Aloysius et Mary Balam auraient pu mener une petite vie parfaitement heureuse. Après un charmant mariage, et trois charmants enfants, ils s'étaient installés dans un charmant village au charmant climat. Charmants voisins, charmants paysages. Tout était charmant.

Mais, voilà. Aloysius était un sorcier. Mary une moldue atteinte de graves troubles mentaux. La famille Balam, régie depuis des années par des règles ancestrales cherchant à préserver pureté du sang et la perpétuité des mœurs, avait préférée renier son unique descendant plutôt que de voir sa renommée entachée. Renommée. Cela faisait bien longtemps que les Balam étaient tombés dans l'oubli. Même les légendes sur leurs messes noires et pratiques plus qu'occultes avaient été effacées des esprits. Plus rien. Aloysius n'avait jamais partagé les idéaux de ses aïeuls. Pour cela, il s'était de plus en plus embourbé dans les problèmes intra-familiaux. Il avait eu l'impression de sombrer dans la folie, de mourir entièrement. L'apparition de Mary l'avait sauvé. Entièrement. Il renaquit de ses cendres, abandonna ce qui pouvait le ralentir, rejoignit la femme de sa vie. Qu'importe ses crises d'hystérie, qu'importe les dédoublements de personnalités et les accès de paranoïa. Elle avait été là pour lui, il se devait d'être à ses côtés. C'est beau, la magie de l'amour.

Leur union fut réellement concrétisée à la naissance de leurs jumeaux, Edwin et Polydor. Deux petits garçons parfaitement mignons, à l'air parfaitement normal. Puis, trois ans après, Eileen vit le jour. Une adorable fillette. Les mois, les années passèrent. Aux dix ans des garçons apparurent leurs patronus, deux fougueux poulains. Ce jour, qui aurait dû être le théâtre d'une merveilleuse journée familiale. Au lieu de cela, les gènes infectieux maternels et les prémices de pouvoir magiques transformèrent les enfants en bombes à retardement. Ils s’entre-tuèrent sauvagement devant leur mère désespérée, alors que leur père était parti chercher leur cadeau d'anniversaire. Quand il rentra, ce fut un salon ensanglanté, et une pauvre femme qui hurlait de douleur devant le reste des corps sans vie qui l'accueillir. Eileen, elle, regardait la scène avec un visage impassible.

L’enterrement fut douloureux, pénible. Perdre ses enfants était une chose terrible pour Aloysius. Qu'on l'accuse de meurtre le fut davantage. Les parents de Mary avait accepté cette union du même œil que les parents Balam.

"Vous n'êtes que des monstres, vous et votre fille. Voyez ce vous avez fait de Mary et de ces enfants ! Voyez les conséquences de vos actes ! Suppôts de Satan ! Meurtriers ! Êtres ignobles ! Ne vous avisez plus de vous approcher de ma fille ! Jamais !"

Les mots violents de la vieille femme refit naître la lâcheté du pauvre homme. Et uis, voir la femme qui avait donné un sens à sa vie aussi effondrée... Il ne voulait pas lui faire plus de mal. Aussi, sa fille dans les bras, il quitta tout, partit s'installer à Londres dans un petit appartement miteux pour ne plus faire entendre parler de lui. Son désespoir augmenta encore plus alors que, trois mois plus tard, il apprit le suicide de Mary, et la mort de l'enfant qu'elle portait. Joyeux, hein ?

L'enfance d'Eileen ne fut donc pas des plus merveilleuses. Quel enfant pourrait grandir sainement alors que la seule présence familiale qui lui restait passait le plus clair de son temps à travailler, dans l'espoir futile de tromper tout le dégoût que lui inspirait la vie ? La brunette découvrit seule ses pouvoirs, et dut apprendre à les gérer de la même manière. Aïel, la seule ami qu'elle ait jamais eue, prit alors une place importante dans sa vie. La petite voix qui lui chuchotait parfois à l'oreille s'était métamorphosée en être fait de chair et d'os à ses yeux. Et à ses yeux seuls. Les rares fois où elle sortait, seule bien évidemment, sa différence flagrante ne manquait jamais d'attirer l'attention des jeunes moldus en manque d'amusement. Au début, elle faisait office d'un parfait bouc émissaire. Mais, quand elle commença à se défendre, accompagnée de cet étrange chat noir, tous se mirent à la fuir comme la peste. Elle qui était marginale devint dangereuse à leurs yeux.

Puisque même dehors elle ne pouvait paraître, elle se promit de rester enfermée. Les livres seraient son unique façon de s'évader. Merci donc à l'immense bibliothèque paternelle et de toutes les ressources dont elle disposait. Souvent, alors qu'Aloysius rentrait de son travail au ministère, il retrouvait sa fille endormie au milieux de feuilles de papier gribouillées et d'ouvrages divers. Mais jamais il n'avait remarqué cette particularité héritée de sa mère. Jamais Aïel ne fut découverte.

Puis, la lettre de Poudlard arriva. Déchirement dans le coeur du père, étonnement dans le regard de la fille. Après tout, elle ne savait pas vraiment ce que c'était, être sorcier. Le fils Balam s'en était bien gardé de l'évoquer. Et puis, il était trop fatigué pour le faire. Pourtant, l'achat des fournitures au chemin de Traverse fut vécu avec une joie non dissimulée de la part des deux protagonistes. Enfin, une sortie somme toute normale qu'ils pouvaient partager ensemble. Enfin.

Et les années passèrent. Eileen, pas si intégrée que ça au sein de sa maison, au sein de ses camarades, retrouva son statut de fille à part, dérangée. Mais d'un côté, ça lui était égal. La sixième année venait seulement de commencer...