Juillet 1972
 
Theodore a 13 ans lorsqu'il rencontre ses parents pour la première fois. Bien sûr, il a eu la chance de grandir sous leur toit, de participer aux jeux de ses frères et de sa sœur depuis son plus jeune âge, mais pour autant tout ce petit monde ne le connait pas. Pas vraiment. Ils ne connaissent de lui que ce qu'ils ont bien vouloir voir toutes ces années, les genoux écorchés et les robes trouées à force de passer le plus clair de son temps sur un balais, les mains tachées de peinture et les cheveux longs sans cesse portés attachés. Lorsque Theodore rencontre sa famille pour la première fois ses cheveux sont courts, coupés d'une main mal assurée dans l’obscurité de la salle de bain, et il porte l'une des chemises en flanelle de Nathan, son frère aîné. Lorsque Nathaniel et Rosaline Ross rencontrent leur plus jeune fils pour la première fois, ils lui ouvrent les bras. Parce qu'il est famille, et c'est ce que les Ross connaissent le mieux.
Sa prochaine rentrée des classes, il la fera alors sous le nom de Theodore Elijah Ross.
 
Décembre 1976
 
Theodore a 16 ans lorsqu'il rencontre Van Gogh pour la première fois. Pas en personne, bien entendu, mais l'un de ses autoportraits les plus célèbres, à l'occasion des vacances de Noel que les Ross passent cette année à Chicago. L’impressionnante palette de couleurs et les expressions du visage qu'elle parvient à retransmettre…Tout celà fait douter le jeune homme pour la première fois du bien fondé de ce qu'il considérait alors comme une vocation. Si voler sur un balais lui a toujours apporté un sentiment de liberté inégalable, la douceur des couleurs et l'émotion palpable chez le sujet sont pour lui une révélation. Si il n'abandonne pas là ses rêves de Quidditch, peindre devient pour lui un geste presque quotidien. A son retour chez lui, il rachète frénétiquement toiles et pinceaux sous l’œil amusé de sa mère. Ceux-ci l'accompagneront dès son retour à Ilvermorny, malgré le poids de ses bagages.

Septembre 1977

Theodore a 18 ans lorsqu'ils rencontrent les élèves de Poudlard pour la première fois. Suite à la mutation de son père, le voilà élève d'une école jusqu'alors inconnue, membre d'une maison à laquelle il n'est pas encore attaché, contrairement à ses camarades ; autant de facteurs qui contribuent d'emblée à sa mise à l'écart, subtile et probablement involontaire mais néanmoins pesante. Pourtant, Theodore n'en finit plus de sourire. C'est sa meilleure arme contre la cruauté du monde, son plus sûr rempart contre l'indifférence. Son mal du pays et l'absence de ses camarades oiseaux-tonnerre, il les gardent pour lui ; sa bonne volonté, il en fait son étendard. Et finalement, ça fonctionne. Arrivé à la fin de sa douzième année d'étude et lorsque vient l'heure de devoir quitter Poudlard, c'est un second foyer que le jeune homme laisse derrière lui. Il est oiseau-tonnerre, oui, mais arbore fièrement griffes et crinière, il est griffon et maître du ciel.

Août 1982

Theodore a 23 ans lorsqu'il rencontre les autres joueurs des chauves-souris de Fichucastle. Son Nimbus 1500 sous le bras, c'est la peur au ventre qu'il suit à la trace son nouvel entraîneur, traversant au pas de course le terrain d'entrainement au gazon bien entretenu et aux équipements flambants neuf. L'équipe est une des mieux classées de la ligue de quidditch britannique et ce n'est visiblement pas les investissements qui manquent ; pour autant, le jeune sorcier se sent soudainement nostalgique et se prend à regretter la familiarité des gradins de Poudlard. Une fois sur son balais, son anxiété se dissipe cependant brutalement. Il sait pourquoi il est là. Il sait aussi que contrairement à ce que pense ceux qui l'entourent à ce moment, il n'a depuis longtemps plus rien à prouver sur un terrain. Une fois la simulation finie, c'est le cœur battant qu'il signe son contrat dans les bureaux attenants au stade, s'obligeant à ne pas relever la close de confidentialité qui figure au bas de celui-ci. Si il venait à faire part publiquement de sa transition, ce serait la fin de sa carrière. Theodore tente vainement de se convaincre qu'il ne s'agit que d'un détail, mais ce détail le rongera encore longtemps après. Il est cependant conscient de la chance qui lui est offerte, conscient que sans le soutien inébranlable de son père et les contacts de celui-ci à la fédération, rien de tout cela ne serait possible. Si les visites médicales sont un calvaire pour lui, il n'a cependant plus à s'inquiéter de voir son secret découvert. Pour le moment.
C'est tendu mais néanmoins fier de lui qu'il rentre chez lui ce soir là, regagnant son nouvel appartement en plein cœur de Londres. Ce soir là, il n'a pas la force de se traîner jusqu'au Chaudron Baveur pour fêter la nouvelle. Profitant de la clameur venant des rues animées en contrebas et de la fraîcheur de son balcon il somnole devant un verre de whisky pur feu, écrivant rapidement un mot à ses parents qu'il enverra le lendemain matin afin de leur annoncer ce que son père doit probablement déjà savoir. Couchée à ses pieds, Éris le couve d'un regard bienveillant, se contentant d'un regard plutôt que d'une parole inutile. Endormi sur le canapé du salon, Garm laisse échapper un grognement de temps à autre. Si l'avenir s'avère loin d'être certain pour lui, Theodore se complaît néanmoins dans la sérénité de cette fin de soirée. Après tout, demain est un autre jour.