Fabian and Maggie

« Fabian ! Fabian, dis, tu joues avec moi ? » Fabian se tourna lentement pour rencontrer les prunelles noires auréolées de reflets ambrés de Margaret, qui le fixait avec une conviction quasi-religieuse, serrant contre elle sa poupée favorite, du bas de l’escalier. Les prunelles noires de Fabian se posèrent sur sa petite sœur qui, du haut de ses six ans, espérait toujours avec une muette candeur trahie par ses joues rosies d’espoir sous ses boucles brunes, que son aîné répondrait à sa demande, toute auréolée de la naïveté de l’enfance préservée. « Non ». Les yeux de Maggie s’arrondirent de déception, et sa petite bouche se plissa de dépit. L’expression indéchiffrable qui s’était peinte sur le visage de son aîné depuis plusieurs années maintenant ne parvenait pas à l’effrayer ; tout au plus l’impressionnait-elle, voire même l’intriguait. Pour le reste, il était son frère. Elle n’avait pas peur de lui comme sa copine Carol-Ann, qui se cachait derrière tout et n’importe quoi quand Fabian entrait dans la même pièce qu’elle. Le visage aux rondeurs d’enfant de Maggie se plissa. « Moi je veux ». Fabian la fixait toujours imperturbablement. Aussi Maggie se décida à brandir la poupée dans sa direction. « Moi non », acheva Fabian. Sur ces délicates paroles, il empoigna le bras de la poupée et la jeta au bas des marches, laquelle retomba mollement au sol après avoir rebondi contre le mur. Maggie, qui avait suivi le mouvement de la poupée, la fixait d’un œil horrifié ; elle redescendit les marches sans se retourner, alla s’accroupir pour la ramasser et la serra contre elle, blottie près du mur. Fabian resta là un instant, à la regarder d’un air dubitatif, puis descendit lentement les trois marches pour rejoindre Maggie. « Viens, on va jouer », bougonna Fabian d’une voix égale. Maggie leva ses yeux rougis sur son frère puis un sourire ravi monta sur ses lèvres. Elle l’aimait son frère, en fin de compte.

Fabian and Albion

« Fabian, enfin te voilà ». Fabian leva ses yeux noirs sur son père, qui le fixait de derrière son bureau, visiblement soulagé de le voir. Une montagne de parchemins s’étaient amoncelés sur son bureau et pas moins de deux Plumes à Papote s’activaient encore à noter la phrase qu’il terminait tout juste au moment où son fils était entré dans la pièce. Fabian détaille la pièce du regard ; le parquet de bois sombre en chêne massif, le papier peint vert émeraude, les rideaux de velours sombres suspendus à la fenêtre, les vastes bibliothèques poussiéreuses chargées de livres et de traités de Magie. « Assieds-toi, fiston », proposa Albion en souriant gentiment. Fabian fit la moue puis consentit à s’assoir sur la chaise faisant face à son père de l’autre côté du bureau. « Voilà, Fabian, je voulais te dire avant que tu partes pour Poudlard qu’il faut que tu sois un élève modèle. Tu comprends, plusieurs membres de la Famille y sont allés, je ne veux pas leur faire honte », acheva Albion. Fabian arqua un sourcil. « Ah oui ? Ils ne sont pas allés à Durmstang ? », interrogea-t-il platement. Albion balaya la question d’un geste de la main. « Certains seulement. Mais Poudlard possède une meilleure éducation selon nos ancêtres, Fabian. Je veux bien sûr que tu sois le meilleur fiston. Mais je veux que tu sois le meilleur pour toi. C’est ton avenir qui se joue. Ton avenir. Mais c’est aussi notre nom. Alors je veux que tu promettes de faire honneur à nos aïeux », conclut Albion en souriant. Fabian médita une seconde la déclaration de son père avant de hausser les épaules en signe de désinvolture. « Soit. Je serais le meilleur », répondit-il simplement. Albion considéra son fils d’un œil perçant, incapable de franchir la barrière de froideur qu’avait érigé son fils depuis… depuis quand ? Depuis quand exactement n’était-il plus ce petit garçon rieur qu’il avait une fois emmené au Ministère et qui avait fait le ravissement de ses confrères ? Il n’arrivait pas à le savoir. En revanche, ce qu’il savait, c’était qu’il n’était pas certain d’aimer de ce qu’il risquait de devenir un jour.

Fabian and Priya

« Quand est-ce que tu es vraiment toi, Fabian ? » Fabian détourna la tête et plongea ses yeux noirs dans ceux de la jeune fille à ses côtés. Accoudé sur son oreiller, il la fixait intensément, sans que Priya parvienne à comprendre s’il cherchait à la déstabiliser ou s’il réfléchissait à sa question. Blottie dans la couverture, Priya le détaillait avec une certaine curiosité. Fabian avait une année de plus qu’elle, sans doute déjà dix-sept ans ; ses cheveux noirs d’encre étaient ébouriffés et les rayons diaphanes d’un soleil avare filtrant par la fenêtre jouaient sur sa peau nue. « Comment ça ? », demanda finalement Fabian, plissant ses yeux noirs. « Je ne sais pas. J’ai toujours l’impression que tu n’es jamais toi-même. Que tu cherches à paraître quelque chose en permanence », reprit Priya tandis que Fabian traçait des cercles invisibles sur la peau nacrée de l’épaule de la jeune fille. « Qu’est-ce qui te fait croire ça ? », répliqua Fabian, quelque peu sur ses gardes mais tentant de maîtriser ses impulsions. « Des millions de choses. Et mon intuition féminine », acheva Priya en souriant. Fabian arqua un sourcil. « Sans doute n’es-tu pas une véritable fille, ce qui m’étonnerait beaucoup car tu serais formée bien bizarrement d’après ce que je vois depuis plus de deux heures », ironisa Fabian. Il traça les lèvres roses de Priya du bout de l’index avant de presser ses lèvres contre les siennes. Bientôt il l’amena contre lui et les deux adolescents laissèrent les questions existentielles en suspens. Pourtant, quelques instants plus tard, lorsque Priya quittait son « petit-ami » — les choses étaient toujours si floues avec lui —, elle se rendit compte qu’il avait bluffé. Encore. Et qu’il n’avait pas répondu à ses questions. Comme toujours.