Rouge. Orange. Jaune. Vert. Bleu. Violet. Mauve. Toutes les teintes de l’arc-en-ciel passaient par la chevelure de la fillette, alors que ses rires résonnaient dans la pièce, brisant le silence qui s’était installé. Plantée devant un miroir, elle regardait ses cheveux changer simplement sous l’influence de ses pensées, inconsciente du fait qu’il ne s’agissait que d’une infime partie de son pouvoir et que si elle faisait un peu plus d’effort, elle pourrait accomplir bien plus. A vrai dire, il s’agissait du premier et seul signe de magie dont elle s’était aperçue, bien que cette capacité ait toujours été là, d’aussi loin qu’elle s’en souvenait. Au départ, ses cheveux se teintaient différemment en fonction de son humeur. Puis, elle s’était rendue compte qu’elle pouvait changer comme elle le souhaitait, simplement en se concentrant suffisamment. Sa mère accourut vers elle, l’air préoccupé, coupant court à son jeu en lui attrapant fermement le bras.
« Je t’ai déjà dit de ne pas faire ça, Athanasia ! »
La petite fille leva les yeux vers sa mère, sans comprendre.
« Mais tu m’as dit que j’avais pas le droit dehors, là y’a personne… »
Depuis toute petite, sa mère avait taché de lui faire comprendre qu’elle devait contrôler autant que possible ce qu’elle pouvait faire, du moins en public. Lorsqu’elle lui avait demandé pourquoi, sa mère lui avait répondu que ce n’était pas quelque chose que tout le monde pouvait faire. La fillette n’avait pas vraiment compris en quoi cela était mauvais mais elle avait fait de son mieux jusqu’à présent.
« Je ne veux plus que tu le fasses. Du tout. Même ici, » répondit sa mère en raffermissant sa prise sur son bras.
« Mais… » laissa échapper la fillette tout bas.
« Pas de mais ! »
Sa poigne se resserra encore pour appuyer ses paroles, alors que la fillette éclatait en sanglots. Au même moment, le miroir devant lequel elle se tenait se brisa. Elle sursauta, pleurant de plus belle, sans comprendre ce qu’il se passait. Sa mère la lâcha, pointant finalement un doigt sévère vers elle.
« Et pas de ça non plus ! »
Athanasia hocha la tête, sans comprendre de quoi elle parlait, sans comprendre que c’était elle qui venait de casser la glace.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L’odeur de tabac froid emplissait l’air de la petite pièce dans laquelle elle dormait, avec sa mère. Athanasia fixait le plafond, écoutait le tictac régulier de l’horloge et sa propre respiration. C’était les seuls bruits qui venaient troubler le silence de la nuit, puisqu’une fois encore, elle était seule. Sa mère était sortie, dans un bar ou une boite, la laissant seule avec elle-même à seulement treize ans. Elle avait depuis longtemps appris à se débrouiller seule, ayant compris qu’elle ne pouvait pas compter sur sa mère. Celle-ci était dénuée de pouvoirs magiques et était bien peu utile au bon fonctionnement du foyer. Heureusement, il n’y avait qu’elles deux. Il n’y avait toujours eu qu’elles deux. La jeune fille n’avait appris l’existence d’un père sorcier seulement lorsqu’elle avait demandé à sa mère pourquoi elle pouvait changer la couleur de ses cheveux à volonté. Plus tard, elle avait appris que ses pouvoirs de métamorphomage s’étendaient bien au-delà mais seulement lorsqu’elle entra à Poudlard. Seulement lorsqu’elle fut enfin en lien direct avec le monde magique et tout le savoir qu’offrait la bibliothèque de l’école. Elle avait crispé son visage, encore et encore, avant de finalement réussir à déclencher ses talents et changer totalement d’apparence. Depuis, elle s’était exercée afin d’aiguiser