Azhar est né le 3 février 1960, à Londres. Il n'a jamais connu sa mère, et n'a grandi qu'avec son père, dans une vulgaire chambre de bonne sous les toits d'un vieil immeuble londonien. Il a toujours manqué à Azhar l'amour d'une mère. Il a grandi sans tendresse, et ignore presque tout de l'amour. Et même si une fille lui plait depuis maintenant huit ans, il n'a jamais été foutu d'aller l'aborder. Ô, il en aurait le courage, croyez-moi. Car Azhar ne manque pas de courage, bien loin de là. Le soucis, c'est qu'il ne sait pas comment s'y prendre avec les filles. Comment leur parler. Comment leur faire comprendre qu'elles nous plaisent. Alors, il est resté silencieux, se contentant de l'observer de loin. Ah si, il est déjà allé vers elle, une fois. À vrai dire, c'était le jour de leur rencontre. Mais elle lui a cassé le nez. Et ça, il ne l'a pas oublié. Car Azhar est rancunier. Mais comme elle lui plait, il ne lui fera pas payer, qu'elle se rassure. Azhar est également très solitaire. Il a souvent eu du mal à se faire sa place parmi les autres, mais pourtant, il est très sociable et attentionné. Disons plutôt que la solitude lui colle à la peau. S'il cache bien des mystères, il ne fait aucun doute que le jeune Adkins est un garçon très intelligent, et qu'il mérite sa place en médecine magique. C'était comme une évidence pour lui. Il est attentionné et protecteur, et rêverait de s'occuper de créatures magiques suite à ses études. Mais malgré l'avenir qu'il s'est dessiné, Azhar est un garçon imprévisible. Il n'aime pas prendre des décisions à l'avance, et préfère largement les coups de tête. S'il a une envie quelconque, il y cèdera. Il vit au jour, cela fait partie de sa philosophie.

La pluie tombe depuis des heures. Elle m'empêche de dormir. Mais pas papa. Le monde pourrait s'arrêter de tourner qu'il ne s'en rendrait pas compte. Papa est enfermé dans une routine qui n'en finit plus. Dans une vie qui n'est même plus la sienne. Il se lève, chaque matin, pour aller souffler le verre. Il s'essouffle au fur et à mesure qu'il travaille. J'ai l'impression qu'il s'éteint, jour après jour. Pour à peine quelques sous. Nous vivons ici depuis que je suis né. Je n'ai jamais rien connu d'autre que cette chambre de bonne, au dernier étage d'un vieil immeuble londonien. Juste sous les toits. À quelques centimètres à peine de la pluie qui roule sur les tuiles. Et quand ce n'est pas la pluie, c'est le soleil qui nous assomme. Il ne fait jamais bon ici. Trop chaud, trop froid, trop humide. Mais jamais bon. Il n'y a qu'une pièce principale dans laquelle se trouvent la cuisinière, un vieux canapé (le lit de papa), et un lit à ressors (le mien). Il y a aussi une table en bois et deux tabourets. Pour la salle de bain, nous la partageons avec le concierge de l'immeuble, Marcel, qui vit dans la chambre juste en face de la notre. À mes yeux, Marcel est le meilleur cuisinier de la planète. Il dit souvent qu'il est la maman que je n'ai jamais eue. Et comme papa n'est pas très à l'aise aux fourneaux, c'est lui qui cuisine pour nous. En échange de quoi, nous lui fournissons la nourriture. Marcel dit qu'il a vu ma mère. Une fois. Le jour où elle nous a laissé. Il dit que je lui ressemble, bien plus que je ne ressemble à papa. Mais moi je l'ai jamais vue ma mère. Pas même en photo. Papa ne m'en a parlé qu'une fois. Le jour de mes six ans. Il m'a dit qu'elle ne reviendrait jamais, et que c'était la meilleure chose qui soit. Qu'on vivrait toujours que tous les deux, et qu'on s'en sortirait bien mieux que si elle était là. Je n'ai jamais su pourquoi. Parait que les gosses qui grandissent sans mère ignorent tout de la tendresse. Qu'ils ignorent tout de l'amour.




