BELLUM PATRONUM
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Version 34
Nouveau tournant, nouvelle version installée ainsi que les nouveautés qui vont avec ! Vous pouvez la commenter ici.
Groupes fermés
Les sang-purs étrangers sont fermés. Redirigez-vous vers les familles de la saga ou des membres.
équilibre des groupes
Nous manquons d'étudiants, de membres des partis politiques Phénix et Gardiens. Nous manquons également de Mangemorts.
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| some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony) | | | some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Invité, Sam 2 Juin - 11:55 ( #) | Anthony Mortimer Hawk Nom: Hawk (le nom de ta mère, puisque l'océan n'a jamais voulu te murmurer celui de ton père—en a-t-il seulement un ?) Prénom: Anthony (dit Tony) Mortimer (là où la mer est morte, là où tu es né) Âge et Date de Naissance: vingt-deux ans (de servitude, laissant la brillance de ton esprit s'écailler avec le temps, mais tu ne t'en plains pas, tu sais que tu n'es pas fait pour la gloire) né le trente-et-un août mille-neuf-cent-soixante-et-un (tel qu'il est écrit sur ton dossier) Nature du sang: sang-mêlé (et poisseux) Situation familiale: hybride (fruit d'une expérience couronnée de succès : on captura un triton et on le fit féconder une humaine) serviteur (tu n'es le fils de cœur de personne et pourtant tu les considères comme ta famille ; n'oublie pas que ta place n'est pas à leur table mais bien dans leurs cuisines) Patronus: berger allemand et loutre (de son nom complet Jörmungandr, le serpent de mer dont la morsure vint à bout du dieu Thor, puisqu'une telle forme de magie ne peut être synonyme que d'un immense pouvoir) Miroir du Rised: étrange (il n'est pas toujours le même, il mute à ton image, suivant tes fantasmes de transformation, ton désir avide de connaissances et, parfois, l'atmosphère insolite et aqueuse d'une antre mystérieuse : probablement là où tu aurais vécu si on ne t'avait pas obligé à être plus humain que triton, en te rappelant pourtant avec mépris que tu restes un hybride) Epouvantard: un incendie (tu peux déjà sentir les flammes te lécher la peau rien qu'en y pensant, rien qu'en l'imaginant) Baguette magique: bois de vigne et crin de licorne (mais tu n'es pas très bon et tu le sais, tu préfères étudier la magie dans les textes plutôt que de la pratiquer ; une faiblesse pour une force) Occupation : enseignement magique, cinquième année (mémoire sur les langues étrangères appliquées à la magie, car malgré ton rang, tu es un intellectuel et tu ne peux t'empêcher de le montrer), botanique (une passion), majordome de la famille Nott (ta presque famille) Maison souhaitée : poufsouffle (ceux qui ont pour défaut d'être trop loyaux) Groupe souhaité : protego (tu n'es pas, tu as, et tu ne veux pas perdre ce qui est tien) Crédits images : venus in furs (avatar) vocivus + dandelion (icons) | |
Caractère [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] | loyal (tu es né pour ça et tu le sais ; tu as des maîtres, tu as des ordres, tu as des priorités ; tu te sacrifierais pour eux ; tu es bien dressé) ☆ rigoureux (tu es sérieux et appliqué ; ton écriture est fine, légèrement penchée en avant, italique pleine de goût et de culture ; tu écris beaucoup et tu rends tous les travaux à temps ; pour compenser ton manque de magie, tu te montres irréprochable dans les autres matières, ignorant si tu cherches ainsi à prouver quelque chose à quiconque ; peut-être à toi-même) ☆ impulsif (tu ne contrôles parfois pas ton propre corps ; ton instinct de survie est plus fort que tout, tu ne te mettrais en danger que pour tes maîtres ; tu es violent si on te provoque trop ; tu t'obstines à avoir le dernier mots, parfois à risque ; tu es imprévisible) ☆ curieux (tu parles dix langues ; tu lis à longueur de temps ; tu aimes apprendre par cœur ; tu écris le latin, le grec et la musique avec aisance ; tu sais jouer du piano ; tes lacunes en magie t'ont permis d'avoir du temps pour te perfectionner pour le reste, alors tu t'intéresses à beaucoup de choses ; tu es un snob silencieux car tu ne te vantes pas de ton savoir ; tu préfères discuter avec des adultes qu'avec des gens de ton âge) ☆ vif (tu comprends vite ; tu es drôle si tu le souhaites ; tu sais provoquer et apaiser les douleurs ; tu relativises beaucoup ; tu es plus intelligent que la plupart de tes camarades ; il est difficile de te suivre) ☆ taciturne (tu parles lorsque tu es autorisé à le faire ; tu manques parfois de tact ; tu préfères le silence ; tu aimerais comprendre les animaux plutôt que les Hommes ; les plantes te fascinent et tu as abandonné une vocation de botaniste pour ton autre passion, les langues étrangères ; étonnant qu'un garçon qui parle si bien parle si peu, n'est-ce pas ? ou peut-être que ça tombe sous le sens, finalement) ☆ amoral (tu n'as pas conscience du bien et du mal ; tu n'as pas de libre arbitre, tu suis celui de tes maîtres ; ta curiosité peut se montrer vorace ; tu te moques parfois de blesser tes amis ; tu peux d'ailleurs compter ces derniers sur les doigts d'une main, et encore ; tu en dégoûterais plus d'un s'ils pouvaient lire dans tes pensées ; ou bien seraient-ils tous fascinés ? ou bien parviendraient-ils à comprendre ce qui s'y cache ?) ☆ serviteur (tu comprends les rapports de force comme personne ; ton existence est régie par le pouvoir : il t'obsède car il t'est parfaitement inaccessible ; tu sais que tu n'es qu'un grain de sable dans le désert ; tu sais t'effacer, tu es discret, tu es efficace ; tu es serviable ; tu es doué pour la cuisine et tu détestes lorsque le thé est trop infusé ou bien, au contraire, pas assez ; tu es terriblement poli ; tu gardes tes jugements pour toi ; tu es versatile lorsqu'il s'agit de choisir le camp du vainqueur) ☆ hybride (tu es à la fois homme et créature ; ou bien ni homme, ni créature ; tu essuies chaque jour le mépris des autres ; à l'époque, tu les aurais bien mangés puisque l'être humain est la proie des selkies dans la chaîne alimentaire ; mais on t'a demandé d'être plus humain que sirène, alors tu obtempères ; tu adores les animaux mais il t'est impossible de devenir végétarien, à ton grand désespoir ; tu es discriminé, mais pro-mangemort ; tu es faible en magie, mais fort en société ; tu es un paradoxe ; tu es inexplicable ; tu es un succès) |
Votre personnage a-t-il été touché malgré lui par les éléments récents du monde sorcier ? De par sa proximité avec certains Mangemorts, Anthony a été mis au courant concernant les Disciples et le Complexe mais il était bien évidemment protégé d'un quelconque enlèvement, se doutant bien que les nombreuses disparitions de 1982/83 avaient quelque chose à voir avec les manigances politiques. N'étant pas lui-même Mangemort, il n'avait néanmoins pas accès à toutes les informations et s'est contenté de rester passif et de juger en silence. Il ne soutient cependant pas la tournure qu'ont prise les événements : selon lui, les Disciples auraient dû tourner leurs travaux vers l'exploitation des pouvoirs des patronus plutôt que vers l'éradication de ces derniers. Cette opinion est partagée par son maître Abraham Nott : afin de punir l'héritier Nott pour son manque de dévouement à la cause, les Mangemorts s'en sont pris à Anthony, forçant le majordome à rester en convalescence pendant plusieurs semaines pour se remettre de ses blessures (notamment infligées par le feu).
S'est-il impliqué d'une certaine manière (volontaire ou involontaire) ? Comment ? Anthony s'est surtout concentré sur ses études car il sait où se trouve sa place dans la chaîne alimentaire et dans la hiérarchie politique. Les Nott l'ont peut-être chargé de quelques missions sans même qu'il ne le sache mais son implication a majoritairement été de croire aux idéaux du Seigneur des Ténèbres. D'autre part, il est plus judicieux pour lui de passer pour un élément neutre, voire pro-Ordre, afin de ne pas soulever les soupçons, et il joue de son statut d'hybride pour rendre ses véritables convictions très imprécises aux yeux des autres. La plupart de ses amis pensent qu'il est apolitique.
Quels sont les idéaux politiques de votre personnage ? Se rallie-t-il à une cause ? Anthony partage les idéaux de la famille Nott/Carrow, donc de Voldemort. S'il sourcille face aux Gardiens qui lui semblent être un ramassis de bourgeois snobs n'observant que leur nombril, il aimerait rejoindre les rangs des Mangemorts mais reste pour l'instant discret sur ce point car il consacre son temps à la rédaction de son mémoire. Sa priorité est de pouvoir entrer en cycle tertiaire à la rentrée prochaine.
Votre personnage est-il engagé politiquement ? Que pense-t-il de la situation actuelle ? Anthony ne soutient aucun parti connu. Il est satisfait qu'un statut quo se soit installé car l'ambiance quotidienne est meilleure au château comme à la ville. Son allégeance va à la famille Nott et à son héritier. Il n'est pas engagé politiquement et toutes ses actions sont commanditées par les Nott. Il garde ses opinions pour lui-même et préfère parler de langue et de poésie pour bien se faire voir.
Lors de l'apparition de son patronus corporel en décembre 1978, quelle a été la réaction de votre personnage ? La réaction d'Anthony a mêlé surprise, fascination, intérêt et angoisse : le tout s'est vite fondu en complicité naturelle, car son patronus est un animal très paisible et pacifique.
Quelle a été sa relation avec celui-ci au départ ? Comment a-t-elle évoluée ? Le patronus d'Anthony est longtemps resté sans nom, pas par manque d'attachement mais simplement car son sorcier ne parvenait pas à lui trouver une étiquette adéquate. Il s'agit d'un être très mystérieux qui n'a pas prononcé le moindre mot avant l'apparition de sa seconde forme, la loutre, suite à la première vague de la peste. La plupart du temps, il s'agit d'un compagnon fidèle ainsi que d'un partenaire de jeu. Anthony prend souvent le temps de faire la sieste à ses côtés pour qu'ils puissent partager leurs rêves et se ressourcer à deux. C'est lors de la seconde vague de la peste que Tony, avec l'aide de son amie norvégienne Thorun, lui trouve son prénom, ayant eu peur de le perdre pour de bon. En outre, Jörmungandr n'a pas de genre déterminé et son sorcier n'y accorde pas d'importance.
Votre personnage a-t-il été touché par la Peste en 1980 puis en 1983 ? Comment l'a-t-il vécu ? Athony a été touché par la peste lors des deux vagues. Il l'a terriblement mal vécu car, pour un serviteur dépossédé de son corps car ce dernier ne lui appartient pas vraiment, Jörmungandr est quelque chose qu'il ne partage qu'avec lui-même. Ayant reçu la protection de son maître Abraham, il a pu échapper aux remèdes des Disciples et garder son compagnon près de lui. Il s'est empressé de prendre le récent remède et s'en sort de nouveau depuis peu : la relation qu'il entretient avec son patronus n'a fait que se renforcer car, si en effet l'animal se montrait de plus en plus distant au fil des stades de la maladie, il a lui-même très mal vécu d'être ainsi éloigné de son sorcier. A l'image d'Anthony, il s'agit d'un être incroyablement fidèle.
