Blanc. Un ciel d'un blanc immaculé surplombe les membres de la famille Goyle tandis que ceux-ci se pressent désormais sur les marches de marbres qui mènent au manoir familial. Là, dans le hall d'entrée où les portraits de leurs ancêtres semblent emprunter l'air sombre qu'arbore aujourd'hui chaque invité, une console tendue de velours noir accueille pour l'occasion la photographie d'un jeune homme aux traits cruels, semblables à ceux d'un oiseau de proie. Face à pareille mise en scène, Chiara préfère pour sa part s'attarder encore un instant au-dehors. Le silence des jardins en cette fin d'après-midi est on ne peut plus agréable à ses oreilles, comparé aux éternelles pleurs de sa mère. Ces pleurs, elle ne les comprend pas plus qu'elle ne les partages. Les siens ne lui avaient pour leur part jamais attiré ni la compassion de sa mère, ni la clémence d'Abel.

Abel. Le frère disparu. Le frère décédé. Le frère mangemort. Le frère détesté, surtout. Après tout, mangemort, beaucoup le sont parmi les proches désormais réunis au sein du salon dont l’apparente opulence fait la fierté de son père. S'il suffisait d'un simple tatouage sur un avant-bras pour que la jeune femme ne déteste l'individu qui le porte, Chiara haïrait probablement les Goyle dans leur quasi entièreté. Après réflexion, celle-ci n'est cependant pas entièrement convaincue que cela ne soit finalement pas le cas. Toujours est-il que la haine qu'elle voue aujourd'hui à un mort, et ce sans la moindre culpabilité, est autrement plus ancienne, autrement plus personnelle.

La somme des brimades et des horreurs susurrées à son oreille à la lumière vacillante d'une bougie, le résultat de temps d'années passées à le fuir à travers les couloirs de cette même maison, la conclusion logique de ces cauchemars insufflés par ses soins en son esprit. Chiara n'a eu de cesse, depuis sa plus tendre enfance, de survivre à ce monstre pourtant tant aimé de ses parents. Aujourd'hui, Abercius et Evanna Goyle font une fois de plus front ensemble. Que cela soit face aux membres de l'Ordre du Phoenix ou à la mort de leur fils bien-aimé, les deux époux se battent avec le désespoir d'un loup acculé. En cela non plus leur fille ne leur ressemble pas. Celle-ci a pour sa part pris pour habitude de feindre l'indifférence en toute circonstance, choisissant soigneusement ses batailles et attendant son heure plutôt que de devoir s'avouer vaincue.

En ce jour de deuil, elle sait cette heure enfin venue. Si elle dissimule sa joie du mieux qu'elle le peu, elle sent cependant au regard chargé de reproches que lui jette le patriarche qu'elle ne trompe en aucun cas son monde. Qu'importe, face à la délivrance tant attendue la jeune fille se sent désormais incapable de bouder son plaisir. Elle veut même bien être déshéritée si cela lui offre une chance d'aller danser sur la tombe de l'infâme. Mais pour l'heure, il s'agit de donner le change face à leurs invités, jouer une fois de plus le rôle la petite sœur éplorée et attendre que tombe la nuit avant de profiter de cette nouvelle liberté.

Satis, quant à elle, est toujours à ses côtés. Sous sa forme habituelle, celle d'un chacal à flancs rayés, celle-ci surveille les membres présents de la lignée des Goyle, prête à bondir à la moindre altercation. Si Chiara sait pertinemment qu'aucun de ses parents, proche comme éloigné, ne saurait se confronter à elle en pareille occasion, son soutien la rassure probablement plus qu'elle ne voudrait bien l'admettre. Il est néanmoins peu probable que l'on s'en prenne à la sœur du défunt lorsque celui-ci ne nourrit les vers que depuis quelques jours, simple question de bon sens.

Abandonnée à ses pensées, celle-ci se prend à rêver de son lit à baldaquin, celui chaleureux qui l'attend à Poudlard plutôt que l'antiquité qui occupe sa chambre à l'étage du dessus, plus proche du tombeau que de la couchette. Au moins se sent-elle en vie entre les murs du château, la compagnie des moribonds qui peuplent aujourd'hui le manoir formant un contraste saisissant lorsque comparés aux rires et aux joyeux bavardages si propres à sa seconde demeure. Encore quelques jours et elle sera de retour parmi les vivants. D'ici là, il lui faudra toutefois survivre aux revenants qui hantent les lieux. Rien dont elle n'ait pas déjà l'habitude.