Frêle. Petit. Fragile. Innocent et si adorable. On le regardait et comme pour chaque nourrisson on a tout un tas d’onomatopées qui sortent de la bouche des adultes. On dit qu’il est beau même si en réalité il est chauve et même fripé comme un vieux linge à certains endroits. On le trouve adorable parce qu’il a toussé mais il faudrait mieux s’inquiéter d’un rhume ne croyez-vous pas ? Et quand il rit, le rire de ce bébé – ou plutôt de celui de tous les bébés – il y a la vague de chaleur qui remplie la pièce et les cœurs de tous ceux présents. Parce que dans le rire d’un nourrisson, il y a la sincérité d’un bonheur réel.

Les bons moments dont tu ne te rappelles pas étaient remplies d’amour

Ca, c’est le passage inutile, celui que vous pouvez passer facilement sans craindre de louper une quelconque information importante. Là dedans, je démontre juste l’amour qu’il peut exister dans cette maison norvégienne. Parce que même un petit enfant âgé d’à peine cinq ans savait ce que représentait ce petit être dans ce berceau. Celui qu’on appelle aujourd’hui Lyall ne cessait de le veiller comme le bon frère qu’il était. Et sans le savoir, Joakim était sous une protection constante. Sous l’œil, certes enfantin mais consciencieux, de son aîné le nouveau né bénéficiait déjà d’un amour assuré.

Heureusement, il grandit, sans quoi nous serions là pour débattre du destin d’un nourrisson. Il y avait eu les premiers pas, ceux où il se levait difficilement, sa mère protégeant ses arrières et prête à le rattraper à la moindre chute. En face, son grand frère et son père, l’appelant pour qu’il vienne les rejoindre. Il se lance et tombe. Mais il s’est relevé. Comme toujours. Il n’a jamais abandonné. Toujours cet esprit têtu à vouloir réussir. Non pas que la réussite l’a toujours obsédé – ses études en sont aujourd’hui la preuve – mais il n’a jamais abandonné. Et déjà à cet âge si peu avancé dans la vie il n’avait aucunement envie de renoncer. Car renoncer à se battre c’est renoncé à vivre.

Evidemment vous vous doutez qu’il a réussi, notre bon norvégien n’est pas resté toute sa vie à quatre pattes pour se déplacer ! Je ne vous ferai pas non plus le récit de son premier mot et de ses premières phrases, personne ne s’en souvient à vrai dire. Peut-être que c’était « Papa » ou « Maman » ou encore « Tétine », et franchement ça n’a aucune importance.

Les liens du sangs avant tout

D’aussitôt loin qu’il peut se souvenir, Lyall a toujours été là. Toujours le grand frère qui veille sur les plus petits. Parfois ça l’agaçait, cherchant un peu d’aire ou voulant se montrer plus grand que lui. Il se rappel de s’être parfois disputé avec lui pour s’occuper des autres à sa place. Mais rapidement, ce qui était au début une compétition et une sorte de duel de force pour Joakim devint un respect. Et ça, il l’avait compris très tôt dans sa vie. Sûrement ce fameux jour où il avait vu son frère placer la table ou du moins tenter de la placer. Les assiettes en mains, le cadet était arrivé dans la cuisine hurlant que c’était lui qui allait mettre les couverts puis en voyant que son aîné ne lâcherait pas le morceau il avait finit par décider de l’aider. Mais sa présence avait dû déstabiliser son frère et les assiettes s’étaient brisées sur le sol. Joakim ne s’était pas moqué de lui, il n’a jamais été de ceux qui cautionnaient la moquerie, jugeant cela de faible et de méprisant, mais il y avait eu un léger sentiment de fierté qu’aujourd’hui il regrette amèrement.
Et plus le temps passait plus le jeune Ingherneils sentait que quelque chose n’allait pas avec son frère. C’était un quelque chose, comme le mot qu’on a sur le bout de la langue. Quelque chose mais on ne sait pas quoi et on n’en est même pas sûr. Pourtant ça se sentait. Alors que Joakim commençait à écrire, Lyall mettait du temps à écrire un mot. Quand Enok posait ente les mains du cadet un œuf de dragon et que celui-ci se tournait vers son frère pour le lui passer, ce dernier refusait. Puis quand on découvrit sa maladie, le pourquoi du comment, ce fameux quelque chose, le regard de Joakim envers son frère changea, passant de la curiosité et compétition fraternelle à un respect et une admiration.

Les dragons sont nos amis ?

