You're not a sad story.
La maison avait été couverte de noir. Tu ne savais même pas qui en était responsable, ta tante Avalon peut-être, ou une des personnes de cette famille presqu'inconnue qui était venue s'occuper de vous. Ton père et toi. Deux enfants. Tu avais perdu ta mère, si bêtement d'après ton père, quand elle avait été poussée malencontreusement sur les rails du métro londonien juste avant que la rame n'arrive. Ta tante avait appelé ça un coup du destin. Mais comme si ça ne suffisait pas, par la même occasion il semblait que tu perdais ton père. Tu avais sept ans. C'était rien sept ans, t'avais besoin de tes parents à sept ans. Ta tante te mets une couverture sur les épaules et tu t'en rends à peine compte. Tu avais toujours été une enfant un peu spéciale, de celle qui ne parle pas beaucoup avec ses parents ta mère y compris. Tu passais ton temps dehors ou dans ta chambre, évitant désespérément le monde des adultes. Ta mère tu l'avais toujours aimée à distance, comme si tu avais toujours eu conscience de la différence entre elle et toi, du fait qu'il y avait une partie de toi qu'elle ne pourrait jamais complètement comprendre. Néanmoins ça t'a crevée quand on t'a annoncé sa mort. Tu ne pleures pas cependant, te recroquevillant simplement sur ton lit, les yeux dans le vide. C'est étrange la mort. Pas triste, juste étrange. Tu comprends qu'il faut que tu sois forte, pas pour toi, mais pour ton père qui n'est déjà plus que l'ombre de lui-même. Vous n'aviez perdu qu'un membre de la famille et pourtant c'était comme si l'entité en elle-même n'existait déjà plus. Bien sûr on pouvait accorder son éloignement au deuil de sa femme, mais quelque part en toi tu te doutais que ça ne serait pas temporaire. Tu avais toujours possédé un certain flair. Dans le salon le jour de l'enterrement, tu acceptes gravement les condoléances de ces inconnus qui clament connaitre ta moldue de mère. Tu esquisses des jolis sourires quand on t'ébouriffe les cheveux. Ca ne sert à rien de pleurer, ça ne la ramènera pas.
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«
Slohan ramène-moi un verre d'hydromel veux-tu ? » Tu t'exécutes sans broncher pour une fois. Ton père te lance un étrange sourire quand tu lui apportes la boisson et t'invite d'un geste à t'asseoir à côté de lui. Tu réprimes une grimace devant l'étrangeté de la situation, mais à nouveau tu obéis. Vous ne parlez plus ton père et toi, non que vous n'ayez jamais été de grands adeptes de la communication, mais au lieu de s'améliorer avec l'âge vos relations n'ont fait que se détériorer. Renfermé sur lui-même, tu le vois comme le propriétaire de la maison, celui qui paye ta nourriture et tes vêtements, c'est à peu près tout. «
Alors, tu rentres bientôt à Poudlard ? » Tu restes silencieuse. «
Je t'ai déjà raconté mon expérience là-bas ? » demande-t-il après un instant. Tu secoues la tête. Il ne t'a jamais raconté grand chose à vrai dire. Ca t'intéresse pourtant, de pouvoir donner des couleurs et de la profondeur à cette coquille vide qu'est pour toi ton père. Il avale une gorgée de la boisson alcoolisée et prend une grande inspiration. «
Ca n'est pas très intéressant. » lâche-t-il coupant court à ton espoir de renouement. «
La question c'est comment les choses vont se passer pour toi. » Il pointe un doigt osseux sur toi jusqu'à le placer sur ta clavicule. S'il attend une réponse tu es bien incapable de la lui donner. «
Je ne veux pas que tu me ridiculises. » Tu hausses les sourcils. Tu ne savais pas qu'il avait une réputation à sauvegarder. Les Devlin ne sont rien à ta connaissance. Mais après tout que connais-tu vraiment du monde sorcier ? «
Que je n'entende pas que tu parles aux impurs, c'est entendu ? » Tu clignes des yeux. Ton père t'avais à huit ans enlevée de l'école primaire où ta mère avait insisté pour que tu sois éduquée. C'était 'trop moldu' à son goût. Ca serait allé si il avait eu une alternative à proposer, seulement celle-ci consistait à rester à la maison à te tourner les pouces. Bien sûr tu as été peu disposée à rester enfermée dans ta chambre et tu t'es occupée comme tu le pouvais jusqu'à ce que ta tante Avalon se soit rendue compte de la situation et ait insisté pour te faire cours. Son problème nouveau avec les moldus n'avait donc pour en réalité rien de bien nouveau. Toutefois tu pensais qu'il ne s'agissait pour lui que de te rappeler ton côté sorcier qu'il estimait que tu avais trop négligé. C'était vrai que tous tes amis étaient moldus, tes jeux étaient moldus, ton langage même complètement moldu. Il avait voulu changer jusqu'à ton prénom, pour que tu utilises le nom sorcier qu'il t'avait donné, mais l'idée avait rapidement été avortée. C'était le prénom que ta mère avait choisi, il consentait à lui laisser au moins cela. «