ses talents mais il s’était avéré que cela ne demandait pas tant d’effort. Elle était naturellement douée. Naturellement au-dessus des autres. Dernièrement, elle était parvenue à prendre l’apparence de son père, après avoir fixé des heures durant une photo sorcière trouvée à Poudlard. Sur la photo, il était jeune et devait avoir à peu près l’âge qu’il avait lorsqu’elle était née. Elle en avait beaucoup appris sur son père à l’école de sorcellerie, beaucoup plus que de la bouche de sa mère. Tout ce que celle-ci lui avait jamais avoué était que sa sœur était sorcière née-modue, lui permettant de connaître le monde magique et qu’elle avait prétendu auprès du père biologique d’Athanasia qu’elle était une sorcière, elle aussi, un soir où il avait trop bu pour se rendre compte qu’elle mentait. La blonde en avait beaucoup appris du grand homme que lui était, mis à part cette bavure, descendant d’une puissante famille de sorciers de sang-pur. Sang qui coulait dans ses veines, peu importe qu’il soit dilué avec du sang moldu. La jeune fille laissa un soupir s’échapper de ses lèvres et se concentra, changeant petit à petit quelques aspects de son apparence, tour à tour. Ses yeux, ses cheveux, son visage entier. L’air étouffant de la nuit d’été l’empêchait de dormir, si bien qu’elle s’amusa à changer encore et encore d’apparence, fixant le plafond éclairé par les rayons de la lune. Au final, elle prit lentement l’apparence représentée sur la photo qui était à présent gravée dans son esprit, et se redressa, un peu serrée dans le pyjama constitué d’une chemise et d’un pantalon habituellement trop grand qu’elle portait. Elle marcha cependant jusqu’au miroir, observant ces traits qu’elle n’avait jamais vu en face d’elle, seulement au travers d’un reflet, lorsqu’elle prenait son apparence. Le bruit de la clef dans la serrure la fit sursauter et elle se redressa pour se tourner vers la porte d’entrée, un rictus mauvais se dessinant sur ses lèvres. Elle ne toucha pas à son apparence, effaçant pourtant son sourire alors que sa mère entrait dans la pièce. Celle-ci ne la remarqua pas tout de suite, probablement trop ivre pour voir clair. Mais au moment de refermer la porte, elle lui fit face et sursauta, écarquillant les yeux et poussant un cri de surprise étranglé. Athanasia fit un pas en avant, essayant de garder son sérieux.
« Eileen… »
Elle continua d’avancer, alors que sa mère reculait contre le mur opposé.
« Eileen… » répéta Athanasia. « Pourquoi m’as-tu menti ? Pourquoi m’as-tu fait croire que tu étais sorcière ? »
La jeune fille fit encore un pas en avant, savourant l’air terrifié imprimé sur le visage de sa mère.
« Pourquoi t’es-tu servie de moi ? »
Eileen, visiblement trop intoxiquer pour véritablement saisir la situation, essaya de reculer encore mais buta contre le mur et jeta un coup d’œil affolé autour d’elle.
« Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu fais là ? » balbutia-t-elle. « Et où est Nasia ? »
L’adolescente fit encore un pas.
« Eeeeeileeeeeen. »
C’est à ce moment que sa mère se mit à hurler et ne pouvant se retenir, Athanasia éclata de rire, se reculant et recouvrant son apparence habituelle. Elle vit à peine l’air stupéfait de sa mère à travers ses larmes.
« Oh, t’aurais dû voir ta tête d’imbécile, » dit-elle entre deux hoquets.
Cette fois-ci, ce fut Eileen qui s’avança et lui attrapa violemment le poignet, coupant court aux rires de la jeune fille. La cracmole la poussa sans ménagement sur le lit dans lequel elle reposait quelques minutes auparavant.
« Espèce de monstre, » cracha-t-elle.