Enfant, Joakim adorait les dragons. Il se délectait des histoires que son frère lui contait et il adorait assister son père aux alentours des enclos. Les yeux brillants, il était le stéréotype même du gamin émerveillé. Il s’était même imaginé travaillant comme Enok  à l’élevage de ces créatures merveilleuses. Mais il y avait eu ce dragon. Le seul qui avait été réticent en voyant Joakim s’approcher de l’enclos. Sans que personne ne sache pourquoi, le dragon n’aimait pas le sorcier. Alors, pour protéger son enfant les parents Ingherneils lui avait commandé de rester loin de la créature. C’était donc assis sur le toit, cachette préféré du jeune garçon, qu’il observait les membres de sa famille s’occuper du dragon, le laissant à l’écart. C’était un mélange de colère et de jalousie qui avait germé dans le cœur du norvégien si bien que le soir venu, il descendit l’étage silencieusement et était sorti.
L’animal d’abord endormi avait relevé la tête, réveillé par le bruit à peine audible de pas sur l’herbe. Il tourna sa tête vers le jeune sorcier et le reconnaissant il avait commencé à se relever. Posture de défense, posture de retrait et d’attaque, il mettait en garde le Ingherneils. Les mains bien en évidences, Joakim balança un morceau de nourriture au dragon dans l’espoir d’acheter son affection. Celui-ci, après avoir reniflé attentivement le bout de chaire crue, avait commencé à le manger. Notre protagoniste profita de cette distraction pour s’approcher lentement de lui. Erreur. D’un mouvement rapide et pourtant calculé, la créature se redressa et cracha sa colère sur le sorcier. Un hurlement de douleur, un hurlement si fort et si strident qu’il lui avait déchiré la gorge, sorti de sa bouche. Il s’effondra sur le sol, le cœur battant, la peur parcourant chacune des parcelles de son corps. Et lentement l’adrénaline s’atténua pour laisser place à la douleur qui petit à petit fit fermer les yeux du jeune homme.

Lorsqu’il s’était réveillé, Lyall était à son chevet. Il ne savait pas où il était, il ne savait même plus si ce qui était arrivé avait été un horrible cauchemar ou bien la réalité. Mais la douleur dans son bras lui donna la réponse qu’il cherchait. Un gémissement réussi à sortir de sa bouche, le premier mot qu’il prononçait depuis quelques jours de coma. Son frère se réveilla, le regarda avec un grand sourire mais il sentait la frayeur qu’il lui avait causée. « T’inquiète, ça va. » Il essayait de sourire, mais ses muscles étaient encore tout endormi et son geste ressemblait plus à une grimace.
Il avait apprit son nouvel handicap, que son bras ne serait plus qu’un bout de chair accroché à son corps. Au début ça l’avait beaucoup peiné mais surtout beaucoup emmerdé qu’on se le dise. Perdre un membre n’était pas là le plus affreux pour lui, ce qui le dérangeait beaucoup c’était qu’il était droitier. Il écrivait de la main droite, guidait son balais avec la main droite, jetait des sorts avec la main droite. Toute son éducation physique était à refaire.
Ainsi il ne retourna pas à l’école pendant le reste de cette année. Il restait alité sous les ordres des guérisseurs et de sa famille. Il s’entrainait, toute la journée ou du moins jusqu’à ce que la fatigue physique se fasse sentir, à écrire ou à lancer un simple sort. Totalement maladroit de sa main gauche, il mettait tellement plus de temps à écrire son nom que son aîné, c’était dire. Quant aux sorts qu’il s’évertuait à lancer c’était une catastrophe. Cependant, après un mois d’hospitalisation et de rééducation il ne cessait d’insister pour retourner à Poudlard, mourant littéralement d’ennui dans cet endroit. On l’autorisa simplement à retourner à la maison familiale. Heureux de passer du temps avec son frère cadet, il avait du mal cependant à mettre le nez dehors. La présence des dragons – et en particulier celui qui l’avait blessé – l’effrayait de plus en plus si bien qu’en mettant parfois en tentant une approche, les créatures soufflaient en sentant sa crainte. Alors aussitôt il rentrait.

La mort, tout simplement.

Fin des cours. La joie de rentrer à la maison. Le plaisir de retrouver le chemin du retour. Le bonheur de voir les parents, de sentir leurs bras se serrer autour de soi. Rentrer, tout simplement. Alors ils arrivent sur le quai, ils s’approchent du porte-au-loin  et s’envolent jusqu’à la demeure. Mais là bas ce n’est pas la même euphorie. Juste le cri. Strident et effrayant de son frère. Jonas qui pleure, qui hurle. La mort avait frappé la famille.
Les membres de la famille avait chacun leur manière de faire ce deuil. Pour Joakim, c’était tout simplement de se cacher sur le toit. Son lieu préféré sûrement. Depuis tout petit, lorsque les choses étaient un peu désagréables à l’intérieur ou qu’il voulait simplement se retrouver seul dans un calme paisible, il se mettait sur cette parcelle de toit accessible à tout le monde. Il était resté là longtemps, les larmes coulant sur ses joues. Son aversion pour les dragons s’étaient alors amplifiée et il avait alors su que ses rêves d’enfant venaient d’être anéantis.

