Les paillettes de l'oubli vagabondaient dans l'air, hantants, parfumants le cimetière de son encens. Les puissants rayons de soleil arrivant à percer les ténèbres ambiants embrasants les tombes et les fantômes du passés.

Il y avait une certaine ambiance...un embrasement de souvenirs lointains dont les peines et la rage des suicides éclaboussaient encore le lieu perdu dans les prairies. Et dans mon esprit, le sombre écho d'une déchirure, d'une lamentation laissée pour oubliée, planant au-dessus de moi...il était là, quelque-part, malgré son absence évidente, son odeur jouait avec le vent , sa présence brûlant le peu de vitalité lui restant…il était là.

A observer de son regard détaché et inquiet mes faits et gestes...moi la biche blessait rôdant dans son intimité, dans son passé pour découvrir pourquoi. Projetant mes ultimes intentions égoïstes sur cette table, je m'avançais fièrement, violant encore un peu plus ses secrets, sentant les tourments du fantôme hurler de rage autours de moi.

Ça coulait sur ma peau comme une euphorique cavalerie dévastant la pâleur de ma chair. Sans s'arrêter, comme les vagues dérobant les traces de mes petits pas ancrés sur un sable chaud...ça volait mon innocence, ma candeur, ma naïveté. J'étais là. Mon frêle corps frissonnant toujours de la violence qui ruisselait aussi doucement de mes doigts.

Tâchant le sol embrumé d'une fine poussière...d'un voile abimé s'élevant comme une âme vers l’haut delà. Assise. Frissonnante. Mon regard échoué sur ce liquide aux reflets rougeâtre, au fond aussi profond qu'un océan de douleurs. Tremblante comme une feuille d'une valse aérienne ayant nettoyé mon esprit. Plus rien. Rien n'osait frémir ou chuchoter. Plus rien. Seul le crissement insondable et inaudible du lourd poids qu'était ce moment. Ces temps dont on veut s'échapper mais, qui, comme des cauchemars restent accrochés à l'attrape-rêve qu'était l'absurdité de notre condition. On voulait dérober le sable qui s'écoulait lentement dans le sablier de l'existence, comme des fous, on espérait retenir ces secondes, les empêcher de filer entre nos doigts en une caresse taquine. Cependant, dès que ce dernier était arrêté pour de bon, alors on lâchait tout.

On fuyait la responsabilité qu'on s'était imposé. Lâches. On entamait une course, avec, pour nous soutenir, que le faible espoir de nos maux. J'étais là. Debout. Encore et toujours. Les larmes subitement embrassant mes joues incendiées. Et comme le temps, je lâchais l’être qui était devenu mon double, le fantôme de mes nuits. Il retomba, telle la note finale d'une symphonie magistralement tragique, faisant écho dans ce train encerclait de racines démesurément grandes. Trop grandes. Semblable à une bête dans une cage, je cherchais du regard les issues probables, mais l'unique pensée qui percutait mon crâne était celle d'une meurtrière. J'allais exploser.


L'éternelle coupable cachant ses erreurs sous un tas de cadavre, écrasant avec une froide volonté le tombeau hasardeux et minable...effaçant les traces d'un péché. Pourtant je le sentais...en moi...bourgeonner en de millions de fragments...grandir, s'enracinants dans mon cœur, élevant ses branches dans le cadavre vivant qu'il restait de moi...transperçants mes veines, les infectants d'un poison encore trop faible pour me démanger. Je le sentais…cet envie dévorante de vengeance. Je le sentais embraser mes sens, charmer tel un succube ma raison et je le voulais maintenant. C'était inexplicable. C'était aussi puissant qu'un chœur vibrant au sein de mon être.

Elle était partout, sa voix susurrant, vagabondant au grès des mélodies enchainées de ces lignes...dépourvues de sens, courbées, dangereuses, prêtent à attaquer ma conscience innocente et fière de son ultime pouvoir.

« Silea. »

Elle les rendait fous. Elle me rendait folle. Le deuil.

Il dérobait nos sourires pour les faire siens...pour se couronner de nos faiblesses et régner sur les ténèbres de nos vies. Peut-être n'étions-nous, dans nos joies et nos banquets, que les agneaux qu'il engraissait avant de nous égorger brutalement ? Peut-être que nos colères le nourrissaient chaque soirs devant son miroir des horreurs ?

« Ils m'ont enterré avec lui aujourd'hui »   dans un murmure presque imperceptible.
Observant notre cercueil s'enfoncer plus profondément dans la terre. C'est lent, je suffoque, je me meurs. Mes os craquent, ma chair s'évanouit..puis se jettent des fleurs, leurs faux-sourires de compassions..Des regrets, des encouragements. Enfin ils se décident à partir. Mes poumons se percent d'un air éphémère..mes côtes transperçant mon cadavre, mes lèvres cherchant celle d'un espoir et que cette dernière étreinte, disparaissent de toute cette douleur. Et alors que j'inscris mon passé sur le sol de cette terre humide..Je reprend conscience, je suis au sommet de notre tombe.

« Nous devrions partir..»

Le cercueil grinça, d'un regard effaré, perdu, je sondais l'horizon. Je le sentais, son parfum. Il était là. Le souvenir d'un avenir me quitta, le rythme de tambour de guerre de ses talons me hantait une toute dernière fois.