BELLUM PATRONUM
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Version 34
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Groupes fermés
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équilibre des groupes
Nous manquons d'étudiants, de membres des partis politiques Phénix et Gardiens. Nous manquons également de Mangemorts.
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| we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira) | | | we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 0:14 ( #) | [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Syeira Maloney Devereaux FEAT. Natalie Dormer 33 ans ϟ Adulte ϟ Loup Arctique ϟ Née-MoldueNom: Pratten. C'était son nom un jour, il y a longtemps de cela. Pratten Twins. C'était comme ça qu'on la connaissait. Pratten, signifiant escroc, ce qu'elle était, et ce qu'elle est encore. Mais maintenant, son nom est Devereaux. C'est celui de la dame qui l'a recueillie elle et son jumeau quand ils n'étaient que des enfants. Devereaux. Mais elle reste une escroc. Elle reste une Pratten. Prénom: Syeira, Maloney. Syeira, à prononcer Sayéra et non pas siéra. C'est un ancien nom roumain, ancien nom de Gypsy voulant dire princesse, ce qu'elle est depuis sa naissance. Maloney, nom de la même origine qui veut lui dire lumière. Âge et Date de Naissance: Elle est née un vingt-et-un février de l'année mille neuf cent quarante-sept dans la ville d'Oradea en Roumanie. Avec son frère jumeau, Tobiasz. Nature du sang: Moldu, roumain, gypsy, diseuse de bonne aventure, il n'existe pas plus souillé que son propre sang. Mais elle en est fière, elle n'en a pas honte. Situation familiale:Son frère jumeau a été sa seule famille pendant dix-sept ans, ses parents et le reste de ses proches ayant été tués lors du massacre de leur communauté de tziganes. Il a été sa seule famille pendant dix-sept ans, jusqu'à ce qu'elle donne naissance à Phoenix qui est devenue son petit trésor. Elle ne vit que pour eux, elle pourrait mourir pour eux. Patronus: Un loup polaire. Parce qu'il symbolise la mort, la renaissance, les valeurs familiales, la spiritualité et la ténacité. Miroir du Rised: Elle se verrait dans une roulotte en Roumanie, entourée d'une famille nombreuse, et d'une famille heureuse. Composition de la baguette magique: C'était une baguette en bois de cèdre avec en son cœur une unique plume de phénix. C'était, car cela fait plus d'un an maintenant que les autorités magiques ont brisé cette dernière, faisant de Syeira une hors-la-loi. Epouvantard: Un bébé ensanglanté. Etudes Suivies: Syeira a arrêté ses études à l'a^ge de dix-sept ans après être tombée enceinte de Phoenix. Animal de compagnie: Elle n'en a pas. Caractère Syeira est une princesse, une princesse déchue qui a dû apprendre beaucoup trop tôt que la vie réserve des surprises bien souvent empoisonnées. Elle est née et a grandi en Transylvanie au sein d’une communauté tsigane, vivant au jour le jour, tels les bohèmes qu’ils avaient toujours été. Petite, Syeira était une fille prudente, posée, passionnée par la science et les savoirs que ses parents lui avaient transmis sur la nature et les étoiles. Elle portait un nom de princesse, et se comportait la plupart du temps comme tel. Il était rare de l’entendre insulter quelqu’un ou faire des bêtises, elle préférait être une petite fille douce et modèle, car elle savait qu’un jour ce serait à son tour de transmettre elle aussi tout ce qu’il y avait à savoir sur son peuple et ses coutumes. Elle ne quittait jamais Tobiasz, même si lui avait toujours été plus téméraire qu’elle, plus spontané, plus impulsif et plus caractériel. Il arrivait parfois à Syeira de le suivre dans ses périples, mais elle restait rongée par la culpabilité, consciente qu’il y avait des limites qu’elle ne devait pas dépasser. Elle voulait être douce, elle voulait être cette petite chose brillante et innocente. Mais la vie n’avait rien à offrir pour les gens comme ça et Syeira comprit rapidement que si elle voulait survivre, elle allait devoir s’y prendre autrement. Ils étaient seuls maintenant, derniers survivants de leur communauté et le jour où on lui arracha sa famille fut le jour où Syeira perdit toute son innocence. Elle était devenue une survivante maintenant. Une survivante qui volait de l’argent sans remords, qui arnaquait les moldus sans scrupules, qui avait fini par arrêter de faire attention à ce qu’elle disait, à ce qu’elle faisait, à ce qu’elle provoquait. Son courage sans faille est ce qui poussa le choixpeau à la répartir chez les lions; elle était aussi indomptable que ces bêtes sauvages, aussi féroce, aussi impitoyable. Mais ce qui caractérise principalement Syeira est certainement son dévouement indéniable envers sa famille. Il ne lui en reste que très peu, et les seules personnes qui comptent à ses yeux sont les seules pour qui elle serait capable d’accomplir l’impossible. Elle pourrait se sacrifier pour eux, elle pourrait tuer pour eux. Elle se découvrit