Dans un silence qui n'avait duré que quelques secondes ou instants, mon cri avait percé la bulle de mon univers, ainsi que les tympans du médecin sans aucun doute. Ma voix, qui se pose maintenant comme une onde, été donc arrivée dans ce monde dans un vacarme assourdissant dont j'avais annoncé la fin par mon arrivée. Le personnel de l'hôpital soufflait enfin, rendant grâce à je ne sais quel dieu, ou peut-être eux-mêmes. Tout leur courage avait servi à enfin voir ma peau rougie et mes yeux encore clos, mais je suppose que l'intérêt de ce spectacle se remarquait plus dans les yeux de mes parents. Eux étaient heureux de toute cette agitation, ce bruit, cette presque anarchie qui régnait dans la salle. Je ne sais pas tellement comment ils ont fait, ce genre d'environnement me semble hostile, presque dangereux. Mon corps qui se déplace que de façon calme et lente, mon absorbé par diverses pensées ou en pleine contemplation, tout cela ne se marie pas bien avec les endroits où s'amassent et discutent trop de gens. Je me suis tellement habituée à ne pas pouvoir supporter tout cela, alors cet aspect de ma personnalité ne changera jamais. Ce sont des choses auxquelles on s'habitue, ne pouvant pas les changer.

Mes yeux perdus dans ce monde, voyant à travers une sorte de filtre flouté, semblent laisser à mes souvenirs incomplet une petite place pour quelques minutes. Ou heures, qui sait ? Mon regard parcoure monotonement ce qui se trouve à sa disposition, tombant sur les cheveux de Jack. C'est vraiment une couleur étonnante et je ne me suis jamais renseignée concernant la provenance de celle-ci. Je le ferais surement un jour ou l'autre, mais pas aujourd'hui. Ce jeune homme est le seul que j'ai pu supporter autant de temps à mes côtés, sans que je ne parvienne à me souvenir réellement de notre rencontre ou de la naissance de notre amitié. Sans même que je ne la comprenne réellement. Je crois que c'était durant l'hiver qui annonça l'arrivée de nos patronus que cette sorte de complicité a commencé à se bâtir réellement, mais ma mémoire n'est pas toujours efficace. En vivant sans faire attention à ce qui se passe, aux événements qui peuvent se produire, je ne peux pas lui reprocher son mauvais fonctionnement est relativement justifié.

De mes deux parents, je ne saurais dire lequel est doté de pouvoir magique et celui qui n'est qu'un simple humain lambda, un peu perdu parmi toutes ces histoires qu'on lui a toujours dit de ne pas croire. Ça non plus, je ne leur ai jamais demandé. Ils ont bien dû me le dire une fois, peut-être deux, mais ça ne m'a pas paru avoir un vrai intérêt. Comme beaucoup de choses. Ils sont plutôt gentils, je suppose. Un peu étonnés par mon attitude effacée et froide, mais ces derniers ont dû finir par se résigner, se dire que c'était comme cela et que ça le resterait. Qu'il valait mieux avoir une fille calme et silencieuse plutôt qu'une gamine effroyablement bruyante. Je les rejoins sur ce point-là, il faut bien avouer que les enfants qui pleurent dans les boulangeries donnent simplement envie de leur foutre un pain au chocolat dans la bouche, ou de le coincer dans leur gorge histoire qu'ils ne fassent plus jamais de bruit. La seule chose que ces pleureurs ont pour eux doit surement être l'univers qu'ils s'inventent, digne d'un trip de junkie qui aurait d'en finir à l'aide de la douce femme. Celle qu'il s'est choisi tout seul comme un grand, à moins leur rencontre ait été provoquée par des sourires malsains dans une ruelle sombre et quelques billets. Si on enlève les visions d'horreur.

Je pense, j'espère qu'enfant, je n'étais pas aussi exaspérante que toutes ces choses aux grands yeux semblent l'être pour les miens. Je suis presque convaincue que ce n'était pas le cas, que je n'ai jamais évolué, changé, mais la logique et le fonctionnement de l'humain contredisent quelque peu cette version. Après, je ne fais guère attention à l'avis de ces deux-là sur la question, mais disons qu'il faut toujours prendre plusieurs opinions, contraires s'il se peut, pour présenter un fait. Comme ça, même les plus abrutis d'entre les humains peuvent s'en créer une, même eux. J'ai souvent subi la présence de ces personnes autour de moi, il faut dire qu'il y en a tant. Depuis j'essaye simplement de les ignorer, mais leurs gloussements restent irritants. Je passe la majorité de mon temps isolée, ou en petit comité pour éviter de tomber sur l'un d'entre eux, ou devoir en supporter plus d'un à la fois. Ils aspirent tout simplement le peu d'énergie que je peux fournir. Alors, peut-être que la solitude est la meilleure solution pour moi. Oui, ça doit être cela, la solution.