Je serre les dents, et garde mes appuis en me tournant vers toi. C’est tout. Respecter tes limites ? Je veux essayer. Mais tu rends ça difficile.
« Quand t’ai-je menti ? »
Tu continues. Tes mots passent pardessus les miens, et ton ton, surtout. Je ne cherche pas à te faire culpabiliser. Je ne m’en pensais pas capable à vrai dire. Je te sais susceptible. Pas…
Si. Tu as toujours été sensible. Je l’ai méprisé très longtemps. Parce que c’est comme se voir dans un miroir qui nous montre le passé. Cet enfant qui ne sait pas quoi faire de ce qu’il ressent. J’ai préféré tout avaler, quand toi tu l’as toujours craché à la face du monde. Comme si l’eau dans tes poumons avait réduit l’espace disponible à tes tourments intérieurs.
J’avais peut-être tort. Tu semble en avoir dans la bouteille. Et tu compte me la verser sur la tête, pour une fois.
« Tu me dis que vous n’avez rien de prévu, mais c’était assez fantastique pour que la presse en parle ! »
Tu parles de l’anniversaire ?
Bien sûr qu’elle en parle. Vous vous êtes disputé avec Caïn. Vous croyiez tous les deux que l’autre l’avait invitée. Il n’avait pas idée que tu ne savais pas ou que tu ne comptais pas venir.
« Tu ne t’excuses jamais pour toutes les horreurs que tu me dis…. Alors que mince alors ! Tu me vois tout le temps comme une ennemie, alors que je sache j’essaie d’être là ! Je ne suis pas certaine que tu puisses en dire autant, sur ces dernières années à mon égard ! »
Tes sourcils froncés trouvent leur réponse dans les miens.
Les McLeod ne s’excusent jamais.
Je ne dis pas des horreurs, juste des faits que tu n’aimes pas.
J’ai essayé d’être là d’une manière qui te conviennes. Une qui ne nous monte pas l’un contre l’autre, ni qui ne te porte préjudice. Tu ne veux pas de mes conseils. Je t’ai offert tout ce que tu demandais et plus encore, mais tu ne veux pas de mes solutions. Et maintenant que tu as le pouvoir de les trouver toi-même, quel rôle puis-je jouer quand tu décides que tu es trop noble pour respirer le même air que moi ?
« Tu dis que tu tiens à moi, mais y en a combien d’autres, de ces femmes avec qui tu te pavanes ? »
Mon visage se penche sur le côté, et mes sourcils se défroissent, interrogatif.
« Parce que sincèrement, si c’est ça ton amour…. Passer ton temps à être…. Agressif, immonde, ou simplement méchant avec moi… »
Et mon expression s’assombrit… Quoiqu’elle soit moins dure. Ton poignet dans ma main. Les marques. Ton sourire. Ta douceur. Tout ce dont je manque. Et que je ne sais comment te rendre. Toute cette violence que je pensais à l’abri dans les bras et les yeux d’un frère absolu qui soudain commencent à brûler tes doigts. Tu crois tendre la main pour caresser une petite bête. C’est un monstre que tu veux dompter.
Tu essayes. Est-ce que je m’attends à ce que tu essayes éternellement ?
Je crois que oui. N’est-ce pas comme ça que je sais qu’il m’aime un peu ?
Tu l'as entendue.
« …Alors non. Je ne vais pas continuer ainsi. »
Je ferme les yeux et soupire. Je veux être soulagé. Que ta mascarade affective soit terminée. Mais tu viens de me jeter. Purement et simplement. Je me détourne pendant que je peux encore retenir une expression neutre. Je n’avale ma salive et ne pince mes lèvres qu’une fois dos à toi.
« Je n’ai pas repris mes esprits. J’ignore d’ailleurs à quoi tu fais référence…. Je suis juste fatiguée d’être celle qui doit ramper à tes pieds. Tout comprendre. Tout accepter. Tout pardonner. Parce que je tiens à toi, alors qu’en face, tu…. »
Je quoi ? Je n’ose pas y croire ? Je n’ose pas penser que tu es possiblement sérieuse quand tu dis que tu vas accepter e que je suis, quand au moindre mot un tant soit peut sincère ou maladroit, je ne gagne que ta frustration et ton dédain ?
Not worth playing, Little Viper. Si tu tiens à moi, cesse de me le dire, et montre donc.
« Tu ne rampes pas. N’es-tu pas debout, maintenant ? »
Silence. Je me tourne vers toi. Je suis de nouveau calme. En apparence au moins. C’est la première fois que tu me fais face. Tu mérite au moins que je te regarde dans les yeux. Une main dans la poche, l’autre pendante, jamais loin de ma baguette. Mais il n’y a rien sur mon visage. Je ne fais que t’écouter.