un instinct maternel qu'elle ne pensait pourtant pas avoir lorsque sa fille vit le jour. Elle retrouva alors un peu de sa douceur, mais elle restait une bête indomptable; et même si sa fille n'avait droit qu'à de la tendresse de la part de sa mère, Syeira restait impitoyable avec le reste du monde qu'elle continuait à percevoir comme une menace constante. Et ce qui la transforma définitivement fut sans doute son séjour dans la prison Nurmengard. Elle ne le sait pas encore, mais son traumatisme et bien plus profond qu'elle ne le pense. a little something from you. Emploi: Depuis qu'elle a quitté Poudlard à l'âge de seize ans, Syeira enchaîne les petits boulots pour se faire un peu d'argent. Elle a été serveuse, vendeuse, femme de ménage, mais ce qui lui apporte le plus d'argent - bien que cela reste une somme assez sommaire - sont les arnaques qu'elle met au point avec son frère afin d'escroquer les moldus. Elle a arrêté très tôt l'école, mais Syeira a longtemps continué à s'instruire à travers les livres de son frère jusqu'à devenir autodidacte. Et durant sa grossesse, elle a passé une bonne partie de son temps à réécrire tout ce qu'elle avait appris sur la culture de son peuple, dans l'espoir de pouvoir un jour transmettre à son tour tout leur savoir. Sortant à peine de prison, Syeira ne travaille actuellement pas, mais envisage de reprendre sa vie en main dès lors qu'elle quittera Ste-Mangouste. Patronus:Syeira a été fascinée par l’apparition des patronus auprès des jeunes sorciers dès l’instant même où elle put constater ce phénomène chez sa fille, Phoenix. Fascinée, intriguée, elle a passé plusieurs jours à fixer le patronus de sa fille, ou ceux qu’elle pouvait croiser dans les rues des villages magiques d’Angleterre. Elle voulait comprendre, ce lien qui unissait un sorcier à son patronus, elle voulait comprendre comment ils pouvaient se manifester de cette façon, et de ne pas savoir avait tendance à l’irriter. Alors, dès qu’elle apprit plusieurs mois plus tard que certains sorciers s’étaient mis en tête de faire également apparaître le leur de façon permanente – et avaient réussi – il n’en fallut pas plus pour la convaincre à se lancer elle aussi dans cet exercice. Après plusieurs mois entièrement focalisée sur cette tâche, Soare apparut finalement auprès de Syeira. C’était une louve arctique. Une louve nommée d’après la seule étoile qui n’appartenait à aucune constellation. Une louve qui l’aida à survivre à Nurmengard. Une louve qui l’aida à réapprendre à vivre sans baguette. Une louve qui également, attrapa la peste des patronus. Peut-être n’aurait-elle jamais dû pousser les limites de la magie. Tell me who you really are. ϟ pseudo et âge: arsenal et deux décennies ϟ Où as-tu trouvé le forum? dans les fesses de Laura ϟ Personnage: Inventé avec deux débiles ϟ As-tu un autre compte sur BP? trois ϟ Présence: 5 ever ϟ Une remarque? JE JOUE QUE DES BLONDES AUX YEUX BLEUS WESH
Dernière édition par Syeira M. Devereaux le Dim 1 Fév - 14:21, édité 3 fois |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 0:14 ( #) | this is not a story about forgiveness. I.
Elle n'avait que sept ans, elle ne comprenait pas encore absolument tout à la vie. Elle savait lire, écrire, compter, regarder les étoiles et rêver d'Atlas. Elle n'était qu'une petite fille ne demandant rien d'autre que vivre, vivre parmi les siens, vivre pour les siens et vivre pour son jumeau. Elle était la moitié d'un tout, et de se remémorer cela à travers les années qui défilaient depuis ce fameux soir était peut-être la seule chose qui parvenait à la maintenir en vie, quand elle était persuadée que la seule option qui s'offrait à elle désormais était de tout abandonner. Mais elle ne l'avait pas fait, et elle ne le ferait jamais. Parce qu'elle était la moitié d'un tout. -Tobiasz, l’appela-t-elle partagée entre l’envie de crier pour qu’il l’entende et celle de chuchoter afin de faire le moins de bruit possible, Tobiasz attends-moi. Elle continuait de courir dans la forêt, ses jambes peinant à suivre le rythme beaucoup trop rapide de celui de son frère qui ne semblait avoir aucun souci à courir malgré la neige, les arbres, et le manque de luminosité qui commençait à devenir de plus en plus dérangeant à mesure qu’ils s’enfonçaient dans la forêt. -Tobiasz, répéta-t-elle mais cette fois d’un ton un peu plus inquiet, frate opreste-te. Le petit garçon s’arrêta alors, prenant le temps de revenir à la hauteur de sa sœur. Il lui prit la main d’un geste rassurant, sourit, et reprit son chemin d’un pas moins rapide mais toujours aussi pressé. Syeira le suivit, même si elle savait que ce n’était pas une bonne idée, même si elle savait qu’elle ne devrait pas être ici, elle le suivit parce qu’elle l’avait toujours suivi, et qu’elle le suivrait toujours. Un frisson parcourut sa colonne vertébrale tandis que le froid de cet hiver se faisait de plus en plus sentir et sa main resserra instinctivement celle de son frère. Un millier de questions commencèrent à lui venir à l’esprit, où étaient-ils, quelle heure était-il, que faisaient-ils ici, mais elle n’osa formuler aucune d’entre elles. Tu es une printesa, se répétait-elle inlassablement, et les printesa ne doivent pas avoir peur. C’était les paroles de sa mère, et les paroles de son père, qui lui avaient toujours répété qu’un jour, les gens compteraient sur elle, qu’un jour, ce serait son tour de guider son peuple, et qu’elle ne devait pas avoir peur. Son regard se leva vers le ciel étoilé qu’elle parvenait à peine à voir entre les branches de tous ces arbres qui les entouraient et elle se mit alors à compter. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Et elle sut instantanément dans quelle direction se trouvait leur campement. -Frate, on ne devrait pas être ici, dit-elle. Mama m’a dit qu’il y avait des lupi dans la forêt. -Sst Sora, fais-moi confiance, répondit-il. Il ne faut pas avoir peur des lupi ils ne te feront rien. Elle avait envie de le croire, mais l’inquiétude ne parvenait pas à la quitter. Syeira n’était pas un soldat après tout, elle n’était qu’une printesa qui faisait semblant de ne pas avoir peur, alors qu’au fond, elle était terrifiée. Ils continuèrent leur chemin pendant plusieurs minutes encore, s’enfonçant dans la forêt et la pénombre de la nuit sans prendre garde à ce qui pourrait leur arriver. Elle avait envie d’être responsable, mais une part d’elle l’en empêchait. Parce qu’elle avait envie d’être comme son frère, et parce qu’au fond, elle n’était qu’une enfant sauvage, guidée par des mœurs bien différents des petites filles de son âge. Tobiasz se pencha alors, caché derrière un buisson et tira sur la main de sa sœur afin qu’elle fasse la même chose. Le regard de la blonde se perdit alors vers la petite plaine que fixait son frère, et c’est là qu’elle les vit. -Tobiasz ! s’exclama-t-elle, chuchotant à moitié. Regarde il y a des lupi ! -Ssst tu vas les effrayer parle moins fort, répondit-il aussitôt en plaçant une main sur la bouche de sa sœur. C’était la première fois de sa vie qu’elle voyait des loups en vrai, et soudainement, elle se sentit idiote d’avoir pu en être effrayée. Ils dégageaient une certaine aura de frayeur certes, mais au fond, elle semblait plus intimidée par le respect qu’ils inspiraient que par la peur qu’ils devaient provoquer chez de nombreuses personnes. Elle ne put détacher son regard de l’une des bêtes qui semblaient plus imposantes que les autres et elle comprit à travers la façon dont elle s’occupait des plus petits qu’elle devait être une louve, probablement leur mère. Et Syeira aurait été incapable à cet instant de mesurer l’ampleur même de sa fascination. Son visage se tourna vers Tobiasz et elle lui offrit le plus beau des sourires, auquel lui-même répondit. Comment avait-il su ? Un bruit d’explosion lointain parvint ensuite à peine aux oreilles des deux jumeaux et soudainement, la meute se mit à s’agiter dangereusement. Un autre bruit retentit, plus fort cette-fois ci, et il n’échappa pas aux enfants. -Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda précipitamment Syeira en se relavant tandis que les loups s’éloignaient déjà dans la forêt. Une nouvelle vague de bruits sonores retentit et ils n’eurent pas besoin de se poser à nouveau la question. Le simple regard qu’ils s’échangèrent suffit à faire comprendre à l’autre qu’ils savaient. Ils ne perdirent pas un instant et s’élancèrent dans la direction opposée de la fusillade à toute vitesse, comme si leur propre vie en dépendait, mais l’enjeu était bien plus grand. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Elle bifurqua brusquement sur sa gauche, guidée par les étoiles comme sa mère le lui avait toujours appris. Tobiasz fit de même et la dépassa, attrapant au passage sa main afin de la tirer et accélérer leurs courses. Plus vite. Ils devaient arriver à temps. Les bruits de fusillade de plus en plus forts firent comprendre à Syeira que les tueurs se rapprochaient dangereusement de chez elle, chez son peuple, et elle ne put s’empêcher de penser à l’autre campement qui n’existait certainement plus maintenant. Elle reconnut rapidement les lumières des roulottes de son petit village et, tirée par Tobiasz, finit par arriver en plein milieu de ces dernières. Ses poumons la brûlaient, ses muscles la tiraillaient, et à en juger par l’agitation qui régnait chez elle, elle comprit qu’eux aussi savaient déjà ce qu'il se passait. -Tobiasz, Syeira ! Hurla une voix inquiète tandis qu’un homme les attrapait déjà par le bras afin de les tirer en sécurité. C’était sa mère. C’était son père. Elle ne put rien faire à part suivre le mouvement jusqu’à arriver à leur propre roulotte, là, leur père les enferma dans un placard, et leur mère leur hurla de ne pas bouger, de ne pas parler, de ne rien faire tant qu’elle ne serait pas revenue les chercher. Ce fut la dernière fois qu’elle entendit la voix de sa mère. Et la dernière fois qu’elle vit le visage de son père.
II.
