Il se tenait à côté de son père. Enok jetait un œil aux œufs qui allaient éclore dans cette salle des naissances. Mais son attention était surtout rivé sur l'un d'eux qui se trouvait en dessous d'une lampe chauffante. Le petit garçon n'avait que quatre ans et pourtant, ce n'était pas la première fois qu'il assistait à une naissance de dragon. Et ce n'était pas n'importe lequel dragon, c'était le Norvégien à crête. L'un des dragons les plus rares. Le dragon qui représentait son pays, son identité. Cette naissance était donc un évènement. Pourtant seuls Johan et son père se trouvaient ici. Et même si ce n'était pas la première fois, le petit garçon était émerveillé. Lentement, il découvrit l’œuf qui se fissurait. Il y avait d'abord, des petites lézardes allant d'un côté au sommet de l’œuf avant que la coquille ne se brise par endroit. La seconde suivante, un dragon d'une cinquantaine de centimètre sortait de son emprise, posant ses pattes fines et tremblantes sur la table de la couveuse. Il émit un râle typique des dragons et posa ensuite ses prunelles jaunes sur le dresseur qui lui faisait face. Johan observa son père prendre en main cette créature. Son père avait toujours eu beaucoup d'aisance pour les dragons. Il était fasciné par ce qu'il voyait et il avait hâte de faire comme son père, plus tard. Il avait hâte de lui montrer que lui aussi, était capable de s'occuper des dragons comme il le faisait et de reprendre la tête de l'élevage. Après tout, il était son fils aîné et si quelqu'un devait reprendre l'élevage, c'était lui et personne d'autre. Dans son esprit d'enfant, c'était une évidence.



« Attention, Johan. » La voix de son père l'intimida. Il faisait face à un dragon, un Cornelongue roumain. Cette espèce était connue pour les cornes impressionnantes qu'ils portaient sur le crâne. Et il était moins une que l'Ingherneils âgé de neuf ans, s'empale la main. Il devait apprendre au dragon à se tenir correctement quand on venait lui faire des soins. Sauf que la bête, blessée par un autre de ses congénères était récalcitrante. Et le jeune garçon avait des perles de sueur sur le front à force de tenter de le convaincre de rester tranquille. Le Cornelongue était impressionnant. Et plusieurs fois, il a évité les rafales incandescentes de la bête alors qu'il le repoussait vers le fond de l'enclos. Pour cela, il utilisait un long bâton avec un cercle argenté sur le dessus. C'était avec ça, que l'on guidait les dragons. Et celui-ci savait qu'il devait obéir. Sauf qu'il n'était pas d'humeur. Il griffa Johan sur l'épaule. « Reste sur tes gardes! » Le garçon serra les dents. Du sang apparaissait sur le tissu de son t-shirt. Mais il était surtout tendu parce qu'il sentait son père, agacé. Il se rendait compte que tout ceci était difficile. Et qu'il lui fallait encore des années d'entrainement.

« Laisse-lui un peu de temps. Cela ne fait qu'une année qu'il te seconde. » La voix douce de Rosa Ingherneils s'élevait dans la cuisine. Elle se trouvait devant la cuisinière, servant les crêpes pour le petit-déjeuner à son époux qui se trouvait assit à la table. Enok soupira lourdement. « J'étais plus débrouillard à son âge. » Johan qui se trouvait derrière la porte, entendait toute la conversation. Il venait de se faire soigner l'épaule par sa tante, Anita. Et ce qu'il entendait, lui donnait froid dans le dos. Il se rendait compte qu'il décevait son père. Qu'il n'était pas à la hauteur pour ce dernier. Et c'était difficile à accepter. Il baissa les yeux alors que sa mère reprenait la parole. « Johan est différent. Ne soit pas trop dur avec lui. Il essaie de faire de son mieux. » Le jeune Ingherneils resta derrière la porte entrouverte avant de disparaître dans les escaliers pour rejoindre sa chambre, n'ayant plus d'appétit. Il serrait les poings, décidé à montrer à son père qu'il avait tort. Oui il allait lui montrer qu'il était plus doué qu'il ne semblait le croire.