Quel est l’avis de votre personnage sur les patronus corporels et sur les événements les concernant récemment ? Anthony est passionné par les patronus. Il considèrent que le sortilège les ayant fait apparaître est si puissant qu'il faudrait en exploiter le protocole pour créer d'autres sorts du même ordre. Il est profondément navré de voir que le Seigneur des Ténèbres a eu plutôt tendance à vouloir s'en débarrasser, même s'il respecte cette divergence d'opinion et qu'il comprend la peur générée par la peste des patronus. Il fait généralement en sorte d'être apprécié à la fois par les gens avec lesquels il s'entretient mais également avec les compagnons de ces derniers car, en fin de compte, les patronus sont les principaux confidents des sorciers au sein de ce monde instable, et si l'animal se méfie, alors l'Homme reste sur ses gardes. | Questions [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] |
Pseudo et âge: constantine/elsa, 22 ans Où as-tu trouvé le forum ? g mes contacts Personnage: inventé en soirée lol Avatar timothée chalamet As-tu un autre compte sur BP ? pose pas les questions qui fâchent stp Présence: chéplu je compte plus pck c'est cho (jvous aime trop) Une remarque ? stylé |
Dernière édition par Anthony Hawk le Mar 5 Juin - 11:17, édité 5 fois |
| | Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Invité, Sam 2 Juin - 11:55 ( #) | [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Histoire Happiness can be found even in the darkest of times Parfois ça te prend comme ça, parce que tu vis comme un garçon qui n’est pas réel. Tu prends les livres de ta bibliothèque et s’ils ne te plaisent pas, s’ils ne te plaisent plus, tu les déchires sans le moindre remord. Parfois ça te prend comme ça, parce que tu ne supportes pas que les mots te domptent sans que tu ne puisses les comprendre. Comment tu veux qu’on crée quelque chose de simple dans un monde aussi complexe. Quelque chose de beau dans un pays aussi sale. C’est relatif de toute façon, la beauté. Et toi, tu aimes les choses que les autres exècrent : une fois tu t’es rendu à un enterrement, tu te souviens plus bien de qui était mort, mais qu’est-ce qu’il était beau dans son cercueil luisant ! Sa peau de porcelaine, ses yeux clos et paisibles comme un champ abandonné où la nature avait repris ses droits, les doigts croisés sur la poitrine avec toute la sagesse que personne n’aurait jamais. T’as eu envie de l’embrasser parce que Parce que Tu sais pas pourquoi en fait. Tu réfléchis parfois trop vite, à tel point que t’en oublies tes mots, que tes pensées en recouvrent d’autres comme l’écume qui dévore les vagues pour lécher la première les pieds des marins. T’es un peu comme ça de toute façon. T’as été élevé comme ça ; à savoir que mieux valait ne pas arriver le dernier parce que sinon on crevait de faim pendant la nuit. T’es bien traité. Ou en tout cas tu ne te plains pas. Tu ne sais pas ce que tu es mais tu sais ce que tu n’es pas, et pour toi c’est l’essentiel. De savoir ce que tu ne dois pas être aussi : arrogant, ambitieux, téméraire. T’es pas né pour ça, alors combien de regards de mépris as-tu essuyés lorsque tu donnais des réponses justes en cours, des réponses parfois même trop justes pour ton niveau ou bien celui des autres ? De nombreux, mais tu es du bon côté alors tu t’en moques. Parce que quand tu revêts ce costume, cette peau de servitude, tu es intouchable. Protégé par les sang-purs, réussite scientifique, esclave fidèle qui n’a d’yeux que pour ce qu’on lui montre. Tu ferais tout ce qu’ils te demandent, mais pas par soif de reconnaissance, pas pour lécher leur bonne humeur et bien te faire voir. Simplement parce que c’est comme ça. Parce que quelque part, t’aimes ça. Essuyer le dédain de ceux qui jugent mais qui au fond t’envient sans comprendre pourquoi. Sans comprendre ce que tu as de plus, ce que tu as de moins. Sans comprendre que tu as sublimé ta souffrance avant même qu’elle ne te fasse mal. T’es pas humain. Tu le seras jamais. Alors autant faire des choses qui ne sont pas humaines, parce qu’on va pas t’arracher les branchies, on va pas t’amputer de tes nageoires ou bien te lacérer ta peau marine. Autant apprécier ce corps qui présente tant d’avantages que si on les comptait, on verrait bien qu’il y en a bien plus que des inconvénients. Mais t’as du mal à faire avec le regard des autres. Même si tu fais comme si tout était normal. T’as du mal, ou bien t’as mal tout court. Ta peau se courbe sous les gouttes de pluie alors tu restes à l’intérieur, songeant au sein de cette chaleur allergène aux profondeurs où les Hommes ne s’aventurent pas.
T’as tout lâché, une fois. Un élève plus grand que toi, plus fort en apparence, entouré de ses amis sur les berges du lac. Tu passes sans rien demander à personne. Tu n’es pas vraiment là, surtout quand t’es proche d’une rive, il y a quelque chose entre les flots qui te murmure d’une voix suave tous les mots que tu aimerais entendre. C’est comme une drogue, mais t’as des responsabilités. C’est bien connu de toute façon, les sirènes chantent jusqu’au naufrage puis dévorent les marins échoués. Mais toi, t’es les deux à la fois, t’es la sirène et le marin. Tu sais que les gens préfèrent le marin pour mieux pouvoir dénigrer la sirène. Et cet élève en fait partie ; ses mots sont aussi abrupts que les falaises de calcaire que t’imagines parfois en rêve. Il te lance ses attaques à la figure et ses amis renchérissent : ils veulent voir la sirène. Selon eux, elle est laide et poisseuse. Ils la verraient bien crever sur les galets. Ils idéalisent une scène violente et virile. En te montrant le lac, en riant dans leur salive d’eau douce, ils te disent de retourner d’où tu viens. Comme si t’étais pas légitime. Comme si t’étais pas désiré. Au contraire. Tu es exactement ce qu’il fallait. Tu es un succès. Voilà ce qu’on t’a dit. Tu fais demi-tour, à leur grande surprise. Ils ont pas l’habitude qu’un type maigre et pâle qui n’a jamais répliqué à la moindre de leurs attaques paraisse aussi dangereux, d’un coup. Mais ils sont quatre, et t’es seul, ça devrait être un jeu d’enfant. Sauf que t’es meilleur qu’eux : t’as attendu que les conditions soient réunies, tu calcules et tu sautes au bon moment pour éviter le premier et atteindre le chef de groupe. Celui que tu voulais. S’il faut tomber, il tomberait avec toi. Et la surface lisse et opaque du lac se brise, tu sens l’eau au ralenti contre ton corps, tu sens ce dernier se transformer et saisir ta proie de plus bel. Il a la malchance d’être simplement humain. Tes pieds se palment et fouettent les remous pour gagner en profondeur. Il veut fermer les yeux mais tu l’obliges à te regarder. A fixer ces iris qui ont recouvert ta sclérotique. Enfin il ne sait pas bien. Il n’a pas assez écouté en cours pour être certain de ce qu’il a devant lui. Toi en revanche, tu te retiens de lui arracher un membre pour le manger alors qu’il vit encore. Ça t’arrivait d’essayer quand tu étais petit et on a dû t’apprendre à rester civilisé. A ne pas mordre, à ne pas menacer. A être le plus humain possible. Tes cheveux, semblables à des anémones, dansent autour de ton visage et tes mâchoires se constellent de dents pointues qui te font toujours aussi mal quand elles sortent de tes gencives. Une inspiration et Tu lui parles Distinctement, parce que t’as les organes pour. Lui, il a à peine la force de se débattre mais tu prends ton temps pour lui susurrer quelques mots à l’oreille. Des mots qui te coûteront des points, tu le sais, mais ta gueule déborde d’un sentiment de supériorité, elle a le goût de la victoire et t’as juste envie d’en profiter. « What’s the point of only being human when I can be more? » Une myriade de bulles, une seconde de plus, mais tu sais déjà que c’est bientôt fini. Lui, il se demande s’il ne va pas mourir, s’il n’est pas mort à présent. Et la remontée est brutale. Tu t’accroches à son poignet tandis qu’une force extérieure s’empare sans peine de vos deux corps. Vous regagnez la surface et on te force à le lâcher pour qu’il regagne la rive. Tu le vois hoqueter. Un instant, tu te dis que t’aurais dû lui arracher un truc. Rien de bien méchant. Juste un doigt. Juste pour qu’il s’en rappelle. Parce qu’un ego repousse plus vite qu’une phalange ; le monde est mal fait à ce point. Toi, on t’immobilise, flottant dans l’air : t’es le problème parce que tu leur ressembles pas. Tu reconnais celui qui t’a capturé : un professeur qui arpente les couloirs avec panache. Il te regarde d’un air sombre et navré, et toi tu étires tes lèvres en un sourire figé par le froid qui a élu domicile dans ta poitrine. T’aurais dû le bouffer, tu te dis. Puis ton cœur arrête de battre fort parce que l’eau quitte ta peau. Tes cheveux de harpies retombent, tes boucles épousent de nouveau ton front ainsi que la courbe de ta nuque, même si elles laissent encore perler quelques gouttes. Elles roulent sur tes membres qui se tordent pour les avaler. Les mutations sont toujours trop douloureuses, voilà pourquoi tu les évites. Voilà pourquoi tu ne le fais que lorsque c’est nécessaire. Et chercher à noyer cet élève ne l’était pas, tu le sais. On enlève des points à ta maison et on te ramène à ton humanité, une main sur l’épaule pour te guider jusqu’au bureau des retenues. Tout le monde est conscient qu’il ne suffira pas de simples heures de colle pour régler cette histoire, toi le premier. Mais on suit le protocole paternaliste. Ils te prennent au mieux pour l’un des leurs, au pire pour un être inférieur. Mais tu sais que tu viendrais à bout de chacun d’eux si on te laissait faire.
