Les mains de mon père étaient posées sur mes épaules et je sentais ses doigts s'accrocher avec force à ma veste noire. Ma main gauche tenait celle de ma petite sœur dont je sentais les doigts trembler. Les cheveux devant les yeux, du haut de mes douze ans, mon regard voilé de larmes était posé sur la tombe fraîchement construite. C'était assez étrange d'imaginer ma mère là-dessous, de penser qu'elle n'apparaîtrait plus jamais devant mes yeux. Puis l'étrange devint douleur, devint impensable : elle ne serait plus jamais là, elle ne me prendrait plus jamais dans ses bras, plus jamais je l'entendrais rire, plus jamais... Je levai mon avant-bras pour le coller contre mes yeux, pleurant en silence, cachant ce visage meurtri aux yeux de ceux qui était tout autour de nous à pleurer maman eux-aussi. Puis la foule se dispersa, il ne resta plus que nous trois et désormais, ce serait toujours cela : nous trois. Papa retira doucement mon bras et me demanda de le regarder, ce que je me refusai à faire et finalement, il nous prit, moi et Elizabeth, dans ses bras et nous serra très fort. Ce jour-là, il pleura beaucoup. Les jours suivants aussi, tout comme moi et Elizabeth. Cet été devint le pire de tous et moi qui avait été tellement heureux à l'idée d'entrer à Poudlard un an auparavant, moi qui avait bondi partout les jours précédents la rentrée, cet été là, je ne fus pas impatient de voir le mois de septembre arriver. Je n'avais pas envie de retourner à l'école, je n'avais pas envie de grand chose en fait et ce fut finalement mon père qui parvint, malgré son chagrin, à trouver les bons mots pour me donner la force dont j'avais besoin. Et puis, le jour où je montai dans le Poudlard Express, le jour où je croisai le regard de Juliet, ce fameux jour où elle me serra fort sans ses bras pour me consoler, je sus que j'étais là où je devais être : je n'étais pas seul. Je ne serais jamais seul à Poudlard et maman en serait heureuse.


« ENCORE UNE BOMBABOUSE ! POTTER ! »

Je me retournai et levai les bras en signe de paix en esquissant un large sourire ce qui signa ma condamnation : le concierge me connaissait trop bien et quand j'affichais un air pareil, c'était que j'étais coupable. Pourquoi m'en cacher de toute façon ? Le but n'était-il pas qu'il le sache ? Que tout le monde le sache ? Qu'elle le sache ? Il fallait bien que je continue à attirer son attention. Le concierge m'attrapa par le col de ma robe de sorcier avant de me promettre que cette fois-ci, je n'allais pas m'en sortir aussi facilement que d'habitude : ah parce que d'habitude je m'en sortais facilement ? Je ne voyais pas en quoi passer des heures à récurer les trophées, à classer les fiches des méfaits accomplis à Poudlard depuis de décennies était facile : c'était surtout pénible oui. Mais ça en valait la peine, rien que pour croiser le regard brillant de Majken, rien que pour le sourire qu'elle me rendit lorsque je glissai mon attention sur elle. Par la barbe de Merlin, ce sourire valait toutes les punitions du monde. Comme je fus heureux quand mes exploits finirent par payer et quand Majken voulut enfin de moi. Elle était tellement belle, tellement unique, tellement parfaite, en tout cas, c'était l'image que j'avais d'elle même si cette image s'effrita avec le temps car être avec Majken fut très différent de vouloir être avec elle. Cette idée que je m'étais fait de ce que pourrait être ce « nous » était bien loin de la vérité : un jour on s'aimait, un jour on se disputait et on se séparait, un autre jour on se retrouvait. Majken était tout autant surprenante qu'une boîte de dragées surprises de Bertie Crochue : je ne savais jamais sur quelle Majken j'allais tomber. C'est pour ça, sans doute, que ce « nous » dont j'avais tant rêvé s'essouffla jusqu'à disparaître. Pour autant, mes sentiments ne disparurent pas et c'est pour cela que la suite devint un peu malsaine car je n'étais plus avec elle et pourtant, il n'était pas rare que nous nous retrouvions. Souvent, c'était Majken qui faisait le premier pas et moi, trop faible dès qu'il s'agissait d'elle, j'étais incapable de dire non. Quel idiot...


« Tu as deux « Effort Exceptionnel », c'est très bien ! » s'exclama mon père avec joie.

J'esquissai un maigre sourire, n'étant pas autant joyeux que lui. Bon, je savais bien que mes résultats n'allaient pas être terribles et mon père aussi le savait très bien car il connaissait mes habitudes et mes résultats en général mais mine de rien, j'avais quand même fourni des efforts et je n'avais pas obtenue autant de B.U.S.E que je l'aurais voulu. En même temps, se mettre à travailler à la dernière minute n'était pas vraiment la meilleure méthode. Mon père ébouriffa mes cheveux ce qui eut le don de me faire lever les yeux au ciel car je n'avais plus l'âge qu'il agisse ainsi mais bon, puisque ça lui faisait plaisir... Je replaçai mes cheveux avant d'observer avec plus d'attention le parchemin : oui, d'accord, j'avais obtenu deux « Effort Exceptionnel » : un en Sortilèges et un en Défense contre les forces du mal mais en même temps, s'il y avait bien deux matières où les professeurs n'avaient trop rien à redire au regard de mes notes, c'était celles-ci car, comme j'avais toujours adoré ça, j'avais toujours bien travaillé. Le reste, était bien moins glorieux : trois « Acceptable » en Métamorphose (pas étonnant que je n'arrivais pas à avancer dans mon apprentissage pour devenir Animagus...), en Potions et en Soins aux créatures magiques. Pour le reste, j'avais eu droit à un savant mélange de « Piètre » et « Désolant », j'avais même récolté un magnifique « Troll » en histoire de la magie. Donc, j'avais cinq B.U.S.E. Le seul point positif dans ce résultat déplorable ? J'allais pouvoir passer moins de temps en classe et plus de temps à m'amuser. Bravo Nicholas, bel esprit.


