Les corps des élèves agglutinés autour d’elle la rendaient mal à l’aise, alors qu’elle tentait d’occuper son esprit à observer la Grande Salle et les merveilles qu’elle représentait. Son plafond étoilé, les chandelles suspendues, les quatre tables allongées le long des murs avec leur couleur et les idéaux différents les uns des autres. Par-dessous tout, la jeune fille évitait de croiser son regard sur le Choixpeau qui trônait sur un tabouret. Les premières années se resserraient les uns contre les autres pour s’approcher de la petite estrade. La blonde déglutit, tentant de freiner son allure, mais c’était peine perdue et elle fut entrainée par le flot de futurs étudiants qui la poussèrent vers l’avant. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Le moment qu’Evelyne avait tant redouté était enfin à arrivé. Il était là, devant son nez, et elle ne pouvait même l’éviter. Elle devrait frapper le mur de plein fouet sans pouvoir rien n’y changer. Une torture, une véritable torture que constituait cette attente. La demoiselle était silencieuse depuis son arrivée, alors que tous les autres autour d’elle parlaient à voix basse, essayant de prédire à quelle maison ils atterriraient ou de leur futur à Poudlard. Evy préférait ne pas y penser, elle. Les mains serrées devant elle, la jeune Black devait les crispées si fort pour ne pas qu’elles tremblent qu’elles en étaient devenues blanches. Il fallait qu’elle garde son calme, car si elle s’écoutait, ses cheveux et sa peau auraient sûrement virés au blanc eux aussi et, ça, elle ne le voulait absolument pas. Le premier nom résonna à travers toute la salle et un garçon s’extirpa du groupe pour aller s’asseoir sur le tabouret. C’était en ordre alphabétique, ce qui signifiait que son tour viendrait bien assez vite. Pourquoi redoutait-elle de venir prendre siège devant toute l’école ? C’était bien simple, la blondinette craignait ce que le Choixpeau trouverait et oserait dire à haute voix. Et par-dessus tout, elle avait peur où il l’enverrait. Et si ce n’était pas à Serpentard, comme l’avait été toutes les autres générations de Black avant elle ? Son cœur se serra. Que diraient ses parents si elle était répartie ailleurs… ? La tête lui tournait affreusement, quelques gouttes de sueur perlèrent sur son front, tombant le long de sa tempe. Puis finalement, son nom résonna. Immobile, elle prit de longues secondes à réagir, si bien que les têtes avaient commencés à se retourner. Puis finalement, elle daigna bouger et les jeunes premières années s’écartèrent pour la laisser passer. Tout semblait s’activer au ralentit autour d’elle et sans qu’elle ne le réalise, ses jambes lui avaient faits gravir les quelques marches la séparant de son destin. La jeune fille s’assit et le Choixpeau fut posé sur sa tête. Ce fut à ce moment qu’elle reprit brutalement conscience et que les images s’éclaircirent.

«Hmm… Une Black, hein ? »

Et si elle n’était pas envoyée à Serpentard ?




