La neige tombait nonchalamment sur le manoir Greengrass depuis plusieures heures. Quiconque aurait jeté un coup d’œil à une fenêtre n'aurait pu savoir l'heure qu'il était, tant le paysage et la luminosité de cette journée semblait inchangés. Un cri retentit brusquement, rompant le silence qui envahissait quelques secondes plus tôt  la maison. L'accouchement a proprement dit devait enfin avoir commencé. Aujourd'hui, Octavia donnerait naissance à un héritier Greengrass, qui, elle l'espérait, lui apporterait ce qu'elle chérissait le plus au monde : la réussite. Plusieurs minutes s'écoulèrent avant qu'un pleur d'enfant retentit entre les murs glacés qui peinaient à être réchauffés par les cheminées pourtant allumées. Enfin, son héritier était venu. Le médicomage présent dans la chambre à coucher de la maîtresse de maison annonça le sexe de l'enfant d'une voix joyeuse : « Un garçon, madame Greengrass ! Et un très bel enfant qui plus est, en excellent santé ! ». La jeune femme serra alors tendrement le nourrisson dans ses bras. Elle plongea son regard dans les yeux de son enfant, qui lui rendit calme et assuré. « Oui, pensa-t-elle, il est parfait. » Dans une murmure à peine inaudible, elle le prénomma. « Tu t’appelleras Octave, mon fils, et je sais que tu feras honneur à mon prénom. » Puis, comme une promesse, elle scella ses paroles par un délicat baiser sur le front du nourrisson. Au même moment, l'horloge magique tinta les douze coups de minuit.

Cet instant de grâce fut soudainement interrompu par une nouvelle douleur ressentie par Octavia. Elle donna rapidement son fils à son mari et lança un regard perçant au médicomage qui s'excusa rapidement dans sa barbe. Après vérification, il s'avérait que cette journée n'avait pas encore livrée toutes ses surprises : un second enfant arrivait. Alors que le tout jeune Octave s’époumonait dans les bras mal habile de son paternel, sa mère donna naissance quelques minutes plus tard à un second enfant, qui semblait en tout point semblable au premier. Le médicomage, émerveillé par cette surprise, s'écria alors : « Des jumeaux ! Qu'ils se ressemblent ! Qu'ils sont mign... » mais il fut coupé par une voix froide et brusque : « Emmenez donc ce second enfant dans la pièce d'à côté, monsieur le médicomage, que la nourrice s'en occupe. » Virgile, le mari, fit mine de vouloir dire quelque chose mais il se ravisa lorsque ses yeux rencontrèrent ceux de sa femme, vu leurs couleurs et leurs formes, ce n'était pas le moment de la contredire. « Et donne-moi mon fils, Virgile. Un fils a toujours besoin de sa maman. » Il s'exécuta.

Dehors, la neige tombait toujours. Inlassablement. Elle recouvrait tout sous elle et transformait le parc du manoir en une vaste étendue blanche. C'est ainsi que Maximilian fit son entrée dans le monde. De la même manière, pourrait-on dire, que celle avec laquelle il vit actuellement : dans l'ombre.


Jumeau d'Octave, Maximilian a toujours été considéré par sa famille – et plus particulièrement sa mère – comme l'ombre imperceptible du fils parfait. Bien traité par son entourage, le jeune sorcier ne reçut tout de même pas la tendresse et l'attention que l'on donnait à son jumeau. Il grandit donc dans une atmosphère solitaire et rempli d'envie. Studieux, il se plongea dès son plus jeune âge dans les livres et les études pour essayer de montrer à sa mère que lui aussi existait et pouvait lui apporter  honneur et réussite, mais en vain, Octave brillait toujours d'une aura singulière qui le maintint tout au long de leur enfance et adolescence en grâce aux yeux de leur mère.

Maximilian trouva donc dans ses lectures un réconfort tremblant et il se renferma de plus en plus sur lui-même, bien décidé à ne plus souffrir d'être ainsi mis de côté et sous-estimé. Après tout, on ne choisit pas sa famille et ce n'est pas le plus important dans une vie. Ce qui compte, c'est l'avenir, c'est d'être libre, instruit, curieux, de faire ce qui nous plaît et Maximilian avait bien l'intention de vivre comme bon lui entendait. Profondément introverti et passionné par les études et l'astronomie. Le choix de son cursus actuel, en Enseignement magique, a fortement déplu à sa mère qui aurait largement préféré qu'il s'engage sur la voie familiale de la réussite telle qu'elle l'entendait. Ce choix l'a une nouvelle fois profondément isolé de la famille Greengrass tandis qu'Octave, étudiant en Justice magique, a su se plier parfaitement aux exigences familiales, pour le plus grand plaisir de la matriarche qui n'a de cesse de fanfaronner auprès de ses collègues à propos de ce fils si parfait.

Pour autant, malgré cet écart important entre l'éducation et la reconnaissance données aux deux jumeaux, la relation des deux garçons n'est pas si mauvaise. Loin d'être fusionnels, les deux jeunes hommes ne se détestent pas. Octave ne se sentant pas en compétition avec ce jumeau moins prestigieux, aucune concurrence n'existe entre eux, ce qui règne juste est une passable indifférence. Les élèves de Poudlard sont même parfois surpris de tomber sur Maximilian dans les couloirs de l'école, un air rêveur flottant sur son visage, une monture de lunettes juchée sur le bout de son nez droit. C'est qu'ils oublient toujours un peu le jumeau d'Octave, ce sublime élève populaire et talentueux, sans cesse entouré et sollicité par tous pour ses avis intelligents et pertinents, un brin provocateur et narquois. Octave a une prestance qui en impose et les gens se souviennent facilement de lui, toujours élégamment habillé, avec son beau visage de sorcier noble. Maximilian, en tout point similaire à lui sur le plan physique, passe inaperçu à côté, ce qui n'est pas pour lui déplaire.