Elle.

Elle n’était pas forcément belle. Elle était tout simplement elle. Elle avait ce sourire, si heureux qu’il ne pouvait pas l’ignorer. C’était ce qui l’avait attiré chez elle. Avec elle, il avait presque été mal à l’aise, timide de ses mots ou de ses gestes. Il voulait qu’elle l’aime comme lui l’aimait. Et ça avait été une sorte de conte de fées. Ils s’étaient aimés, jeunes tourtereaux. On n’arrêtait pas de le taquiner sur cet amour que beaucoup qualifiaient d’amourette mais il ne relevait jamais. Il se voyait faire sa vie avec elle, peut-être un peu trop optimiste ou ambitieux.

Le feu. Encore le feu

La vie avait repris son cours normal enfin presque. Car cette année là ils n’étaient pas rentrés à la maison pour les vacances, ils avaient été envoyés à un camp. Au début, Joakim n’avait pas approuvé l’idée, un peu déçu de devoir rester loin de ses parents pendant deux mois mais par la suite ses amis lui avaient vite fait changer d’avis. Heureux de pouvoir se faire de bons souvenirs en compagnie de ses plus proches camarades mais aussi ses frères et cousins.
Mais ce soir-là, dans son lit alors que le sommeil l’avait emporté dans un monde plus beau que la réalité, la fumée l’avait pris à la gorge. C’était les cris de ses camarades de cabanon et le brouillard brulant qui l’avait réveillé. Sans réfléchir plus longtemps, Milik s’envola en dehors suivi de son sorcier. En sortant, il se stoppa net. La Marque des Ténèbres. Là-haut dans le ciel nocturne, un crâne et un serpent. Alors ce n’était pas un simple accident, c’était bien un attentat. Il sentait les autres le pousser, le dépasser sans prendre vraiment compte de son état de choc. Son patronus ne cessait pas de l’appeler, lui criant que s’il restait là il risquait de mourir.
Puis, on le pousse un peu trop fort et il tombe par terre. Milik attrape une mèche de ses cheveux pour le forcer à se dépêcher et seulement maintenant il réagit. D’abord il tente d’appeler son frère, son cousin, sa cousine, tout le monde. Mais un adulte fini par l’attraper par l’épaule, lui commandant qu’il ne doit pas rester là. Et malgré ses protestations, Joakim finit par se sauver comme tout le monde, le cœur lourd.  
Sa famille était sauve. Elle, avait péri, bloquée dans les flammes.

La vie doit reprendre

Un an. Ca faisait un an qu’il l’avait perdue. Ca faisait un an que son cœur se déchirait mais qu’il ne le montrait pas. Comme lors de la mort de Veronika, il était s’était réfugié sur le toit. Certains étaient venus le voir mais il les avait renvoyé avec son mutisme. On l’avait laissé faire son deuil de lui-même, sachant que seul le temps pourrait guérir la blessure.
Rosa s’était inquiétée énormément pour lui, pensant qu’il ne retournerait pas à Poudlard mais la veille de la rentrée le Joakim Ingherneils que tout le monde connaissait était revenu. Sourire aux lèvres, comme si rien de tout cela ne s’était passé. L’année qui avait suivi s’était déroulée sans plus d’obstacles et sans que sa tristesse ne se reflète sur son comportement. Il ressentait son absence mais il essayait de s’y faire. Milik ne disait rien, tout aussi endeuillé que son sorcier.

Un an plus tard, lorsque son cœur venait à peine de cicatriser, il y eu cet accident. Son wagon n’avait pas eu de grands dégâts mais il y avait les autres. A peine la secousse du train s’était-elle faite ressentir qu’il avait voulu courir pour les retrouver. Mais il s’était fait violence pour rester auprès de son petit frère. Il ne fallait pas le laisser seul, il savait – ou du moins espérait – qu’aucun nouveau drame n’ait touché sa famille.

Ne m’abandonne pas.

On l’avait réveillé plutôt brutalement. On lui avait demandé de prendre quelques affaires et de partir. Sans comprendre pourquoi il avait obéi. Milik dans la poche de son sweat, il tentait de le rassurer. L’agitation de la foule qui s’heurtait à lui, lui lançait d’affreuses décharges de douleur dans son bras invalide. Mais il fallait continuer, il n’avait pas le choix.

Toute cette nuit n’avait été qu’un cauchemar interminable pour Joakim. Fatigué comme pas possible, son bras lui faisant horriblement mal et l’inquiétude le tiraillant de toutes parts il n’avait pas réussi à se rassurer lorsqu’il avait entendu parler de cette maladie. Il lui aurait été impossible de se séparer de Milik. Impossible même de perdre un quelconque autre être vivant, quel qu’il soit.  Cette fois, le sort devait le laisser tranquille.