Le souvenir de la soirée qui avait changé la vie de Syeira du tout au tout resta gravé dans sa mémoire à jamais. Quelques années étaient passées depuis, mais quand elle fermait les yeux, il lui arrivait encore de revoir le visage de ses parents, d’entendre les cris de sa famille, de sentir la terreur menacer de lui arracher un cri, et elle se sentait aussitôt prise d’une douleur insupportable. Elle se souvenait parfaitement de ce qui avait suivi, cet homme qui les avait sauvés après avoir participé au massacre de son peuple, les cadavres s’entassant à l’endroit où elle avait l’habitude de jouer, et ce sang, omniprésent qui depuis, l’empêchait de voir la simple couleur rouge sans frissonner. Elle se souvenait aussi de son frère se penchant pour récupérer le collier en ficelle de leur père, l’espace d’un instant elle avait eu envie de faire de même mais la simple idée de garder un souvenir de son passé lui avait paru intolérable. Elle se souvenait n’avoir lâché la main de Tobiasz à aucun moment, elle se souvenait d’une frontière, une frontière qui faisait rêver tant de gens mais qui pour elle, n’était rien de plus qu’une autre partie de son être détruite alors qu’on la forçait à être ce qu’elle n’était pas. Syeira se souvenait du moindre détail, et elle aurait tout donné pour pouvoir oublier, simplement tout oublier. -Fecior de curva, cracha-t-elle à l’encontre d’un vieil homme dont le regard empli de jugements ne l’avait guère plu. Ils étaient tous comme ça dans ce pays étrange, apeuré par la différence, enclin à juger plutôt qu’à aider et Syeira n’avait beau être qu’une enfant, elle avait en quelques jours seulement perdu tout ce qui l’avait rendu un jour innocente. Ils avaient peur. Sans doute parce qu’elle était sale, sans doute car ses vêtements n’avaient pas été changés depuis des semaines, sans doute car la faim qui la rongeait avait fini par transformer son visage de façon peu rassurante. Les raisons étaient infinies, mais le résultat restait le même : ils avaient peur. Et c’était cette même peur qui avait un jour, poussé au massacre de sa communauté alors qu’ils étaient des gens bien. Pourquoi l’être maintenant ? La peut était toujours présente dans leur regard, alors autant leur donner de quoi avoir peur. -Ei vor plăti pentru crimele lor, se fit-elle la promesse. Aujourd’hui, dans un an, cinq ans, dix ans, vingt ans, peu importe, un jour elle se vengerait, elle s’en fit la promesse. Son regard se posa sur le visage de Tobiasz endormi à ses côtés, et Syeira sentit une unique larme couler le long de sa joue. Si ça n’avait pas été pour lui, elle aurait abandonné depuis longtemps l’idée de survivre, s’il n’avait pas été là, lui, elle n’aurait eu aucune raison de le faire. C’était étrange, ce lien qui unissait les jumeaux. D’une certaine façon, elle avait l’impression que c’était en lui qu’elle puisait toute sa force et que seule, elle ne serait que la moitié d’une personne, en quelque sorte. Elle l’observa avec douceur quelques instants encore avant qu’un bruit de pas ne vienne interrompre leur tranquillité éphémère. Instinctivement, elle serra un peu plus fort dans sa main le bout de verre qu’elle avait un jour trouvé par terre et dont elle ne se séparait plus depuis, sentant qu’il lui apportait une vague illusion de sécurité. Son coude vint secouer Tobiasz pour le réveiller, et un instant plus tard, une vieille dame apparut à leur hauteur. Elle semblait avoir la quarantaine et les traits de son visage – bien que tiré par les épreuves de la vie sans doute – dégageaient une certaine douceur qui devint d’autant plus flagrante lorsqu’un sourire illumina soudainement son visage. Cela faisait des mois que Syeira n’avait plus vu personne lui sourire, et le sentiment qui la traversa à cet instant, ce bonheur soudain, elle en avait presque oublié la sensation. -Mes pauvres enfants, que faites-vous seuls dehors à une heure aussi tardive? Demanda-t-elle, sa voix laissant transparaitre un mélange d’inquiétude et de peine. Aucun des deux ne répondit, même s’ils l’avaient voulu, ils n’auraient pas pu. Cette langue leur était encore inconnue et il leur était impossible de comprendre un seul des mots de cette vieille dame. -Allons ne restez pas ici, où sont vos par... Elle avait surement du comprendre, et c’était surement pour cette raison qu’elle ne termina jamais sa phrase. Tobiasz et Syeira n’avaient rien d’enfants fugueurs, ou simplement restés tard dehors pour embêter leurs parents, et rien dans leur regard vide, leur comportement méfiant ou leurs habits sales et déchirés ne pouvaient laisser sous-entendre que quelqu’un s’occupait d’eux, veillait sur eux. C’était des orphelins, retirés trop tôt de leur nid, confrontés trop tôt à la dure réalité de la vie, à la haine et au mépris des gens qui les entouraient, à la faim permanente, et à l’idée qu’à tout moment ils pouvaient finir par s’endormir pour ne plus jamais se réveiller. Il n’avait suffit à la vieille dame que d’un regard pour s’en rendre compte, et un seul geste pour réchauffer à jamais les cœurs de ces deux enfants perdus dans un monde qui ne voulait pas d’eux. Elle tendit simplement sa main, son sourire illuminant toujours son visage et même si la barrière de la langue les empêcha à cet instant de communiquer correctement, il y avait parfois des choses dans la vie qui ne nécessitaient aucune parole. Syeira tendit sa main à son tour, et fut frappée par la douceur de celle de la vieille dame. Elle comprit à cet instant qu’elle deviendrait sa mătușă et cette simple pensée réussit à faire apparaître un sourire sur son visage. Ses joues en avaient depuis longtemps perdu l’habitude, et elle en eut presque mal.
III.
