Le visage écrasé contre son bureau, son chat avachit sur sa nuque et sa chouette tout aussi peu élégamment couché sur le sol, voilà la scène que l’ont pouvait apercevoir de la porte entre-ouverte du bureau de la sous-directrice. De quoi forcer le respect, c'est indéniable. Un bruit et voilà que les paupières de Vanellope commencent lentement à s’ouvrir, laissant doucement entrevoir une petite silhouette face à elle, une silhouette qui semblait la fixer avec d’énormes yeux ronds. Il lui fallut tout de même une bonne minute pour relever la tête, un parchemin collé sur sa joue, et c’est là qu’elle sursauta, rencontrant le regard vide de son elfe de maison. Ce dernier était… inquiétant. Il ne parlait presque pas et il avait le chic pour se retrouver là où on ne l’attendait pas. Tu es seul dans un couloir désert ? Retourne-toi, Marcus sera là. Tu viens de te réveiller seul dans ton lit ? Attention, Marcus est là. Tu es dans ton bain et tu n’as fait que cligner une fois des yeux ? Marcus est aussi là, juste devant toi, statique, immobile, effrayant. Heureusement qu’il était un serviteur de talent pour palier ce côté étrange, oui, il avait se don de connaitre sa maitresse par cœur, lui apportant toujours ce qu’elle désirait avant même qu’elle n'ait songé à le lui demander… il restait quand même « creepy » comme disent les jeunes. « Marcus, tu ne peux pas mettre une clochette autour du cou? Qu’on sache si tu te déplaces vraiment ou si tu as le don de téléporter d’un endroit à un autre en une fraction de seconde ! » Aucune réponse, simplement un regard blasé, presque vide, la fixant avant de se déplacer jusqu’au bord du bureau, lentement, très lentement, y déposant des documents avant de faire demi-tour, tout aussi lentement… Vani’ ferma alors les yeux quelques instants afin de bâiller et en les rouvrant… il avait disparu. Si ça, ce n’est pas l’elfe le plus effrayant du monde, je ne sais pas ce qu’il vous faut.

Comme toujours, la belle s’était endormie sur une pile de paperasse en retard. Des documents peu cruciales, mais dont elle devait tout de même s’occuper en tant que nouvelle sous-directrice de Poudlard… Elle avait encore du mal à s’y faire, il faut dire que ça ne faisait que quelques mois qu’elle avait obtenue ce poste, un poste convoité que la jeune femme n’avait jamais réclamé. On le lui avait proposé et prise de court, elle avait dit oui. Résultat, elle se retrouvait noyée sous des parchemins, devant répondre à des questions dont elle se moque ou pour lesquels elle n’a simplement pas de réponse sincère. En parlant de parchemin, elle en avait toujours un de coller sur le visage et elle ne le remarqua quand passant une main fragile sur son visage fatigué, s'occupant peu de ce qui l'entourait, suffisamment pour ne pas remarquer l'entrée d'un nouvel invité. « Professeur Potter ? » De nouveau, elle sursauta, plus surprise qu’effrayée. Un élève venait d’entrer dans la pièce, il semblait mal à l’aise, presque triste, tel un enfant sur le point de pleurer après avoir compris que le père-noël n’existait pas. Évidemment, Vanellope se sentit tout de suite investi d’une mission, aussi altruiste qu’un saint-bernard, elle se leva d’un bond se cognant au passage contre le pied de son bureau avant de manquer de trébucher, sautillant maladroitement jusqu’au jeune garçon en grimaçant. « Max ! Qu’est-ce qui se passe ? » Elle tenta de sourire, mais la douleur se lisait clairement sur son visage. Son vis-à-vis prit tout de même place sur un fauteuil non loin, la Potter le suivit de près, écoutant son histoire avec attention. Le pauvre n’était pas franchement un élève des plus populaires avec ses grosses lunettes, ses notes excellentes et son goût pour le sport somme toute assez surfait. Il n’attirait pas les regards et commençait à comprendre que ça le touchait plus qu’il n’avait osé l’admettre jusqu’ici. Un problème d’adolescent normal qu’il fallait savoir gérer en tant que professeur, car magique ou pas, Poudlard restait une école dans laquelle évoluait tout un tas d’enfants, jeunes et moins jeunes, ayant besoin de plus qu’un apprentissage scolaire classique. C’était en tout cas ainsi qu’elle voyait les choses et peut-être était-ce pour cela qu’elle avait été nommée à ce poste?…  