Comment ça ? » Tu sais ce que sont les "impurs" pour certains sorciers, mais tu ignorais jusque-là que ton père également se mettait à employer le mot. «
Tu sais bien. Les nés-moldus. Ce ne sont pas des.. fréquentations acceptables. » Tu te lèves de ton siège abasourdie. Tu as beau n'avoir qu'onze ans il te semble que ces mots ont été placé par un autre dans la bouche de ton père. Tu n'imagines pas que ça ai pu germer tout seul dans son esprit, il n'est pas assez créatif pour ça. «
Papa j'en suis quasiment une. » Il écrase son poing contre la table dans une belle imitation de la colère, mais tu vois que celle-ci ne se traduit pas dans son regard. «
Absolument pas ma famille est... » Tu ne le laisses pas finir secouant vivement tes légères boucles blondes. «
Mêlée. Mais en ce qui me concerne je suis plus une née-moldue qu'autre chose. » Ses yeux brillent d'un éclat plus douloureux qu'énervé, mais tu détournes la tête. C'est vrai après tout. Il n'a rien fait pour toi lui. La famille qui te reste est celle de ta mère, celle qui est infiniment normale, mis-à-part leur spiritualisme impressionnant que ta tante t'a si facilement transmis. C'est plus facile pour toi de croire au karma qu'à l'histoire de la résurrection qu'on t'a rabâchée à l'école. Triturant un des grigris que tu portes au cou pour te donner du courage tu sors de la pièce laissant ton père en tête à tête avec son verre. Une soirée ordinaire pour lui.
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«
Slohan tu m'écoutes ? » Tu lèves tes yeux vers ton amie sortant de ta rêverie, mais gardant son objet dans ton champ de vision. «
Tu m'écoutes ? » lance-t-elle faussement détachée. Sans la moindre gêne tu secoues la tête. «
Tu peux répéter ? » Tu entends sa voix reprendre son monologue, mais ton attention est rapidement à nouveau accaparée par un élève assis un peu plus loin. Pas une fois il ne lève les yeux pour croiser ton regard et pourtant tu ne le lâches pas. Tu laisses ton amie finir, hochant la tête ici et là tentant vraiment d'écouter, mais ton esprit voguant malgré lui vers d'autres horizons, principalement vers la table qui te fait face. «
Dis moi, tu sais qui c'est ? » demandes-tu finalement pointant aussi discrètement que possible vers le jeune homme. Si ton amie semble avoir compris que son histoire n'avait trouvé que peu d'intérêt à tes yeux, elle ne dit rien et suit simplement ton mouvement. Elle a l'habitude après tout. «
Lui ? C'est .. » Tu l'arrêtes d'un signe de la main. «
Non. » Fais-tu. Tu n'as pas envie de connaître son nom finalement. Tu préfères laisser à l'autre élève son manteau de mystère, pour le moment du moins. Pour une fois toi, l'éternelle curieuse, tu n'as pas envie de savoir quelque chose. Pourtant ce n'est pas faute de t'intéresser, au contraire. Il t'intéresse plus que tout ce que tu as pu connaître. Justement il t'intéresse tellement que c'est pour ça que tu ne veux pas apprendre des choses sur lui trop vite, ou de la mauvaise façon. Tu ne veux pas le connaître à travers le regard des autres. «
Bas tu veux pas savoir finalement ? » Tu souris, mais secoue là tête fermement. Non, tu ne veux rien savoir. Rien d'autre que le goût de ses lèvres sur les tiennes, rien d'autre que ses yeux marrons aux éclats presque noirs plongés dans les tiens. Ta camarade fait claquer sa langue. «
T'as raison, je vois pas pourquoi ça t'intéresse de toute façon. »
Parce que je l'ai embrassé, tu as envie de dire.
Parce que je l'aime. C'est simple et clair dans ton esprit, ça paraîtrait absolument fou pour les autres. Tu ne le connais pas, ou plutôt tu connais tout ce qui importe justement, sans t'encombrer de la carapace de l'identité, du nom et du sang. Tu te contentes donc de lui offrir un petit sourire en coin et de hausser les épaules, balayant aussi facilement que cela la question.
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