Syeira n’avait jamais porté quelque chose d’aussi joli. C’était la première fois qu’elle mettait une robe, et de sentir ainsi ses jambes libres à travers le morceau de tissu lui donnait comme l’impression de pouvoir voler. Elle sauta à pieds joints sur un énième trottoir, avant de se mettre à tournoyer pour faire voleter le pan de sa robe. -Regarde Tobiasz comme c’est joli ! S’exclama-t-elle tout en sautant à nouveau sur un pavé. Elle n’avait pas remarqué que son frère jumeau avait cessé d’avancer depuis quelques instants maintenant, trop occupée à sauter dans tous les sens pour montrer à tout le monde son nouvel habit, même si en réalité, elle passait étonnamment inaperçue dans la foule londonienne. -Mais Tobiasz regarde ! répéta-t-elle, sans obtenir de réponses. Syeira finit alors par se retourner et un élan de panique la traversa quand elle se rendit compte que son frère n’était plus derrière elle. Elle cria instinctivement son prénom en revenant précipitamment sur ses pas, bousculant au passage toute personne l’empêchant d’avancer plus rapidement. Elle répéta le prénom de son jumeau plusieurs fois encore, l’inquiétude brisant sa voix jusqu’à finir par le retrouver. Il s’était arrêté devant un kiosque à journaux, son regard fixant la une de l’un d’entre eux. -Tobiasz ? Chuchota-t-elle, ne comprenant pas ce qui était en train de se passer. Il ne répondit pas, et Syeira finit alors par poser à son tour le regard sur l’un des journaux et se mit à déchiffrer le titre. Un accident de taxi fait trois morts et deux blessés. Il ne lui en fallut pas plus pour qu’elle comprenne pourquoi son frère semblait aussi bouleversé par la nouvelle et même s’il s’agissait de quelque chose de tragique, Syeira ne pouvait s’empêcher de voir la situation de façon différente. -Tobiasz, tu nous as sauvés, déclara-t-elle simplement. Elle n’en était pas étonnée, ni même surprise ou choquée, Tobiasz était un guerrier et elle n’avait jamais cessé d’y croire. Pas même après la mort de ses parents, après le massacre de sa communauté, après leur exil dans ce nouveau pays ou les remarques de leur tante qui ne cessait de les rappeler à l’ordre concernant les légendes liées à leurs ancêtres. Syeira claqua un bisou sur la joue de son frère et le tira par la main afin qu’ils puissent reprendre leur chemin. Ils étaient censés acheter du pain pour le dîner et s’ils traînaient trop, leur tante finirait par s’inquiéter. Toujours aussi joyeuse, la petite fille se remit alors à sauter et tournoyer dans la rue plutôt que de marcher correctement et convenablement jusqu’à arriver devant la fameuse boulangerie. L’odeur du pain frais vint aussitôt lui chatouiller les narines, et elle ne perdit pas un seul instant pour entrer dans la petite boutique. Il n’y avait que trois personnes devant eux, et elle profita alors de l’attente pour choisir la viennoiserie qu’elle avait le droit de prendre en plus des deux baguettes et de celle de Tobiasz. Mais tandis que son regard balayait la petite vitrine pleine de délicieuses pâtisseries, elle sentit son frère lui donner un coup de coude afin d’attirer son attention. Elle ne dit rien, et se retourna simplement vers lui puis suivit alors le regard de ce dernier qui lui indiquait discrètement de jeter un coup d’œil au monsieur devant eux. Syeira retint de justesse une exclamation de surprise en constatant que plusieurs billets dépassaient de la poche de ce dernier. C’était peut-être mal, mais différencier ce qui était bien de ce qui ne l’était pas était une chose que les jumeaux étaient incapables de faire. Aussi, Syeira tendit discrètement sa main vers la poche du client – se retenant d’exploser de rire – et quand elle n’en fut qu’à quelques millimètres, elle en profita pour le bousculer assez violemment tout en feintant de vouloir observer la vitrine de plus près. -Excusez-moi sir, j’essayais de voir le prix indiqué pour les petits-pains juste là. Récita-t-elle presque machinalement en remettant brusquement sa main dans sa propre poche, plus riche de quelques billets. Il lui sourit, et ressortit aussitôt avec ses propres achats tandis que les jumeaux s’avançaient à leur tour vers la vendeuse pour passer commande. Cela ne dura que quelques minutes et un instant plus tard, ils se retrouvèrent à nouveau dans les rues londoniennes où ils purent laisser échapper le fou rire qu’ils avaient retenu depuis qu’ils avaient volé les fameux billets. Etrangement, Syeira ne culpabilisait pas, elle était juste heureuse d’avoir trouvé un moyen de se faire de l’argent et l’idée d’en avoir injustement retiré à quelqu’un ne semblait pas la perturber plus que cela. -C’EST EUX LA-BAS ! Cria soudainement une personne derrière eux. Peut-être n’avaient-ils pas été suffisamment discrets, et sans perdre plus de temps, les jumeaux se mirent alors à courir à travers les passants pour échapper aux policiers à leurs trousses. -PLUS VITE ! Hurla Tobiasz devant elle mais Syeira avait beau y mettre toute son énergie, elle n’avait jamais été la plus rapide des deux. Elle tenta de suivre difficilement la course de son frère mais peina à y arriver à cause de la foule qui se refermait presque systématiquement sur les passages que ce dernier