Si on prend l’histoire de ma vie depuis son commencement, on pourrait raconter que je m’appelle Saskia Ermelinde Anneliese Von Sachsenheim et que je suis née un 23 juillet ensoleillée. En me voyant nouveau-née, certains ont pensés très fort que je n’étais pas une vraie Von Sachsenheim, à cause de la couleur de mes cheveux. Je tiens en effet ce roux éclatant de ma mère, mais celui-ci ne s’accorde pas très bien avec les chevelures blondes comme les blés de toute la famille. Heureusement j’ai hérité des yeux bleus, deux lacs sur mon visage qui rehaussent à merveille mon teint. En y regardant de plus près, on aperçoit même une trace de vert que je partage avec ma sœur. Comme elle et le reste de la famille, j’ai d’ailleurs hérité d’une grande beauté : il faut dire que les Von Sachsenheim sont des gens devant lesquels on s’arrête pour les observer à la dérobée, tant ils en imposent par leur prestance, par la noblesse qui émane de chaque pore de leur peau et par le charisme dont ils sont tous dotés. C’est donc au milieu de tout ce beau monde que j’ai fait mes premiers pas et appris mes premiers mots. Ma mère m’a donné tout l’amour maternel nécessaire à la croissance d’une enfant en pleine santé, faisant de son mieux pour compenser le manque paternel. Un manque qui a conduit à un éloignement entre Cythère et moi. Il faut dire que de nature, nous sommes plutôt opposées, mais cette attitude de nos deux parents a très certainement aidé à nous séparer. C’est d’ailleurs un de mes premiers souvenirs.  Je suis assise par terre, regardant les images bouger d’un livre posé sur mes genoux. Je dois avoir quatre ou cinq ans, mais cela importe peu. Mes oreilles sont attirées par des paroles non loin de moi et je me retourne pour voir mon père et ma sœur. Je ne me souviens plus des paroles qu’ils ont prononcées et j’étais bien trop petite pour comprendre que mon père la félicitait pour ses bons résultats : tout ce qui comptait à mes yeux d’enfant, c’est cette fierté qui rayonnait de mon père, si fier de son aînée, tandis qu’il daignait à peine s’intéresser à sa cadette, moi. Ce qui a fait naître une certaine jalousie maladive pour ma sœur, et, avouons-le, ça n’aide pas à construire de liens affectifs.


Ma mère a fait des pieds et des mains pour que je me sente tout de même aimée, et la compagnie de Lenore, qui remplaçait à merveille Cythère dans le rôle de sœur, de partenaire et de confidente a bien aidée également. D’une façon générale, je m’entendais - et c’est d’ailleurs toujours le cas - mieux avec ma ribambelle de cousins qu’avec ma propre fratrie. Toujours prête à participer à leurs complots, à cacher les lunettes d’Orpheus, ou à prendre part à leurs fous-rires, les étés et les vacances en famille étaient les moments les plus enrichissants de l’année avant que je ne mette les pieds à Poudlard. S’est ainsi crée une des plus grandes richesses de notre famille, bien plus que tous les gallions qui dorment dans des coffres : la solidarité familiale, et ce fort sentiment d’appartenance à une même famille, unie et soudée. Bercée au milieu de tout ce monde, j’ai appris l’afrikaneers auprès de ma mère qui vient d’Afrique du Sud, ainsi que l’Anglais que je parle presque sans aucun accent en plus de ma langue maternelle, l’allemand.


