17 Novembre 1961, Manoir de Beaujoire, Paris.
« C’est un garçon ! » s’écria une femme âgée d’une soixantaine d’année, couvrant les hurlements d’un nouveau né. Le poupon ouvrait et refermait ses petits poings sous la puissance de ses cris. Elle l’éloigna de la femme en nage qui soupirait dans le lit afin d’aller le laver, pendant que le mari sortait de la pièce, un sourire satisfait sur le visage. Louis était le premier enfant de la famille Jaroslav, d’origine bulgare, et venait de sceller dans la chair une descendance française. 
La vieille femme qui finissait de nettoyer le nourrisson se tourna vers la jeune mère et lui demanda avec un sourire bienveillant si elle voulait prendre l’enfant dans ses bras. 

« Seulement pour quelques instants, j’ai premièrement besoin de me reposer, c’est un travail de longue haleine, Berthe ! » répondit Mathilde d’un air courroucé, attrapant la petit tête brune dans ses bras et la posant contre son sein. Elle observa ces deux yeux d’un bleu plus foncé que la moyenne qui s’écarquillaient en sa direction. Ils semblaient si profond qu’elle en avait le vertige. C’est donc dès cet instant que naquit en elle un sentiment nouveau, inédit depuis lors : l’Amour. Jamais elle n’avait aimé quiconque depuis son plus jeune âge, ni ses parents, ni ses amis, ni son mari, qui portait ce titre plus par intérêt financier de la part des deux familles que par réelle attirance entre les conjoints. Jamais elle n’avait ressentit cette chose là et pourtant, depuis ce moment là, elle avait une raison de vivre, de se battre, de travailler, de subvenir aux besoins de ce petit être qui respirait dans ses jeunes bras. Gardant le nourrisson dans ses bras, elle se leva, se sentant soudain forte, insufflée d’un courage nouveau. Traversant la pièce, elle rejoint le couloir où son mari discutait avec un homme a la haute stature, portant une lourde cape d’un velours noir. Sous cet apparat, il ressemblait à un de ses oiseaux de mauvaise augure, de ceux qui ne présage rien d’autre que de la douleur. Mathilde fut stoppée net dans son élan. Les cris de Louis attirèrent l’attention des deux hommes qui paraissait s’échauffer, et stoppa net leur conversation. Mathilde eut le souffle coupé lorsqu’elle comprit ce que signifiait la venu de cet homme.
« Non ! » souffla-t-elle

14 Mars 1963, Manoir de Beaujoire, Paris.
« Vassili ! Attends ! Ne pars pas de suite, s’il te plais … » La phrase se termina en un murmure, et la jeune femme blonde posa délicatement sa main sur le bras de son mari qui s’apprêtait à ouvrir la porte d’entrée. Le regard baissé sur la valise qu’il tenait à la main, la scène dura plusieurs minutes, figée, sans que rien ne bouge, mis à part le petit garçon âgé de deux ans qui, dans les bras de sa mère, remuait, regardant avec intérêt tous les objets de la pièce, un doigt dans la bouche. 

« Mathilde … je dois partir, tu le sais pertinemment. Si je pars, c’est pour votre bien, et je reviendrai pendant l’été, en attendant, dépêchez vous d’aménager en Angleterre, rien n’est plus bon pour vous ici. Partez de suite, Berthe a préparé les valises. » Il posa sa main sur le ventre légèrement rebondi de sa femme, plissa les yeux en signe de soutient, posa un baiser sur son front et sorti. Un crac sonore retenti, résonnant dans l’entrée comme un claquement sinistre, il était parti. 

Le petit garçon ne comprenait pas se qui se passait mais sentait bien que la situation était grave. Il fit une moue, se demandant qu’est-ce qu’il allait lui arriver à présent. Il se laissa transporter jusqu’au salon, après que sa mère ai demandé à leur domestique de leur descendre leurs valises et que sa grand-mère fut appelée auprès d’eux.

« Maman, nous partons sur le champs. Pas la peine de nous retenir, » ajouta-t-elle lorsque sa mère ouvrit la bouche pour protester, « la décision est prise, la France est devenue trop dangereuse pour les enfants » Elle ponctua ses paroles de plusieurs regards vers le ciel noir qui couvrait la plaine que l’on apercevait par la fenêtre. « Un orage arrive et je ne veux pas que mes enfants soit là pour voir le massacre.. Et encore moins pour y prendre part. » 


12 Juillet 1967, Manoir Jaroslav, Liverpool.
Les cris d’une fillette retentirent parmi les feuillages d’un bosquet, et une petite brune à la robe d’un bleu pétrole sorti en courant des buissons, tenant dans ses mains un ballon qu’elle lança à son frère, placé plus loin. Il devait avoir 6 ans et elle 3, et cela faisait des heures qu’ils jouaient dans le jardin de leur immense propriété, sous l’œil du jardinier qui s’occupait à entretenir les plantes plus loin. 
Alors que le petit Louis envoyait le ballon vers sa sœur de toute ses forces, celle-ci le rata et il tomba non loin du jardinier qui était occupé à tailler les rosiers près de la marre. L'homme ignora totalement les deux jeunes enfants qui lui criaient de leur rendre leur ballon avec force et le brun, dans un élan de colère, envoya le jardinier la tête la première dans l'eau, sans bouger d'un millimètre, par la seule force de sa colère. Fier de ses exploits, le petit garçon se dirigea ensuite vers son ballon en trottinant et, ignorant royalement le jardinier qui lui demandait de l'aider à sortir de l'étendue d'eau, retourna auprès de sa sœur qui le regardait, hilare.
Berthe, la domestique qui avait vu, par la fenêtre, toute la scène, s’empressa d’aller dire à sa maîtresse combien Louis était grand, maintenant. 