« Tu sais, quand j’avais ton âge, je n’étais pas très populaire non plus… Évidemment, j’étais une Potter, ça m’aidait un peu, mais je restais quand même une petite fille timide, perdue dans ses livres, avec quelques kilos en trop et des lunettes beaucoup trop imposantes pour moi…Comme toi! »
« Vous pensez que je suis gros?… »
« Quoi?… NON ! Bien sûr que non… Tu manges cinq fruits et légumes par jour?… » Voyant le regard de son élève s’embrumer elle décida de tenter de sauver le coup. « Non, je veux dire, tu n’es pas… gros… tu vas grandir et tout ça va se transformer en muscle…je t'assure! » Elle aurait peut-être mieux fait de se taire finalement… « Enfin bref, je n’avais pas beaucoup d’amis et on m’ignorait le plus souvent… Alors, je te comprends... »
« Qu’est-ce que vous avez fait ? »
« Rien. J’ai continué mes études, j’ai obtenu les meilleures notes et aujourd’hui je suis sous-directrice de la plus grande école de magie du monde… Alors, t’en fais pas, un jour, tous ceux qui t’ont ignoré te mangeront dans la main. »

Drôle de façon de réconforter un enfant en mal d’amour propre et pourtant, ça semblait porter ses fruits. Le Serdaigle quitta la pièce en souriant, comme si il venait de découvrir la solution miracle au réchauffement climatique, autant dire qu’encore une fois, et malgré un style ma foi particulier, Vanellope avait joué son rôle à merveille, n’hésitant pas à avouer ses propres faiblesses pour combler celle d’une personne en difficulté. Il est vrai qu’à l’époque, la belle n’était pas vraiment réputée au sein de Poudlard, pas pour sa beauté ou même sa famille, non, on la connaissait surtout pour sa maladresse, son manque de courage et ses notes plus qu’excellentes. Rien de bien glorieux en somme, pas quand on est une ado en tout cas. De plus, elle avait une sœur, une sœur jumelle qui, elle, avait tout pour plaire. Difficile de vivre une vie normale quand on a constamment le reflet de ce qu’on pourrait être en face de soi, un idéal qu'on peine à atteindre malgré ses efforts. C'était comme avoir un trésor à quelques mètres de soi, mais sans avoir la moindre solution pour traverser le précipice qui nous sépare de lui... Elle l’a quand même bien affronté cette adolescence chaotique et voyez ce qu’elle est devenue aujourd’hui : Une magnifique femme, sous-directrice d’une grande école, experte en art occulte et ayant une vie amoureuse tout aussi chaotique que sa glorieuse adolescence passée. C’est mieux que ce à quoi sa grand-mère maternelle la prédestinait : c’est-à-dire devenir valet de chambre ou fille de joie pour personnes aveugles. Oui, sa « mamie » a toujours été très avenante avec elle.



« Henry? Barnabé ? Justin ? Triathlon ? …. Pomme ? » Tout un tas de prénoms, et pas que, raisonnait dans le bureau de Vanellope. En réalité, elle était en train de chercher un prénom pour son chat, elle lui lançait donc tous ceux qui lui venaient à l’esprit, en espérant voir dans son regard fainéant une quelconque réaction. Évidemment, ce n’était pas du tout le cas. Il était assis sur le sol, mangeant des croquettes une par une sans se soucier le moins de monde de ce que lui racontait sa maitresse, on pouvait même se demander s’il l’entendait vraiment. D’ailleurs, c’était il ou elle ? Vani n’en était même pas sur, elle n’avait pas vraiment cru bon d’y jeter un coup d’œil et puis ce n’était clairement pas le plus urgent pour l’instant, avec tout ce qui se passait ici, tout ce qu’elle devait gérer maintenant qu’elle était sous-directrice, la paperasse, ses cours…. Oh mon dieu, ses cours ! À cette pensée la Potter attrapa une pile de livres avant de courir jusqu’à sa salle de classe, évidemment, son chat s’était accroché à sa jambe, comme il le faisait toujours dans les cas d'urgence, obligeant la pauvre à boiter tout en essayant de courir. Autant dire qu’à cet instant elle avait la grâce d’un hippopotame ou à la rigueur celle d'un bousier. Quoi qu’il en soit, et comme on s’en doute, elle tomba lamentablement en court de route, surement une ou deux fois, avant d’arriver dans sa classe, les cheveux ébouriffés, ce qui n’inspira pas vraiment ses élèves, vu qu’aucun ne crut bon de se taire lorsqu’elle arriva dans la pièce. « Désolé Désolé ! J’ai eu un contre temps ! » C’est moi où personne ne semble vraiment l’écouter ? N’y prêtant guerre attention, surement trop habituée, la jeune femme posa tous ses bouquins sur son bureau avant de se recoiffer légèrement, se tournant avec le sourire vers une classe rieuse. Tout le monde s’amusait dans son coin. Certains discutait de la pluie, du beau temps et de qui couche avec qui, d’autres trouvaient amusant de faire des courses d’avions en papier , sans parler des quelques un qui faisait mine de réviser alors qu’en réalité ils lisaient des magasines pour adultes strictement interdits dans l’enceinte de l’école. Bref, c’était la guerre… Heureusement qu’elle savait faire preuve d’autorité… un peu… « Excusez-Moi ? » Dit-elle avec toute l’autorité dont elle était capable : aucune. Bien sûr, personne ne sembla vraiment l’écouter, heureusement, qu’elle avait des assistants hors du commun. Son hiboux se mit à voler à travers la pièce, se montrant plutôt menaçant, quant à son elfe de maison il souffla dans une trompette, obligeant tout le monde à garder enfin le silence. Oui, un elfe de maison muet et un hiboux obèse avaient à eux deux plus d’impact sur ses élèves que Vanellope elle-même. « Merci. » S’asseyant sur le rebord de son bureau la sous-directrice commença son cours et comme toujours, les élèves se retrouvèrent bien vite en ronds, au milieu de la salle, à écouter avec attention l’histoire de l’occultisme et les milles et une chose à savoir sur le sujet. Il faut dire que Vani’ savait captiver son public, surtout quand elle-même se sentait intéressée par le sujet qu’elle abordait… Elle devenait assurée et dynamique, comme si plus rien ne pouvait l’arrêter. Si seulement elle faisait preuve d'autant d'aplomb dans sa vie de tous les jours.

