« Illyrio descends de là! »
Maman, toujours à me donner des ordres parce qu’elle s’inquiète pour moi. Son fils unique, sa petite bulle de joie qui, a à peine huit ans se conduit comme un petit démon, grimpant actuellement les branches d’un grand cerisier pour aller voler les fruits les plus hauts placés, les plus juteux, les plus rouges. Je voulais les lui amener, lui faire la surprise pour voir son sourire illuminer son visage -et en profiter pour me gorger la panse- mais c’était sans penser qu’elle me verrait depuis la fenêtre du premier étage et n’accoure dans le jardin pour me ramener à la raison. Sa voix est paniquée alors que je finis d’enfourner une cerise dans ma bouche en lui jetant un regard. Déjà mes grands yeux bruns sont malicieux et rieur.
« S’il te plais, descends. »
Cette fois sa voix est entre l’inquiétude, la colère et peut-être l’agacement. Obéissant, j’entreprends de descendre cette haute montagne que représente le cerisier, mes mains encore bien petites s’agrippant aux branches et au tronc. Mais je suis un enfant, turbulent peut-être, débrouillard sans doute mais un enfant quand même. Lorsque mon pied glisse le long du tronc et que la branche sur lequel je prends appuie cède sous mon poids je n’ai plus que mes oreilles pour entendre le hurlement de ma mère. Je ne me rends même pas compte de la gravité d’une telle chute bien qu’instinctivement je tente de camoufler mon visage sous mes bras pour protéger mon crâne… Mais rien ne vient, sauf le cri étouffé de ma mère entre ses mains alors que je sens le vent clair sur mon visage, que ses bras viennent m’attraper pour me serre aussi fort qu’elle le peut.
« Tu es un idiot, tu es un idiot Illyrio. »
Je sais qu’elle ne le pense pas, son étreinte est bien plus sincère que ses mots, alors j’enfouie mes mains pleine de jus de cerises dans ses cheveux et je m’accroche aussi fort que je peux.

La lettre ne fut une surprise pour personne, j’eus pourtant la fierté de la montrer à tout le monde, de mon oncle le plus méconnu venu boire un thé à mon père pendant le week end que nous passions ensemble. Imaginez, moi, faire de la magie. Je n’ai jamais eus la même appréhension vis à vis de la magie que d’autres : Pas de peur d’être né cracmol car ce n’aurait pas été une honte pour moi ou ma famille. Pas de surprise non plus puisque la magie est omniprésente autour de moi.
Mon caractère intrépide, jovial, doux et pourtant aussi tête brûlée qu’un lionceau m’envoya presque immédiatement chez Gryffondor. J’y trouvai la chaleur d’une seconde famille, une grande âtre de cheminée pour me tenir chaud et un dortoir donnant vue sur le parc du château et quelques toits. Il n’en fallait pas plus pour s’épanouir et avoir l’impression de ne jamais avoir quitté ce lieux… Il n’en fut pas de même pour les cours, éternel rêveur, hyperactif et enfantin, les cours n’étaient pas ma première occupation. Il m’est arrivé plus d’une fois de tourner le regard par une fenêtre sans plus écouter les consigne et de me cramer quelques mèches de cheveux. Les potions étaient un point faible non négligeable et si je me débrouillais plutôt bien en botanique et soins aux créatures magiques, j’étais absolument insensible aux cours d’histoires et de manière générale à ceux qui se passaient sur table.
À me lire, vous allez penser que je suis un cancre. Vous n’aurez peut-être pas tord. Malgré tout il me restais un as dans la poche et il ne mit pas longtemps à en sortir : J’étais habile sur un balai, bien plus que d’autres de mon âge et le fait de sentir cette liberté me remplir les poumons à chaque fois que je montais dessus me donnais envie de recommencer encore et encore -au grand damn de mes professeurs qui voyaient d’un oeil mauvais le jeune Lupin sur son balai alors qu’il leur rendait des copies bâclées.-

Quoique je sois assidu aux entraînements de Quidditch et que je me démène pour leur montrer que l’asperge que j’étais valait le coup je mis un moment à entrer dans l’équipe Gryffondor. Peut-être car derrière ce grand sourire se cachait un éternel timide, ou parce que l’attrappeur n’avait pas l’air décidé à quitter son poste. La petite balle dorée était cet os que le chien cherche toujours à voler quand il en a la possibilité et c’est à Poudlard que j’eus l’honneur de gagner mon premier match. Quelle ne fut pas la fierté de pouvoir rentrer aux dortoirs sous les grandes pompes de votre équipe mais aussi de vos amis. L’impression qu’au lieu d’être à la traine vous aviez des dizaines de mètres d’avance sur les autres ; Je ne suis pas d’un naturel narcissique, aussi ce bonheur était-il purement personnel, j’ai toujours eus en mot d’ordre d’honorer aussi bien mes amis, que l’équipe, mais aussi les perdants sans qui je ne serais certainement pas là.

J’avais quitté Poudlard depuis quelques mois quand le premier noir se passa. Par chance je n’étais pas sur un balai mais dans les vestiaires d’un entrainement de Quidditch. C’est un ami qui me trouva là, allongé entre deux bancs et qui interpela tout le monde. J’ai toujours pensé que la magie était un miracle, qu’elle avait sauvé ma vie et l’avait rendue aussi belle qu’elle ne m’avais offert un avenir radieux -j’étais en école de Quidditch, je devais passer les tests d’entrées pour l’équipe des flèches dans quelques mois, aussi libre qu’un oiseau…- pourtant, la retombée fut radicale ; La magie n’est pas un remède à tout, et surtout pas au sida. J’ai vu ma mère pleurer lorsqu’elle a apprit pour son fils unique et j’ai vu des amis se détourner de moi pour le lien immédiat qu’ils ont put faire entre moi, la maladie, et les amis que j’avais depuis toujours à l’école. J’ai perdu une part importante de mes ailes ce jours là, mais aussi un futur que je pensais long et radieux. Les traitements existe mais ne sont pas miraculeux, le remède le plus efficace restant ces vitamines et la vie la plus saine qui soit.
Je vis au jour le jour, pariant non plus sur des coups de chance mais sur la chance que je me créé à moi même, remerciant sans cesse ceux qui m’entourent encore ; Je fus accepter en tant qu’Attrappeur quelques mois plus tard, et je reste convaincu que rien n’arrive jamais par hasard quoique je garde sous clef le secret de ma maladie et que seuls quelques-une de mes amis les plus proches sont au courant, je n’ai jamais osé en parler devant mon père ou le  reste de ma famille; J’ai vu ma mère pleurer, et s’il y a bien une chose que j’aimerais voir encore longtemps ce sont les sourires de ceux auxquels je tiens.

Et voilà comment, à 24 ans j’ai parfois l’impression d’avoir plus vécu que bien d’autres. Je suis ce gamin souriant qui promène un chat bien étrange dans les rues de Londres sans gène. Je ne suis peut-être pas très bon sorcier, je suis un élève lamentable mais je ne suis pas le plus malheureux à être sortie de Poudlard. Une famille soudée, un grand frère de substitution exemplaire, je me prends souvent à me dire que tout va bien. Que toute la douleur que tentent de propager les forces des mangemorts ne peuvent éteindre la bravoure de tout les autres. J’ai perdu un ancien ami dans le Poudlard Expess alors qu’il avait encore toute la vie devant lui. S’il n’y a pas de hasard, j’espère au moins qu’il y a une justice quelque part.