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La scène s’estompa sur le sourire de Mila qui riait en montrant le jardinier du doigt et le jeune homme fut comme tiré à l’arrière. Il sorti la tête de la pensine en haletant, se collant contre l’étagère qui se trouvait derrière lui, de la sueur sur le front. Il n’avait jamais revu ces souvenirs et cela l’avait énormément troublé de revoir son père. Depuis cette scène où il avait deux ans, il n’avait revu cet homme que deux fois. L’une pour ses onze ans, afin de fêter son entrée à Poudlard, et une autre l’année passée, pour ses 17 ans, où il avait passé les vacances de Noël dans sa famille. Ce manque constant de la figure paternelle et de tout le mystère qui entourait le couple que formait ses parents lui avait forgé peu à peu cette carapace si solide d’être dur et froid. Il n’avait ni oncle, ni cousin plus âgé. La famille du côté de sa mère était celle qui habitait le plus près mais ses grands-parents, stéréotype du français arrogant l’avaient renié, pour une simple histoire de maison et de caractère. Non, là où le choixpeau l’avait envoyé ne plaisait pas à grand monde, chez les de Beaujoire, et faisait même office de conflit au sein de cette famille pourtant si respectueuse et respectée. La famille du côté de son père, elle, habitait trop loin pour que Louis puisse s’identifier à un des frères de son père ou encore à son grand-père, même si les deux fois où il les avaient vu, pour ses deux derniers anniversaires, avaient eu une très mauvaise influence sur son caractère et n’avait réussi qu’à le rendre encore plus sombre qu’il ne l’était déjà. 
Ce maque d’identification et de repères étaient les seules causes de sa personnalité si changeante. Il était quelqu’un de peu bavard, de froid et de mystérieux, ce qui le rendait attirant et fascinant, même. Il était aussi très discret voire même insensible, cette facette de sa personnalité s’amusant à sortir puis à se terrer dans les tréfonds de son esprit suivant les personnes qui l’entouraient. Il devenait parfois même malveillant, si il venait à rencontrer quelqu’un qui lui déplaisait tout particulièrement. Pratiquant l’ironie et le sarcasme mieux que personne, il était cependant quelqu’un de très joueur, dans ses meilleurs jours. Il se plaisait quand même à avoir un petit cercle d’ami gravitant autour de lui et faisant ressortir son égocentrisme exacerbé. Mais ces amis là, triés sur le volet, étaient les seuls que le brun respectait et jugeait à leur juste valeur. Les seuls qu’il trouvait assez dignes et assez fous pour le côtoyer. 

Ces images lui permirent cependant de comprendre une chose. Cet homme dans le premier souvenir, cette hâte dans la voix de son père lorsqu’il avait prié sa mère de s’enfuir de France avec ses enfants. Son père avait côtoyé ou côtoyait toujours les forces du mal. Il n’avait pas d’explication à cela. De plus, Louis n’avait jamais vu l’avant bras gauche de son père, et n’avait donc rien pour prouver l’une ou l’autre des hypothèses. Mais la réaction de sa mère le jour de sa naissance n’était pas anodine … Et si Louis était voué au même destin que son père ? Un serviteur, un chien aux bottes d’un puissant ? Jamais. Jamais le brun ne se rabaisserait à servir quelqu’un, quand bien même il partagerai ses idéaux. C’est à ce moment là que le bulgare se jura que jamais il ne rejoindrai les rangs des mangemorts, mais ne se gènerait pas pour aider leur cause si il l’estimait louable. Personne ne décidait pour un Jaroslav, ce n’était pas pour rien si ces mots formaient la devise de sa famille, et il ne comprenait pas comment son père avait pu, dans une hypothétique appartenance au mage noir, se laisser dicter ses actes.

« Je t’avais dis d’attendre pour revoir ces souvenirs, nous n’étions pas prêts, et tu te mets à divaguer et à tirer des conclusions hâtives » retenti la voix grave et calme de Boyan dans sa tête. Les yeux ne l’animal brillèrent dans la pénombre, perché sur une commode qui meublait un coin de la pièce.
« Je m’en fiche, j’avais besoin de savoir … »
« Et qu’est-ce que cela te fait maintenant, de savoir ..? »
« Cela m’aide à savoir exactement qui sont mes parents, Boyan, et maintenant je sais. »