Ma mère s’est néanmoins beaucoup inquiétée pour moi quand j’ai un jour voulu lui présenter Lotte. Mais avant de vous parler de ça, je devrais peut-être d’abord présenter mon amie. Lotte s’est donc imposée à moi un jour ou je m’ennuyais cruellement, tandis que ma sœur étudiait à Poudlard mais que j’étais encore bien trop jeune pour l’y rejoindre. Elle s’est mise à me parler et c’est tout naturellement que j’ai engagé la conversation avec cette fille que je ne distinguais pas vraiment mais qui était toujours là, quoiqu’il arrive. Un peu comme une bonne conscience, toujours là pour me distraire et me donner des conseils. Ce que d’autres appellent une amie imaginaire. Elle s’est construite dans mon imaginaire en s’inspirant de tout ce que je connaissais. Et c’est donc tout naturellement qu’un jour j’ai voulu que Maman la rencontre elle aussi. Je n’oublierais pas le rapide regard inquiet que ma mère a posé sur moi, s’inquiétant pour la santé mentale de sa fille qui lui parlait de gens qui n’existent pas, avant de me parler gentiment, comme à une demeurée, me rassurant que tout allait bien aller pour moi. Avant ce jour-là, j’étais persuadée que tout était normal. Si les fantômes existent, pourquoi pas Lotte ? Le lendemain, ma mère m’avait obtenu un rendez vous avec un grand médecin allemand, spécialisé dans les troubles mentaux des enfants. Je lui ai raconté en tremblant Lotte, tout en lui suppliant de ne pas lui faire de mal. Sauf que tout ça, dans ma tête m’a-t-il dit, ce n’est pas grave. Bien au contraire, je n’étais pas une psychopathe en devenir. Je dispose juste d’une capacité qui me rend capable de visualiser les différentes facettes de moi-même. Et j’ai moi-même incarné l’une d’elle en Lotte, ma plus fidèle conseillère. Par contre, là où tout le monde était persuadé que Lotte allait disparaitre en grandissant et qu’elle n’était là que temporairement, elle est restée à mes côtés, quoique bien plus distante que durant mon enfance. Je suis finalement rentrée à Poudlard, comme tous mes autres cousins, les parents désirants pour nous la meilleure éducation qu’il soit. Lotte s’est un peu éteinte, me laissant me faire des amis quand je n’étais pas occupée à lire ou à étudier. Elle m’aidait néanmoins à faire le point, le soir quand j’étais seule et roulée en boule dans mon lit où dans ce genre de moments-là.


Le Noël il y a deux ans est pourtant venu perturber mon quotidien d’élève naïve mais studieuse. J’étais désormais affublée d’un Patronus désagréable qui, malheureusement, ne pouvait trop s’éloigner de moi. Dans ma tête, ce fut temporairement le champ de bataille entre Lotte et Hans Peter qui s’envoyaient des répliques cinglantes, et moi qui ne savait  plus vraiment où me mettre. Mais tous les deux, ces deux aspects de moi-même, je ne l’ai compris que récemment, c’est eux qui font ma force. Ils me laissent tous les deux interagir avec mon entourage sans interférer, mais dans les moments de doutes, ce sont eux qui me soutiennent, eux qui sont là quoiqu’il arrive.


Dans les moments où j’en ai vraiment besoin surtout. Comme lors de la perte d’Eurydice, l’été dernier, durant l’attaque des Mangemorts. C’est là que j’ai vraiment compris où cette marque les menait, eux-tous. Un dur retour à la réalité pour la fille bien trop naïve que je suis habituellement. Si je n’ai pas perdu une sœur, j’ai en tout cas perdu une cousine et un peu de mes illusions. Si les Nés-Moldus sont inférieurs, avec leur sang sale, ils ne sont malheureusement pas les seuls à périr dans cette guerre qui les opposent à nous. On compte des victimes dans les deux camps. La Marque sur le bras de ma sœur en est venue à me révulser quelques temps. Voir ce signe sur le bras de Cythère me donnait envie de vomir. Je ne comprenais pas pourquoi elle avait été si empressée de la voir gravée en elle. Lotte qui m’a soutenue pendant cette période plutôt difficile me souffle maintenant qu’elle a agit comme ça pour me protéger et m’empêcher d’avoir à le faire moi, mais j’ignore sa voix. Je ne comprends pas plus mon cousin Orpheus, qui a lui choisit soudainement de prendre la marque à la mort d’Eurydice. Une envie de vengeance ? Peut-être, mais je préfèrerais qu’il le fasse sans risquer sa vie. Si je reste réticente face à la Marque, j’ai encaissé depuis le temps la mort de ma cousine avec l’aide bienvenue de Lotte et de Hans Peter, qui, pour la première fois depuis qu’il est apparu, a montré un semblant de compassion. Dire que c’est le grand amour entre nous depuis serait un mensonge, mais notre relation ne s’en est que vue améliorée. Je le tolère mieux disons. Et puis ce n’est pas vraiment comme si j’avais le choix.

Il me reste encore du temps pour vous parler mais il ne s’est malheureusement pas passé grand-chose d’autre depuis. Mais désormais c’est à moi d’écrire mon histoire, à moi de faire de mon présent de bons souvenirs pour le futur.