T’es la sirène et le marin mais on t’a demandé d’être seulement le marin. Tu sors de la salle et tu t’apprêtes à regagner ton dortoir pour disparaître derrière un livre pendant une semaine. Tu as honte. Ils ont réussi à te faire avoir des remords, mais ils sonnent faux à tes oreilles, si bien que t’es simplement en colère. Tu veux t’avancer : une silhouette se dresse dans le couloir désert. Tu la reconnais entre mille, forgée dans ton idée de ce qu’est la perfection. Ce à quoi tu n’oses aspirer tant il paraît inaccessible. Et pourtant, ne peux-tu pas te targuer d’être proche de lui ? Abe. Ils l’appellent ainsi, ceux qui courbent l’échine et sourient pour être son ami. Toi, tu ne prononces un tel surnom que dans les limbes de ton esprit. Il s’accompagne toujours d’un sourire que tu ne sais réprimer et qu’il voit Car il voit tout. Et il devine. Mais aujourd’hui, tu ne fais que détourner la tête car tu sais que c’est grâce à lui que tu n’as pas été exclu de Poudlard. Il ne te l’a pas dit ; c’est évident. Il voit que tu t’agites sous ta peau blanche, même si tu veux signifier le contraire. Il sait parce qu’il sait tout de toi, mais ça ne te dérange pas. T’hésites à continuer ton chemin, sauf que tu peux pas faire comme si tu l’avais pas vu. Personne peut vraiment. Alors tu t’arrêtes. Tu gardes ton regard figé vers le fond du couloir mais tu sens le sien transpercer ton visage. Un pas de plus, qui résonne, froid et fatal. Tu te colles au mur, tes paupières papillonnent, t’as pas envie d’être là mais tu sais que ça allait arriver. Tu préfères jouer au nonchalant vu que c’est pour ça que t’en es là. T’as négligé tout ce qu’on t’avait appris, toute ton éducation. Si t’es unique, c’est parce qu’ils l’ont voulu. C’est parce qu’ils t’ont créé. Et tu leur dois tout. Tu peux pas tout gâcher d’un coup parce qu’un idiot t’a provoqué. Alors tu prends tes responsabilités. Tu tournes tes prunelles vers lui, tu déglutis, tu l’affrontes, mais il a déjà de l’avance et il ne t’autorise pas à parler. « Next time I have to meddle in this, I won’t be so merciful. » Quelque part, t’as envie de lui dire : tais-toi Abe, tu sais pas ce que c’est. Mais même toi tu trouves ça pathétique. Même toi tu te dirais d’aller pleurnicher ailleurs, parce qu’on a tous nos façons de gérer les problèmes et ni les homicides, ni le cannibalisme ne sont des solutions intelligentes. Même toi tu te mettrais un poing dans la figure parce que t’aurais dû te tenir à carreaux. Tu sais pas bien s’il parle de toi quand il mentionne la clémence. Ou s’il parle des témoins, ceux dont il a manipulé le récit pour te sortir d’affaire. Peut-être les deux, car ça se voit qu’il est en manque de coercition. Tu connais sa soif de pouvoir. Il est aussi hybride que toi quand il en vient à masquer ses véritables objectifs. « Alright, Sir. » T’as pris l’habitude. Même à Poudlard, alors que tout le monde paraît si familier. De toute façon, vous ne parlez pas beaucoup entre ces murs. T’es son serviteur alors tu fais profil bas, simplement. La plupart ignorent même que vous avez un lien. C’est mieux ainsi. Ça évite les rumeurs nauséabondes. Les faux-semblants. Les questions à risque. Abe déteste tout ça, il préfère tout contrôler. Alors tu sais qu’il faut pas en dire plus. Que tu travailles pour sa famille mais qu’il est un parmi d’autres. T’as hérité de leur rigueur, même si tu partages pas leur sang. Il claque les doigts, te montre le couloir : « Leave now. » Tu ne songes même pas à protester. Tu t’exécutes parce que c’est comme ça qu’on t’a appris à faire. Tu sais qu’il ne faut pas mettre Abe en colère. Tu sais aussi qu’il est déçu de ne pas avoir vu la scène se produire. Parce que vous partagez cette appétence pour la destruction et la transformation. Il t’aurait sorti de l’eau au dernier moment, lui. Il t’aurait même laissé manger le doigt de ta victime parce qu’il sait que t’as des instincts qu’on cherche à refouler. Il a plein de projets qui fourmillent dans son crâne. T’as envie de lui en parler parfois mais tu restes dans ton coin parce que c’est pas à sa table que t’as ta place. Il l’a deviné de toute façon. S’il a besoin de toi, il te fera signe et tu seras là. Chien fidèle.
T’as arrêté de te demander ce que t’étais pour eux. Pas un simple majordome. Mais pas leur égal non plus. T’as arrêté de te demander s’ils avaient des projets pour toi. Ou si t’étais la finalité. Tu connais l’histoire par cœur : on a recueilli la semence d’un triton capturé On a inséminé ta mère Puis elle est tombée enceinte Et t’es né Ta mère a eu une prime mais elle souffrait déjà des conséquences de l’accouchement. T’étais pas adapté à son corps, t’étais trop vorace et il fallait parfois qu’elle se plonge dans l’eau pendant des heures pour que tu te calmes. Elle avait des bleus sur le ventre et des fièvres chroniques. Ils savaient d’avance qu’elle n’y survivrait pas. Ils étaient déjà satisfaits qu’elle donne quelque chose. T’es né, et elle a pu te donner quelques bains avant de succomber de ses blessures. On parle de complications. Bel euphémisme pour ne pas dire que tu l’as tuée alors que t’étais qu’un nouveau-né. Mais tu sais qu’elle t’en veut pas. Que c’est pas de ta faute. Que ça l’a rendue unique elle aussi. Qu’il fallait bien qu’elle meure de toute façon. Que tu l’as pas connue, t’as pas à faire le deuil. Et des mères, t’en as eues. Toutes les servantes s’occupaient de toi. Tous les elfes te donnaient à manger. Même les maîtres voulaient assister à tes bains d’enfant. Pour la science, comme ils disent. Même si ça te faisait mal quand ta peau se rétractait pour se solidifier au contact de l’eau. Ça tire encore aujourd’hui mais tu t’es habitué. Tu l’accueilles plus en braillant, la douleur. Tu lui tends les bras comme en voyant une sœur au sourire amer que tu peux pas t’empêcher d’estimer. Un peu plus et on jurerait que t’aimes bien ça. Mais c’est pas humain, si ? Tout le monde dit qu’il n’y a que les monstres qui se tournent vers le Mal. Toi, tu te dis que c’est hypocrite de penser ça. Qu’on a tous nos fantasmes irrationnels. Ils tordent les esprits de tous les Hommes car c’est ceux-là mêmes qui ont créé cet ordre régissant nos sociétés, bannissant les péchés d’un geste puritain. T’as envie d’ouvrir l’esprit humain et d’y lire toutes les idées sombres et inassumées qui y germent de manière insidieuse. T’as envie de leur dire que c’est pas les monstres qui ont généré le Mal, parce qu’eux ne sont pas conscients de ce qu’ils font. T’as envie de leur dire que c’est idiot de reprocher au lion de manger une gazelle. Et que le Mal, c’est nous tous, parce qu’on est plus dans la chaîne alimentaire depuis l’aube du monde que l’on a fait naître. Mais depuis quand t’as un avis ? Depuis quand t’as le droit de juger l’Homme alors que t’en es même pas un ?
Tu sens la sueur couler entre tes jambes croisées et tu t’étires de tout ton long, retenant un bâillement contre tes parois buccales. Tes doigts courent le long du grimoire que tu consultes depuis plusieurs heures déjà. Ton esprit décroche, il danse d’un détail à l’autre et tu sais que bientôt, la fatigue t’engourdira complètement. Une silhouette se profile à tes côtés et tu poses ta tête contre ton poing fermé pour lui lancer un regard doux et complice. On agite la main pour te saluer. « Hi Tony! » Tu veux lui répondre de manière similaire mais un étudiant vous lance un regard courroucé. Vous êtes dans la bibliothèque et le silence est d’or. Tu te lèves, posant ta main sur l’épaule du jeune sorcier en une poigne amicale. Tu rabats la couverture de l’ouvrage et fais signe au garçon de te suivre à travers les rayons : tu aimes bien ranger les livres toi-même, cela te rassure de les savoir à leur place. Tu sens ses prunelles parcourir ton dos avec l’admiration d’un cadet pour son aîné. Ne devrait-il pas en être autrement ? Mais Malachi Nott a tout à envier aux autres. Il tousse, prenant garde d’être discret pour ne pas attirer ton attention. Tu le remarques tout de même, sans relever l’air maladif qu’il arbore et la pâleur de ses mains. Une fois le livre sur l’étagère, tu lui indiques la sortie, et vous la gagnez en silence, non sans vous lancer des sourires amusés en croisant la documentaliste. « I want to be as clever as you are, one day. » t’avoue-t-il une fois dans le couloir. Tu ne réponds pas car tu ne sais pas quoi dire. Le jeune garçon n’aura jamais rien de plus que les autres et, au fond de toi, cela te désole de te savoir plus fort que celui que tu dois appeler maître. Tu connais la loi des Nott, elle est juste et terrible, et tu as conscience du fait que Malachi n’a aucune chance de s’en sortir. Eternel second, dans l’ombre d’Abe et de Moriah : l’amertume qu’il pourrait en tirer, tu ne la lis pas sur son visage juvénile. Lui aussi sait ce qui l’attend, et il préfère patienter avec douceur pour contrer la douleur. « I’m not clever, I’m just hard-working. » Ta voix est paisible et encourageante. Le garçon est à Poudlard pour sa deuxième année et tu ne veux pas qu’il baisse les bras dès maintenant. C’est ton rôle que de le protéger car il est plus jeune que toi. Il n’est pas idiot, il sait que tu appartiens à Abe plus qu’aux autres, néanmoins son corps et son esprit recèlent d’un mystère qui t’enchaîne à ses yeux sombres. Tu aimerais pouvoir le sauver lui aussi, comme lorsque tu as plongé pour arracher Abe à un destin funeste au cœur des flots. Tu aimerais lui donner de ta force pour qu’il ait ses chances au sein de la famille. Au sein de cette vie qui lui demande toujours trop.
Puis viennent la politique, les décisions ministérielles et le sortilège qui fit la une des journaux. Venir à bout du Seigneur des Ténèbres. Tu dis rien, mais t’as un rictus sur les lèvres parce que tu les trouves pénibles, à s’agiter dans leurs costumes qui leur donnent un air important. Et ce jour-là, t’as mal, mais pas pour la même raison que d’habitude. T’as mal, tu t’évanouis même un peu, laissant retomber le manteau que tu t’apprêtais à ranger dans la penderie, avec les autres. C’est un soir de fête car l’année s’achève bientôt. Tu reprends tes esprits, le cœur battant parce que tu dois être fidèle à ton poste. T’entends aussi des cris de surprise dans la pièce d’à côté, où les invités sont tous réunis. Tu crois que c’est pour toi et tu luttes pour retrouver l’usage de tes jambes, horrifié de voir le manteau traîner sur le sol. T’as bien vu qu’il appartient à quelqu’un d’important. Sauf que personne ne vient te voir et que tu te figes, retenant un glapissement alors qu’un filet argenté sort de ta poitrine. Une forme apparaît devant toi : quelques secondes te sont nécessaires pour reconnaître le corps d’un chien, d’abord étincelant d’une lumière étrange puis perdant de sa superbe pour devenir plus commun. Mais tu sais que c’est pas un animal ordinaire. Il veut se blottir contre toi. Il te parle d’une voix tranquille et tu le comprends. Tu le comprends sans comprendre, t’es à deux doigts de faire une crise d’angoisse. Mais c’est le plus naturellement du monde qu’il vient s’installer sur tes genoux, te forçant à détendre tes jambes que t’avais repliées contre ta poitrine, en position de défense. Tu penses plus à rien, même pas au manteau qui gît à terre et sur lequel le chien a marché sans laisser de trace. T’as juste envie de caresser le pelage doré de l’animal jusqu’à t’endormir à ses côtés, parce que tu sais qu’avec lui, tu vas faire de beaux rêves. Bientôt, les maîtres viennent briser ta bulle, mais non sans une nouvelle surprise. Ils t’appellent et tu tournes la tête, ton visage se décomposant car t’es loin d’être à ta place. Tu poses ta main sur le col du manteau, prêt à t’expliquer, prêt à t’excuser, prêt à mentir. Mais c’est le regard d’Abe que tu vois en premier, encadré par ceux de ses parents, suivi par son frère et sa sœur. Leur expression est singulière, hébétée ; elle redouble de perplexité en remarquant le chien à tes côtés mais toi, ton cœur a un raté quand tu vois l’aigle battre des ailes sur le parquet. Le canidé se lève et, par instinct, te protège, glissant des mots rassurants dans ton esprit tourmenté. « Call the Ministry. » Le ton du père est sans appel, lui. Ils ont besoin de comprendre. Mais Abe et toi Vous avez déjà compris.
