Les gens courent dans tous les sens. Ils se bousculent, ils ne se regardent pas. Il y a le brouhaha de la foule, la sueur du stress et les larmes qui coulent sur les joues. Tant d’histoires peuvent se conter dans une gare. De belles et tristes histoires. Et il y a lui. Le jeune anglais qui rentre au pays. Assis sur le banc, il ne regarde même pas ce qu’il se passe autour de lui. Il essaie de retarder l’inévitable. Rentrer. Après tout ce temps. Après tout ce qu’il a vécu il retourne au point de départ. De retour à la maison, chez les Potter. Il n’en a pas envie. Il redoute le passé. Il redoute que tout ce qu’il lui est arrivé revienne le hanter à nouveau. Car aujourd’hui, il va mieux. Il est redevenu un homme bon, amusant et immature. Il est le Bartholomew que tout le monde connaît. Il est le Bartholomew qui fait honte à son père du fait de ses nombreux échecs scolaires. Et aujourd’hui il doit rentrer. Aujourd’hui il doit prendre ce train. Aujourd’hui, il enterre sa mère.

Ils étaient toujours ensemble. Toujours là à faire les quatre cents coups. Toujours là à se taper dessus et à embêter les autres. Ils la faisaient rire. De ce rire qui semblait réchauffer la maison. Car c’était elle l’âme de la demeure Potter. Née Shacklebolt, elle avait trouvé dans cette famille une ambiance toute aussi agréable que celle qui pouvait exister chez ses parents. Alors les diners de famille étaient des plus mouvementés. Avec les parents qui se racontaient tous les potins et débattaient sur le gouvernement magique et les enfants qui s’amusaient entre eux avec la nourriture, c’était la musique de la maison. Le brouhaha de la famille, du bonheur et de la joie.

Coleen lui saute au coup alors qu’il vient à peine de traverser la porte d’entrer. Il manque de tomber en arrière mais se rattrape bien rapidement. Il pose sa valise et passe ses bras autour de sa sœur, enfouissant son visage dans ses cheveux. Son parfum se mélange à celui de la tristesse. Il la sert fort et ferme ses yeux pour empêcher les larmes de couler sur ses joues. Mais en vain. Un deuxième Potter est mort trop tôt.

Il voulait partir. Avec une française. Il voulait quitter le pays pour se marier et fonder une nouvelle famille. Barth s’était trahi, alors il avait voulu lui remonter le moral. « Une dernière trace de mon passage à Poudlard ». Alors ils avaient monté les marches jusqu’à la tour d’astronomie, les balais à la main. La pluie se déversait sur l’école mais ça ne l’avait pas inquiété. Il avait enfourché son balai, était sorti jusqu’à ce qu’un souffle mortuaire vienne l’emporter. Barth avait dévalé les marches unes à unes, dans l’espoir de retrouver son frère en bonne santé. Mais la foule dans la cour, sa sœur qui essayait de le retenir, avait suffi à lui faire comprendre que l’impensable s’était produit. Roméo était mort.

Entré dans sa chambre, il ressent comme un frisson. Elle lui semble hantée. Par le fantôme de son défunt frère et tous les souvenirs qui s’y rattachent. Il y a toujours son lit, non loin du sien. Ils ne l’ont jamais enlevé, sans savoir pourquoi. Peut-être que c’était pour se rassurer, peut-être que c’était une façon de croire qu’ainsi il restait avec eux. Il s’assoit sur son matelas, la poussière s’élevant dans la pièce. Sur la table de nuit, une photo recouvert d’un film gris de saleté. Il l’attrape, du pouce retire la crasse pour découvrir les Potter au grand complet, le sourire aux lèvres.

Pendant longtemps il avait déprimé après la mort de son frère. Il s’était enfermé dans sa chambre, sans parler et mangeant à peine. Il ne voyait personne. Il ne voulait pas qu’on lui parle, qu’on tente de le consoler. Juste la solitude. Jusqu’à ce qu’il arrive. Ce patronus. Son patronus. Il avait cru à une réincarnation de son frère et l’avait alors appelé Roméo. Il avait réussi à lui redonner le sourire, à lui redonner le gout de la vie. Il était sorti de sa tanière et malgré la cicatrice qu’il portait en lui s’était relevé de ses cendres.

Tout le monde pleur. Il voit des larmes silencieuses couler sur les joues de son père alors qu’il garde cet air si stricte et sévère. Le voir ainsi lui rappel l’enterrement de Roméo. Il était resté de marbre, laissant seulement ses yeux se remplir de larmes mais cachant sa tristesse à la famille. Aujourd’hui, il avait perdu sa femme, l’amour de sa vie. Il lève les yeux et leurs regards se croisent. Barth sent qu’il lui en veut et il a raison. Il aurait dû être prêt d’elle dans les derniers instants.