employait. Elle entendit les voix des policiers derrière elle se rapprocher dangereusement mais elle ne quitta pas son frère des yeux, concentrée pour ne pas le perdre. Il bifurqua dans une petite ruelle et Syeira fit de même mais au même instant, elle sentit une poigne se refermer sur son frêle avant-bras et elle laissa un cri s’échapper sans même s’en rendre compte. -Où comptes-tu aller comme ça petite délinquante ? Cracha l’un des policiers tandis qu’elle se débattait pour qu’il la lâche. -Laissez-moi tranquille, je n’ai rien fait ce n’est pas moi ! Cria-t-elle tout en tirant un peu plus fort sur son bras mais il n’y avait rien à faire, il n’était pas prêt à la laisser partir. Au même instant, une silhouette bondit sur le policier qui tenait Syeira et cette dernière put reconnaître son frère dont l’attaque avait été suffisamment forte pour qu’elle puisse libérer son bras. Elle tomba par terre et le policier qui la tenait quelques secondes plus tôt avait désormais attrapé Tobiasz, tandis qu’un autre vint aussitôt la saisir par le bras pour la forcer à se relever et l’empêcher de fuir une nouvelle fois. -C’est eux, accusa un vieil homme qui venait à peine d’arriver, je reconnais cette petite fille elle m’a bousculé dans la boulangerie avant d’en profiter pour voler mon argent ! -C’est faux, il ment, c’est un menteur ! -Mincinos! Mais les jumeaux ne purent rien ajouter de plus puisque l’un des policiers hurla à tout le monde de se taire dans une vaine tentative de maîtriser la situation. -Si ce sont eux qui ont volé votre argent sir, commença-t-il, il nous suffit simplement d’une petite fouille pour en avoir le cœur net. -Et si vous n’avez rien à cacher petits, ajouta l’autre policier, vous n’y verrez aucun inconvénient je suppose. Syeira resta silencieuse, sentant son cœur battre à toute allure à l’idée qu’elle se fasse prendre en flagrant délit de vol. Qu’en penserait sa tante ? Ils allaient se retrouver à nouveau à la rue, Syeira en était persuadée. Elle observa son frère se faire fouiller en premier et ils n’eurent besoin que de quelques secondes avant de finir par constater que ce dernier n’avait rien, mis à part deux baguettes, une brioche au chocolat et un croissant aux amandes frais. Ce fut alors au tour de Syeira, et son cœur se mit à battre encore plus vite lorsque l’un des policiers se rapprocha d’elle pour fouiller dans ses poches. -Rien non plus, déclara-t-il au bout de quelques secondes. -Ce n’est pas possible, je les ai vus vous dis-je, ce ne sont que des petits voleurs ! Syeira crut mal comprendre, et glissa aussitôt sa propre main dans sa poche mais cette dernière était effectivement vide. Peut-être avait-elle fait malencontreusement tomber ses billets par terre. -Peut-être avez-vous fait malencontreusement tomber vos billets par terre, dit-elle en écho à ses propres pensées. Ses paroles ne firent qu’énerver davantage le monsieur et avant qu’il ne puisse attraper l’un d’entre eux, les policiers leur donnèrent l’autorisation de partir et il n’en fallut pas plus pour qu’ils se remettent à courir en direction de leur maison. Une fois suffisamment loin, ils s’arrêtèrent dans un coin de rue pour exploser à nouveau de rire, encore surpris par la tournure qu’avaient pris les événements. Ils furent incapables de s’arrêter de rire pendant plusieurs minutes au moins et, à bout de souffle, Syeira finit par se pencher en avant en tenant ses côtes douloureuses d’une de ses mains. Elle avait encore du mal à croire qu’ils avaient réussi à échapper de peu à une pluie d’ennuis mais quelque part, Syeira restait déçue d’avoir perdu ses billets. -Tobiasz… Elle venait de glisser à nouveau sa main dans sa poche et en sortit avec stupeur les billets qui avaient disparus quelques minutes plus tôt. Ils furent pris d’un nouveau fou rire. Et Syeira ne comprit que quelques années plus tard ce qui venait réellement de se passer.
IV.
Sa quatrième année à Poudlard venait tout juste de se terminer et comme à son habitude, Syeira retournait à Londres en compagnie de son jumeau où ils passeraient les vacances chez leur tante. Quatre ans étaient passés depuis qu’on lui avait annoncé qu’elle était une sorcière et qu’une école de magie était prête à l’accueillir pour lui apprendre tout ce qu’il y avait à apprendre sur ce monde. Quatre ans, mais pendant ces longues années, elle n’avait jamais su trouver les réponses à toutes ses questions. Est-ce que ses parents avaient été eux aussi sorciers ? On lui disait qu’elle était née-moldue, parfois on la traitait même de sang de bourbe mais au fond, qu’en savaient-ils réellement ? Elle se plaisait à croire qu’elle était plus que cela, elle aimait regarder les étoiles en s’imaginant que ses ancêtres avaient été de grands sorciers, parfois, elle rêvait de ses parents une baguette à la main, parfois, c’était ces même baguettes qui sauvaient leur communauté entière. Si seulement elle avait su plus tôt, si seulement elle avait pu les protéger, si seulement. Un élan d’exclamation parcourut soudainement la foule de Londoniens rassemblés momentanément autour des jumeaux au moment où Tobiasz fit exploser une fiole, en feux d’artifice. Des applaudissements ne tardèrent pas à s’élever