Tony Hawk. Tony Hawk. Tony Hawk. T’as un nom de héros de bande dessinée. Un nom qui se passe de mystère parce qu’il est commun comme le premier des quidams. Mais tu caches bien ton jeu sous ton épiderme mutant. T’as appris que t’aurais jamais d’enfants. Tu sais pas s’il faut être triste dans ces cas-là. Tu t’es jamais posé la question d’une descendance ; déjà que tu te poses pas la question de ta propre existence. L’infirmière a jugé bon de le préciser parce que t’es venu la voir et qu’elle est du genre avant-garde, du genre à faire des cours d’éducation sexuelle super rapides aux adolescents. Elle est pas bête, tu te dis. Au moins t’as pas à t’en faire. Une fissure dans la société puritaine. Tu vois les gens autour de toi Ceux qui t’ont élevé Tes camarades de classe Tu vois Abe aussi Tu vois le garçon que t’as voulu noyer Tu vois le Seigneur des Ténèbres Et t’imagines la mosaïque de leurs désirs, mais tu t’y retrouves pas. Une fois t’as mis un miroir au-dessus de ta baignoire pour voir ce que tu étais vraiment. Un membre après l’autre, frémissant au contact de l’eau. T’as serré les dents parce que ça fait mal, mais t’as continué jusqu’à ce que tout ton corps soit recouvert. Et t’as fixé l’être qui est apparu dans le miroir pendant de longues minutes, jusqu’à ce que ton bain refroidisse, ta peau se solidifiant encore plus pour ne pas que la température de ton enveloppe charnelle n’en pâtisse. Ton enveloppe charnelle. Etrange concept pour un garçon qui se transforme. Qui ne sait pas s’il est plus humain ou triton. T’as été élevé chez les Hommes, mais peut-être que c’est au contact de l’air que tu mutes et non l’inverse. Peut-être que l’eau est ton habitat naturel. T’en sais rien. Si tu te poses trop de questions, elles débordent de tes lèvres et tu en oublies tes obligations. Les maîtres s’agacent vite lorsque tu es tête en l’air. Ils savent quand tu penses pas à l’instant présent. Ils savent quand tu veux dire quelque chose mais que tu te retiens. Abe, surtout, aime bien observer ton air réprobateur, ton réflexe humide de passer ta langue sur tes lèvres pour garder tes mots pour toi. Il trouve ça amusant. Il se complait dans le désordre et les regards furibonds que tu lui lances parfois. T’attends quoi ? Qu’il te considère ? Mais tu as déjà une valeur inestimable à leurs yeux. Sauf que parfois t’as pas envie d’avoir, t’as envie d’être. Même toi tu trouves ça idiot, mais c’est ancré en toi et ça te poursuit. Parce que tu sais où tu seras dans vingt ans. Tu sais où tu seras dans quarante. Tu sais où est le caveau des serviteurs dans le cimetière, derrière la maison. Tu peux pas t’empêcher d’envier ceux qui ont le choix, ceux qui gardent un voile dressé sur leur futur pour être encore surpris par le destin. Tu peux pas t’empêcher d’envier tes maîtres. Même si tu les aimes. Voilà donc un autre crime que cette société puritaine veut te faire avouer, mais tu gardes tout entre tes lèvres tremblantes.
T’es pas serein. Le soleil a disparu à l’horizon et la surface de l’eau est devenue noire. Tu t’approches, les mains fébriles, tu sais que t’as pas le droit de traîner trop près de la rive. L’administration te surveille, grattant des plumes acerbes sur un parchemin aux teintes autoritaires, se rappelant trop bien des incidents dont t’as été la cause lorsque tu t’es défendu face aux moqueries de celui qu’ils te forcent à appeler camarade. Y’en a pas un seul auquel tu pourrais accrocher ce mot formel qui t’arrache la gorge lorsque tu l’emploies. Ce mot qui sert à aplanir le terrain pour qu’on puisse faire germer l’illusion d’égalité, comme quoi vous êtes tous des frères, des amis, des sorciers. Tous des camarades, aux mêmes ambitions mielleuses que vous racontez à vos professeurs pour qu’ils vous lâchent. C’est faux et tu le sais. T’as compris comment ça fonctionnait bien avant tout le monde. Mais ta certitude ne vient pas du mépris que tant assènent à ton corps d’hybride lorsque tu les croises dans les couloirs, ni du dégoût qu’ils t’accordent au bout de leur index inquisiteur qui te forcerait, dans leur imaginaire, à t’incliner face aux airs qu’ils se donnent. Et t’es pas non plus du genre à croire à l’utopie de l’équilibre égalitaire. Alors il reste qu’une vérité : la réalité dans laquelle t’es meilleur qu’eux, parce que ta naissance a été voulue, elle. Dans l’arène de la sélection naturelle, c’est l’amphibien qui tombera le dernier : n’est-il pas celui qui s’adapte le mieux ? Tu t’assieds sur une pierre et ton patronus rejoint la silhouette qui se dresse sur la berge pour l’alerter de ta présence. On se retourne, et tu reconnais avec une étrange chaleur le visage de ton amie Thorun : elle était absente à la séance de cours particulier que tu devais lui donner. Tu ne t’es pas inquiété, tu sais pourquoi elle ne s’est pas présentée. Non loin, perché sur la racine d’un arbre qui trempe à moitié dans l’eau, tu repères Gandalf, son patronus, qui a pris la forme d’un héron. La jeune sorcière se tourne et passe le revers de sa main contre ses joues. L’obscurité en cache l’humidité : tant mieux, tu ne veux pas savoir si elle a pleuré. D’un saut maîtrisé mais doté de la même désinvolture qui habite tes traits sombres, tu t’approches d’elle et captes un sourire auquel tu réponds avec sincérité. « Sorry … I should have let you know. » Tu hausses les épaules, effaçant la nécessité de ces excuses car la situation n’est pas dramatique. Relevant les yeux vers l’oiseau, tu la laisses tout de même expliquer, même si tu peux deviner ce qui s’est passé. « He was so agressive … I wouldn’t have been able to concentrate. » Ton regard plonge dans l’eau mais c’est ton corps tout entier qui désire le faire. La voix de Thorun tremble : elle se remet à peine de sa souffrance et tu l’as cueillie à un instant de vulnérabilité. Elle t’a raconté et tu le vois parfois faire : Gandalf lui fait du mal, la poussant dans ses retranchements jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus rien faire d’autre que s’enfuir. Et si tu sais qu’on ne peut pas échapper à la réalité, Thorun a du mal à s’en persuader. « Let’s go swimming. » Tu ne la regardes pas elle ; tu fixes l’oiseau, retirant tes chaussures pour que tes pieds puissent sentir l’eau les lécher avec voracité. Au contact de la surface, tu les sens se palmer, ta peau se durcit en te procurant cette douleur éphémère qui te fait te sentir vivant, comme une agréable brûlure qui hérisse tes poils un à un. Ton patronus, resté jusqu’alors assis aux côtés de Thorun, se lève et se dissipe en une brume argentée qui vient t’envelopper à présent que l’eau t’arrive à la taille. Tu détailles Gandalf : silencieux et pourtant si communicatif. Thorun t’a dit qu’il lui cachait parfois ses pensées pour la déstabiliser, mais il semble t’apprécier d’une manière étrange que tu ne comprends pas mais qui te fascine, comme le poème d’un auteur contemporain. Et la jeune fille l’a compris, alors elle te demande de l’aider à calmer son compagnon si agressif, à canaliser le pouvoir qu’il a sur elle en le faisant nager à tes côtés. Cela fonctionne, paraît-il. Alors tu lances un sourire complice à Gandalf et tu plonges avec l’agilité d’un poisson et le panache d’un homme. Tout en toi se transforme et tu te sens entier à nouveau : la douleur qui tord chaque parcelle de ton corps ne fait que t’éveiller d’autant plus et tes cheveux dansent en ondulant autour de ton visage aux teintes grises et opalines, orné d’une bouche étirée avec satisfaction : la pointe de tes dents dépasse légèrement de tes lèvres entrouvertes et, alors que Gandalf ne tarde pas à te rejoindre sous la forme d’une carpe sinueuse, tu prends une inspiration de liberté et vous commencez l’étrange manège que vous avez pris l’habitude de faire. Des mouvements circulaires, dans un sens ou dans l’autre, pour retrouver le calme et l’équilibre que l’eau t’a enseigné depuis que tu es né. Tu sens le patronus de ton amie en confiance : avec un peu de chance, il ne la tourmentera plus d’ici quelques jours. Puis une envie te prend et tu brises le cercle pour t’aventurer plus loin dans les profondeurs, là où les Hommes ne s’aventurent pas. D’un coup d’œil, tu vois la carpe prendre ta suite malgré le risque que cela provoque : le lien qui l’unit à Thorun est sollicité mais Gandalf semble d’humeur joueuse. Toi aussi, manifestement, même si tu ne sais pas de quel jeu il s’agit. Tu continues : n’as-tu pas envie de voir jusqu’où l’animal est prêt à te suivre ? Il fatigue, les coups de sa queue se font plus laborieux car même s’il prend plaisir à tirer sur le fil invisible pour rendre sa sorcière vulnérable, cela reste pénible. Tu te retournes finalement : l’obscurité dans le ciel et les ténèbres aqueux t’empêchent de distinguer la silhouette de Thorun à la surface, mais tu peux constater que son patronus est loin, bien trop loin d’elle. Et tu attends quelques secondes de plus, les yeux plissés à l’attention de la carpe qui à présent dessine un parcours en huit à quelques mètres de toi : s’il l’avait pu, il t’aurait rejoint, mais l’épuisement a raison de lui ; tu prends une ultime impulsion et tu regagnes la berge avec rapidité, secouant ta tête pour chasser l’eau de tes cheveux. Ton corps a encore les traces de ta forme aquatique lorsque tu poses ton regard sur Thorun, ton propre patronus ayant regagné la terre en berger allemand fidèle : la jeune fille tremble, un air hagard et terrifié sur le visage : « W-What … What happened? » Gandalf masque probablement son expérience et elle n’y a pas accès, alors elle s’en remet à toi, à la confiance qu’elle te porte. Et, pour tout dire, tu ne sais pas bien ce qui s’est passé, alors tu hausses les épaules avec innocence : « He was restless. » Tu ne sais pas bien, mais tu mens pour cacher le plaisir que tu as pris à tester les limites de l’animal, les battements de ton cœur peinant à ralentir même une fois que ton enveloppe charnelle redevient celle de l’Homme qu’on te force à être.