Tu souris. Ta mélancolie me frappe en plein cœur et fait pleurer Elle dans sa langue absurde. Ma propre sècheresse me revient acidement à la gorge. Si je ne te donne ne serait-ce qu’un brin de compassion, qu’un brin de cette vulnérabilité, qu’en feras-tu ? Est-ce que tu me feras confiance, ou préfèreras briser le peu qu’il me reste ?
Celle que j’ai en toi ? En moi ?
« Tu préfères chercher à me blesser un peu plus, alors que tu vois bien que cela ne va pas. »
Ne fais pas ça. Ne me regarde pas ainsi. Ne t’approche pas si près. Ne fais pas battre mon cœur si fort. Ne me demande pas envie de comprendre ce que tu dis, ce que tu vis. Ce que je tn fais vivre. Ne me mets pas à nu. C’est un ordre. Je t’interdis. C’est mieux pour toi. C’est mieux pour moi aussi, pour ce que tu t’en soucie vraiment.
« Et cela n’ira mieux, que si je décide finalement, que ce n’était pas grave, tu sais. »
Décide-le ? Ne t’approche pas ? Ne m’approche pas avec ce regard, cette attitude désespérée. Je n’ai rien fait de mal. Je n’ai rien fait de mal.
« Tes mots. Ton comportement….. »
J’ai tout fait pour te protéger.
Tu pleures.
« Oublier pour continuer à essayer. Et non, il n’y a rien que je ne puisse attendre de toi, à ce sujet, sinon je le saurais depuis toutes ces années…. »
J’ai été honnête quand tu me l’as demandé.
« Est-ce que tu trouves cela normal, toi ? … Je veux dire… Tu laisserai un homme se comporter ainsi avec moi ? …. Ou c’est juste… banal et sans importance, tout ce dont je te parle, dans ton prisme ? »
J’ai réfléchi quand tu m’as posé des questions, tu me fais me poser des questions, tous les jours, que tu sois là ou non, sur tout ce que je fais, sur tout ce en quoi je crois, suis-je autorisé à ne montrer à personne à quel point tu m’influences ?
Je n’ai pas fais les mauvais choix ! J’ai fais tout ce qu’il fallait ! Je n’ai rien fait de mal !
Tu fais tous mal, Adonis.
C’est pour ça que tu ne vaux rien.
Tu sais comment faire pour que tout soit parfait, et tu ne le fais pas.
Pas étonnant qu’elle se payes ta tête. Tu es si facile à émouvoir.
Protège-toi. Tu ne peux pas rester un rêveur pour toujours. Tu as déjà perdu une vie et deux êtres chers sont brisés en deux.
Tes ténèbres n’appartiennent qu’à Caïn. Elle n’est qu’une belle âme qui cherche ce qu’il y a de beau en toi.
Tu sais que ça n’existe pas.
Je ferme les yeux. Pose juste une main sur ton bras. Pour te repousser sans violence. J’ai besoin d’air. De m’endurcir ? De me persuader. Mais c’est trop tard. Quand j’ouvre les yeux tu as encore des traces de tes larmes essuyée sur ton maquillage. Je me souviens de ton poignet.
Je me souviens du cou de Greer.
Je te lâche comme si ta peau brûlait sans cesser de fixer cette foutue trace de larme.
Je veux te toucher. Te dire de te taire. Tu dire que tu comprends tout de travers.
« Je ne t’ai pas tout dit. J’ai jugé que tu n’avais pas besoin de savoir, et tu en as jugé autrement. Maintenant que tu sais, tu veux m’en vouloir ? »
Je ne t’ai pas dit que j’étais faible. Je ne t’ai pas dit que j’ai eu des histoires d’amitiés et d’amour que je regrette. Je ne t’ai pas dit que j’avais une vie à mener pour échapper à ce destin de papillon de nuit qui se brûle les ailes en se plongeant dans tes flammes.
Tu m’en veux pour ça ? Pour avoir tenté de rester ton frère alors que j’aurais voulu être ton amant ? Pour avoir décidé de garder la tête haute quand je savais pertinemment que j’aurais juste dû me jeter dans tes bras et pleurer comme un enfant, abandonner ma place et la fierté qui en drape le trône ? Jeté notre notion de la dignité pour ta version de l’amour ?
Je serre les dents et relève la tête. Le regard dur.
« Je ne comptais pas y aller. Je l’ai appris après t’avoir écrit. Je pensais que Caïn et toi auriez réglé vos problèmes, et qu’il t’en avait parlé. Tu m’as affirmé que tu n’avais pas le temps. Ni aucune envie de me voir d’ailleurs. Depuis quand as-tu besoin d’une invitation pour nous faire grâce de ta présence ? »
N’est-ce une évidence que pour moi ? Que si tu avais vraiment envie de nous voir, lui ou moi, tu serais venue de toute manière ? Que ne pas venir, pour la première fois de notre vie, relevait de ta réponse aux évènements, que c’était bien ça, ton message ?
