Vous vous demandez sûrement quels douloureux traumatismes habitent mon passé ? Il vous faut une explication rationnelle à mes déviances n'est-ce pas ? Vous voulez que je sois une enfant maltraitée, ou éventuellement une petite orpheline ballottée par la vie ? Vous voulez une histoire avec une maison vide, une nuit noire, un orage et des cris à vous glacer le sang ? Vous voulez vous identifier, essayer de comprendre qui je suis et pourquoi je suis ainsi. Vous voulez des explications pour me pardonner. Mais en fait, vous ne pouvez juste pas tolérer que ma monstruosité n'ait aucun fondement. Cette vérité vous effraie. Seulement, je ne suis pas là pour vous raconter des histoires. Je suis là pour vous raconter mon histoire. Et si vous voulez vous réfugier derrière la certitude réconfortante que cela ne peut arriver ni à vous ni à un de vos proches, je vais avoir le regret de vous faire désenchanter. Il ne suffit pas d'être un bon parent, il ne suffit pas de se dire qu'étant à l'abri des monstruosités, votre enfant sera normal. Car la monstruosité a bien des visages. Je n'ai jamais vraiment été une enfant normale. Je n'ai jamais pleuré, pas une seule fois, même alors que je n'étais qu'un simple nourrisson. Je pense que dès le début, ma mère avait peur de moi. Comme si elle sentait qu'il y avait quelque chose d'anormal chez moi. Elle a tout fait pour que ça n'empire pas, pour me traiter aussi normalement que possible. Me tenant à l'écart de la magie noire que mon père pratiquait, elle s'est beaucoup occupée de moi dans mes premières années, mais cela n'a rien changé. Mon âme était déjà sombre, bien trop sombre pour elle, qui n'avait demandé qu'un héritier et qui s'est retrouvé avec moi comme unique enfant. Je l'avais condamné cette pauvre femme, tout comme j'avais condamné notre lignée. J'ai eu mes pouvoirs à cinq ans, en libérant un papillon pris dans une toile d'araignée. Déjà, à l'époque, j'avais une passion pour les animaux. Mais j'étais naïve, à l'époque. Je ne connaissais rien au règne animal, et je ne savais pas que l'araignée ne tuait le papillon que pour se nourrir. Je ne savais pas qu'en sauvant l'insecte ailé, j'avais condamnée l'arachnide à mourir de faim. J'ignorais que tout se payait et que pour une vie de sauvée, une autre tombait. Depuis, je suis neutre. J'ai un grand respect pour la vie, mais j'ai aussi appris à respecter la mort. Les gens ont tendance à confondre la mort et le mal. Pourtant, ce n'est pas du tout la même chose. Ce que je fais est peut être néfaste, mais il n'a rien de morbide. Je n'a jamais tué la moindre personne. Au contraire. Je savoure la vie, et tout ce qui la compose. Le sang, la douleur, les larmes. Ce sont des choses que vous oubliez souvent. Pourtant, ils font partie de votre existence. Je me charge de vous le rappeler. Je ne suis ni bien ni mal. Je suis neutre. Je suis la vie. Je me charge d'ouvrir les yeux à ceux qui ont oublié. J'avais neuf ans lorsque j'ai succombé pour la première fois aux appels du corps. J'avais séduit la petite voisine moldue avec quelques bonbons, et je l'avais invitée à jouer avec moi dans une des nombreuses dépendances qui peuplaient notre manoir. Elle était attachée, simple jouet, petite poupée fragile. Je ne lui ai rien fait de terrible, pourtant. Quelques coupures, pour qu'elle voit la couleur de son sang, mais rien que je ne m'étais déjà infligé avant. Mes parents l'ont découverte, après deux jours. Sans un mot, ils ont relâché la petite en lui effaçant la mémoire et m'ont ramené à la maison. Aucune explication, aucun cri. Juste la peur dans le regard de ma mère. Plus tard, mon père a essayé de m'expliquer que je ne devais pas faire ça à Poudlard. Que je serais renvoyée et que je n'aurais nulle part pour apprendre la magie. Mais quel intérêt de savoir faire de la magie si cela impliquait de ne pas pouvoir faire ce que l'on voulait ? Je l'ignorais alors, tout comme j'ai toujours ignoré tous les ordres. Pourtant j'ai fini par promettre de ne pas céder à mes pulsions à l'école. Mais pas à mon père. A ce petit garçon à la voix d'or, que j'entends toujours gravement me dire « Tu ne dois plus faire ça Méli. Si tu le fais, tu seras renvoyée, et si tu es renvoyée, je ne pourrais plus jamais te voir. Promets, Méli, promets. ». Et j'avais promis. Et je ne reviens jamais sur une promesse, raison pour laquelle j'en fait très rarement. Accélération rapide sur mes premières années à Poudlard, qui n'ont pas grands intérêts. J'ai eu mes buses de justesse, les aspics étaient meilleures et j'ai pu aller en vétérinomagie et enfin m'épanouir. Tellement que j'ai rempilé sur un troisième cycle, moi qui m'étais promis de partir aussi vite que possible d'ici. Pourtant, je ne me vois pas ailleurs. Que puis-je faire de mon avenir ? La marque ? Je sais que mon père en serait ravi. Mais au fond de moi, j'ai peur de me livrer aux ténèbres et de laisser totalement s'exprimer cette sombre part de moi. Alors pour le moment, je suis neutre au conflit en cours. J'ai observé de loin Belize, la peste, l'accident de train, refusant de prendre partie. J'occupe mes journées par le plaisir et les sensations fortes, ne me préoccupant de rien d'autre. Car après tout, je ne suis ni bien ni mal. Je suis neutre. Je suis la vie.