D’un geste pensif, tu grattes le dessous de ton oreille avant de te pencher de nouveau au-dessus du pot rempli de terre. Tu ne peux ni la sentir, ni la voir, mais tu sais qu’elle est là : la marque des Disciples, discrète mais témoignant d’une appartenance dont tu ne saisis pas le sens. Cela ne t’intéresse pas, tu te sais protégé. Malgré la méfiance de chaque élève traversant les couloirs de Poudlard. Malgré l’ambiance morose et coercitive. Malgré le danger qui plane sur le château ainsi que le pays tout entier. De simples jeux de pouvoir ; cela ne te concerne pas car tu n’es pas celui qui détient le pouvoir, simplement celui qui lui obéit. Tu suivras le mouvement quoi qu’il arrive, et l’expérience a prouvé maintes fois que tu savais t’adapter. Tes mains plongent dans la terre pour planter une graine en son sein. Tu es envahi par une étrange sensation de satisfaction : dans quelques jours, tu pourras admirer quelques pousses de Cricasse couinant telles des nouveau-nés. Tu pousses un soupir, puis tu enlèves tes gants pour les poser sur le plan de travail. « Thank you so much for this, Anthony. I didn’t know how to finish it on my own. » Tu souris, content d’avoir pu rendre service. « I’d give points to Hufflepuff if only people wouldn’t accuse me of favouritism. » Tes lèvres s’étirent puis laisse un rire s’échapper et se mêler à celui de la silhouette qui te fait face. Rosemary Lestrange, de son nom pur et déguisé. Bien sûr que cela a fait courir des murmures contre les dalles froides du sol de l’école, car tout le monde juge un tel travestissement. Cela te laisse de marbre car tu n’es pas à l’aise avec les sentiments humains. Tu ne cherches pas à comprendre ce qui te paraît si complexe : tu n’as pas de volonté propre et tu n’envies pas celle de l’enseignante, ayant abandonné une étiquette de bonté et de tolérance pour épouser la noirceur d’une lignée suprématiste. Tu ne comprends pas, mais tu restes intrigué. Alors tu te tais et tu joues le jeu, car tu l’apprécies tout particulièrement. Elle est sérieuse, juste et perspicace ; des qualités auxquelles tu aspires. « Don’t worry, professor. I’m just glad I could help. » Tu inclines légèrement la tête pour te montrer humble et refuser ses compliments. Après tout, c’est avec plaisir que tu viens lui donner un coup de main. La botanique te détend et, la plupart du temps, seule le professeur Lestrange se trouve dans la serre. Vous discutez de choses et d’autres : elle est ravie de nourrir ta passion, toi dont la magie est si faible. Tu aurais fait un si bon sorcier, soupirent-ils tous, car ta rigueur est incomparable. Tu ne laisses rien passer. La moindre erreur suffit à te faire répéter la tâche des dizaines de fois pour que tu maîtrises les élans de ton corps et de ton esprit. Tu adores qu’on t’explique, tu adores imiter. Et tu ignores si cela fait de toi un homme vif ou un animal docile. Les deux, probablement. Ton humeur végétale prend fin : tu passes un coup de chiffon sur la table et te prépares à rejoindre la sortie pour gagner le château. Le repas du soir ne va pas tarder à commencer. « Anthony, I … » Tu relèves les yeux, sceptique. Ces mots suivent un silence étrange et réflexif durant lequel ton regard ne croise pas celui de Rosemary. « I hope you’re feeling ok. You know, with the disappearance of many students, us adults have to be there for you all. » Tu hoches la tête. Tu ne sais que répondre, car tu te doutes que c’est lié à ce dont la famille Nott ne cesse de parler depuis des mois. On t’a ordonné de rester impassible, de suivre les directives et la nouvelle règlementation de Poudlard. Tu es l’hybride neutre qui cherche à s’effacer pour ne pas avoir de problème. Et, au vu de la sincérité dont ta professeure fait preuve, tu as l’air de bien tenir ton rôle. « So, if you need to talk to someone about it, feel free to knock at my door. » Elle t’adresse un sourire tendre et une réponse se brode lentement à tes lèvres alors que tu y passes ta langue, feignant d’être gêné. « Thank you, professor. I just hope they’re safe, somewhere. I miss my friends a lot indeed. » Tu parles avec l’assurance de celui qui ment, laissant sa voix trembler avec justesse pour atteindre la bonne intonation. En vérité, le fait de ne pas en savoir trop sur le Complexe où sont probablement emmenés les disparus te permet de ne pas te trahir. Et tu soutiens son regard pendant de longues secondes, la défiant presque d’insister. Vous deux pouvez mettre des noms sur les visages auxquels vous pensez. Sur ceux que vous craignez ne plus jamais revoir. Car il y en a, et il semble y en avoir plus chaque jour. Mais le pouvoir ne vous traitera pas de la même façon et tu sais que tu as une longueur d’avance, perché sur la branche d’un avenir qui paraît si instable qu’on aimerait arrêter le temps pour reprendre son souffle. Cependant le temps ne s’est jamais montré patient, alors tu préfères le passer à jardiner plutôt qu’à t’inquiéter car, en fin de compte, les regards que les gens posent sur toi ne changeront pas eux non plus. Pour eux, tes convictions passent après les nageoires qui habillent tes membres lorsque ton corps plonge dans l’eau. Qu’en est-il de Rosemary Lestrange ? Tu n’en sais rien, alors tu la salues à nouveau d’un signe de tête et tu t’éclipses comme ces ombres dont on cherche à deviner la forme avant qu’elles ne se fondent dans le clair-obscur d’un souvenir.
Dernière édition par Anthony Hawk le Mar 5 Juin - 10:23, édité 4 fois |
| | Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Invité, Sam 2 Juin - 11:56 ( #) | [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Histoire Happiness can be found even in the darkest of times Abraham,
Vous avez dû apprendre la raison de mon absence : la clinique de Pré-au-Lard ne m’a pas gardé très longtemps et je séjourne chez Thorun Mortensen. Ne vous en faites pas pour moi, il vaut mieux que je gagne la confiance des résistants plutôt que de revenir au manoir des Nott alors que j’ai prétendu pendant tous ces mois ne pas adhérer aux valeurs de votre famille. Nous n’avons pas le choix que de laisser les choses se faire d’elle-même mais je compte m’en sortir le plus vite possible. Je m’excuse d’être un tel handicap pour vous en temps de guerre et je devine la raison de mon agression. Navré pour les ratures ainsi que l’irrégularité de mon écriture : j’ai encore du mal à manier la plume car mes doigts me brûlent toujours par moment.
Fidèlement,
Anthony Tu ouvres les yeux et tes souvenirs s’engouffrent dans ta mémoire, noircissant à nouveau chaque parcelle de ta peau. Ils ont fait attention à ne pas en finir avec toi, à te laisser calciné mais encore vivant, assez pour que tu puisses rapporter ce subtil message à tes maîtres. Celui comme quoi il ne faut pas aller à l’encontre de la volonté du Seigneur. Comme quoi le chien que tu es souffrira de l’erreur de ceux à qui tu appartiens, et tu n’es pas capable de prononcer le moindre mot mais tu penses fort à celui pour qui tu as subi les flammes de l’enfer. C’est facile de se faire punir lorsque l’on est coupable, la sentence est équitable, mais tu dois apprendre à le faire alors que tu n’y es pour rien. Ce n’est pas injuste, selon toi. Tu aurais fait de même si tu t’étais retrouvé à leur place, et ta capacité à te faire avocat du Diable, à comprendre l’horreur qui échappe à tant de gens, cela te rend encore plus marginal. Mais t’as envie de leur dire : c’est ça, le pouvoir. C’est un animal difficile à garder en cage car il vous force à accomplir des choses que vous ne saurez décrire tant elles vous semblent terribles. Tu le sais, parce que t’es constamment confronté au pouvoir. Tu es le mieux placé pour savoir comment il fonctionne car tu n’auras jamais à le perdre ou le céder, mais que toute ton existence est régie par celui-ci. Tu observes la hiérarchie de tes maîtres, de leurs maîtres à eux, sans la commenter car ce n’est pas ton rôle, mais tu la comprends car tu es le dernier maillon de la chaîne, celui qui n’a pas à donner d’ordre à quiconque, celui dont la vie est tracée depuis son premier cri d’enfant. Inaccessible, il garde sa superbe, et tu vois ceux qui te guident devenir fou pour le garder. Ce serait te mentir à toi-même que de croire que tu n’en as pas voulu toi aussi, mais tu n’es pas ambitieux, tu es simplement curieux et intelligent. Simplement intrigué à l’idée de savoir ce que procure ce pouvoir, cependant tu sais que la faiblesse coule dans tes veines, se mêlant à ton sang d’hybride qui fait muter ta peau. Que valent des connaissances lorsqu’elles ne peuvent aboutir à un résultat ? Alors ton corps et ton esprit restent au service de tes maîtres, et c’est Abe que tu protèges avant tout, avant toi-même, avant tes propres émotions et tes propres jugements. Tu ouvres les yeux et, sur le plafond de la pièce dans laquelle tu te trouves, tu peux rejouer la scène qui s’est déroulée lorsque tu as pensé fermer les paupières sur cette vie que tu as cru perdre, noyée par la douleur. Les Mangemorts, comme un seul homme, ont fondu sur toi dans une ruelle sombre pour brûler ta carcasse poisseuse, et le feu te dévore comme aucun autre élément. Il est bien plus cruel que n’importe quel bourreau, ta chair est son esclave qui ne peut lui résister. En te touchant toi, ils s’attaquaient à ton maître. Celui qui avait osé dire non au Seigneur et à ses Disciples. Alors tu as hurlé car rien de tout cela ne te paraissait descriptible. Tu doutes encore maintenant de pouvoir poser le moindre mot sur cette expérience. Mais tu n’as plus mal et, devant toi, il y a ton amie qui te sourit, heureuse de te voir en vie à nouveau, quel qu’en soit le prix. Elle te parle. Tu reconnais des timbres nordiques mais l’image d’un dragon et de son haleine de soufre te donnent envie de vomir. Tu retiens tout à l’intérieur, tu sens la moitié de ton corps, la moitié de ton âme vouloir plonger dans l’eau à nouveau. Tu aurais aimé pouvoir alterner plus souvent mais c’est impossible alors tu gardes ta forme terrestre, amphibien que tu es. Et tu fais avec ce que tu as : ces mots doux et espiègles qui caressent tes oreilles encore hantées par le craquement des flammes au bout de la baguette de tes agresseurs. Les syllabes échouent sur tes oreilles et tu poses une sensation sur sa voix avant un nom. Tu n’as pas la force de chercher aussi loin. Tu sais simplement qu’elle est là, et sa présence te suffit à t’accrocher à la réalité car, au fond, tu tiens à la vie. « Are you ok, Tony? » Tu parviens à sourire. Cela fait plusieurs jours que tu te prépares à émettre des mots. Tu n’en as pas dit un seul depuis l’attaque et tu t’es laissé bercer par les siens lorsque tu t’es enfin réveillé. « I’m used to doing this only when you’re asleep, I’m sorry. » Tu lâches un rire cristallin et épuisé. Chaque jour