Dans quelques jours, c'est la rentrée. Le jour de l'année que je redoute le plus. Non pas que je n'aime pas apprendre. Mais je n'ai jamais réussi à me faire une place parmi les autres. À l'école, on m'appelle l'idiot. Parce que je suis toujours tout seul, que j'ai jamais appris à jouer aux billes, que je ne connais pas les équipe de football dont tout le monde parle. Mais je m'en fous de ce qu'ils disent. Ils ne savent rien de moi. Et c'est mieux ainsi. Puis je n'ai aucunement envie d'être ami avec les mômes de mon école. Ce sont des barbares. Ils visent les oiseaux avec leurs lance-pierres. Alors moi, je les soigne. Ces pauvres oiseaux qui tombent du ciel. Ceux qui sont fauchés par leurs pierres. Mais un jour, c'est moi qu'ils ont visé. "Laisse-les crever l'idiot, c'est la loi de la nature !" C'est ce qu'ils ont dit. Alors je me suis battu. Pour la première fois de ma vie. Ils étaient cinq, et j'étais seul. Mais je n'ai pas eu peur une seule seconde. Bien sûr, je me suis rapidement retrouvé au sol, à encaisser leurs coups de pieds. Mais je préférais ça que de me laisser faire. Quand je suis rentré de l'école, papa m'a félicité. Je lui ai tout raconté, et il a dit qu'il était fier de moi. Mais voilà, moi l'école, je veux pas y retourner. C'est ce soir là que j'ai reçu ma lettre. Ma lettre pour Poudlard. Alors papa m'a tout raconté. Il m'a tout expliqué. Que j'avais ça dans le sang. Que maman était une sorcière. Et que c'était mon destin.




Ce train est magnifique. Il ressemble à ces modèles réduits que j'ai toujours rêvés d'avoir à Noël, mais que je n'ai jamais eus. Je me suis assis dans un compartiment vide à la base, puis un garçon d'à peu près mon âge s'est installé en face de moi. Il s'est posé contre la vitre, sans dire un mot, et s'est endormi. Alors, après une heure de voyage et commençant à trouver le temps long, je me suis mis à la recherche de la dame qui était passé quelques minutes plus tôt, avec son chariot rempli de friandises. Papa m'a donné quelques pièces avant que je parte, des pièces que maman lui a laissées pour moi. Autant les utiliser pour me faire plaisir. Alors je traverse les wagons, un a un, sans même savoir si je suis dans la bonne direction. Mais je m'arrête finalement à un compartiment. Il y a cette fille, à la chevelure de feu. Cette fille recroquevillée sur elle même, les mains sur ses oreilles. Je m'approche d'elle, inquiet, et pose une main sur son épaule. "Quelque chose ne va pas ?" Elle se retourne en un sursaut, et me colle son poing à la figure. Elle me colle son poing à la figure comme si je venais de lui briser le coeur, ou plutôt comme si j'allais tenter de le lui réparer et qu'elle n'en avait pas envie. Les deux mains sur mon visage en sang, je la regarde quelques secondes, les sourcils froncés par la colère. Cette fille-là s'appelle Zara. Elle n'est pas comme les autres. Nous nous sommes jamais parlé. Notre unique rencontre est celle que je viens de vous raconter. Elle m'a cassé le nez, et moi j'ai plutôt envie de la réparer. De la rafistoler. Cela fait huit ans maintenant. Huit ans que nous sommes à Poudlard. Huit ans que je l'observe, huit ans que nos regards se croisent. Zara peint sur les murs. Il y a dans ses peintures ce que je n'ai jamais vu ailleurs. Quelque chose de profond, qui me tord l'estomac. Elles ne représentent rien de concret, mais j'ai l'impression qu'elles sont le reflet de ce qui se cache en elle. Elle ne saura sans doute jamais que c'est moi (étant donné qu'il serait assez surprenant que nous nous parlions un jour), mais j'ai laissé quelques mots sous certaines d'entre elles. "Je suis heureux d'avoir pu voir ça. Mais déçu de ne pas savoir le reste de toi."




Je suis à Poudlard depuis huit ans. J'ai l'impression d'avoir ma place ici. Plus qu'ailleurs. J'étudie la médecine magique, dans l'espoir de devenir un jour soigneur de créatures magiques. Les oiseaux que je soignais dans la cour de récréation n'ont strictement rien à voir avec les hippogriffes, les dragons ou les troll, mais je crois qu'ils m'ont mis sur la voie. J'écris régulièrement à mon père, et je le vois dès que possible. Quant à ma mère, je ne saurai probablement jamais qui elle est.