La pluie n'en finissait pas de tomber sur la capitale anglaise. Il faisait déjà nuit et pourtant, il n'était guère difficile de deviner qu'il allait pleuvoir durant de longues heures encore. J'étais certes habitué à des conditions climatiques plus extrêmes – le froid glacial, limite polaire de la Sibérie, pour ne citer que lui – mais je n'appréciais pas pour autant être trempé jusqu'aux os, aussi décidai-je qu'il était plus sage de prendre les transports en commun. Nous étions mardi, et je rentrais chez moi après avoir passé les dernières heures à m'entraîner avec Greer. Je me sentais lessivé, ce qui était normal après une séance de sport particulièrement intensive. Le pire est que je n'étais pas spécialement en train de parler de sexe mais bel et bien d'arts martiaux. J'avais enchaîné les mouvements et donné quelques instructions, puis, je l'avais faite recommencer jusqu'à ce que je sois satisfait du résultat. Je prenais un malin plaisir à la voir faire le même mouvement encore et encore, éprouvant sa patience. Ce n'était pas parce qu'on couchait ensemble que je ne savais pas rester professionnel. Bref. J'avais finalement opté pour le Magicobus. Dans l'état où j'étais, tenter un transplanage aurait été du suicide. Je n'avais aucune envie de me retrouver aux urgences de Sainte Mangouste parce que je me suis désartibulé. Du reste, je ne voulais plus jamais me retrouver à Sainte-Mangouste de toute ma vie, d'une part, parce que séjourner à l'hôpital était loin d'être agréable, et d'autre part, parce que des gens bizarres y traînaient – comme quoi, tous les fous n'étaient pas enfermés à l'asile.
J'avais donc pris place à bord de l'autocar brinquebalant. J'ignorais où le chauffeur avait appris à conduire, mais les embardées violentes que faisait l'autocar me tournaient sur le cœur, et je regrettais de ne pas avoir pris de sac en papier au cas où. J'avais tellement l'habitude de me déplacer avec des moyens de transport sorciers que j'avais oublié que j'étais malade en voiture. Tout du moins, je n'avais pas notion d'être malade dans les transports, car j'ai appris à conduire il y a quelques années et je n'avais pas eu de problèmes. D'où le fait que je mettais mes hauts-le-coeur sur le dos du chauffeur. Une autre embardée me projeta contre la fenêtre. Je me cognai la tête contre la vitre et, laissant échapper un juron, je me frottais le crâne, aplatissant mes cheveux encore mouillés à cause de la pluie qui tombait dru. Je jetai un coup d'oeil dehors et je vis que le véhicule fou était en train de passer
au dessus d'une file de voitures qui attendaient à un feu rouge. Les moldus n'y voyaient que du feu, puisque quelqu'un, dans la file, se mit à klaxonner quand le feu passa au vert et que le premier de file ne réagissait pas. Je me promis alors de ne plus
jamais y mettre les pieds, c'était ter-mi-né. J'avais l'impression de jouer ma vie à chaque virage que ce putain de bus prenait et c'était une expérience qui était loin d'être désagréable. Je n'avais jamais pris le Magicobus auparavant et maintenant, je comprenais pourquoi. Les manèges à sensation n'ont jamais été mon truc de toute façon. Je jetai un nouveau coup d'oeil à travers la vitre et je vis un mur de briques s'approcher à toute vitesse. Puis, l'autocar fou vira violemment à droite.
Cette fois, je ne me pris pas la vitre, mais un type qui était monté dans le Magicobus il y a peu. Avec tout ça, je n'avais même pas prêté attention aux montées et aux descentes de passagers, j'étais bien trop focalisé sur ce qui se passait sur la route.
Le choc, était dès lors inévitable.
Je laissai échapper un autre juron, alors que le jeune homme se confondait en excuses.
«
Ce n'est rien. » répondis-je, mon accent polonais étant plus prononcé que d'habitude, sans doute parce que j'étais agacé. «
Ce n'est pas de votre faute si le chauffeur conduit comme un gland. »
L'instant de choc passa et je reprenais peu à peu mes esprits. Je jetai un autre coup d'oeil au passager qui m'était tombé dessus, au sens littéral du terme, et la surprise vint bientôt marquer mes traits. Effectivement, je venais de le reconnaître, ce qui n'était vraisemblablement pas son cas à lui puisqu'il levait déjà le camp pour rejoindre une banquette libre.
Trop tard. Mon regard se posa sur le patronus qui accompagnait le sorcier et le guidait autant que faire se peut, surtout dans ces conditions.
«
Ezra ! » appelai-je alors, agitant le bras pour attirer son attention. «
La place est libre...si jamais. »
Autrement dit, qu'il ne s'embête pas à remonter l'allée pour atteindre le fond, ce serait dommage de se rompre le cou à la prochaine embardée de l'autobus. J'attendis patiemment que mon ancien collègue me rejoigne puis, une fois qu'il se fut confortablement installé à côté de moi, je lui jetai un regard inquisiteur.
«
Entre Jill qui a débarqué chez moi pour me sortir de mon trou, et toi qui me tombes dessus la seule fois où je décide de prendre ce foutu autobus, je vais finir par croire que l'univers est en train de m'envoyer un message. »
Lequel, allez donc savoir. Ça ne pouvait pas être une coïncidence. Du reste, je n'y croyais pas. J'ignorais si Jill et Ezra se fréquentaient encore. À l'époque, ils se disputaient déjà beaucoup, pour tout et rien, et c'était très fréquent que je sois témoin de leurs engueulades. Quand cela arrivait, je jouais mon rôle et les recadrais si nécessaire. J'espérais vraiment pour eux qu'ils avaient appris à accorder leurs violons. C'était quelque chose qui s'apprenait avec le temps.