Un matin.

"Il finira mal. En tout cas, rien de banal ne germera dans sa tête : ce sera le génie du bien ou du mal." avait-on dit à propos d'un moldu. Avait-on répété à propos de Marius.
La pointe du coude enfoncé dans les stries du bois qui composait son bureau. Le regard dans le vide, la désinvolture suintant de tous les pores, Marius agaçait. Et c'était à son propos, qu'un de ses professeurs avait lancé cette phrase. Une phrase teintée de mépris dans la bouche de cet homme qui ne supportait plus le fils Dearborn. L'unique de la famille qu'on ne pouvait encadrer. L'isolé de la fratrie au sujet du quel on ne pouvait que s'interroger. Fils de parents exemplaires, enfant de défenseurs de l'ordre, Marius faisait tache. Une goutte de sang sur un drap blanc.
Il avait entendu cette phrase alors qu'il s'extirpait de la salle, alors qu'il fuyait l'odeur des vieux grimoires. L'homme s'était pensé assez éloigné des tympans du brun pour émettre une critique. En guise de réponse et pour lui prouver que la discrétion n'était pas sienne, Marius lui jeta un regard empreint de froideur. Ses iris se posèrent sur le quidam, l'antipathie dont il faisait preuve s'en alla percer le chétif professeur. "Sang de bourbe." marmonna-t-il avec la volonté de le lui cracher ces mots au visage. Sa sortie se clôtura d'un petit sourire carnassier, comme une silencieuse promesse.


Un midi.

L'heure du repas, le moment où la convivialité est à son apogée. Le soleil à son zénith, tout comme cette gaieté particulière que l'on trouve chez certains. C'est donc, tout logiquement que le garçon suit le mouvement et rentre dans la grande salle, les effluves lui assaillant le nez. Les plats ornant la table, il entreprend le chemin pour se glisser jusqu'à la table de sa maison avant de sentir son sang ne faire qu'un tour. Dearborn. L'autre. La grande sœur. Lorsqu'il reconnaît ses yeux émeraude et ses fines mèches ébène, il se peut s'empêcher de serrer les poings. Alexis la maudite. Marius hait sa famille, exècre son sang, maudit ses pairs.
Il ne peut éviter la brune qui lui adresse un petit sourire cordial lorsqu'il arrive à son niveau. Marius tente au mieux de la contourner, d'oublier son sourire, d'ignorer sa présence. Le regard porté au loin, il se faufile entre les sorciers après avoir frôlé sa sœur. S'installant sur le banc en dissimulant au mieux le tremblement de ses mains. L'effet Dearborn. Sa mâchoire se crispe, ses dents s'entrechoquent et l'appétit disparaît alors qu'il revisionne le sourire amical de sa sœur. Ce sourire bien trop honnête pour lui, un sourire niais laissant transparaître la bêtise familiale. Bien que ses paupières soient clauses, il sent que les iris de sa sœur sont fixés sur lui et tente de récupérer un peu de contenance. L'air fier, Marius agit donc normalement, habitué à l'ignorance.


Une soirée.

Les murs de pierre allant se retrouver dans haute clef de voûte, ses pas qui résonnent. Marius avance dans les couloirs, son long manteau sur les épaules et son habituel regard teinté de froideur. Noyé dans ses pensées, il ignore avec prétention ses pairs. Les élèves ne sont que foule, quant à lui, il se contente de garder la tête hors de l'eau. Ses poings refermés, il essaye de ne frôler aucune autre personne. C'était sans compter sur un jeune serdaigle qui lui rentre dedans. Le petit l'esprit bien loin, ne prend pas la peine de s'excuser auprès du fils Dearborn qui, pour son compte, à retrouver ses esprits. Alors que le jeune élève tente de reprendre son chemin sans même un regard pour Marius, ce dernier a d'autres projets pour eux deux. Il voit dans le manque d'attention du serdaigle une marque de mépris, une volonté de l'humilier. Marius le grand persécuté.
C'est donc sans hésiter qu'il fait demi-tour afin d'emboîter le pas de sa victime, sans laisser transparaître la moindre trace de colère, il le suit en silence. Guettant presque sa proie dans l'ombre, il guette le moment où la foule se sera dispersé. Et ce moment arrive rapidement, c'est donc avec hâte qu'il pousse le garçon dans un couloir plus mince. Ses doigts refermés sur le col, il le plaque contre une paroi de pierre, sa baguette posée sur la carotide du jeune serdaigle. Ses traits déformés par une rage injustifiée, il crache presque au visage du quidam apeuré : « réessaye encore une fois. ». De là, il le fixe encore quelques secondes avant de le lâcher pour le repousser dans le couloir principal. Le serdaigle ne demandant pas son reste. Marius le regarde fuir, sa subite colère laissant place à l'interrogation, peut-être même une certaine culpabilité. « D'où vient elle ? et pourquoi apparaît elle? » se questionne-t-il. La réponse n'arrivant pas, il essaye tant bien que mal d'évacuer la tension qui avait saisi ses muscles et de regagner le train normal de sa journée.


Une nuit.

La fenêtre du dortoir ouverte, les rideaux dansant au vent, le garçon sort son nez. Ses amis endormis autour de lui, il fixe le sol qui se trouve quelques dizaines de mètres plus bas. Sous le regard de la lune, le jeune Dearborn essaye de reconstruire son identité. À commencer par sa sexualité. Marius n'a jamais su la déterminer et même s'il n'est pas obligatoire de poser un mot dessus, il est compliqué pour lui de rester dans le flou. Sur la voûte étoilée, il n'arrive à dessiner aucun couple. Ni homme, ni femme, aucun visage n'apparaît lorsqu'il essaye de se concentrer sur son besoin d'affection. Lui, qui se veut si froid, n'arrive pas à digérer sa solitude amoureuse.
Alors qu'un camarade se retourne, il lui lance un rapide regard, reprenant ensuite le cours de sa pensée. Il presque désiré se faire fiancer, ne pas avoir le choix, ne pas laisser le destin se jouer de lui. Marius triture ses doigts alors qu'il ne fait que pester contre le vide à ses côtés. Lui, le petit empereur aspire à une gloire bien entourée. Peu importe qui se désignera, le brun en a besoin.