« Mange ! » Le volatile se tenait sur l’épaule de la jeune rouquine qui jouait avec sa nourriture ayant l’air plus déprimé que jamais. « Je n’ai pas faim. » Ce qui était la triste réalité. Depuis que sa mère est morte, la jeune demoiselle a perdu toute envie de vivre et voire même d’aller à la rencontre de ses pairs. Les fuyant plus que jamais, elle se contente de soutenir sa sœur dans son mensonge tout en gardant ses distances avec cette dernière préférant l’épier que de la confronter. Pour une seule raison : elle a peur que cette dernière apprenne son mal et qu’elle ne la ramène droit vers la réalité. Les semaines avaient passé, les années même mais la nourriture gardait le même goût dans sa bouche, un goût amer, un goût de terre. Elle ne se contentait que de se rassasier, d’éviter de mourir ou de faire des malaises mais cette mauvaise hygiène de vie allait sans doute avoir sa peau.

Comment vivre sa vie quand on a assisté à la mort de la femme qui vous a mis au monde ? Ce cauchemar qui la hante et qui l’empêche de dormir la conduit toutes les nuits au même endroit, la table de la salle commune où elle finit ses devoirs. Il n’est pas rare de l’y trouver le matin soit endormie, soit les cernes sous ses yeux. Mais Arabella maintient l’illusion depuis toujours. Déjà alors timide et craintive, elle se contentait de ne rien dire et de porter les plus belles parures sous le regard indigné de sa jumelle qui ne comprenait pas son comportement. Oh Juliet si tu savais, pensait-elle, tu tomberais des nus. Mais comment en informer votre copie parfaite, votre double quand cette dernière souffre également à cause d’une présence ténébreuse à ses côtés ? Celle d’une serpentarde blonde au regard de vipère qui tente de l’amadouer mais au fond qui ne reste qu’un démon. Alors que Bella n’a jamais blâmé les humains, les moldus et serait prête à les aimer. Elle a peur cependant de ce que cette femme maléfique pourrait faire à sa Juliet. Juliet, Oh Ma Juliet, tu vaux mieux que ça. Par pitié, ne reste pas avec cette fille, elle te dévorera toute crue. Serpent, vicieux, malhonnête et mangemort. Arabella n’a jamais adhéré à ces idées mais étant trop lâche, elle n’a jamais pu en parler.

« Mais ai un peu de cran pour une fois ! » Du cran mais pour quoi faire ? Bella mit une bouchée de porridge dans sa bouche avant de manquer de vomir. Puis d’un seul coup, il entra, illuminant la pièce de sa présence. Potter. Le fameux Potter, meilleur ami de sa sœur. Elle se contente tous les jours de le regarder sans pour oser l’aborder et pour quoi faire ? Il ne la voit pas, personne ne la voit derrière ses livres. Ou sauf quand elle se fait victimiser par les Serpentards. « Va l’aborder ! » Non à quoi bon ? Il ne la voit pas et ne voit aucune fille. Sauf peut-être sa sœur. Dépitée, Bella sort de table pour aller se réfugier dans sa salle commune avec son chat avant de s’assoupir en caressant le félin qui ronronnait, heureux d’être auprès de sa maitresse.

Le paysage était toujours le même. Elle était dans la chambre qu’elle partageait avec sa sœur et il faisait noir. Alors que cette dernière dormait, Bella était eveillée et regardait la pleine lune tandis que des bruits se faisaient entendre. Elle avait quoi ? Neuf ans ou peut-être mois. Curieuse mais apeurée, elle se glissa hors de son refuge pour aller voir ce qu’il se tramait et c’est là qu’elle assista à la scène. Sa mère, sa pauvre mère était au sol tandis que l’homme la frappait avec un lampadaire. Bella poussa un petit cri, un couinement de souris mais il était trop tard. L’homme leva la tête, les yeux injectés de sang avant de se ruer vers l’escalier et de la tirer par les pieds. « JULIEEEEEEEEET. » Sa sœur courut en pyjama pour la tenir mais rien n’y fit. Elle tomba, sa tête heurta un rebord de marche et elle perdit connaissance. Lorsqu’elle vacillait entre les deux, elle entendit une dispute entre sa sœur et sa mère. « Regarde ! Regarde donc les bleus de ta fille ! » Juliet, j’ai mal. Juliet je souffre, pensa-t-elle. Puis ce qui devait arriver, arriva. Quelques jours plus tard, ne supportant plus sa souffrance alors qu’elle n’était qu’une petite fille, Bella tenta de se suicider. L’homme la trouva, la frappa au visage avec un rasoir pour l’emmener dans sa chambre auprès de sa sœur et l’enfermer à double tour. C’est le bruit de la porte qui la réveilla en sursaut.

Trempée, la salle commune vide, la pénombre s’était installée dans l’endroit. Bella se leva sur la pointe des pieds, toujours discrète, toujours invisible avant de se mettre à la fenêtre et de regarder la lune. « Un jour, tu oublieras, je te le promets. » Ce jour allait venir, oh oui. Le jour de son repos, de son abandon, de son sommeil éternel. Mais même si Bella n’aspirait qu’à une mort certaine, elle devait rester en vie. Pour elle, pour l’aider. Car sa sœur souffrait et donc si sa sœur souffrait, elle souffrait sans faim.

Le cycle répétitif d’une vie de souffrances et d’amertume qui n’aura jamais de changement.