Si aucun de nous deux ne compte, c’est que tu ne nous regardes plus. Nous ne t’intéressons plus. Tu as grandi après tout. T’es affranchie de nous, enfin ! Grâce à Merlin ! Tu trouves enfin tes frères trop misérables ou odieux, assez pour mettre le pied sur la ligne. Assez pour dire stop, et ne pas venir. Les autres appellent ça l’orgueil, les McLeod appellent ça l'amour-propre.
Nous t’avons attendue. Nous avions vu toutes les autres, tous les autres. J’ai été entraîné dans ce tourbillon d’une nuit en pensant pouvoir me noyer et recommencer. Avec lui. Avec toi.
Tu as sérieusement besoin de notre approbation pour être là comme tu dis ? Je ne t’ai pas sentie là, cette nuit-là. Il s’en est passée des choses, mais pas toi. Il n’y avait que toi qui comptais, mais tu avais besoin d’une lettre, pour savoir qu’on t’a dans le sang.
« Tout le monde est un ennemi, Delliha. Tu es le pire. Je t’aime. »
Cette fois c’est glacial. Glacial parce que si je ne m’y astreins pas, je vais laisser ressurgir la faiblesse. Parce que mon affection pour toi me rend vulnérable. Mon désir maladif de te comprendre aussi.
« J’ai une femme. Je la respecte assez pour ne pas prendre à mon bras n’importe qui. Je n’aurais jamais dû te dire la vérité, juste par respect pour elle. Et je vois que c’est sans doute du gâchis. Comment me crois-tu capable de continuer à fréquenter qui que ce soit d’autre que vous après mes noces ? »
Aurea, toi…
Et lui. J’aurais voulu m’en sortir. Mais il y a des chaînes qu’il est impossible à briser.
« Tu vas me demander combien d’hommes aussi ? Je suis à côté de tout le monde là où je dois être vu. Je me fous que ce soient des hommes ou des femmes. Est-ce que tu conclus que je les suce aussi ? »
Je ris, désabusé.
« Ça en dit assez long sur ce que tu penses de moi. Donc oui, c’est tout, Delliha. Quand tu veux que je m’en aille, je m’en vais. Parce que tu es capable de me faire ramper comme ça. Lucky you. »
Je m’appuie contre la porte. Je te regarde. Un nœud dans la gorge.
« Je ne pars pas du principe que lorsque tu dis non, c’est pour dire oui. Si ça pouvait être réciproque ? Si tu pouvais arrêter de me traiter de menteur ? Peut-être deux minutes. Que je comprenne ce qui te fais croire que j’ai aucun intérêt à faire ça ? »
Je croise les bras. Mon souffle se calme. Je ne dévie pas le regard. Tu m’as piégé, entre ton corps et la fenêtre. Ou me suis-je laissé piéger ? Tu m’enfermes, et tu veux quelque chose, et j’ai peine à comprendre quoi.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Qui as-tu vu se pavaner avec moi ? »
Mes dents se serrent comme mon cœur.
« Et si tu ne veux pas de mon amour immonde, à quoi tu joues exactement ? »
Si je ferme autant les yeux, ce n’est pas parce que tu me fatigues.
C’est aussi vrai. Je n’en peux plus, de danser sur un fil.
C’est surtout parce que je me sens larmoyer. Tiraillé entre ce que tu essaies de me dire, ce que tes efforts essaient de me transmettre, comme affection et comme espoir, et ce que tu dis vraiment.
Mes doigts se serrent sur mes manches. Je réaffiche un sourire. Et les larmes viennent toutes seules. Droites sur mon visage. Et cette fois c’est trop pour que je prenne ne serait-ce que la peine de les essuyer.
« Va donc oublier mon amour immonde chez Seev, et faisons comme si je ne t’en avais jamais parlé. C’était stupide de ma part. Ce n’est pas le genre de chose qu’on dit pour gagner la confiance de quelqu’un. C’est après la confiance qu’on se rend vulnérable. Aucun de nous deux n’était prêt pour ça. »
C’était ça mes pas vers toi, Delliha. C’était ça, et je me sens détruit, que tu n’aies jamais compris. Je me sens détruit que tu attendes de moi d’être quelqu’un d’autre, alors que je t’ai presque tout donné de ces pensées amers et intimes, de ces murmures secrets et mon vrai visage. Je me sens détruit que tu arrives à me prendre pour un mythomane sans race. Détruit que tu remettes aussi facilement en question l’aveu le plus difficile de ma vie.