« Recule!! » La voix ferme de Johan raisonna aux oreilles de la femelle Magyar devant lequel il se tenait. Cette dernière le toisait de sa haute taille, tandis que l'Ingherneils était muni de son bâton d'argent. Il en avait fait des progrès depuis ses jeunes années. A présent âgé de treize ans, il s'occupait d'une partie des dragons. Cela n'avait pas été facile mais il avait réussi à convaincre son père qu'il était capable de le faire. Pour cela, il s'était entrainé, encore et encore, ne ménageant ni sa peine, ni les risques. Il se levait très tôt le matin et n'allait dormir que lorsque les dragons étaient dans leur parc. Il s'occupait d'eux quand il n'était pas à Poudlard. Il passait la plupart de son temps avec les créatures. Les relations avec son père s'étaient ressoudées au fil du temps. Enok s'était rendu compte qu'il avait été trop impatient vis à vis de son fils et qu'il était bel et bien un Ingherneils. Mais pour Johan, c'était différent. Il se souvenait encore très bien des paroles de son père. Et il était constamment en quête de perfection. Quand il travaillait avec les dragons, il était très autoritaire, bien plus qu'il ne l'était au quotidien. Maintenant, il était l'aîné des enfants. Il avait eu deux autres garçons après lui. Il y avait ses cousins, ses cousines et il se sentait toujours obligé de rester à la hauteur, de ne jamais décevoir, surtout pas sa famille. La dragonne qui lui faisait face ne voulait pas lâcher l'emplacement rocheux sur lequel, elle se tenait. Elle veillait sur ses deux œufs. Seulement, comme toujours les œufs étaient mis en lieux sûrs et Johan devait le lui prendre. Et il ne comptait pas sortir d'ici sans avoir récupérer ces derniers. La dragonne cracha du feu et il contrôla les flammes puissantes avec son bâton sur lequel il avait déposé un sort de bouclier. Il tenait fermement le bâton, sentant l'objet absorber la combustion. Il serra un peu plus la main, un tremblement passa dans son propre corps avant qu'il ne frappe le bâton par terre et ne renvoie le feu vers sa propriétaire. La Magyar rugit de colère alors qu'elle était repoussée par ses propres flammes. Johan en profita pour s'emparer des œufs et les confia à Sirrhus qui se trouvait de l'autre côté.


Il se trouvait dans le parc de Poudlard. Il observait un groupe d'élèves de première année, surtout l'un d'eux: son frère Joakim. C'était sa première année pour lui et son aîné veillait à sa bonne intégration. Il ne se montrait pas trop présent afin de ne pas le gêner. Mais il restait là. Et son frère le savait. S'il avait un problème, il savait qu'il pouvait aller vers lui. Cette année, d'autres Ingherneils avaient fait leur entrée à l'école de sorcellerie. Il se rappelait très bien comment s'était déroulée sa rentrée. Il était à la fois excité et impressionné par cet immense château. Puis, il avait été sous les regards curieux d'une grande partie de ses camarades. Il vivait parmi les dragons. Et cela impressionnait pas mal d'élèves. Même si lui, ne trouvait pas ça très extraordinaire. Pour lui, c'était son quotidien et il était même gêné d'être la cible de tant d'attention sans le mériter. Puis il s'était fait une place, il avait réussi à gagner l'amitié de ses camarades. Une amitié qui n'avait aucun rapport avec son origine ou l'activité de sa famille. Non, il était apprécié par son caractère, par la personne qu'il était. Ici, il n'y avait plus d'épreuves à passer. Il était simplement lui et cela lui faisait du bien. Il savourait cette nouvelle vie, en dehors du domaine familial. Il pouvait apprécier de nouvelles choses, s'intéresser à de nouvelles matières. Il était un élève brillant et il se montrait toujours disponible pour ses camarades. Mais il gardait une image de sérieux. Une image qui était totalement différente de celle de son frère, Joakim. Lui, il était le bout entrain, celui qui anime les discussions, qui lance les défis (et les remporte souvent). Un fin sourire s'afficha sur les lèvres de Johan. Oui finalement, il n'avait pas de souci à se faire pour son frère. Il allait s'en sortir et entamer sans problème une nouvelle étape de sa vie, sa vie de sorcier.


