Twan venait à peine de faire une dizaine de mètres en dehors du château, et il regrettait déjà cette décision. Le vent était frais en ce début d’après-midi, et son souffle faisait virevolter les cheveux du jeune homme, qui vinrent lui cingler le visage. Il remonta sa lourde écharpe sur son nez et fourra ses mains dans ses poches. Il s’était levé du mauvais pied ce matin-là. Il avait bien dormi pourtant, en rêvant d’un après-midi banal dans le palais Lakshmi vilas, le palais familial, avec sa sœur. Mais en se réveillant, elle n’était pas là, et il n’était pas chez lui. Le reptile qui le talonnait depuis bientôt un an, s’était trouvé tout aussi déconcerté que le jeune homme de leur soudain changement d’environnement ; l’hiver approchait, et le Seps était loin d’apprécier le climat écossais à cette période. Tout comme Twan. L’étudiant regrettait amèrement les 28 degrés de son Gujarat natal, sa saison des pluies, ses tempêtes… Bon, pas les tempêtes. Il était pourtant déjà sorti ce matin, avec sa cape et son écharpe, histoire d’expédier trois lettres en Inde. Il avait d’ailleurs eu beaucoup de mal à convaincre les hiboux de l’école d’envoyer les courriers aussi loin, et surtout, le plus rapidement possible. Il avait fini par laisser tomber pour sprinter vers le château, se tromper deux fois d’escaliers, et arriver en retard au cours de potions en essayant de se faire le plus discret possible. Enfin, aussi discret qu’un métis Indien d’un mètre quatre-vingts aux longs cheveux et à l’air renfrogné pouvait l’être. Il adorait le cours de potions, mais il ne s’habituait toujours pas au professeur, à la salle de classe glaciale malgré les émanations brûlantes qui s’échappaient des chaudrons. Après un léger déjeuner (Il ne comprenait toujours pas pourquoi les anglais tenaient à ce point à surcharger leurs plats d’autant de viande), il avait filé dans la tour des Serdaigle afin de ranger sa cape, avant de descendre travailler son histoire de la Magie à la bibliothèque. Frustré de ne pas avoir trouvé le bouquin qu’il voulait, il avait fini par sortir. Il fit la moue, serra les dents, et continua à avancer, pendant que le Seps, frissonnant, s’empressait de sauter sur sa chaussure, de grimper le long de sa jambe, puis sur son torse, afin de se dissimuler sous son écharpe. « Foutue journée. » Il avança en plissant les yeux. Sa cape était restée en haut. « Foutus escaliers. » Il resserra son écharpe autour de son cou, manquant d’étouffer le patronus qui se réfugia en hissant plus haut sur son cou, lui tirant quelques cheveux au passage. « Aaah foutue bestiole ! »
Twan ne le pensait pas, au fond. Il avait mis le temps, mais il avait fini par s'y habituer, et il aimait bien le petit animal, même s’il ne l’avait pas encore nommé. Il descendit le long d’un sentier qui descendait vers le saule cogneur, (le dépassant à une distance respectable) et contournait le lac. À son grand étonnement, il aperçut plusieurs élèves, majoritairement des Gryffondor et des Serdaigles de 2e et 5e année, qui n’avaient pas cours en début d’après-midi. Et presque tous portaient la chemise et le pull à col v réglementaire, comme lui, mais il était le seul à grelotter. Le vent tombait, et un pâle soleil sortait de derrière les nuages. Il souffla, soulagé, et s’éloigna d’un groupe de 2e années qui se lançaient quelques sortilèges inoffensifs à tout va, et s’assit en tailleur sous un pin aux branches basses, tout près de la lisière de la forêt interdite. Il contemplait les élèves et le paysage écossais devant lui d’un air vague. Il entreprit de démêler ses cheveux ébouriffés par le vent, et abandonna vite l’idée. « Foutus cheveux.» D’un rapide coup de baguette, il fit léviter une pomme de pin et en plissant les yeux, il la changea en ourson, puis à nouveau en pomme de pin. Il soupira, et la fit valser quelques mètres plus loin. Et maintenant il s’ennuyait. Il leva les yeux vers les branches du pin, inclina la tête sur le côté et resta interdit un moment. Puis son expression s’adoucit, et il afficha le premier sourire de la journée. Il se décolla de l’arbre, et fit face au tronc. Émeraude était perchée sur une branche un peu plus haute au-dessus de lui. Elle avait été son guide, sa première amie lorsqu’il était arrivé, et, honnêtement, la vie au château lui semblait moins amère quand il était avec elle. Ses jambes frêles se balançaient au-dessus de lui et elle lui rendit son sourire, ses cheveux blonds étincelant sous les rayons du soleil qui filtraient à travers les branches. Le seps se détendit instantanément et descendit trotter sur l’herbe. « Tu sais que j’ai passé la matinée à la bibli dans l’espoir de te croiser ? »
Tu vas à l’infirmerie, maintenant! Ne raconte pas de conneries Snow. Ce n’est rien. La serdaigle s’était appuyée contre un mur, affreusement étourdie. Elle savait les raisons de ce malaise, son patronus également, mais elle aurait préféré crever que de l’admettre. Incapable de se tenir debout sans craindre de chuter, elle dû s’accroupir, la tête entre les mains. La noirceur envahissait son champ de vision, accaparant ses réflexions. Le jaguar grondait non loin d’elle, ne cachant pas sa frustration. Ses mains tremblaient tandis qu’elle fouillait dans sa poche, en tirant une friandise sucrée. En grognant, elle se laissa tomber sur le sol pour s’assoir, avalant ce qu’elle aurait préféré ne pas avoir à mettre dans sa bouche. Combien de calories dans ce truc? Elle faisait tellement d’effort ces derniers temps pour atteindre le poids idéal que de devoir tricher simplement pour ne pas devoir aller à l’infirmerie l’emmerdait profondément.