Assis sur la chaise, j'avais les mains crispées et jointes sur mes genoux. Mon nez était toujours extrêmement douloureux même si heureusement, le saignement s'était arrêté. Un professeur était penché vers le Directeur de ma maison et plus les secondes passaient, plus je sentais le sang bouillir dans mes veines. Bran était posé sur le bord du bureau et m'observait d'un air intense. Le professeur se redressa, me jeta un regard sévère et quitta la pièce. Un silence pesant s'installa mais il était hors de question que je prenne la parole en premier : pour faire quoi ? M'excuser ? Oh mais ça aussi c'était hors de question. Ce que je j'avais fait, je l'avais fait parce que c'était juste, parce qu'il fallait que ces cinglés arrêtent de s'en prendre aux enfants nés de parents moldus. J'entendis soupirer et je détournai finalement mon regard de Bran pour le poser sur le Directeur de ma maison qui me regardait avec insistance mais non pas avec sévérité. Il me sembla même voir l'ombre d'un sourire étirer ses lèvres mais cela ne dura que quelques secondes. Ce qui vint ensuite, ce fut un sortilège pour réparer mon nez qui, au vu de craquement qu'il laissa entendre avait été brisé dans la bagarre, puis, j'eus droit à l'éternel discours qu'il ne fallait rien résoudre par la violence, que lorsque l'on assistait à une scène de ce genre, on devait avertir un professeur et non pas faire justice soi-même. J'encaissai les remarques sans rien ajouter parce que de toutes les façons, nous ne serions jamais d'accord là-dessus, jamais. On avait beau comprendre pourquoi j'agissais de la sorte, ça n'était pas moins condamnable : des conneries tout ça, des conneries. Je fus donc puni, comme d'habitude, mais aussi remercié par la jeune née moldue à qui j'avais éviter des ennuis, comme d'habitude. J'aurais préféré ne pas avoir l'habitude, j'aurais préféré ne pas avoir à intervenir : cinglés de sangs purs... Heureusement que nous n'étions pas tous comme ça.


« Ce n'est pas que je ne l'aime pas, » Menteur. « C'est juste que... »

Je m'arrêtai dans ma phrase en voyant le regard suppliant de Juliet et soupirai avant d'esquisser un petit sourire et de passer mon bras autour de ses épaules, l'invitant à avancer avec moi.

« D'accord, d'accord. Je vais me tenir correctement. » finis-je par lui dire tout bas, heureux de raviver son sourire.

Je n'aimais pas Electra, c'était un fait, et elle me le rendait bien puisqu'elle ne m'aimait pas non plus. D'ailleurs, elle ne manquait jamais une occasion de me le montrer. Il lui arrivait bien souvent de se montrer infecte avec moi et ce, même en présence de Juliet et moi je ne disais rien, me contentant d'encaisser. Je souriais pour Juliet, j'étais agréable pour Juliet, je cachais ma haine pour Juliet mais l'apparition de Bran me trahissait toujours et laissait bien comprendre les vrais sentiments que j'éprouvais à l'égard d'Electra. Je n'avais pas confiance en elle, je n'aimais pas ses idéaux, sa cruauté gratuite et surtout, surtout, je détestais l'influence qu'elle pouvait avoir sur Juliet. Cependant, c'était bien plus qu'une amitié qui les liait et je pouvais comprendre pourquoi Juliet n'arrivait pas à voir ce que moi je voyais en Electra : j'avais été ainsi à une époque avec Majken. Fort heureusement, j'avais fini par me réveiller et je ne pouvais malheureusement qu'espérer que Juliet se réveille un jour à son tour. J'étais intimement persuadé qu'elle méritait mieux qu'Electra et qu'elle pouvait trouver une autre fille qui lui conviendrait beaucoup mieux, avec laquelle elle serait vraiment heureuse.


Les A.S.P.I.C. Je dois me concentrer là-dessus. Je ne dois pas penser au fait que mon père semble me cacher quelque chose depuis quelques temps. Je ne dois pas penser au fait que Majken semble de plus en plus attachée à son foutu sang pur de fiancé. Je ne dois pas penser au comportement d'Electra que je trouve de plus en plus abject. Je ne dois pas penser à la douleur qui semble se profiler à l'horizon pour Juliet. Je ne dois pas penser à tout ça. Je dois absolument me focaliser sur les examens qui approchent à grands pas, je dois absolument trouver ce que je veux faire de ma vie. Oh nom d'un Hippogriffe ! C'est tellement plus facile à dire qu'à faire...