Elle était belle, là, sur le balcon. Emmitouflée dans son gilet trop grand, le menton dissimulé dans sa grosse écharpe de laine. Son sourire éclatant, aussi blanc que la neige recouvrant la plaine autour de la maison. Se réchauffant les mains contre sa tasse de porcelaine, elle semblait heureuse, libre. Ses longs cheveux châtains clairs encadraient son visage rond et rougit par le froid de l’hiver danois. Papa disait qu’elle était la plus belle des femmes au monde. Aucune sorcière n’avait son charme. Oui. Maman était une moldue.

Maman elle est morte quand j’avais 8 ans. De constitution fragile depuis sa naissance, elle n’avait pas d’espoir de vivre longtemps. Et malgré ça, elle a donné naissance à trois enfants. Mais elle gardait le sourire. Toujours. Papa m’a souvent parlé de son courage. Je ne me souviens pas d’elle autant que je le voudrais. Je me rappelle ses boucles claires et son sourire aimant. La douceur et la tendresse dans ses gestes. Papa a dit qu’elle était morte heureuse et en paix.

Quand on dû enterrer Maman, selon les coutumes des moldus, nous étions montrés du doigt. En particulier Papa. Personne ne connaissait sa nature de sorcier. Mais on sentait sa différence. Il avait quelque chose de noble, de mystérieux. Papa il avait des cheveux d’un noir de jais et une mâchoire carrée. Il n’était pas danois d’origine, et les gens le savaient. Mais jamais personne n’est venu nous importuner.

Après ça, Papa nous a emmené dans l’univers des sorciers. Mes deux petits frères, des jumeaux, Aksel et Filip, se sont très rapidement habitués à l’environnement. Leur jeune âge jouait à leur avantage. Ils s’amusaient de tout, impatients de tout tester eux-mêmes. Moi, en revanche, j’ai eu un plus de mal à m’adapter. Oh, bien sûr, je n’étais pas réticent à toute cette magie. Disons simplement que je restais perplexe. Avec les enfants moldus, on parlait de la magie comme de quelque chose de super mais d’irréelle. Je savais, moi, qu’elle existait sans pour autant jamais vraiment la pratiquer. Papa s’est donc chargé personnellement de notre introduction à la magie.

Quand j’ai eu l’âge d’aller à l’école, à Poudlard, Papa était si heureux qu’il m’affirma que Maman, d’où elle était, était très fière de moi. J’avoue que la séparation avec mes petits frères a été assez éprouvante. Depuis la mort de Maman, c’était moi qui veillait sur eux. Comme si j’avais fait une promesse silencieuse avec Maman. Veiller sur eux, les protéger. De leur côté, ils étaient désorientés et se raccrochaient à Papa du mieux qu’ils pouvaient. C’était un véritable déchirement pour moi. Par extension, mes études en ont pâti. Au début seulement.

Je me suis finalement bien intégré dans ma maison, m’y faisant de nombreux amis tout en conservant un contact très régulier avec mes jeunes frères. Lorsqu’ils ont eu l’âge de venir à Poudlard, nos retrouvailles en ont ému plus d’un. Je les revois encore, les yeux brillants, trépignant sur place. Le choix de leur maison ? Ils s’en moquaient éperdument. Dès que l’occasion s’est présentée, ils se sont jetés dans mes bras. Et je me souviens avoir pleuré. Mes amis se sont moqués de mon côté sensible, me charriant en me surnommant de frère poule.

Je me souviens de toutes les années d’études, tous ces moments tantôt éreintants, tantôt passionnants. Je me souviens aussi de cette différence qui était mienne. Sportif, oui. Mais pas tellement passionné par le quidditch. Moi, ce que j’aimais, c’était les sports des moldus. Je m’en rappelle parfaitement. Maman m’emmenait souvent jouer avec les autres enfants. Quand les autres l’ont appris, j’ai été montré du doigt. Parce que j’aimais le monde des moldus au même titre que le monde des sorciers. Parce que ça me rappelle Maman. Et je me disais que tourner le dos au monde des moldus, c’était tourner le dos à Maman. Je suis fier que ma mère soit une moldue et mon père. Et si ça déplaît aux autres, je m’en moque.

Vers la fin du cursus primaire, j’ignorais absolument vers quelle branche me diriger. Ce qui m’a décidé ? L’accident de quidditch d’un de mes frères, Aksel. Un cognard l’ayant pris en chasse, il n’a pas réussi à tenir sur son balai et est tombé, percuté par cette saleté. Dans sa chute, il s’est cogné la tête et s’est ouvert au niveau de l’arcade sourcilière. Rien de grave, bien sûr, juste sonné. Mais je me vois encore bondir des estrades, tomber contre les gravillons, me relever et courir vers lui en hurlant son nom.

Heureusement il n’avait vraiment rien, plus de peur que de mal. Mais voir son visage tâché de sang, ça m’a remué. Je n’ai jamais été aussi inquiet. J’étais tellement paniqué que je ne l’ai pas quitté d’une semelle. A l’infirmerie, on a eu du mal de me séparer de lui pour qu’il puisse être soigné. Je suppose que c’est à partir de là qu’est née ma vocation pour étudier la médecine durant mon cursus secondaire.

Avec le temps, les autres ont fini par accepter, ou par oublier voir ignorer, le fait que j’étais adepte des sport moldus. Au bout d’un moment, je pense qu’on finit par s’habituer. Ou c’est le fait d’avoir choisi médecine, je ne sais pas. Les filles semblent apprécier je crois. Et je ne peux pas nier que ça ne me laisse pas indifférent. Y a du bon dans tout, comme on dit.