Comment pourrais-je résumer ça. Ce n'est pas comme s'il y avait grand chose à dire, mais bon... Donc, comme je l'ai déjà dit, j'ai passé toute mon enfance à Amesbury, avec mon frère et mes parents. Mon père était un moldu tout ce qu'il y a de plus moldu. C'était pas un mauvais bougre, mais disons qu'il avait des attentes élevées à l'égard de ses fils. Des attentes que je n'atteignais pas et que je n'atteindrais jamais, d'après ce qu'il en disait. Et puis il n'avait aucune patience, et la main lourde en matière de gifles. Oh ça oui, qu'est-ce qu'on s'en est pris, mon frère et moi... Enfin, surtout moi. Mais au fond, je sais qu'il m'aimait, il ne savait juste pas comment l'exprimer.
Et puis il y avait ma mère, tout l'inverse de mon père. D'ailleurs je me demande encore par quel miracle ils se sont retrouvés ensemble. C'était une sorcière brillante. De nature rêveuse et très curieuse, c'est elle qui m'a transmis son amour pour les livres. Malheureusement, elle travaillait au ministère de la magie et n'avait donc pas beaucoup de temps à consacrer à sa famille. Elle me manque...
Et évidemment, il y avait mon jumeau, Tobias. Depuis le jour où nous sommes venus au monde, nous n'avons jamais supporté d'être séparés. Il a toujours été la seule et unique personne pour qui je pourrais donner ma vie sans réfléchir une seule seconde, la seule à m'écouter et à me comprendre. Et sans doute aussi la seule personne que j'ai véritablement aimée. Nous aurions pu être heureux, ensemble, toute notre vie. Mais tout a changé le jour où nous avons eu l'âge de commencer nos études et que nous avons été envoyés à Poudlard. J'ai fini à Serdaigle, et mon frère à Serpentard. Cela m'avait paru tellement inimaginable et insupportable, à l'époque... C'était la première fois que nous étions séparés. Au début, on essayait de passer le plus de temps possible ensemble, malgré tout. Mais au fil des mois, des années, j'ai vu mon frère s'éloigner, changer. Et pas pour le meilleur. Je n'aimais pas ses fréquentations (des types carrément douteux qui pratiquaient la magie noire, tous plus arrogants et insupportables les uns que les autres), je n'aimais pas les idées que ses nouveaux « amis » lui mettaient en tête, je n'aimais pas du tout ce qu'il était en train de devenir. Il faisait là une grosse erreur, et j'étais totalement impuissant face à ça, je crois que j'en garderai la culpabilité jusqu'à mon dernier souffle.
C'est ainsi qu'après avoir fini nos études, notre diplôme en poche, vint le temps de songer à trouver un travail. En ce qui me concernait, mon avenir était tout tracé. La bibliothécaire de Poudlard envisageait de prendre sa retraite dans les mois qui suivaient, et me connaissant bien, moi et ma passion pour la littérature, m'avait depuis longtemps proposé de prendre sa suite, ce à quoi le directeur de l'époque avait dit oui. J'allais donc être payé à faire toute ma vie ce que j'aimais le plus, c'est à dire lire et tripoter des bouquins. Le paradis, quoi. Malheureusement, on ne pouvait pas dire qu'il en allait de même pour mon frère. Bientôt il ne donna plus de nouvelles et disparut totalement de la circulation. Je n'ai jamais su ce qu'il a fait pendant tout ce temps.
C'est en 1972, que ma vie a totalement basculé. Pour la première fois depuis de nombreuses années, mon frère m'avait enfin écrit, me demandant de le rejoindre chez nous, à Amesbury, pour y passer les fêtes avec nos parents. Quelques jours après Noël, mon frère et moi avons eu une violente dispute, cette fois il avait vraiment dépassé les bornes. Il arborait désormais fièrement une marque particulièrement hideuse sur son bras gauche, représentant un crâne et un serpent, et il n'avait plus rien du frère que j'aimais. Je savais qu'il avait des problèmes, mais bien évidemment il refusait toujours mon aide. J'étais donc sorti prendre l'air pour me changer les idées. A mon retour, j'ai trouvé la porte d'entrée grande ouverte. La maison toute entière avait été totalement saccagée, les meubles renversés, les fenêtres brisées, la moitié du toit s'était écroulée. Mais le pire, c'est quand j'ai aperçu les corps de mes parents et de mon frère, gisant au milieu des gravats. Le village tout entier a du voir la marque des ténèbres flotter au dessus des décombres de ma maison, ce soir-là.
Cela fait sept ans, maintenant. Depuis, je ne suis jamais retourné à Amesbury. Je ne sais pas ce qu'avait fait mon frère pour mériter ça, et je ne le saurai sans doute jamais. Tout ce que je sais, c'est que je veux oublier cette histoire, je veux oublier que je n'ai pas su protéger mon propre frère, et qu'à cause de ça je n'ai plus de famille, je veux oublier à quel point je me hais. Je ne sais pas si j'y arriverai un jour, mais bon, l'espoir fait vivre il paraît.