Jullian est née d’une famille de moldus Américaine. Il parait. Mais vu le manque de surprise de sa mère devant la lettre d’admission, cette affirmation a pris la teinte de la supposition. Voir du mensonge éhonté. Il faut dire que certains signes ne trompent pas : ses deux parents n’avaient jamais dormi dans le même lit, du plus loin que remontent ses souvenirs. D’ailleurs, son père ne dormait presque jamais à la maison, et la porte d’entrée avait une fâcheuse tendance à s’ouvrir et se fermer en pleine nuit. Sa mère n’était pas très présente non plus, et les rares moments où elle restait avec sa fille, c’était pour braquer sur elle un regard à la frontière entre le regret et l’admiration. Résultat, la jeune fille avait vite appris à se débrouiller seule : se faire à manger, ranger la maison, et se débarrasser des intrus. Ceux-ci étaient d’ailleurs assez nombreux, et avec divers degrés d’agressivité. Certains, en général particulièrement bien habillés, s’adressaient gentiment à la petite fille qu’elle était alors, quoiqu’avec une trace de mépris. En général, ils laissaient un paquet et s’en allaient. Ils insistaient parfois pour voir sa mère, voir haussaient le ton. Face à eux, elle se contentait de faire le dos rond. Au bout d’un moment, ils finissaient simplement par partir. Mais il y en avait des plus dangereux. Ils venaient plus tard le soir, criaient le nom de sa mère devant la porte, jusqu’à ce que Jullian finisse par entrouvrir la porte, en prenant bien soin de garder la chainette enclenchée. Leur haleine avait tendance à empuer l’alcool, leur démarche était incertaine, et leurs mots hésitants, mais leurs poings savaient trouver leur cible quand ils se mettaient en tête d’entrer. Elle refermait alors la porte, poussait le canapé devant puis courrait se cacher sous son lit. Une fois que les bruits de choc contre la porte s’étaient tus, elle comptait jusqu’à cent, puis osait sortir son nez de sa cachette.

A l’école, c’était la même chose. Elle avait juste à apprendre jusqu’où chacun pouvait aller. La majorité des enfants la regardaient de loin avec un air d’incompréhension. Le deuxième groupe, moins nombreux, lui lançaient des insultes avec un sourire chargé de mépris. Et les trois quatre qui restaient essayaient de la coincer dans les toilettes. Son extraordinaire agilité lui avait presque toujours permis de leur échapper. Les années passant, elle apprit peu à peu à se défendre. Mordre, griffer, frapper, bref, toutes les armes qu’elle avait à disposition lui servirent à les tenir loin d’elle. Crier à tue-tête qu’elle avait vu leur père dans la chambre de sa mère aussi, mais ça lui attirait plus d’ennemis qu’autre chose. Elle fut virée plusieurs fois de ses écoles, et chaque fois, la même histoire recommençait.

Et puis la lettre fatidique arriva. Jullian était une sorcière, et elle était admise à l’institut des sorcières de Salem.  Il fallut plusieurs jours à sa mère pour se décider à lui avouer la vérité. Elle avait connu un homme, en Angleterre. Un sorcier. Il voulait l’épouser, mais il était déjà promis à une autre, une sorcière de son rang choisie par sa famille, mais s’il avait eu le choix, c’est sûr, il l’aurait choisie elle, et tout le baratin qui s’en suivait. La jeune femme découvrit bien plus tard que la mystérieuse fiancée en question n’était autre qu’une simple moldue shootée au philtre d’amour. Une fois arrivée à l’institut, tout lui parut plus simple. Personne ne connaissait sa mère, et les mères d’élèves ne soupçonnaient pas cette dernière de se taper leurs maris. Cependant, son sale caractère se fit très vite remarquer, et ses airs de sauvageonne en faisaient rire beaucoup. Ici, la plupart des filles étaient bien coiffée, bien maquillées, chacune portait son uniforme comme une parure de mode. Jullian, elle, oubliait souvent de se coiffer le matin, et ne connaissait pas le maquillage autrement que comme un jeu de petite fille qui fouille dans les placards de sa mère. Il faut dire qu’elle ne portait pas les hommes dans son cœur : ses contacts avec eux n’avaient jamais été des plus … agréables. Sa devise ? « T’as des baskets, tu rentres pas ». En une version un peu moins glamour. Et les rares rencontres des jeunes filles de l’institut avec leurs homologues masculins n’arrangeaient rien. Par contre, si quelque chose jouait en sa faveur, c’était son assurance. Elle semblait traverser la vie comme on traverse une rue piétonne : sans regarder autour d’elle. Bien entendu, comme dans la plupart des cas, son assurance était davantage une façade qu’autre chose. Mais une façade efficace. Elle eut même la chance de s’attirer les « faveurs » de certaines filles du pensionnat. Si les relations avec un homme lui paraissaient inacceptables, les rencontres secrètes avec une jeune fille dans une salle vide étaient des plus intéressantes, à son goût.

Cette « paix » dura jusqu’à ses 18 ans. Sa mère décéda alors, victime d’un infarctus. Et ce fut autant le décès de sa mère que la disparition soudaine de l’ombre qui lui avait servi de père qui la plongea dans la perplexité. Ainsi que la lettre de ce dernier, lui donnant l’adresse d’un dénommé Jullian Evans. Soit disant son père biologique. Le retrouver nécessita tout d’abord l’obtention de son diplôme, puis la traversée de l’atlantique. A son arrivée en Angleterre, elle avait la tête pleine des histoires que lui avait raconté sa mère : un père qui était toujours amoureux d’elle, qui accueillerait sa fille à bras ouvert, dans une demeure de rêve d’une famille de sorciers au sang pur. Elle y trouva un fermier plongé dans son verre de whisky, avec une femme moldue dont la tendresse et l’amour disparaissait comme neige au soleil dès qu’elle oubliait de prendre son « thé » du matin. Elle se découvrit aussi un demi-frère inconnu, qui devait certainement ignorer tout de son existence. Décidée à se raccrocher à ce dernier espoir d’une famille chaleureuse et accueillante, elle se décida à entamer ses études supérieures non pas en Amérique, mais en Angleterre, à Poudlard.