Une sortie à Pré-au-Lard pour mettre fin à cette longue journée? Ce n'était pas une chose à laquelle Johan pouvait échapper. Il avait même très envie de passer un peu de temps avec ses amis et boire un verre Aux Trois Balais. Il faisait froid ce jour là, puisque Noël approchait. Johan était vêtu de sa cape et de sa grosse écharpe. Ses pas crisaient dans la neige et laissaient leurs empreintes suivant un chemin habituel jusqu'au village. Là bas, l'Ingherneils retrouvait Stanislas, Anton et Peter des camarades de promotion de secondaire. Le jeune homme avait fêté ses dix-huit ans cette même année. Il sortait un peu plus souvent au village. Et cette fois-ci, il passait un bon moment à l'auberge, parlant de tout et de rien, de ses dernières vacances et des prochaines qui arrivaient à grands pas. Puis il quitta ses amis un peu plus tôt, voulant réviser son cours de droit pendant une petite heure avant d'aller se coucher. Mais en arrivant au détour d'une boutique du village, il fut agrippé par son manteau. Surpris, il allait dégainer sa baguette quand il découvrit un visage familier. La jeune femme qui lui faisait face esquissa un sourire malicieux avant de l'embrasser. Johan répondit au baiser de sa petite-amie, ses mains se posant sur la taille de cette dernière. « Je croyais que tu ne voulais pas sortir » Murmura-t-il du bout des lèvres alors qu'il répondait à nouveau à son baiser. « Je voulais te voir. Tu vas me manquer pendant les vacances. » « Alors vient avec moi. » La jeune femme releva son visage sur lui. Elle soupira avant de se détacher du sorcier. « Tu sais bien que ce n'est pas possible. » « Pas possible ou tu n'as pas envie? » Johan soupira avant d'ajouter: « Cela fait un an qu'on est ensemble. Pourquoi doit-on encore garder le secret sur ça? C'est idiot. » Il était agacé par l'attitude de la sorcière. Il ne comprenait pas pourquoi elle voulait continuer à cacher leur relation. Au début, il avait pensé que cela leur épargnerai des questions indiscrètes. Il faut dire que les Ingherneils étaient une tribu de curieux. Et que forcement, des questions ils allaient en poser. Mais maintenant cela faisait des mois qu'ils étaient en couple. Et cela devenait agaçant pour lui de toujours masquer la vérité, prendre des détours pour expliquer certaines choses. Il savait bien que sa famille était envahissante. Mais c'était sa famille. « Bon d'accord.... d'accord. Je viendrai te voir, mais juste pour quelques jours. Mes parents comptent aller voir ma tante en Hongrie. » Johan l'observa. « Tu en es sûre? » La jeune femme hocha doucement la tête. Un fin sourire s'afficha sur les lèvres de Johan. Il s'approcha à nouveau d'elle et déposa ses mains sur ses joues avant de souffler: « Tu ne le regrettera pas » puis il l'embrassa, heureux.


Il serra les dents tout en mettant la genouillère et la serrant le plus qu'il pouvait. Quand le temps changeait, sa blessure au genoux se réveillait comme ces derniers temps. Une blessure qu'il s'était fait il y a un an, pendant un banal match de Quidditch, au domaine. Il était mal tombé et sa rotule s'était brisée à plusieurs endroits. Soins moldus ou sorciers, rien n'y faisait, cela restait douloureux certains jours quand la blessure se réveillait. Sinon, c'était supportable. Après tout, il n'était pas le premier à avoir été blessé, d'une façon ou d'une autre. Son frère Joakim avait été grièvement blessé. Il se sentait responsable et se disait qu'il aurait dû être là. Sauf qu'il était parti livrer des dragons dans le sud de la France. Mais c'était l'aîné et il aurait du protéger ses cadets. Il avait du mal à l'accepter. Il essayait d'être présent pour Joa mais ce dernier était plus proche de leur coussin Sirrush puisqu'ils avaient le même âge. Il espérait que ce dernier allait lui remonter le moral. De plus, il avait récemment rompu avec sa petite-amie. Beaucoup de choses négatives s'accumulaient ces derniers temps. C'est pourquoi, quand Rosy lui proposa de sortir en ville, il avait accepté. Après tout, c'étaient les vacances, ils pouvaient oublier un peu toutes les obligations qui jalonnaient leur année. Rosy et lui s'étaient pas mal rapprochés ces derniers temps. Peut-être parce qu'ils vivaient la même chose, sentimentalement. De ce fait, ils savaient qu'ils pouvaient se parler sans être jugés. Et surtout, ils pouvaient parler à une personne qui comprenait. Même si Johan n'était pas tellement du genre bavard, il savait que s'il voulait parler, il avait quelqu'un. Et c'était pareil pour Roshario. Ils s'étaient amusés, faisant la tournée des bars, riant aux éclats, échangeant des défis comme deux gosses. Seulement la soirée se termina dans le même lit. L'abus d'alcool leur avait fait pousser les barrières qu'ils y avaient entre eux. Il ne se souvenait pas de qui avait fait le premier pas. Et cela importait peu maintenant. Le résultat: il s'était réveillé dans sa chambre, dans son lit aux draps froissés avec de vagues souvenirs de la veille. Enfin, assez de souvenirs pour savoir en gros ce qu'il s'était passé. Rosy avait quitté la chambre et il sentait la culpabilité peser sur ses épaules. Le reste du temps, ils s'étaient évités, se lançant des banalités. Même s'il savait qu'ils allaient devoir en parler, avoir une véritable discussion. Mais pour l'instant, c'était difficile et les derniers évènements à Poudlard, n'arrangeait pas les choses. Une nouvelle année pleine de rebondissement s'annonçait.