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Juillet 1967 — « On devrait se marier ! » La petite fille allongée dans l’herbe pouffe de rire et s’agite. « Mais Chuck, on est trop petit pour ça ! Maman me l’a dit. » « Je ne vois pas pourquoi, répond l’enfant en fronçant les sourcils. Je me marie si j’en ai envie ! » Sixtine roule sur le côté et plonge son regard candide dans le sien. « Quand on sera grands on se mariera, dis ? » « Bien sûr ! Dit férocement le garçon. Attends-moi, et bientôt on pourra le faire. » L’image de deux enfants de quatre et cinq ans, allongés au fond du verger des Greengrass en se tenant la main. Insouciants, amis, amoureux vous diraient-ils même sans la moindre gêne. Oui, Chuck est l’amoureux de Sixtine, et également son meilleur ami. « Chuck ! Qu'est-ce que tu fait ? » se fait entendre une voix cassante depuis l’entrée de la maison. Le petit garçon prit de panique se lève, fait un signe d’excuse à Sixtine, avant de partir en courant. Mr Greengrass ne semblait se douter que Sixtine passait la plupart de son temps à se faufiler derrière la clôture, afin que personne ne la remarque, même si cette dernière ne comprenait pas ce qu’elle avait fait de mal et pourquoi Chuck insistait tellement pour que son père ne la voit pas.
Janvier 1970 — La petite fille sort du grand bâtiment en pleurant. Des camarades de l’école publique s’étaient encore moqués d’elle aujourd’hui, car elle s’était faite punir par la maîtresse pour avoir fait danser ses crayons sur la table. Elle ne comprend pas, faire bouger son matériel grâce à son simple regard est pourtant très amusant, elle n’a même pas besoin de le toucher. Mais ce n’est pas au goût des autres enfants, qui l’affublent d’affreux surnoms. Sixtine la bizarre, Sixtine le monstre, Sixtine la folle. Elle va s’asseoir sur le banc du parc opposé. Il fait froid. Des larmes coulent sur ses joues et finissent leur course en s’écrasant sur ses genoux. Peu après, une voix se fait entendre. Un petit garçon arrive, essoufflé. Évidemment, Chuck s’est lancé à sa recherche. Lui qui est si aimable, si gentil, pas étonnant que tout le monde l’adore à l’école. « Ne pleure pas » lui dit-il en s’agenouillant devant elle. La fillette renifle. « Vas t’en, ne reste pas avec Sixtine le monstre ! Quelqu’un pourrait te voir. » « Tu n’es pas un monstre, lui dit-il en riant. Tu es une sorcière. » « Comment peux-tu dire des choses pareilles ! » s’écrie Sixtine. « Parce que c’est vrai, tu es une sorcière, et je suis un sorcier. » Le petit garçon entreprend de lui expliquer ce qu’il sait de ce monde, leur monde. Dans sa famille, ils sont tous sorciers. Peu à peu, les larmes de la fillette se dissipent, pour laisser place à un sourire excité, tandis qu’elle écoute des histoires de dragons, balais volants et écoles de magie. « Alors on va y aller ? Demande-t-elle, les yeux brillants. Et on sera toujours ensembles ? » « Toujours », affirme le garçon. Il se penche vers Sixtine et pose furtivement ses lèvres sur les siennes. La fillette rougit, et ouvre grand les yeux. « Chuck ! » , lui reproche-t-elle en bafouillant. Le garçon s’esclaffe, prend sa main et la tire vers la sortie avec lui.
20 Mars 1972 — Sixtine marche d’un pas décidé vers la maison des Greengrass, dont elle connaît le chemin par cœur depuis ses quatre ans. Cela fait maintenant trois mois qu’elle n’a pas vu Chuck. Ils ne peuvent que communiquer rarement par hiboux, depuis que son père insiste pour qu’il poursuive son éducation à la maison. Mais aujourd’hui, c’est un jour spécial ! C’est l’anniversaire de Chuck, et rien ne l’empêchera d’aller lui délivrer son cadeau. Cette foi-ci, elle passe pour la première fois devant la maison des Greengrass, Chuck lui ayant assuré que son père ne serait en aucun cas présent, elle n'a rien à craindre. Elle sonne, patiente, jusqu’à ce que la porte s’ouvre sur Mr Greengrass, qui, à son plus grand regret, lui jette un regard noir et glacial qu'elle n'a jamais croisé auparavant. « Chuck n’est pas là ! » s’exclame-t-il, mais des pas se font entendre dans l’escalier derrière lui, et trahissent ses dires. Le petit garçon apparaît dans l’embrasure de la porte, et après avoir identifié leur visiteur, dit à son père qu’il s’en charge. Il se dirige vers le verger, sans un regard pour Sixtine. Arrivés à leur endroit habituel, la jeune fille lui sourit timidement, et tend un paquet grossièrement emballé en sa direction. « Joyeux anniversaire ! S’exclame-t-elle. J’ai dû utiliser toutes mes économies de Noël, mais ça valait le coup.. » Alors, enfin, Chuck pose ses yeux sur elle. Sixtine frissonne. Il brise enfin le silence. « Je n’en veux pas » , dit-il. « .. Quoi ? Tu as peur que ça ne te plaise pas ? Désolée, je.. » « Je n’en veux pas Sixtine, c’est tout ! D’ailleurs je ne veux plus recevoir quoi que ce soit de ta part ! » lui dit-il en haussant le ton. La fillette sent les larmes lui monter aux yeux. « Mais.. Pourquoi ? » fait-elle d’une petite voix. « Parce que tu es une sang-de-bourbe, et on m’a appris à ne pas rester avec les personnes comme toi. Je vais devenir un grand sorcier. » crache-t-il. Les bras de Sixtine s’affaissent, elle fait tomber son paquet dans l’herbe. La rage lui brouille la vue. « Je ne sais même pas ce que c’est une sang-de, de.. Oh je m’en fiche ! Tu es horrible Chuck ! » lui crie-t-elle. L’enfant la regarde de nouveau, elle recule. Ce n’est pas Chuck, ce n’est pas son Chuck. Elle ne connaît pas ce garçon. « Va-t’en », lui dit-il amèrement. « Et ne reviens plus. » Sixtine tourne les talons, et part en courant. Elle quitte la propriété des Greengrass en pleurant, pour ne jamais y remettre les pieds.
