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Chère Chloé,

C’est avec beaucoup d’étonnement que j’ai vu ton hibou me tendre un mot ce matin. A mon grand regret, il ne me semble pas porter le doux prénom de Myrtille, mais passons. Je te tutoies, ne m’en veux pas mais cette parcelle de ta vie que j’ai découverte par hasard me pousse à oser une intimité particulière. Ta plume est belle, elle m’a touchée sans que je n’aie jamais vu ton visage, ni toi le mien (et c’est peut-être mieux ainsi pour tout le monde). Puis je me permettre de converser sur ce que tu avances dans ta lettre ? Peut-être ne serais-je pas de bon conseil, mais je tiens tout de même à te rassurer en t’assurant que tes mots ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Cet acte pourra peut-être te paraître impoli, je n’aurais sûrement pas du lire cette missive qui ne m’était pas destinée, mais je ne crois pas au hasard, y crois-tu ?

La blessure que tu portes comme une tare dans ton cœur, provoquée par cette relation instable que tu entretiens avec ton père me rappelle la mienne. Sont-ils donc tous prédestinés à circonscrire leur progéniture dans une bulle étouffante ? Le tien est parti –fais le moi savoir, si je me trompe- mais le mien et toujours là et je me permets de laisser planer le doute quant à la meilleure des deux options. Tes questionnements superficiels m’ont apporté une certaine légèreté à leur lecture : n’idéalisent pas ces autres femmes qui donnent leur cœur et leur corps au premier venu, j’en ai connu et même s’il n’est pas désagréable que de se les accaparer l’espace d’une soirée, mais à long terme, personne ne leur trouve rien. J’ai bien plus de plaisir à converser avec une fille simple et naturelle qu’avec des hypocrites de la sorte. Je te semble un beau parleur, certainement, ne me réponds plus si c’est le cas, cela ne servirait à rien. Je prends la liberté –ou le risque, indécision quant au terme à adopter- d’être moi même en couchant ces mots sur papier, je préfèrerai que tu ne me répondes pas plutôt que tu me rejettes. Tu connaitras le grand frisson bien assez vite, crois moi.

Serais tu philosophe, également ? Il y’a bien longtemps que je n’ai trouvé de demoiselle avec qui converser à ce sujet, leurs intérêts me semblent tellement différents des miens (sans offense). Je pense au contraire que ce grand sorcier devait bel et bien être possesseur de tous ses moyens : son pragmatisme mortifiant me fascine. Le fantasme est un rêve, une ineptie inaccessible. Ne préfères-tu pas faire de ta vie une belle réalité plutôt qu’une suite de désirs inachevés ? Mon choix est déjà tout fait.

Bien à toi,

N.
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A toi, mystérieuse inconnue

Ne sois pas gênée Chloé, je ne me permettrai aucun jugement. D’ailleurs, comment le pourrais-je alors que c’est avec une naïveté et une délicatesse extrême que j’ai découvert certaines parcelles de ton âme que je n’avais plus connues –c’est à dire que j’avais même presque oubliées- chez une femme. Tous deux sommes au jour d’aujourd’hui de parfaits inconnus l’un pour l’autre, il en reste plus évident de s’ouvrir à quelqu’un qui ne nous rira pas ouvertement au nez. Et n’aies aucune crainte, je n’ai pas envie de rire ni de me moquer (encore moins de juger) crois moi. Il y’a déjà bien assez à faire dans la vraie vie sans en plus s’encombrer de jugements littéraires qui pousseraient presque le jugement dans ses plus profondes limites. Loin de moi est restée l’intention de te juger sur ces mots que tu as posé sur papier. Je serai une ombre, si telle est ce que tu attends de moi, tout comme je peux être une oreille attentive sans même te connaître. J’ai de plus également le besoin d’entretenir de simples discussions avec autre chose que ma conscience et les gens qui m’entourent me semblent parfois avoir oublier le tact d’une conversation qui ne soit pas égoïste ni égocentrique. Ton âme me semble pure, ta plume l’est aussi, je ne me fais aucun souci quant à la possibilité certaine que tu rencontres ce qui te poussera à tes meilleurs exploits bientôt, si « grand frisson » tu l’appelles, je me permettrai donc de l’appeler de la sorte moi aussi.

Toi aussi, tu t’es laissée détruire et mon cœur me pousserait à te dire de ne pas être aussi sensible à la cruauté de ton père… mais te conseiller ce que je ne suis pas apte à faire serait faire acte de pure hypocrisie (et Dieu seul sait à quel point j’en ai horreur). Tu as réussi ton sevrage et je t’en félicite, ce n’est pas mon cas. Les substances qui enivrent mon corps chaque soir sont si brutales que je n’ose encore t’en parler, peut-être le ferai-je un jour…Que veux-tu donc savoir de moi ? Je ne suis rien que tu n’as sûrement pas déjà connu. Juste un homme comme les autres, de ceux que l’on observe mais que l’on ne voit certainement pas. Pas pour ce qu’ils sont réellement, du moins.

Je ne fantasme plus depuis longtemps, la vie m’a déjà bien trop souvent déçu, j’agis par des actes qui parfois peuvent sembler déplacés, mais après tout, on ne vit qu’une fois. J’exècre les remords et rejette les regrets, alors rien ne s’échappe, j’essaie de capturer certains instants aptes à me faire vibrer. Ton moteur de vie est honorable, méfies toi juste de tes rêves, poursuis les s’ils te sont chers, mais ne les laissent pas te rattraper. Le pris à payer serait dès lors exorbitant.

Prends soin de toi.

N.

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