elle vient appliquer l’onguent qui permet à ta peau de régénérer et tu fais semblant d’être happé par le sommeil pour ne pas qu’elle s’interrompe. « Altså … » Le norvégien te vient naturellement à l’esprit car c’est un réflexe en sa présence. Vous ne faites que nager entre vos langues maternelles respectives sans même vous en rendre vraiment compte. « Du er snill … »* Tu entends son sourire étirer ses lèvres sans même la regarder, imaginant ton compliment prononcé à mi-voix briller dans ses yeux opalins. « Vil du ha noe å spise? »** Tu secoues la tête : non, tu n’as pas faim. Pourtant tu sens ta peau épouser tes os car te nourrir a dû être compliqué pendant les semaines qui ont suivi ton agression. Ils t’ont gardé en convalescence à Pré-au-Lard mais la clinique ne pouvait pas t’accueillir plus longtemps. Tu as capté des conversations sans y participer : trop dangereux de t’envoyer à Londres alors que ce sont les Mangemorts qui t’ont attaqué. Tu prétends rester loin des tensions politiques car il est si facile de passer pour l’opprimé aux yeux de la Résistance. De passer pour celui qui a tant souffert qu’il n’est plus capable de se battre. Il veut juste qu’on le laisse en paix. Et ton lien à la famille Nott pourrait porter préjudice à ta couverture, mais il joue à ton avantage car tu sais te transformer comme personne : Toi, le pion politique. Toi, le fidèle serviteur. Toi, l’hybride qui nage entre deux mondes pour mieux dissimuler tes intentions véritables. Tu joues si bien celui qui n’adhère pas aux idéaux de ses maîtres méprisants que tous les autres sont prêts à t’accorder leur confiance, à te protéger. C’est ce qu’a fait Thorun en te recueillant chez elle : tu poses enfin un nom sur son visage souriant et tu l’imites avec sincérité. Elle t’a sauvé la vie en menant ton corps calciné jusqu’à sa paisible demeure. Tu as été là pour elle lorsqu’elle est sortie du Complexe, incapable de trouver ses repères parmi toutes les ombres de son passé, dont les reflets sur ses yeux bleus gardaient son avenir incertain. Elle a trouvé en toi l’ami qui la voyait autrement que comme une autre victime. Peut-être que c’est parce que tu étais au courant de ce que manigançaient les Disciples et que tu avais deviné la raison de sa disparition, quand tous les autres ne faisaient qu’énumérer des hypothèses. Ainsi, tu la traites avec une distance qui lui est nécessaire, mais qui lui permet d’aller à son rythme. Elle y croit elle aussi, que tu souffres de la situation. Hybride poisseux que tu es, comment aurait-il pu en être autrement ? Tu tournes la tête de l’autre côté pour ne pas la regarder : marcher de nouveau va te prendre des semaines supplémentaires et tu détestes l’idée d’être ainsi atrophié de tes qualités. Tu réfléchis à toute vitesse, te rappelant qu’une nuit tu as réussi à écrire une lettre à Abe pour lui expliquer la situation, sans que Thorun ne s’en doute. Les battements paniqués de ton cœur se calment progressivement et tes membres se détendent : la jeune fille a commencé à appliquer la pommade régénératrice et son effet dissipe un instant les souvenirs de cette magie caustique qui a dévoré ta chair. Un mince sourire apparaît de nouveau sur tes lèvres, mais Thorun ne le voit pas. Elle est trop occupée à s’appliquer, âme dévouée qu’elle ne peut s’empêcher d’être. C’est la première fois qu’elle te sait éveillé durant ce rituel médicinal, et tu sens la différence car ses gestes sont plus lents, plus précis que d’habitude. « Thorun … » murmures-tu dans un souffle. Ses doigts se crispent et elle reste en suspens. « Tusen Takk. » Tu ne peux l’observer mais tu sais que cela la rend heureuse, quelque part. « Vær så god. »*** Tu fermes les yeux, et pour une fois tes rêves n’ont pas l’odeur du soufre et l’aura des incendies qui ravagent les forêts. Simplement celle de la bonté dont ton amie fait preuve. T’as décidé d’être arrogant. Juste un peu. Juste pour voir ce que ça donne, si ça te réussit. Parfois tu viens te recueillir près du lac, sur les berges silencieuses. La noirceur de la surface te rappelle d’agréables souvenirs. Tu en as presque l’eau à la bouche quand t’y penses. Il faudrait que tu y retournes pour mieux comprendre. Dans le brouillard, une silhouette. Abe apparaît toujours comme une ombre menaçante, un mauvais augure. Mais tu continues d’avancer. Une lettre à lui confier. Tu lui tends, tu t’inclines, tu t’apprêtes à partir. « Anthony. » Tu retiens tes mouvements, redresses ton corps pour s’aligner au sien. « We are welcoming Lenore Von Sachsenheim in the family. » Tu restes impassible, néanmoins tu n’en penses pas moins. Ce n’est jamais agréable de savoir qu’un nouvel individu te regarde de haut. Mais à force, tu finis par les confondre, les pièces rapportées. Tu crains seulement la personne qu’Abe choisira. T’arrives pas à mettre le doigt sur ce sentiment-là. « How are your studies going? » Tu réponds toujours en décalé, mais Abe s’y attend d’un regard paisible. « Bin ich eingeladen? »* Ça te rend nerveux de ne pas savoir, alors que ce n’est pas important. Tu ne sais même pas si tu as envie d’aller à ce mariage, si tu es invité. Les syllabes allemandes sortent naturellement de ta gorge parce que cela fait une semaine que tu ne peux lever tes yeux du grimoire d’un mage viennois, mort au quinzième siècle. Tu sens encore la douceur du parchemin sous tes doigts osseux. Et voilà qu’une Allemande va s’amuser à te donner des ordres à son tour. « I don’t know. I’ll ask the spouses. » Tu hoches la tête et baisses les yeux vers son patronus. Le doberman n’a pas besoin de grogner ; il a intimidé sans difficulté le berger allemand qui s’est assis à tes côtés. « Gestern habe ich einen Artikel gelesen, in dem man die Patroni studiert. Ich hab’ es treffend gefunden. » Abe reconnait déjà ta voix tremblante. « Die Patroni werden offensichtlich mit der Persönlichkeit ihres Zauberer verbunden. Doch hat man eine ganze Tabelle gemacht: es ist wie ein Verzeichnis, wo man fast alle Tierarten aufgestellt hat. Schlangen für Verräter oder die schwarze Magie zum Beispiel, aber man muss nicht den Uroboros vergessen, der den Lebenszyklus symbolisiert. Alle Kulturen haben ihre Glauben und ihre Beziehungen mit Tieren. Das kann ich verstehen. » Tu te souviens de chaque définition, de chaque supposition car ces écrits te passionnent. Toi aussi, tu as émis des hypothèses à ton tour. « Deshalb habe ich mein Patronus gesucht. Oder nur Hunde in Allgemeinen. Ich wollte sicher sein. » Les sons gutturaux chatouillent ta langue. Tu hésites encore, tu sais qu’il attend. Tu sais qu’il a deviné et tes yeux caressent le museau du doberman qui est resté statique. Tu prends confiance. « Hunde sind das Symbol der Dieners. »** De la fidélité, bien sûr, tu n’en doutes pas, mais la loyauté est à double tranchant lorsqu’elle prend trop de place. Et tes mots sont choisis avec soin : tu aurais pu parler d’esclave. Tu connais aussi ce mot-là en allemand. Abe reste silencieux et tu regardes à l’horizon car la pureté du lac t’apaise. Un sourire étire tes lèvres, des creux se sont formés sur tes joues. Tes paupières tombantes te donnent un air nonchalant que des années de servitude n’ont pas réussi à faire disparaître. Au sortir de l’adolescence, ton profil désinvolte paraît parfois plus prononcé. T’aimerais lui dire que t’as envie de partir, parfois. Pas d’être libre, car tes maîtres sont pour toi comme un organe vital qu’ils pompent sans relâche. Mais par moment tu as du mal à imaginer le reste de ton existence entre les murs du manoir car, aussi hauts soient-ils, ils ressemblent à une prison. Tu déglutis : le doberman ne t’a pas quitté des yeux et tu le crains. Tu sens aussi les prunelles d’Abe détailler les muscles de ton visage. On dirait qu’il cherche à savoir où frapper pour faire le plus mal possible. Pourtant, il reste de marbre, et tu finis par glisser un coup d’œil vers son poignet recouvert par la manche noire de son manteau. Tu sais ce qu’il a fait. Tu pourrais décrire la Marque, même si tu ne l’as jamais vue en vrai. Simplement dans les journaux, lancée par un partisan. Et tu jalouses ton maître d’être si puissant. Toi aussi tu aimerais être puissant. Mais tu n’oses le demander. Cela te gêne déjà que vos patronus soient des chiens. Cela te trouble qu’il soit lui aussi un serviteur. Qu’il soit l’esclave d’un maître, alors que tu as toujours placé les tiens au-dessus de tout. « I can see that your German is fluent. You’ll make a good impression on the bride’s family if you get invited to the ceremony. » Il ne commente pas mais il a compris. Il tourne les talons sans te saluer et s’éloigne. Il sait qu’il faut parfois te laisser seul, ton reflet ondulant à la surface du lac sans que tu ne puisses y reconnaître tes traits, car la brume a envahi le ciel et elle noircit la silhouette que tu observes d’un air rêveur, penché au-dessus de l’eau. Tu poses le plateau sur la table et t’inclines avec réserve. « If you need anything else, Miss, just ask. » En face de toi se tient Moriah, la tête penchée sur le côté. Elle ne semble pas t’avoir entendue, alors tu te contentes de verser le thé dans la tasse et placer cette dernière à côté d’elle. La jeune Nott a les yeux plissés vers un horizon que ton rang ne te permet pas de voir. Tu restes immobile et silencieux, à son service. Elle ne t’a pas congédié, alors tu dois rester là pour elle. « I myself cannot count the things I need, Tony. » Sa remarque t’arrache une expression amusée. Elle a une facilité avec les mots, et cela te subjugue depuis toujours : sa brillance est sans égale, elle manie la langue avec la justesse d’un diplomate et l’ardeur d’un ambitieux. Elle sait jouer de cela, son accent souligné par ses intonations soutenues qui retombent finalement sur un surnom complice, un qu’Abe ne prononce jamais car il préfère garder ses distances, non pas pour être sûr de sa place mais que tous ceux qui gravitent autour de lui comprennent où se trouvent la leur. « The things you need should not be confused with the things you want, Miss. » Ton conseil sonne comme un avertissement, et elle le sait parfaitement. Elle décide de tourner la tête vers toi à cet instant pour battre des cils. Elle ne répond pas immédiatement, prenant le temps de porter la tasse à ses lèvres. « Do you say the same thing to Abraham? » Elle n’a pas peur de se brûler la langue en la trempant dans le thé encore chaud. Son visage reste impassible, figé sur un sourire plein d’assurance. Elle a grandi, Moriah. Elle a tout ce que son frère jumeau n’a pas et tu as l’impression qu’elle se bat pour ce que Malachi ne pourra jamais avoir, quelque part. Parce qu'elle est née avec lui et sa maladie. Mais tu n’es pas sûr : elle est indépendante, elle est féroce, elle sait tirer parti des situations. La loi des Nott ne joue