dans l’assemblée et aussitôt, Syeira se mit à slalomer autour des passants, un chapeau à la main. Son sourire ne s’agrandissait que davantage à chaque fois qu’une main généreuse y déposait quelques pièces, ou plutôt, à chaque fois que sa propre main allait puiser directement à la source en toute discrétion. Elle ne pouvait s’empêcher de penser à quel point ils étaient stupides ces moldus, si facilement manipulables, si facilement émerveillés, et si facilement escroqués. Syeira n’avait jamais été comme cela, et Tobiasz non plus. Peut-être était-ce les années difficiles qu’ils avaient vécues qui les avaient rendus aussi indépendants et aussi insouciants, il n’empêche qu’ils avaient dû apprendre très tôt à se débrouiller seuls car même s’ils avaient une tante, au fond, Syeira restait persuadée qu’un jour ou l’autre elle finirait par les abandonner, volontairement ou non. C’était la rue qui les avait élevés, bien plus que la seule figure d’autorité présente dans leur vie, et c’était là qu’elle avait fini par se sentir le plus à sa place. Escroquer était devenu pour elle bien plus qu’une nécessité, c’était une passion, et elle s’y donnait à cœur joie à chaque fois. Mais quelque part, Syeira restait consciente que ce n’était pas la meilleure façon de vivre une vie, mais elle n’avait connu que ça, et plus les années passaient, plus son ancienne vie en Roumanie ne devenait qu’un lointain souvenir et parfois, il lui arrivait même de se demander s’il ne s’agissait pas simplement de la création de son esprit en terrible manque d’affection. -Ce jeune homme est très doué, fit remarquer une vieille dame à l’attention de Syeira, je n’avais jamais vu ce genre de tours auparavant. Syeira posa le regard sur la vieille dame qui était accompagnée d’une petite fille et d’un petit garçon et ne put s’empêcher de lui adresser un sourire des plus chaleureux. Elle était stupide, ils l’étaient tous, mais leur naïveté n’en était pas moins touchante. -Oui il l’est, répondit Syeira en tendant son chapeau déjà plein de pièces pour que cette dame n’oublie pas de payer. Elle en sortit quelques-unes de sa poche et les glissa dans le chapeau avant de reprendre la parole : -Vous savez faire ça vous aussi ? Syeira acquiesça. -C’est de famille, on est jumeaux. Malgré les cours d’anglais qu’elle avait suivis depuis plusieurs années maintenant, Syeira gardait un très léger accent roumain que la vieille dame venait sans doute de remarquer. Elle eut envie d’en demander plus à Syeira, mais cette dernière fut interrompue par une main timide qui venait de tirer sur un pan de sa robe. -Vous êtes des magiciens ? Demanda la petite fille à Syeira qui se baissa afin de se retrouver à la même hauteur que cette dernière. -Presque, répondit-elle. Sa main passa brièvement derrière l’oreille de la petite fille et Syeira fit apparaître un colchique, une fleur mythique de Roumanie. -Peut-être que tu pourras le devenir toi aussi, ajouta-t-elle en lui tendant la petite fleur que la jeune fille prit délicatement entre ses doigts. Elle leur offrit un dernier sourire et s’éloigna vers le reste des passants afin de continuer sa mission. Elle avait peut-être raison, peut-être que cette petite fille deviendrait une sorcière elle aussi, une née-moldue, une sang de bourbe. -NECAZ. La voix de Tobiasz vint interrompre Syeira dans sa quête de pièces et il ne lui en fallut pas plus pour qu’elle replace son chapeau ensorcelé sur sa tête et se dirige précipitamment vers son frère jumeau, sous les regards curieux des spectateurs qui ne comprenaient certainement pas ce qui se passait. Elle l’aida à ranger rapidement le matériel qu’ils avaient l’habitude d’utiliser, cala son sac sur son dos, et lui attrapa la main avant de se mettre à courir aux côtés de son jumeau. C’était devenu presque naturel pour eux, courir pour échapper aux ennuis, courir pour échapper à la réalité qu’on leur imposait, courir comme les enfants innocents qu’ils avaient un jour été. Mais Syeira n’avait jamais été la plus rapide des deux, et sans la main de Tobiasz dans la sienne pour la tirer, elle n’aurait probablement jamais su survivre aussi longtemps. -Plus vite Sora, l’encouragea-t-il. Elle entendait de l’agitation derrière elle et serra un peu plus fort la main de Tobiasz dans la sienne tandis que sa deuxième main vint se poser sur son chapeau pour éviter qu’il ne s’envole. Elle courait, elle peinait à suivre le rythme mais elle courait aussi vite qu’elle le pouvait et, arrivée au coin de la rue les deux Devereaux bifurquèrent dans une petite ruelle, puis une autre, puis une autre. Ils avaient fini par les semer, ils parvenaient toujours à les semer puisque la rue était leur maison, et ils en connaissaient les moindres pavés. Syeira s’arrêta pour reprendre son souffle et elle sentit Tobiasz lui donner un petit coup de coude amusé dans les côtes. Elle était consciente de jouer avec le feu, mais il n’y avait que comme ça qu’elle se sentait réellement vivante, il n’y avait que comme ça qu’elle arrivait à se persuader qu’elle était plus qu’une orpheline qui passait inaperçue. Mais Syeira restait la moins rapide des deux. Et un jour, la main de Tobiasz ne serait plus là pour la rattraper.
V.