La blonde se retint de lui répondre, une grimace déformant à présent ses traits et se redressa, se massant le poignet, cachant le fait que la satisfaction était toujours bien présente.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Un accident de voiture. L’alcoolisme de sa mère avait eu raison d’elle, pensa Athanasia en plantant son regard sur le cercueil en train de d’être mis en terre. Le pire dans cette histoire était sans doute le fait qu’elle n’ait pas pleuré depuis l’annonce de la mort d’Eileen Rhodes. Elle était peut-être un peu triste mais à vrai dire, elle s’en était vite remise. Sa mère n’était pas la plus aimante, buvait à en devenir violente et l’avait toujours traitée de monstre, la rejetant à cause de ses pouvoirs. C’était peut-être de là que sa haine des moldus était née mais la blonde était persuadée qu’aucun ne valait mieux que sa mère. Son oncle, chez qui elle restait en attendant que le juge décide d’un représentant légal pour elle, lui serra le bras dans un vague geste de réconfort. Evidemment, il ne s’agissait pas du côté de la famille dont elle avait pris mais plus des adorateurs de moldus avec lesquels elle avait du mal à s'attacher. Aucun des Rhodes ne pleurait véritablement, ayant trop de fierté pour cela mais elle pouvait voir qu'ils étaient tous peinés. Enfin, les sorciers commencèrent à s’avancer pour lâcher une poignée de terre sur le cercueil. Athanasia déglutit lorsque ce fut son tour et le fit rapidement, sans s’attarder. Bientôt, la cérémonie fut terminée et la foule commença à se disperser pour aller à la réception qui aurait lieu chez son oncle pour terminer la journée. La jeune fille se dégagea de l’emprise de celui-ci et ce fut à ce moment-là qu’elle le vit. Son père. Elle n’avait jamais vu qu’une seule photo de lui mais elle le reconnut sans mal. Il arriva à sa hauteur et la détailla, tour à tour, avec son oncle qui ne semblait pas bien saisir. La blonde dut contenir son sourire, le cœur battant à toute allure. Elle avait voulu prévenir que son père était toujours vivant et qu’il pourrait s’occuper d’elle mais à vrai dire, elle ne connaissait que son nom. Et quelque part, elle doutait qu’il veuille d’elle, sans quoi il l’aurait rencontré depuis longtemps. Mais il était là à présent et visiblement, il était là pour elle.
« Bonjour mademoiselle, monsieur, » dit-il simplement, avant de se tourner vers son oncle. « Je suis le père d’Athanasia, enchanté. »
Il tendit la main à son oncle et celui-ci l’observa, d'un air sceptique.
« J’ai parlé avec le juge Clark et elle m’a confirmé que si elle avait su que j’étais toujours dans les parages, la garde de l’enfant me serait revenue immédiatement. Malheureusement, je n’ai pas été mis au courant de la mort d’Eileen avant aujourd’hui. »
Athanasia grimaça au mot enfant mais ne dit rien. La suite fut assez étrange et la jeune fille eut du mal à suivre le déroulement des événements sans demander toutes les trente secondes ce qu’il se passait. Tout d’abord, son père les accompagna à la réception, s’invitant presque de lui-même. Puis, lorsque tout le monde fut presque parti, il prit Athanasia à l’écart pour lui demander d’aller chercher ses affaires. Le cœur battant, la blonde s’exécuta, entassant ses affaires dans la malle qu’elle amenait chaque année à Poudlard, y ajoutant ses manuels et instruments, avant de la fermer, d’attraper la cage de sa chouette et de rejoindre son père. Elle dit au revoir à sa famille rapidement, avant de finir par sortir, accompagnée de son père, sur le perron de la porte. Ils se mirent en route, sans qu’elle ne comprenne très bien où ils allaient, croisant quelques moldus sur leur chemin. Au bout d’un moment, l’homme prit enfin la parole.
« Ne crois pas que cela fasse de toi une Lestrange. »
Il avait prononcé ces mots de la manière la plus simple possible mais Athanasia sentit un pincement dans son cœur, levant les yeux vers lui. Il garda le regard fixé devant lui, sans donner l’impression de lui porter attention.