La peste des patronus l’avait touché mais pas infecté. A son plus grand bonheur, Roméo restait avec lui. Mais la crainte de le perdre avait fait remonté en lui toutes ses craintes les plus noires. Il était retombé dans sa déprime post-mortuaire. Refusant toutes aides, il avait laissé ses études de côté et s’était dirigé vers une voie de débauche. Sa famille ne cessait de lui reprocher ses torts. Ils ne cessaient de le juger. Jusqu’à l’obliger de partir. Loin de l’Angleterre et de Poudlard, qu’ils accusaient d’être la cause de la descente du Potter. Il était parti pour la France. Il s’était retrouvé dans  cette nouvelle école. Il avait trouvé l’amour même, une belle française du nom d’Emma.

Ils sont tous à table. Colleen remplie les verres d’un thé chaud et réconfortant. Le silence est pesant, le malaise est palpable. Il sent le regard de son père, toujours aussi accusateur. « Tu sais qu’elle voulait te voir. » Il ne peut pas soutenir son regard. Il passe sa main sur son visage, essaie de fuir la question en restant muet mais son père continue. « Depuis un mois elle t’envoyait des hiboux pour que tu viennes la voir. Et toi… tu ne lui répondais même pas… » Il serre les dents. Il s’en veut, oui. Mais il n’y arrivait pas, c’était trop dur d’imaginer sa mère dans cet état. « Réponds-moi ! » Le point qui frappe la table, du thé se renverse sur la table. Sa sœur tente de le calmer mais ça ne sert à rien il est trop remonté. « Va-t’en. »

Elle lui avait menti. Elle s’était servie de lui pour rembourser une quelconque dette. Il avait reçu des coups par sa faute. Il avait essayé de la défendre mais pour quoi ? Rien. Juste des mensonges. Etait-ce seulement son véritable nom ? Elle n’avait fait que de lui mentir depuis le début. Alors il est parti. Loin d’elle, loin de la France. Il ne voulait plus la revoir, plus jamais.  

La valise à la main, Roméo dans sa poche, il marche d’un pas décidé. Ok, il s’en va. L’affrontement contre son père n’était pas nécessaire alors il s’en va. Il ne veut plus de lui et il ne mérite pas plus. Il le remercie déjà assez de l’avoir accepté pendant l’enterrement. « Barth ! » Il s’arrête, se retourne. Colleen court vers lui. Il ouvre de grands yeux et manque une nouvelle fois de tomber quand elle lui saute au coup. Il la prend dans ses bras, profite une nouvelle fois de ce contact. « Barth… tu sais que je t’aime mais… » Il redoute. Il sait que la suite sera mauvaise. « … tu es devenu un homme horrible… » Elle se recule, les larmes coulent sur ses joues. Son cœur se serre dans sa poitrine. Non, il ne veut pas faire du mal à sa sœur. « Je ne te reconnais plus mais je sais que tu n’es pas mauvais. Alors s’il te plait… redeviens mon petit frère !» Il la voit, il voit sa détresse mais il n’y arrive pas. « Colleen je… je peux pas… » Les yeux écarquillés, elle le voit transplaner, la laissant seule sur la route.

Aux Etats-Unis, il ne connaissait personne. Il ne savait pas où aller, quoi faire et ce qu’il allait devenir mais il s’en moquait. Il vivait au jour le jour sans se poser de question. Il prenait des petits boulots par-ci par-là. Pendant quelques mois il avait oublié la communauté magique, laissant sa baguette de côté jusqu’à ce qu’il rencontre  ces sorciers. Ils avaient trouvé le truc. Ils avaient trouvé comment se faire de l’argent facilement sans que les moldus ne s’en rendent compte. Sa vie s’est améliorée, ses richesses encore plus. Il recevait les hiboux de sa sœur, de sa mère. Il apprenait sa maladie et encore une fois il faisait l’autruche. Il n’écoutait plus, il ne voulait plus souffrir une nouvelle fois. Alors il restait silencieux à toutes les lettres de sa famille. Jusqu’à ce que Colleen lui envoie « Maman est morte. L’enterrement aura lieu dans deux jours, soit là. » Elle lui en voulait. Tout le monde lui en voulait. Même lui.

Il arrive à Londres. Il se trouve un hôtel pour passer le temps. Rester en Angleterre lui paraît insurmontable mais il le faut. Il ne doit plus fuir son passé.