Les minutes passèrent et au bout d’un moment, elle put se remettre debout. La blonde était toujours chancelante lorsqu’elle quitta les couloirs pour se diriger vers le hall d’entrée. Un peu d’air frais lui ferait du bien. Elle resserra sa veste contre elle, ignorant les protestations du jaguar qui voulait la pousser à aller prendre un repas plus complet. Hors de question. Elle avait suffisamment mangé aujourd’hui et elle ne comptait pas obéir à son patronus simplement pour lui faire plaisir, d’autant plus qu’il ne la comprenait pas. Ses motivations, elle les conservait soigneusement et son but, elle comptait bien l’atteindre.
Le vent hivernal la revigora et d’un pas plus vif, elle se dirigea vers l’un des pins qui ornait le parc. Elle n’avait aucune destination précise en tête, marchant à tout hasard. Emeraude avait passé une grande partie de son matin à réviser ses notes de cours en vue d’un examen sur les maladies causées par des accidents magiques qui aurait lieu vendredi. Pour l’instant, elle avait besoin d’une pause et d’un peu de repos. Elle s’appuya contre le conifère, sortant son aide-mémoire. Le petit parchemin taché sur lequel elle écrivait ses choses à faire lui était très utile et elle le tînt devant ses yeux, plissant les paupières pour tenter de lire ce qu’elle y avait inscrit d’une écriture en patte de mouche. Ce qui devait se produire arriva et une bourrasque puissante s’empara du précieux objet, qui s’empala sur une branche un peu plus haut. Elle eut un soupir de frustration, jetant un coup d’œil à Snow qui se transforma en aigle. On fait une course? La serdaigle n’attendit pas de réponse avant de s’élancer vers l’arbre, attrapant la première branche pour aussitôt s’hisser vers le haut. Elle grimpa encore un peu puis s’arrêta, un sourire aux lèvres. Son patronus était bien sûr arrivé avant elle, l’aide-mémoire dans son bec. Elle s’en empara, regardant ensuite en bas. Ce perchoir n’était pas un mauvais emplacement, ne serai-ce que pour pouvoir subtilement observer les autres et ainsi assouvir sa curiosité.
Elle s’installa plus confortablement, appuyant son dos contre le tronc robuste du pin. De loin, elle aperçut une chevelure connue et son sourire s’accentua. Twan. Par chance – ou par télépathie, peut-être que c’était vrai cette connerie selon laquelle les amis savent quand ont a envie de les voir? – il vînt se poster précisément sous son arbre. Elle retînt un rire en le voyant jurer contre ses cheveux, l’observant tandis qu’il transformait une pomme de pin. La blonde aurait bien aimé pouvoir conserver l’ourson et l’empêcher de lui redonner sa forme d’origine. Lorsqu’il la vît enfin, lui faisant face, ses yeux pétillèrent de malice.
« J’évite la bibliothèque depuis un moment. À chaque fois que j’y vais, j’en ressors inévitablement avec trop de livres. »
Qu’elle n’avait pas le temps de lire. Elle était trop occupée entre ses cours, les combats et ses sorties. Balançant ses jambes dans le vide sans se soucier de la possibilité que la branche cède sous son poids, elle lui demanda :
« Mauvaise journée? »
De loin et avant qu’il ne l’aperçoive, il n’avait pas l’air de très bonne humeur.
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