Elle voudrait à défaut de réaliser ses rêves, les caresser du bout des doigts. Pourtant, elle sait qu'elle ne pourra jamais quitter sa famille. Parce qu'elle n'a pas d'argent, parce qu'elle n'a pas d'avenir. Parce qu'elle est tout simplement condamnée à vivre cette sempiternelle existence qui ne mène à rien, tout cela à cause d'un malheureux nom de famille. Et surtout parce que la lâcheté est ancrée si profondément dans son code génétique, qu'elle ne peut esquisser un choix sans émettre un doute ou se remettre en question. Alors, elle vit. Ou plutôt elle survit. Et dans les limbes de sa vie, elle ne respire que quand elle se détruit. Car pour capter la beauté du monde, elle boit, fume et plane.

Elle rêve beaucoup mais, très vite la réalité revient et détruit tous ses espoirs. Parce qu'elle n'aura jamais le droit à ce concept si étrange et pourtant si fascinant : le libre-arbitre.

Cette malédiction qu'elle endosse jour après jour depuis qu'elle est assez grande pour s'en souvenir, est comparable à une enclume. Elle observe les oiseaux de temps à autre, enviant leur liberté. Alors, qu'elle ne connait que la solitude de sa prison doré.

Et on la juge parce qu'elle préfère fuir la réalité. On la traite de cause perdue. Mais elle ne leur en veut pas, comment le pourrait-elle d'ailleurs ? Elle en est consciente. Et puis elle est beaucoup trop fière pour craquer devant eux. Ça leur ferait bien trop plaisir. Non, elle ne leur accorderait pas cette chance. Beaucoup trop d'arrogance dans un si petit corps. Beaucoup trop de confiance à tort. Oh oui, de l'arrogance, elle en à revendre. C'est sa seule défense contre le reste du monde. En plus de son insolence.

Elle est amer aussi. Parce qu'au fond, il ne lui reste que ça. Elle ne sait pas comment vivre, elle ne sait qu'espérer. Brisée par les trop grandes attentes de sa famille, elle devient alors de plus en plus sceptique. Aurait-elle un jour le droit de ne plus être celle qu'elle doit être ? Pour le bien de sa fratrie.

Et la rancœur tout doucement, sournoisement, née à l'intérieur de ses entrailles, tordant ses boyaux à chaque seconde qui passe.

Elle n'a pas eu la chance de vivre dans une famille heureuse. Elle n'était pas un enfant choyé et aimé. Elle ne connaît que les ordres et les sangs purs, le bourbon et les clopes, l'hypocrisie et l'opulence. Une enfance trop dure qui la transformée en jeune femme un peu cassée, qui s'accoutume de cette accablante solitude. Elle n'est rien d'autre que de la mauvaise graine, n'est-ce pas ? Alors, pourquoi s'approcher d'elle, hein ? Parce qu'au-delà de cette apparence hargneuse, Asphodel ne laisse personne indifférente. Elle est le genre de meuf qui vous pousse à tous lâcher pour vivre l'instant présent. Parce que rien ne compte plus que saisir cette pause que la vie peut accorder quand elle n'est pas trop occupée à vous planter un couteau dans le dos. Malgré cela, elle a cette aura. Indéfinissable. Qui fascine, qui charme. Cette manière de regarder les autres. Un mélange d'insolence et de provocation mêlée à un brin de malice. Cette manière de parler. Comme si elle n'avait peur de rien. Mais qui pourrait se vanter de n'avoir peur de rien ? Sûrement pas elle. Ses plus grandes peurs ? Risquer de n'être personne. Car malgré tout, elle aspire à de grandes choses. Mais encore une fois, elle est lâche. Elle a besoin de repère même s'ils sont merdiques. Et ce qu'elle voudrait entreprendre demande de voyager en eaux troubles. C'est beaucoup trop lui demander. Se retrouver seule aussi. Elle est paumée la petite Asphodel et contradictoire. Il est compliqué de la comprendre. Très peu de gens y arrive.

Le manque d'amour et d'attention l'a bousillé même si elle préférait crever que de l'avouer, devenant un cas désespéré. Pauvre d'elle. C'est pour ça qu'elle n'y croit pas. En l'amour. Tout le monde finit par vous abandonner. Alors, pourquoi être assez folle pour s'infliger ce genre de supplice. Mais elle est humaine, alors de temps à autre son cœur loupe un battement sans qu'elle ne puisse rien y faire. Mais d'une manière ou d'une autre, elle finit toujours par souffrir. Alors, elle y renonce. C'est ce qu'elle se dit du moins. Parce que personne n'est à l'épreuve de cela, pas même elle.