Novembre 1977 — Sixtine dévale les marches de Poudlard, essoufflée. Elle est désormais en cinquième année, mais ne semble toujours pas capable de s'y repérer dans ce château. Dans sa course folle à travers les couloirs, elle ne remarque pas ce garçon prénommé Chuck, qui sort d'une salle de classe. Elle évite la collision de justesse, mais son sac lui se retrouve à terre, étalant son contenu de plumes, parchemins, livres et bouteilles d'encre sur le sol. Elle pousse un juron et se baisse, afin de tout remettre pêle-mêle dans son sac. L'écusson sur sa robe de sorcier lui indique que le garçon, qu'elle ne pense pas avoir croisé auparavant, a été réparti dans une autre maison que la sienne. Pourtant, il se baisse et l'aide à tout ranger. Une fois la tache achevée, elle se relève et lui accorde un petit sourire. Le garçon en esquisse un également, avant que celui-ci ne s'efface pour laisser place à un regard troublé. Sixtine n'y fait cependant pas attention, et lui dit : « Merci, je suis vraiment désolée, j’étais en retard en cours et.. » « Tu l’es toujours » , lui fait-il remarquer d’un air amusé. Semblant soudain réaliser les paroles de l’élève, elle s’excuse et reprend sa course, à pas vifs cette fois-ci. Ce dernier l’interpelle tout de même avant qu’elle ne bifurque. « C’est quoi, ton nom ? » La demoiselle marque un temps d'arrêt, avant de lui dire calmement « Sixtine. Je m'appelle Sixtine. »
Février 1979 — Elle n'arrive tout simplement pas à y croire. Elle l'a revu, ce garçon, plusieurs fois depuis leur mésaventure dans ce couloir. Allez savoir comme il fait, pour se trouver aux mêmes endroits qu'elle dans cet immense château, alors qu'elle est certaine de ne jamais l'y avoir croisé auparavant. Il lui a parlé oui, plusieurs fois. Pas si méchant finalement, avait-elle pensé. Les choses se sont faites petit à petit. Il l'a invitée à une soirée dans la salle sur demande, ils ont passé un peu de temps ensembles, sont devenus bons amis. Elle qui a entendu des rumeurs à son sujet, il faut croire que les gens se sont trompés. Chuck est plutôt gentil, et très penché sur les études. Ils se sont rapprochés, un peu, beaucoup.. trop. Sixtine sait qu'elle ressent une attirance un peu trop forte pour lui. Ses yeux, captent principalement son attention. Et il faut dire que de son côté, Chuck est assez charmeur. Elle se demande souvent si ses compliments sont destinés à la charmer, ou s'il le fait simplement pour s'amuser. Et puis, aujourd'hui, il lui a dit. Au début, Sixtine ne comprend pas. On lui parle d'école publique, d'un verger, d'une amitié.. et puis, les images reviennent. Elle est sans voix, ne répond plus. Puis, la jeune fille tourne les talons sans rien dire. C'est une situation trop étrange. Elle est bien résignée à ne plus lui adresser la parole. Mais Chuck ne laisse pas tomber l'affaire comme ça. Il insiste, cherche à lui parler, quittes à l'embêter comme il faut. Sixtine est fatiguée. « Tu devrais avoir mieux à faire que de t’occuper d’une sang-de-bourbe comme moi, Chuck ! » lui crache-t-elle un jour. La réplique fait son effet, un petit moment. De toute façon, c'est bientôt les vacances, et avec un peu de chance Chuck ne les passera pas à Poudlard. |