’étoiles, mais avec la pollution lumineuse, on n’y voyait que les principales constellations ainsi que l’astre terrestre qui illuminait le large tableau noir. La température était fraiche, mais ça faisait du bien de prendre un petit coup de froid. Ça remettait les idées en place et Ayden avait l’impression de pouvoir à nouveau respiré. Il faisait terriblement chaud à l’intérieur sans parler de la présence de trop de gens à son goût.
Il consulta sa montre. L’heure était avancée, mais ils avaient encore toute la nuit devant eux, enfin, il l’espérait. Et t’espère quoi au juste? Un café dans un bon restaurant… pourquoi il faut toujours que tu tournes tout de travers? Oui c’est ça. Cause toujours.
« Ta… proposition pour aller manger tient toujours ? Là où tu préfères. »
Ayden songea un instant où il pouvait l’amener. Pas dans un restaurant sorcier, puisqu’il était fauché et il n’était pas question de lui en faire part. D’un autre côté, il n’avait pas de sac pour y cacher Kali et elle n’apprécierait pas de demeurer sous sa forme vaporeuse. Il claqua des doigts comme pour éteindre l’idée qu’il venait d’avoir. Il connaissait un petit restaurant, qui était fermé à cette heure, mais il connaissait bien le propriétaire, un ancien petit copain de sa mère. Il savait qu’il y était probablement encore pour fermer la cuisine. Il tendit son bras à la jeune femme et avec un petit air de conspiration lui dit : « J’ai l’endroit qu’il nous faut. Veuillez me suivre mademoiselle. »
Ils sortirent tous deux du quartier sorcier, mais à peine l’eurent-ils quitté qu’Ayden se colla le nez à la vitrine d’un minuscule restaurant aux rideaux abaissés. Il n’y avait pas plus de dix tables à l’intérieure et une faible lumière subsistait à l’arrière. Il cogna à la porte, mais personne n’ouvrit. Il jeta un œil autour de lui pour être certain que personne ne regardait et sortit un set de clef de sa poche. Il inséra l'une d'elle dans la serrure et un cliquetis se fit entendre. Il poussa la porte. Et invita la jeune femme à entrée. Il referma la porte et lui désigna une table au milieu du restaurant. L’intérieur du restaurant était élégant. Dans des tons de rouge et de noir avec au fond, un four traditionnel italien côtoyant un immense bar derrière lequel on retrouvait un mur avec de nombreuses bouteilles de liqueur en tout genre. L’odeur de braise et de nourriture flottait encore dans l’air. Ayden aussi avait faim, il l’avait oublié.
« Donne-moi un instant, je reviens, tu n’as qu’à t’asseoir. »
Il laissa la jeune femme s’installer et se rua vers la cuisine. Les tables étaient dépourvues de nappe. Elles étaient en acier inoxydable reflétant la douce lumière qui émanait des plafonniers. Les chaises en bois foncé semblaient rustiques. Une fois dans le cadre de l’entrée de la cuisine, il s’arrêta net, laissant son dos à la vue de Delliha. Il ne voulait pas lui donner l’impression de l’abandonner.
« Matéo! C’est moi! » « Ayden! Merde! Tu as encore une clef ou tu as crocheté la serrure? C'est ma quatrième serrure que je change! C’est une compétence inquiétante! Tu ne voudrais quand même pas que j’appelle ta mère?» La voix de l’homme était puissante, à la fois empreinte d’une force tranquille et de bienveillance. Visiblement il rigolait. « C’est toi qui ne veux pas lui parler. Elle est folle, tu te souviens? » Ayden lui semblait tout ce qu’il y avait de plus sérieux. Sa mère avait de sérieux problème de comportement dont la violence. Même si Matéo faisait deux fois sa taille, cela ne l'avait pas empêché de le ruer de coup de poêle. Il baissa le ton. « J’ai… j’ai une amie. Si tu me le permets je l’a ferais manger et après je vais finir de ranger ta cuisine. Je verrouille à clé en sortant, promis. [/color]»
L’homme se pencha dans le cadre de la porte afin de voir cette « amie », il lança un regard complice à Ayden et essuya ses mains sur son tablier avant de prendre ses clefs sur le crocher au-dessus du comptoir.
« Très bien, je me lève tôt demain, tu tombes bien. Mais ne faites pas de bêtises surtout. » « Juré craché! » « Non non, ça va, ne crache pas je viens de cirer le parquet, je te crois sur parole. Tu es quelqu’un de fiable, quand tu ne déverrouilles pas les portes comme un voleur. »
L’homme sorti de la cuisine. Il avait une large carrure. À côté de lui, Ayden avait l’air d’un adolescent dans sa phase prépubère. Il était très grand et avait un certain charisme malgré son âge avancé. Il tapa l’épaule du jeune homme et passa près de la table de la sorcière. Il la salua d’un hochement de tête et sorti du restaurant en refermant derrière lui. Ayden se retourna vers Delliha et tapa dans ses mains le regard malicieux.
« Alors! Tu veux manger quoi? »
Il alla verrouiller la porte derrière l'homme. Pas question de courir le risque que quelqu’un n’entre. Il attrapa deux menus et alla s’asseoir en face de la jeune femme. Il l’ouvrit et se mit à le regarder avec beaucoup d’intérêt. Au fond il ne savait pas faire grand-chose dans le menu, outre la pizza et des steaks sur le grill, avec un peu de chance elle ne choisirait pas un plat de pâtes, car même la magie ne lui serait d’aucuns secours.