Ce n’est pas ta faute ? Tu manques d’expérience ? Tes antécédents ne te rendent pas lucide sur la situation ?
C’est faux. Tu es lucide. Tu sais mieux que quiconque, mieux que moi-même à quel point j’ai désespérément besoin de me reconstruire. Besoin que tu me parles de toi, pour que je puisse te connaître. Besoin que tu me laisses t’écouter.
Te croire.
Te connaître.
Te reconnaître.
Mais quand je te demande si toi tu vas bien, je n’obtiens que deux choses.
Tu es fatiguée, et tu as du travail.
Et je suis du travail.
N’est-ce pas basiquement ce que tu viens de me dire ? Que c’est trop d’effort de me trouver quelque chose qui ait de la valeur ? Que mon attention est inexistante ou malsaine ? Que tous mes mots ne sont que de la méchanceté ?
C’était juste ne pas mentir. Ne pas tout dire. Je retiens à rire, ou un sanglot ? Je serre les dents et sourit presque douloureusement.
« Je ne t’ai pas demandé de m’aimer en retour. Je ne me suis jamais attendu à ce que tu le fasses. Alors au nom de quoi les femmes que je fréquenterais serait ton problème ? Est-ce que je te demande avec qui tu couches ? »
Ma voix est presque trop douce, dans ma colère froide, colère d’animal blessé, furieux de son impuissance. Je ne peux pas te toucher. Je ne peux pas garder le silence. Je ne peux pas te mentir. Je ne peux pas faire autre chose que te faire du mal. Chercher la distance.
« Je vais y aller, je pense. Tu as clairement besoin de te sentir aimée et je ne te fais pas sentir ça. »
Tu vois, Ad.
Ce n’était pas si compliqué.
De grandir.
C’est dommage que ça ne ramène pas ton enfant. Tu es toujours une anomalie vaniteuse.
N’aies pas honte de te sentir mal. Je suis là. Je ne te mens pas, moi.
Je t’aiderai à trouver de l’espoir.
Pas en elle, mais en toi-même.
En ce toi immonde. Agressif. Et incapable de rendre heureux.
Espoirs pervertis. Tourmentés. Annihilés par la peur constante, et la solitude. Par le besoin jamais vraiment comblé de toujours appartenir à quelqu’un. De toujours être en sécurité quelque part.
Patronus brisé, qui ne sait plus à quoi ressemble l’espoir véritable. Ni même le bonheur.
Tu m’as rendu le sourire dans un hôpital où j’avais enfin tout perdu.
Et j’ai honte d’y avoir cru.
Immonde. Immonde. Immonde.
Tu es immonde. Tu le savais. Alors pourquoi ça te surprend.
Tu devrais cesser de pleurer.
Bien sûr que si tu pleures, Adonis. Regarde comme elle te juge.
Elle n’est pas là pour te réparer. Ce n’est le boulot de personne. Ni elle, ni Caïn, ni Aurea.
Ravale tes larmes. Elle n’a pas besoin de te voir comme ça.
Ne panique pas. Ce n’est pas grave. Elle savait déjà que tu étais faible.
Bien sûr, prends quelques minutes pour te reprendre. Ce serait ennuyeux si qui que ce soit d’autre te voyait dans cet état. Mais ne tardes pas trop. Elle va encore s’énerver. Ce n’est pas grave. Elle n’est pas la première.
Ouvre les yeux.
Je ne pense pas que tu la dégoûtes, Adonis. Bien que ce soit vrai que tu es sale. Elle a le droit de le penser aussi. Tu lui as avoué après tout.
Qui se soucie que ce soit ton premier amour. Je l’aime aussi. Mais elle n’aime pas ça, tu as entendu. Ton affection est insupportable.
Va voir Caïn ?
Mais non, Caïn ne va pas te faire de mal. Rien que tu ne puisses pas supporter. C’est comme ça que tu te sens aimé, non ? Qu’on te consume.
Toutes les pensées sont des échos. Un tissu de conversations étranges, ou seul une voix est audible. Celle d’une très jeune femme, un d’une fille un peu joueuse, qui se rit d’un maître fort peu présentable.
Je détourne le visage. Tente de me calmer en respirant. Je n’ai rien perdu. Rien. Tout était faux. Même ce morceau de bonheur à l’hôpital. Tu t’es forcée. Tu ne passais pas un bon moment. J’étais juste un patient. Un patient à problème, de ta famille.
Tu n’as fait qu’arrondir les angles.
« Je ne t’embêterai plus. Reparle au moins à Caïn. Vous vivez ensemble. Ne rendez pas votre vie commune plus insupportable. Je ne viendrai pas l’an prochain. »