Une fois le cours terminé, tous les élèves quittèrent la pièce, discutant de tout ce qu’ils venaient d’apprendre, se moquant un peu du fait que Vanellope avait une nouvelle fois chuté plusieurs fois durant la classe, mais tant pis, le principal était qu’ils avaient appris des choses, elle l’espérait en tout cas. Terminant de ranger ses affaires, la jeune femme attrapa son chat, qui se glissa sur son dos, avant de s’en aller à son tour, mais dans le couloir, alors qu’elle s’était stoppée pour réfléchir à ce qu’elle avait à faire maintenant, Marcus, son elfe de maison, apparut comme par enchantement à ses côtés, lui arrachant un petit cri de stupeur, son chat , lui, c’était évanouis de frayeur. Le courage, c’est dans les gênes. « Seigneur ! » La main sur le cœur, elle tenta de reprendre son souffle. « Arrête de faire ça, je t’en prie… Je vais finir par faire une crise cardiaque et je n’ai vraiment pas envie de me faire réanimer par l’infirmière en chef, non, vraiment pas. » Si ça avait été un homme séduisant, là, ça aurait changé la donne. « Qu’est-ce qu’il y a ? » Dois-je préciser que l’elfe ne répondit rien ? En effet, il se contenta de marcher lentement dans la direction opposée, tirant sur le manteau de sa maitresse, histoire de lui faire comprendre qu’elle devait le suivre. La Potter se rappela alors qu’elle avait une heure de pause, assez pour retourner jusqu’à ses appartements. Évidemment, elle logeait sur place, même si elle avait sa propre maison à Londres. Une fois sur place, elle jeta ses affaires dans un coin, laissant son chat tomber inerte sur un tapis -rassurez-vous, il vit, en théorie- avant de commencer à prendre la parole, parlant assez fort et distinctement pour que la personne dans le lit l’entende. « J’ai encore failli oublier un cours aujourd’hui ! J’ai beaucoup trop de choses à faire ! Il faudrait que je prenne un sous-sous-directeur ! Ce serait l’idéal, je pourrais lui déléguer tout ce que j’ai pas envie de faire, comme Dumbledore avec moi, parce que je suis sûre qu’il se débarrasse de tout ce qui l’agace en me les donnant… » Sa tirade continua pendant dix bonnes minutes et tout en parlant, elle en profita pour se changer, se refaire une petite beauté histoire de ne pas trop ressembler à une va-nu-pieds, elle avait tout de même un rang à tenir… Une fois terminée, elle se rapprocha du lit, l’air de rien, s’allongeant à côté de la personne qui s’y trouvait. « Fiou, je dormirais bien une heure ou deux… ou quatre… » Son vis-à-vis ne répondit rien, tout simplement parce qu’il ne pouvait pas. Cette personne n’était autre que le sosie de Vanellope, sa jumelle, une sœur tombé malade quelques années auparavant et qui ne semblait plus vouloir se réveiller depuis… Elle était dans le coma. Personne ne savait comment, ni réellement pourquoi, toutefois, les faits étaient là, elle ne réagissait plus à rien, ni à la magie, ni à la médecine moldu. Beaucoup ne cessaient de dire à Vani’ que lui parler était inutile, mais elle ne pouvait se résoudre à simplement l’oublier… Elle continuait donc de discuter avec elle, de vivre avec elle et de passer sa vie à espérer la voir se réveiller un jour pour répondre à ses bêtises… Elle espérait oui, car il ne lui restait plus que cela aujourd'hui.