« Ne t’attend pas à être accueillie avec des sourires, à vrai dire, ma femme n’est toujours pas au courant et je ne pense pas qu’elle sera ravie à l’idée de te voir arriver, » reprit-il enfin.
La jeune fille hocha la tête, les yeux toujours fixés sur lui, alors qu’ils tournaient dans une ruelle vide.
« J’ai simplement été fasciné d’apprendre que tu étais métamorphomage. Et je pense que toi et moi, on pourra s’aider à l’avenir. Tu comprends ? » finit-il par demander en lui faisant enfin face, stoppant leur marche.
Athanasia hocha encore la tête, ne sachant que faire d’autre et il eut un bref sourire qui lui envoya un frisson le long de l’échine plutôt que de la rassurer. Il lui prit la cage des mains, lui tendit le bras pour qu’elle le saisisse et ils transplanèrent, sans un mot de plus.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le choc de la balle contre le bois se répandit dans son bras, faisant vibrer ses os et la jeune femme sourit en voyant le cognard atteindre sa cible. La foule se déchaîna et Athanasia repartit à pleine vitesse, laissant le vent soulever ses cheveux rebelles et faire voler sa cape. Ce match était décisif pour le tournoi et s’ils gagnaient, ils gagnaient la coupe. Du haut de ses dix-neuf ans, cela faisait trois ans que la blonde était dans l’équipe de quidditch de sa maison, aspirant à un jour devenir capitaine pour les mener à chaque fois à la victoire. Depuis qu’elle avait été capable de voler sur un balai en première année, elle avait été fascinée par ce sport, s’essayant aux sélections chaque année. Mais ce ne fut que lorsqu’elle eut seize ans qu’elle intégra l’équipe, à son plus grand bonheur. Désormais, chaque match était une montée d’adrénaline, une fierté lorsqu’ils gagnaient. Le vent était froid en ce mois de février mais la jeune femme accéléra, allant se placer à un bout du terrain pour guetter les cognards. Lorsqu’elle s’arrêta, elle put se rendre compte à quel point elle était essoufflée, sa respiration devenant sifflante. Elle tenta de reprendre son souffle en inspirant de grandes goulées d’air, raffermissant sa prise sur sa batte mais plus elle inspirait, plus elle avait du mal à faire entrer l’air dans ses poumons.
« Non, » lâcha-t-elle, alors que sa respiration s’accélérait, incapable de prononcer un mot de plus.
Elle pouvait sentir le poids sur sa poitrine, comme si on l’étouffait alors qu’elle inspirait, cherchant de l’air, cherchant à faire fonctionner ses poumons, avec plus en plus de mal. La jeune femme se pencha en avant sur son balai, essayant de se convaincre que ça allait mais bientôt, elle commença à hyperventiler, laissant son balai la conduire jusqu’au sol. Elle atterrit brutalement, tombant à genoux juste après avoir lâché son balai, une main sur sa poitrine. A présent, tous les regards étaient braqués sur elle et des professeurs se précipitaient à son encontre. Elle n’arrivait plus à faire rentrait l’air, faisant à présent le bruit d’une vieille porte grinçante – et déchaînée. Des points noirs commencèrent à tâcher sa vision, alors qu’elle manquait de plus en plus d’oxygène. Elle aurait dû se douter que cela arriverait tôt ou tard. Elle s’était d’abord rendue compte du mal qu’elle avait à respirer après des entrainements et des matchs. Puis les crises étaient survenues mais à chaque fois, lorsque c’était terminé et qu’elle pouvait se cacher des autres. Elle avait bu maintes potions pour empêcher que cela arrive, dans résultat. Un professeur pointa sa baguette sur sa gorge pour libérer sa respiration et lorsque la jeune femme pu inspirer sans mal, elle se laissa retomber en arrière, paupières fermées, le cœur battant à cent à l’heure. Elle savait qu’ils ne la laisseraient pas continuer. Que sa carrière de quidditch était terminée.