« Moi je vais prendre une pizza épinard et féta. Tu as déjà cuisiné sans ta baguette? »
Il ferma le menu devant lui, puis posa son regard sur la jeune femme attendant qu’elle fasse son choix.
Tu semblais visiblement aspiré par tes propres réflexions, alors que lentement vos pas ralentissaient sans trop savoir où vous alliez. Lorsque tu claques des doigts, la poupée relève son regard sur toi. Elle te détaille un instant et considère ce bras que tu lui tends. Elle sourit, amusée, à tes mots avec de glisser sa main contre ton bras. Puis elle te suivit sans faire de commentaire.
Bientôt, vous quittez le quartier sorcier. Discrètement, elle se mord la lèvre et jette un coup d’œil, un brin inquiet, autour d’elle. Autour de vous. Les tenues étaient différentes, l’ambiance aussi. Alors qu’elle observait les moldus passer, elle relâchait ton bras en te voyant t’approcher d’une devanture. Qu’est-ce qu’il fait ? Sokratis t’observait aussi d’un mauvais œil, bien que restait largement dissimulé aux yeux des passants. Tu avais l’air d’être sur tes gardes, à observer autour de toi. Pourtant c’était bien des clefs que tu sortais pour ouvrir la porte. Delliha fronça légèrement les sourcils, sans vraiment comprendre ce qu’il se passait.
Pourtant, c’était bien dans un restaurant qu’elle entrait lentement. Plusieurs tables étaient disposées dans la salle élégante. Son regard glissait sur les murs de briquettes avant de s’intéresser au four au fond de la pièce. « Donne-moi un instant, je reviens. Tu n’as qu’à t’asseoir. » Elle hoche la tête et te suit du regard pour passer derrière le bar et rejoindre ce qui semblait être l’entrée des cuisines. La sorcière observait les tables dans une matière étrange contre lequel elle passa le bout de ses doigts. Elle s’approcha d’un des murs sur lesquels étaient accrochés des tableaux et autres décorations moldues. Curieuse, elle les observait en avançant légèrement.
Elle t’entendait parler à un homme. Si elle dicernait quelques mots de ce que te répondait ton interlocuteur, elle t’entendait toi parfaitement. Elle ne fit pas attention au propriétaire des lieux, observant une lampe posée dans un coin. Il n’y avait pas de flamme dans la structure en verre et cela la consternait. Quelle est donc cette abomination ? Crois-tu qu’ils ont réussi à dompter le feu ? Elle avait une légère moue, avant d’entendre un peu mieux vos voix. Elle pivotait vers vous, en revenant lentement vers le centre de la salle du restaurant. Delliha adressa un sourire poli à l’homme qui la saluait avant de disparaitre derrière la porte par laquelle vous étiez rentrés. Elle était curieuse de la situation. Et surtout, était-il digne de confiance cet homme beaucoup trop grand ? « Alors ! Tu veux manger quoi ? » Elle n’en avait pas la moindre idée. Elle retira sa cape et la plia doucement pour la poser sur le dossier de sa chaise. La sorcière prit place en face de toi en attrapant l’une des cartes.
« Moi je vais prendre une pizza épinard et féta. » Elle est surprise alors qu’elle jette un regard sur la carte. Elle ignorait toujours ce qu’était une pizza et encore moins ce que pouvait être de la féta. « Tu as déjà déjà cuisine sans ta baguette ? » La surprise se lit sur ses traits avant qu’un sourire mi-amusé, mi-gêné, se glisse sur ses lippes pâles. « C’est-à-dire… Que même avec ma baguette, je ne le fais jamais. » Un petit détail qui pourtant signifiait un peu plus la différence de vos origines. A vrai dire, il y avait des domestiques et des elfes chez elle. Ce n’était pas réellement de son devoir à apprendre à cuisiner, sauf pour conserver quelques traditions et quand bien même… Les derniers cours de cuisine qu’elle avait eût remontaient à sa tendre enfance, qui n’avaient jamais été remis en application depuis.
Délicatement, elle refermait elle aussi le menu en reliure de cuir qu’elle posa doucement sur la table. « Ce que tu veux. De toute manière je ne comprends rien à la carte. » Elle eût un léger sourire amusé. « Tu travaillais ici ? » A moins que tu étais capable de préparer des repas digne d’un restaurant, sans avoir besoin du chef ? Elle n’en savait trop rien. C’était loin d’être son cas à elle, mais tu semblais être plein de ressources.
Delliha se mordilla un instant la lèvre inférieure avant de finalement se lever. Sa curiosité était beaucoup trop forte. Si l’un de tes proches farfouillent dans tes souvenirs, Delliha… Je sais… Mais qui te dit qu’il n’est pas de la résistance ? Est-ce censé me rassurer ? Qui crois-tu que tu es, pour la résistance, Delliha ? La poupée avalait sa salive. Son patronus avait raison. Peut-être devrait-elle davantage se méfier de toi.
La poupée te jeta un coup d’œil avant d’oser à passer derrière le comptoir. Ses doigts le frôlèrent avant que son regard ne s’arrête sur une calculatrice avec de grosses touches. Elle fronça un peu les sourcils sans rien oser toucher. Elle observa quelques stylos posés sur un calepin. Leurs plumes sont hideuses, par la barbe de Merlin. Cela ne ressemble à rien d’animal ou artisanal. Mais une fois de plus ce qui retenait son attention c’était une ampoule à incadescence.