pas en sa faveur mais tu sais que le vent peut tourner à tout moment. Et toi avec, amphibien versatile. Toi qui as reçu son amour en dernier car elle est différente de tout ce que tu connais et tu es loin de tout ce à quoi elle aspire : tu n'es pas puissant, tu n'es pas pur, tu n'es pas humain. Tu es simplement et terriblement intelligent. Reconnait-elle les expressions placides de Malachi dans tes yeux clairs et marins ? Ce ne sont pas des questions que tu te poses, juste des réflexions non ponctuées qu'elle t'inspire lorsque tu croises son regard. Tu connais Abraham parce que tu es né pour le servir. Tu comprends Malachi parce que tu arrives à t'identifier à lui, à ce handicap l'ayant forcé à se retrancher dans son esprit qu'il a développé afin de survivre à sa maladie. « Your brother gets the things he wants without asking for it. And I’m not sure he actually needs anything anymore. » Elle t’observe, pensive. Moriah ressemble à son jumeau lorsqu'elle est silencieuse, lui qui passe son temps à réfléchir, comme un joueur d’échec qui a compris comment gagner dès le début de la partie. Lorsque lui et toi jouez, c'en est d'ailleurs interminable. Moriah, elle, est sûre d’arriver à ses fins parce qu'elle a pour force de connaître les faiblesses des autres, en plus des siennes. Après tout, elle est femme et elle est jeune : tu te doutes que ce doit être handicapant. Elle est l'héritière manquée, née une génération trop tôt, maudite par un destin qui l'attache à des hommes malades et un hybride poisseux. Sa rancœur la tourmente et tu sais qu'Abraham est un ambitieux las, un qui s'ennuie vite de ce qu'il a. Voilà pourquoi ses désirs le consument. Il fera un grand patriarche, tu n'en as aucun doute. Mais il ne construira rien de plus pour les Nott que ce qu'on lui a légué. Il est tourné vers lui-même. Moriah, elle, est créatrice, politique, innovatrice : on lui a promis une révolution en rêve et elle ne désire pas se réveiller tant que la réalité ne sera pas devenue sienne. Les jambes croisées, tu restes avachi sur le fauteuil, ta tête posée contre ton poing. Tu fatigues, les doigts de ta main libre passant sur les feuilles de parchemin de ton rapport avec une lenteur distraite. Tu as besoin de dormir, mais tu dois finir ton travail car la fin de l’année approche. Tu n’es pas du genre à tout faire à la dernière minute. Le printemps se retient de déferler sur le pays mais l’hiver ne veut céder sa place à personne. Les journaux annoncent la fin de la guerre : tu sais qu’il ne s’agit que de politique, car la panique populaire n’est un avantage pour aucun camp. Tes yeux finissent par se clore et tu sombres un instant. « Get up. » Tu sursautes, te redresses, peines à t’habituer à l’obscurité qui est à présent reine dans la pièce. Les bougies s’allument d’elles-mêmes sans que la silhouette que tu sens dans ton dos ne prononce la moindre formule. Tu retiens un bâillement : sa voix est cassante, il semble de mauvaise humeur. « Did you hear what I just said? » Tu t’exécutes finalement, te penchant en avant pour récupérer les pages du devoir qui ont glissé de tes genoux. Certaines sont mélangées, tu notes qu’il faudra les remettre dans l’ordre. Mais plus tard, car l’heure semble dévouée à la satisfaction de ton maître. Abe t’observe et tu réponds dans un souffle. « Je me suis endormi. » Un geste sec et maîtrisé te suffit à faire atterrir les documents sur le bureau qui trône au milieu de la pièce. Tu te tournes vers lui, presque trop défiant. « Speak English. I don’t have time for a moody behaviour. » Tu acquiesces et baisses le regard, honteux. Tu te doutes de pourquoi il est là : l’agression dont tu as été victime reste encore trop présente et il n’est pas rare que l’angoisse se saisisse de ta raison, te rendant aliéné à toi-même, aliéné à ta loyauté. Cela ne lui plaît pas, et s’il a laissé passer les premières fois, il commence à s’impatienter. Tu le vois à la dureté de son visage que les éclats nocturnes font apparaître à travers la pénombre. Ton corps finit par reposer sur le bord du bureau, les paumes accrochées à ce dernier comme les griffes d’un hibou. Ton patronus, sous sa forme de loutre, grimpe à tes côtés puis jusqu’à ton cou pour s’y enrouler et poser ses pattes sur ton épaule. Tu sens son ventre se soulever au rythme de sa respiration : il cherche à calmer ton air alarmé, mais tu as peur car tu sais que la peste revient à la charge, après des années. Cela fait quelques jours que certains symptômes refont surface et tu suis l’actualité avec rigueur et intelligence, afin de faire le lien. Tu comprends. « Have you got something to tell me, Anthony? » Le problème reste qu’Abe comprend lui aussi, mais bien plus vite. « About what? » Ta question est légitime, dénuée de mauvaise foi. Bien sûr que tu as des choses à lui dire. Abe fait partie de ceux qui ne laissent pas indifférent, de ceux à qui l’on voudrait adresser mille et une remarques, mais ces dernières se mélangent systématiquement dans ton esprit lorsque son regard de rapace croise le tien. Tu ignores quels mots tu peux te permettre de prononcer en sa présence. « I think I’m sick again, Sir. Everyone’s talking about the plague coming back. » Il ne te quitte pas des yeux et tu observes ses ongles gratter les peaux mortes de ses mains. Sa coiffure n’est pas des plus ordonnées : lui non plus ne dort pas beaucoup. Il hoche la tête avec réflexion. « What about Miss Mortensen? » Tes doigts se crispent même si tu t’attendais à la question. Tu ne sais pas comment répondre, alors tu décides d’être sincère. C’est ce qu’il souhaite de ta part, de toute façon. « She’s … she’s helping me. Recovering. » Car personne ne le fait vraiment à part elle, et que tu ne peux faire autrement que d’accepter qu’elle le fasse. Tes crises angoisses sont régulières et la présence de Thorun te rassure. Mais tu sais que cette proximité déplait à ton maître car jusqu’à présent, il avait le contrôle. L’idée d’un pouvoir qui lui échappe lui donnerait la nausée, et tu peux le constater entre les traits sévères de son visage émacié. « I thought you were handling this. The way you two were close friends. » Tu fronces les sourcils, agacé. Tu tournes la tête pour briser le contact visuel alors qu’il s’approche de toi en faisant un pas de plus. Des mots t’échappent malgré toi : « Yeah, well I wasn’t planning on being attacked by three Deatheaters in the middle of the street. She happened to be there for me. » Ta voix est dure, pleine de reproches que tu regrettes sur l’instant. Le silence d’Abe est singulier. « I’m sorry. Shouldn’t have said that. Don’t take it personally, Sir, it’s not against you. » Il ne te laisse pas le temps de reprendre ton souffle, ni de reposer ta voix dans le silence. « I know. » Il n’y a rien de conciliant dans ce qu’il dit. Simplement une longue irritation qui grimpe dans sa gorge et fermente sur ses pensées. En s’en prenant à toi, ils ont réussi à l’atteindre et tu baisses les yeux, retenant un sourire étrange. Il le devine, tu peux sentir son regard accroché à la forme de tes mâchoires serrées qui roule sous tes joues d’albâtre. « Do you have faith in your own loyalty, Anthony? » Ton esprit dit oui mais ton corps dit non, parce que ton corps n’en peut plus. Parce que ton corps souffre, ton corps se transforme et ton corps déteste tout, parfois. Ton corps qui n’appartient ni à un monde ni à l’autre. Ton corps qui ne résiste ni à l’eau, ni au feu. Ton corps qui cicatrise mais qui garde des blessures invisibles que tu ne sens qu’entre les limbes de tes songes lacérés. « Of course I do. » Tu sais qu’il en faudra plus à Abe pour te croire. Il voit que tu mens car même toi tu ne te croirais pas. Tu te maudis d’être aussi faible, aussi distant, aussi fluide. La queue de la loutre caresse ta clavicule pour calmer les tremblements de tes doigts. Elle veut prévenir d’une possible crise d’angoisse. Tu n’as pas envie d’être si vulnérable face à ton maître. « Do you know who attacked me, Sir? » La question peut surprendre et tu tournes la tête vers lui pour remarquer ses sourcils froncés, sceptiques. « Does it matter? » Tu hausses les épaules avec une désinvolture qui masque tes préoccupations. « Yeah, I guess it does. » Abe pose sa main entre les oreilles de son patronus en un mouvement maîtrisé mais tu peux voir ses doigts crispés à l’intérieur de sa poche. Bien sûr qu’il sait. « Don’t worry. I’m taking care of it. » Tu hoches la tête, comprenant que tu n’auras rien de plus. Peut-être qu’il a déjà agi en conséquence. Peut-être qu’il te dira un jour l’identité de tes agresseurs. Après tout, si tu rejoins les rangs du Seigneur, ne devras-tu pas les côtoyer toi aussi ? Mais la connaissance est pouvoir, et c’est dangereux de te laisser en avoir trop car Abe te connaît : tu y prendrais goût autant que lui si on le faisait fondre sur ta langue affamée. Tu pianotes sur le bord de la table, seule décoration à cette antichambre sobre et silencieuse. Tes cheveux, rabattus soigneusement en arrière, luisent d’un éclat mordoré que tu as observé pendant de longues minutes lorsque tu étais encore chez les Nott. Tu ne sais pas bien ce qui t’attend derrière la porte boisée qui te fait face. Abe est resté très évasif, mais tu sais qu’il s’agit d’un défi ultime de sa part. Tu as peur. Peur, parce que tout ce que tu es dépend de ce qu’ils veulent faire de toi. Tu déglutis, indécis. Tu ne te sens pas bien et tu aurais aimé pouvoir connaître l’origine de cette torpeur. Tu réajustes la veste de ton costume : tu es si bien habillé aujourd’hui, cela te change de ta robe de sorcier. Ici, il n’y a pas de maison, pas de point, pas de compétition. Simplement des décisions difficiles à prendre, des décisions dont tu n’as pas l’habitude d’être chargé mais c’est la volonté d’Abe donc elle fond sur tes propres désirs pour les sublimer en ordres. Do you have faith in your own loyalty, Anthony? Les mots de ton maître résonnent dans ton crâne sans cesse depuis qu’il les a prononcés. S’en est suivi un long silence, significatif certes, mais terriblement pesant. Puis une mission, simple en apparence, sauf que t’as compris qu’il te testait au son de sa voix impérieuse. I need you to do something for me, Anthony. Puis un sourire, et des indications claires en apparence : te faire embaucher par Otto Graymalkin, un haut responsable des affaires étrangères, travailler pour lui et l’espionner. Rien que tu sois incapable de faire, notamment car tu jongles avec les langues comme un professionnel, et que cela en fascine plus d’un. Mais tu sais qu’Abe te cache quelque chose concernant cet homme et tu passes ta nervosité contre les plis de ta chemise que tu ne peux cesser de repasser d’une paume moite et impatiente. T’as fait quelques recherches : il a un lien mystérieux avec les Nott qui date