Un Prewett… Il était un Prewett… Elle aurait dû s’en douter. Elle aurait dû le savoir… C’était trop beau pour être vrai. Oh, il était un sang-pur, certes… mais c’était une famille que les Black avaient reniés depuis longtemps déjà. C’était ça sa plus grande douleur. Pourquoi lui ? Elle aurait préféré ne jamais le savoir. Elle aurait préféré qu’il continue à lui mentir sur son identité, qu’il ne lui dise rien… Mais non, il avait fallu qu’il lui avoue tout. Elle maudissait sa conscience à cet instant présent. Pourquoi avait-il fallu qu’il se sente mal à propos de ce mensonge et qu’il se confesse ? C’était idiot… Bien évidemment, Evelyne avait le cœur lourd et des larmes roulaient silencieusement le long de ses joues. Elle était assise, la tête posée contre la fenêtre, elle ne disait rien depuis de longues minutes. Rowen était debout, les bras le long du corps, il n’avait pas dit mot face à son silence. Il n’avait rien pour la consoler, pour lui dire que tout irait bien, que ce n’était pas grave. Le jeune homme ne comprenait pas pour autant son chagrin, pour lui ça ne constituait pas un problème en soi… mais pour elle si, paraitrait-il. Le garçon s’approcha, posa sa main sur l’épaule de son amie. Evy tourna soudainement la tête, comme arrachée à ses pensées troubles et son regard croisa celui de Rowen. Elle s’y perdit un moment, avant de finalement réussir à s’arracher de ses yeux. Non, elle ne pouvait pas lui dire. C’était perdu d’avance, de toute manière. La blondinette se redressa légèrement, ses bras s’ouvrirent et son compagnon la serra contre lui, sans ne rien dire. Il savait qu’il n’avait pas besoin de le faire. Que diraient ses parents si Evelyne leur apprenait qu’un traite à son sang lui était tombé dans l’œil ? L’adolescente préférait ne pas y penser. Elle ne voulait pas devoir faire un choix entre sa famille et lui, c’était trop dur. La jeune fille le serra fort en retour.  Son appartenance ne changerait rien à leur relation, mais il changerait tout de leur futur. Elle ne savait pas ce qui était le pire pour elle. Brisant l’étreinte, Evy posa pied au sol. Le couvre-feu était sur le point de tomber. Il leur fallait regagner leur dortoir. Elle serra doucement sa main entre les siennes, elle était si chaude. Puis sans un mot, elle quitta la salle de classe vide, laissant Rowen derrière elle. Un jour, il comprendrait peut-être. Un jour, il lui pardonnerait peut-être. Ils avaient grandis ensemble à Poudlard… Mais quand ce serait fini, ce ne serait sûrement qu’une question de temps avant qu’ils ne s’oublient.

En ce jour lourd de douleur, le ciel était gris de désespoir. La famille Black avait été rassemblée à l’occasion d’un évènement tragique. Un membre de la noble et grande famille était décédé trois jours plus tôt. Cette personne en question était le frère ainé d’Evelyne. Plus précisément, il était un mangemort et s’était fait tué par les membres du Ministère de la Justice et son deuxième frère, lui aussi mangemort, venait d’être accusé à vie à la prison d’Azkaban. La seule fille des trois enfants venait de perdre d’un seul coup deux de ses repaires. Heureusement, les autorités n’avaient jamais été en mesure de prouver les allégeances du reste de la famille au terrible mage noire qui terrorisait l’Angleterre, malgré leur penchant évident pour les idéaux du Lord. Evy n’avait jamais été impliquée de manière directe aux agissements de sa famille, encore trop jeune pour y participer activement, mais le temps pressait, à présent que ses deux années avaient été mis au carreau. Ses parents auraient tôt fait de lui mettre une immense pression sur les épaules. Debout, adossée contre un arbre du cimetière, à l’écart de la petite foule agglutiner autour de la tombe de son frère, elle fixait d’un visage neutre la cérémonie. La demoiselle avait déjà pleuré toutes les larmes de son corps quelques heures plus tôt en allant voir Rowen en catimini, il ne lui restait plus rien à donner et elle n’avait pas voulu craqué devant les autres, au risque de passer pour une sans cœur. Plutôt ça que sa chevelure ne change de couleur. Néanmoins, il lui fallait concentrer toute son énergie dans cette neutralité dure, car à présent que son chagrin était passablement effacé, une colère noire l’animait de l’intérieur. Elle en voulait tellement à ces aurors, à tous ceux qui lui avaient enlevé son ainé, ses ainés. Qu’importe ce qu’ils avaient commis, ils restaient ses frères, son sang, sa famille et on ne touchait pas à un Black sans s’attirer la foudre de tous les autres portant le même nom. Viendrait le moment où les Black laveraient leur nom en l’honneur de leurs deux fiers combattants, les coupables n’auraient qu’à bien se tenir. L’été commençait à peine et Evelyne entrait en sixième année en septembre… L’année allait être longue. Surtout sans ses frères.