Poppy sentait son cœur battre au creux de sa poitrine. Elle ferma les yeux en allongeant son cou vers l’épaule de sa jumelle. Elle dormait paisiblement à ses côtés. Le silence glissait autour de la chambre. Il arpentait les murs de la maison et les jardins à l’extérieur. Elle se sentait sereine. Puis tout à coup, son souffle devint sombre et irrégulier. Elle se redressa afin d’observer le visage de Jacy. Elle était tellement chétive. Sa silhouette disparaissait complètement entre les plis du matelas, comme engloutie par le tissu et ses ressorts. Elle avait toujours était délicate. Et Poppy ressentait ce besoin, presque viscéral, de la couver, de l’étreindre et de la protéger. Elle était plus petite. Il avait suffi d’une minute et trente-six secondes pour répartir les rôles. Une minute et trente-six secondes pour faire la différence entre les caractères. Leurs idéologies s’opposaient parfois, mais Poppy aimait ces incertitudes. Elle adorait entendre les musiques de Jacy, alors que cette dernière pressait ses doigts sur les cordes de la harpe pour chanter les louanges d’un sentiment qu’elle ne comprenait pas. Elle était fascinée par ses obsessions pour les apparences et les pierres précieuses. Rien que pour le geste, sans réellement partager sa passion. Leur univers, c’était les galaxies. Elles se complétaient autour d’un astre flamboyant. Comme deux étoiles filantes, elles ne brillaient que la nuit. Elles s’endormaient le jour sur le ciel ouvert. Poppy sourit en effleurant la joue de Jacy. « Lève-toi. » Sa voix était mélodieuse, elle faisait résonner des accords secrets sur la conscience de sa sœur. Elle se redressa en grognant. « Quoi ? » Poppy retira les draps afin de se diriger vers la porte. Elle était taquine et mystérieuse. « Suis-moi. Partons à la bibliothèque. Je m’ennuie. » Jacy la fixa avec attention. Elle vacillait entre les meubles, mais elle s’exécuta sans rechigner. Elle tendit sa main vers le poignet de Poppy. « Tu veux encore vérifier l’orthographe d’un mot compliqué ? » Railla-t-elle en s’avançant dans le couloir. Poppy étira les lèvres en ricanant. C’était vrai. Elle avait parfois ces élans de génie nocturne, cette curiosité étrange. Elle se retourna avec malice avant de prononcer : « Ab Imo Pectore. » Elle s’élança entre les rangées de livres. Sa main effleurait les couvertures poussiéreuses avant de prendre le dictionnaire latin.


Il faisait noir. Elle avait si peur d’avancer dans le couloir. Les angles de la pièce semblaient pointus, bien plus tranchants que d’habitude, alors Poppy releva la tête vers la fenêtre pour enlacer les spectres de la lune. Il n’y avait plus personne dans la maison. L’air était grisant, presque douloureux à respirer. Ses bras retombaient sur ses cuisses. Son souffle se découpait dans la pénombre alors qu’elle s’avançait au milieu des décorations morbides du salon : des crânes humains, un jeu de carte ensanglanté, des ossements et un gros œil en verre suspendu dans un bocal. Elle connaissait tous ces objets maléfiques. Elle avait appris à en déceler chaque symbole. Elle adorait ça, les versants obscurs de la puissance ultime. Le pouvoir venu d’ailleurs. Après la mort de sa mère et le processus du deuil, Poppy s’était plongée dans sa quête du savoir. Pour oublier une réalité, il fallait s’imprégner d’une autre. Pour ignorer la question du sentiment, il fallait répondre aux interrogations du monde. Elle se demandait ce que les gens pensaient. Pourquoi ils la regardaient avec cette lueur compatissante ? Pourquoi ils adoptaient une posture rigide et arrogante en franchissant le seuil du magasin situé au fond de l’allée des embrumes ? Pourquoi ils pinçaient les lèvres avant de sourire ? Pourquoi ils étaient là ? Il y avait toujours une raison. Un cheminement logique. Elle voulait tout savoir de ces complexes existentiels. C’est comme ça qu’elle prit la décision d’embrasser son destin. Elle n’était pas faite pour interpréter. Spéculer n’était pas suffisant, il fallait aller au bout de la vérité. Les cours de legilimancie étaient épuisants, ils demandaient bien plus de concentration qu’elle ne l’avait imaginé. Pourtant, elle avait persévéré. Elle voulait s’enflammer dans le feu qui jaillissait dans sa tête. Elle voulait tout apprendre, absolument tout.


Elle s’installa au fond de la salle commune. Elle regardait les lumières du lustre vaciller sur les visages des élèves en souriant. Les entrailles de Poudlard s’agitaient sous ses paumes serrées. Elle sentait la magie couler dans ses veines, traverser les parois de son âme et se pencher sur la conscience des autres. Les voix grinçaient dans son crâne. Elle entendait chaque résonance, elle comprenait chaque émotion. Les souvenirs lui appartenaient. L’intimité, la convention et l’éthique. Elle avait balayé tous ces droits lorsqu’elle avait entendu la rumeur effroyable qui circulait sur les jumelles Barjow. Elle haussa les épaules en fixant la porte. Oh regarde, Poppy est toute seule. Elle a enfin compris que l’inceste était honteux ! Quel dommage elle est si jolie elle aurait pu trouver un bon parti. La jeune brune resta immobile. Son expression était fixe et inchangée. Elle papillonna des yeux en se concentrant. Des fois elles se tiennent par la taille, c’est louche. Il paraît que Dame grise les a vu s’embrasser. C’est le fantôme de Serdaigle. Elle sait tout ! Poppy déglutit en serrant son stylo. Son écriture tournait en boucle à la surface du parchemin. Elle était en colère mais elle gardait ses aveux sous silence. Elle ne voulait pas perturber l’équilibre de Jacy. Elle ne voulait tomber dans le piège. La meilleure façon de gérer le mensonge était de l’ignorer. Elle se redressa avec élégance, rangea ses affaires dans son sac avant de longer les escaliers. Les tableaux s’agitaient sous son regard ténébreux. Les portraits des anciens sorciers semblaient la narguer. Elle suspendit ses gestes et brandit sa baguette magique. « BOUH ! » Souffla-t-elle d’un air faussement menaçant. Le jeune duc se cacha dans le cadre de la toile en gémissant : « Mais Mlle je suis outré par tant d’insolence. Je vais en parler à Dumbledore. C’est un ami ! Un très bon ami ! » Poppy roula des yeux sans broncher. Elle haussa les épaules en ignorant ses jérémiades.