de son enfance, mais il a vite disparu de la circulation. Tu étais trop jeune pour te souvenir de sa présence, et tu n’as pas osé demander à tes maîtres d’autres précisions car tu sais que tu dois te débrouiller seul face au défi qu’Abe t’a lancé. Si tu as confiance en ta loyauté, alors il te faut le prouver. Tu as compris que cela avait à voir avec Otto Graymalkin, d’une quelconque manière. La question est : quelle est la nature de cette connexion ? La réponse te ronge les ongles jusqu’au sang, car si tu ne la trouves pas, Abe te jettera hors de son existence. Tu n’auras plus de raison d’être. La porte s’ouvre et tu sursautes, détournant la tête de la fenêtre depuis laquelle tu observais jusqu’alors les rues de Londres baignées par la lumière du soleil. Tu plisses les yeux pour détailler la silhouette qui se présente devant toi, puis tu souris avec toute la franchise dont tes années de servitude et de bienséance t’ont doté. Tu tends la main pour qu’il la serre. « You must be Anthony. C’mon in. » Enfin, ton regard croise le sien lorsque tu passes le seuil de la porte et, alors que tu pensais y voir plus clair dans le jeu d’Abe, tu t’en retrouves d’autant plus bouleversé. Otto Graymalkin est beau. Terriblement beau. A tel point que tu brises le contact visuel pour ne pas paraître perturbé. Mais tu as lu dans son sourire et tu sais qu’il remarque ces choses-là en un clin d’œil amusé. Il s’installe à son bureau en t’invitant à prendre place sur l’un des sièges qui se dressent au centre de la pièce. Les bouts de ses doigts pâles se rejoignent devant son visage et il adopte une expression pensive, marbrée d’une complicité intrusive. Tu te sens pris au piège tel un insecte dans une toile qui ne peut pas voir l’araignée s’approcher. Ne l’as-tu pourtant pas devant les yeux ? « So, I was told you’re kind of a prodigy. A great polyglot. » Tu t’écrases entre les accoudoirs en cuir. « Oh, no. I don’t want to sound…- Boastful? » Il te coupe avec une aisance singulière, devinant tes mots avant même que tu ne les penses toi-même. « Don’t be humble, Anthony. You’ll never be as good as I am anyway. » Il sourit de nouveau et tu inspires pour garder ton calme. Il est différent des autres : un mélange de naturel et d’anormalité qui te cloue contre ton dossier. Une partie de toi te hurle de partir, mais elle est bientôt engloutie par tout le reste : fascination, attirance, lascivité, paralysie, désir. Désir, désir, désir Comme si toutes les expériences sensorielles que ton corps et ton esprit ont connues jusqu’alors ne valent rien devant sa silhouette effilée. « How many languages can you speak, then? » Tu te racles la gorge et prends une nouvelle inspiration. Et quand tu ouvres la bouche, tu te demandes si tu es totalement maître de tes mouvements. La question est : l’as-tu déjà été un jour ? « I learned Korean when I was a child. Norwegian with a friend. French because it’s sexy. Then Italian, Spanish and Portuguese because it was easy. And German because it was hard. » Tu suspends tes mots. Toi-même tu t’y perds parfois. « Bulgarian also. » Il ne pourra pas te cacher quoi que ce soit en décidant d’emprunter à sa langue à lui. Et tu préfères qu’il le sache. Ou bien est-ce lui qui veut s’en assurer ? « Then Chinese, finally. Quite useful since the government seems to be developing a special relationship with China. » Otto hoche la tête plusieurs fois et lève son pouce d’un air victorieux. « Bless this remedy, right? » Tu acquiesces avec sincérité. Après tout, tu as réussi à t’en sortir grâce à ça et, quelle que soit la véritable origine du remède et les tensions diplomatiques qui en découlent, tu peux t’estimer heureux d’être vivant. Ton patronus s’allonge sur l’accoudoir sous forme de loutre. Tu parviens à peine à lui parler car ton regard ne peut quitter celui d’Otto à présent. « And I’m trying to learn Russian, Japanese and Arabic but I don’t have much time nowadays. I have to finish my dissertation and find a job. That’s why I’m here. » Un rire cristallin, étrangement amical, s’échappe de sa gorge et il se lève d’un mouvement assuré. « Yeah, alright. You might sound a little boastful. » Tu ris à ton tour, incapable de résister aux traits singuliers de son visage. Tu n’as même plus la force de maudire Abe pour ce qu’il te fait subir. Tu n’as même plus la force de chercher la nature de cette torture, bien que rien dans les mots et les mouvements d’Otto ne soit désagréable. Au contraire. Il s’appuie sur son bureau et sa tête dodeline légèrement, comme pour t’hypnotiser davantage. « This is brilliant. You’re brilliant. » Il a la voix de ceux qui haranguent les fidèles, doucereuse et dangereuse comme un serpent sauvage. « What are you? » Ses derniers mots sont rhétoriques, simplement là pour ponctuer son émerveillement. Il s’approche finalement de toi, contournant son bureau pour réduire la distance qui vous sépare et l’animal que tu es s’écrase dans son fauteuil. Quelque chose cloche. Quelque chose de terrifiant. Quelque chose à laquelle tu ne résisteras pas. Elle a un nom, cette chose : elle se nomme loyauté, et tu sens Abe hurler dans ton crâne que tu dois lui prouver qu’elle est encore tienne. Il t’a jeté dans la gueule du loup pour savoir si tu étais capable de chasser décemment. « I mean, really. What are you? » Et cette fois, tu te sens dépossédé de ta volonté, comme divisé en deux, ton esprit flottant au-dessus de la scène, au-dessus de ton corps qui relâche tous ses mécanismes de défense. « Hybrid. » Tu veux hurler mais tu n’y parviens pas. Otto est resté immobile, légèrement penché en avant comme un vautour avide, mais tu sens son pouvoir comme une main fermée autour de ta gorge fragile. « Oh, I see. » Tu trouves à peine le courage de déglutir. Ton corps est partagé entre l’envie de fondre en larmes et celui de sauter à son cou, mais tu ignores encore pour quoi faire exactement. Tu remarques le plaisir malin qu’il prend à te voir lutter. Il sait qu’il a gagné cette manche, de toute évidence. « And why are you here? » Tu n’as pas le temps de réfléchir à une réponse construite : les mots glissent de tes lèvres comme si tu les lui devais. « I was sent by Abraham Nott. He wants me to test my loyalty to him. » Otto sourcille à l’entente du nom de ton maître. Puis finalement, il laisse la surprise s’effacer. S’il connaît Abe, la sournoiserie dont il fait preuve ne devrait pas l’étonner. Tu dois regagner la confiance de l’héritier à tout prix. Mais ce prix-là te paraît si cher. La réponse est : tu ne t’en sens pas capable, car tu t’agenouillerais devant Otto s’il t’ordonnait de le faire à l’instant. Mais une flamme brûle au fond de toi : une confiance, ça se reconstruit. Tu cesses ainsi d’en vouloir à Abe pour sa sévérité. S’il t’a envoyé ici, c’est qu’il a main mise sur la situation. Et si tu n’as pas confiance en toi-même, tu as infiniment foi en ce que lui décide pour toi. « That’s … unexpected. And yet, very pleasing to know. » Ton corps fond une nouvelle fois face à un ultime sourire de sa part. « Bravo. You got the job. » Bravo. Tu mérites une médaille. La question est : aucune question. Tu as compris ton rôle à présent. - Traductions:
Norvégien : *Eh bien ... tu es gentille ... **Veux-tu manger quelque chose ? ***Merci beaucoup / Pas de quoi
Allemand : * Suis-je invité ? ** Hier, j’ai lu une étude sur les patronus dans un article. Je l’ai trouvée pertinente. Les patronus sont apparemment liés à la personnalité de leur sorcier. Mais ils en ont fait tout un tableau : c’est comme l’inventaire de toutes les espèces animales. Les serpents, par exemple, sont associés aux traîtres et à la magie noire, mais il ne faut pas oublier l’Ouroboros qui symbolise le cycle de la vie. Chaque culture possède ses croyances et ses rapports aux animaux. Je peux tout à fait le comprendre. C’est pourquoi j’ai cherché mon propre patronus. Ou bien plutôt les chiens en général. Les chiens symbolisent les serviteurs.
Dernière édition par Anthony Hawk le Mar 5 Juin - 13:05, édité 2 fois |
| Abraham Nott admin - shame to die with one bullet left Répartition : 13/04/2018 Hiboux Envoyés : 95
| Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Abraham Nott, Sam 2 Juin - 11:56 ( #) |
Dernière édition par Abraham Nott le Sam 2 Juin - 13:45, édité 1 fois |
| | Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Invité, Sam 2 Juin - 11:57 ( #) | IT'S BEEN 84 YEARS enfaitçafaitpassilongtempsmaisonal'impressionomg il est enfin là quoi cette idée de perso cet avatar ce pseudo tout est perf, i approve, 10/10 trop hâte pour notre lien avec Romy et you know who BON COURAGE POUR TA FICHE J'AI HATE DE LIRE edit et rebienvenue aussi |
| Delliha McLeod admin - shame to die with one bullet left Répartition : 06/12/2015 Hiboux Envoyés : 3371
| Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Delliha McLeod, Sam 2 Juin - 13:10 ( #) | Deux postes d’histoire. Je suis presque déçue de pas en voir un ou deux autres J’ai tellement hâte de lire, au vu de la demande Rebienvenue chez toi et puis amuse-toi bien sur ta fiche |
| E. Greer Cavendish admin - shame to die with one bullet left Répartition : 18/06/2017 Hiboux Envoyés : 573
| Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par E. Greer Cavendish, Sam 2 Juin - 13:55 ( #) | |
| | Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Invité, Sam 2 Juin - 15:18 ( #) | Re bienvenue à la maison |
| Reine C. Delacroix admin - i don't want just a memory Répartition : 31/03/2017 Hiboux Envoyés : 1203
| Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Reine C. Delacroix, Sam 2 Juin - 22:12 ( #) | |
| | Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Invité, Dim 3 Juin - 20:00 ( #) | RE BIENVENUE A LA MAISON ELSA 22anst'essijeuneJE VEUX DES LIENS |
| | Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Invité, Dim 3 Juin - 22:54 ( #) | Bienvenue parmi nous ! |
| | Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Invité, Lun 4 Juin - 10:24 ( #) | |
| | Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Invité, Lun 4 Juin - 13:12 ( #) | - Anthony Hawk a écrit:
- Une remarque ? stylé
remember when - l'appartement en bas de chez moi a été cambriolé - stylé merci elsa |
| Adonis A. McLeod membre du mois - you are our gold Répartition : 05/03/2018 Hiboux Envoyés : 522
| Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Adonis A. McLeod, Lun 4 Juin - 13:51 ( #) | Je te ferais des bébés.
SI, C'EST POSSIBLE, D'ABORD. |
| | Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Invité, Lun 4 Juin - 20:35 ( #) | |
| | Re: some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony)par Contenu sponsorisé, ( #) | |
| | some days, you are a shipwreck, some days a tidal wave—always something too big for your trembling bones. (anthony) | |
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