Sa main vint caresser d’un geste doux la chevelure de feu de la petite fille allongée à côté d’elle. Syeira avait du mal à croire que quelques années plus tôt encore, cette petite fille n’était qu’un bébé, un bébé qu’elle avait porté pendant neuf mois. Le temps était passé si vite, et elle avait du mal à réaliser encore à quel point sa vie entière avait changé du tout au tout en si peu de temps. Si on lui avait dit un jour qu’elle serait mère, elle n’y aurait jamais cru. A aucun moment elle ne l’avait souhaité d’ailleurs, elle s’était toujours fait la promesse de ne jamais avoir d’enfants simplement pour épargner à un être innocent cette douleur qu’elle avait connue depuis toute petite, et qui ne l’avait jamais vraiment quittée depuis. Elle avait toujours trouvé le monde trop cruel et sans merci, comment pouvait-elle seulement envisager d’y élever un enfant ? Ce choix semble-t-il, ne lui avait jamais appartenu puisqu’elle n’avait que seize ans quand le destin lui imposa de faire face à ce qui l’effrayait le plus au monde. Elle n’avait que seize ans quand cette simple potion lui confirma ce qu’elle avait soupçonné depuis plusieurs semaines déjà, elle n’avait que seize ans quand elle quitta Poudlard, et elle n’avait que seize ans quand une autre vie se mit à grandir en elle. Tout plaquer avait semblé être la meilleure solution qui s’offrait à elle et même si Tobiasz continuerait ses études à Poudlard, Syeira elle, n’y remettrait plus les pieds. Car sa grossesse était une chose qu’elle devait cacher, une chose qu’elle se garda même d’annoncer au père de son enfant. Elle avait fini par comprendre au fil des années comment fonctionnait le monde magique, et plus particulièrement les familles de sang-pur et c’était pour cette simple raison qu’elle s’était juré que jamais sa fille ne connaîtrait son père. Elle n’était qu’une bâtarde à ses yeux. Une sang-pure souillée par celui de sa mère. Du moins, c’était de cette façon que Syeira avait toujours perçu la situation. Elle n’avait que dix-sept ans lorsqu’elle accoucha de Phoenix, et elle avait comme eu l’impression de naître elle aussi une seconde fois. Syeira ne se souvenait pas de la dernière fois qu’une autre personne que Tobiasz avait compté à ses yeux, en réalité, personne en dehors de Tobiasz avant un jour compté à ses yeux mais cette fois c’était différent. Cette fois, elle avait un peu plus d’amour à partager, et une raison de plus de continuer à se battre contre la vie, pour Tobiasz, et pour Phoenix. Sa main vint cette fois-ci caresser la joue de la petite fille et un sourire se dessina sur le visage de Syeira. -Il est tard tu devrais déjà dormir mic rață, soupira Syeira amusée tandis que Phoenix réclamait une autre histoire. Mais il lui était impossible de résister et à chaque fois que sa petite fille faisait la moue comme elle était en train de le faire à cet instant, Syeira finissait toujours par craquer. - Bon, juste une alors. Après, au dodo ! Syeira arrangea les couvertures de Phoenix et s’éclaircit la voix, sachant déjà quelle histoire elle lui raconterait. Elle essayait toujours de cacher son émotion dans ces moments là, pas que l’histoire en soi était triste d’une quelconque façon, mais de la raconter à sa fille quand c’était sa propre mère qui avait l’habitude de la lui raconter faisait remonter en elle des souvenirs douloureux, des souvenirs qu’elle préférait enfouis au plus profond de son être. - Je vais te raconter l’histoire du titan Atlas, qui vivait bien avant Zeus et tous les autres dieux grecs. Tu t’en souviens, d’eux ? Demanda-t-elle en passant un nouveau doigt sur une des mèches de cheveux de Phoenix qui hocha simplement la tête. - Atlas, reprit-elle, comme tous les autres titans est né bien avant. Mais déjà, il avait une graaande destinée devant lui. Il était le dieu des étoiles, tu vois ? Il guidait les hommes grâce à elles et faisait briller fort, fort celles dont les marins avaient besoin pour se repérer en mer. Mais il a également été choisi pour une tâche bien plus importante. Syeira fit une pause tandis que le ciel étoilé d’Oradea lui revenait en mémoire. Elle se souvenait de chacune des étoiles qui la guidaient toujours jusqu’à chez elle, elle n’avait jamais oublié l’importance de ces astres dans sa culture ni même toutes les connaissances que lui avait transmis sa propre mère en la matière. Elle ne les avait jamais oubliés, et il n’y avait pas une seule fois où elle regardait le ciel sans penser à tous les mythes qu’il avait engendré. -Il a été choisi pour veiller sur le monde, poursuivit-elle d’une voix plus douce, détachant chaque syllabe. C’est lui qui surveille les piliers qui recouvrent la terre, les piliers qui doivent soutenir le ciel afin qu’il ne s’effondre pas sur nos têtes. - Pourquoi ? Demanda alors Phoenix. Syeira se souvint avoir posé la même question un jour, et son sourire un peu plus triste qu’avant laissait légèrement transparaître l’émotion qui la prenait. - Le ciel et la terre ont besoin l’un de l’autre mais il ne faut pas que le ciel tombe sur la terre, tu comprends ? Répondit-elle, employant les mêmes mots que sa mère avait un jour employés. - Pourquoi est-ce qu’ils ont besoin l’un de l’autre ? Demanda ensuite Phoenix. La réponse semblait cette fois moins évidente. Ce n’était pas une question que Syeira avait posée car pour elle, il n’y avait jamais eu de raisons qui pouvaient expliquer qu’on ait besoin de quelqu’un. On en avait besoin, et c’était comme ça. Elle réfléchit un court instant, tentant de trouver les bons mots. -Le ciel et la terre… Ils s’aiment. Comme un papa et une maman, tu vois ? Mais ils n’ont pas de bras et il y a les piliers qui les séparent, alors ils se servent de la pluie pour s’enlacer. De la même façon qu’elle se servait de ses souvenirs pour enlacer ses propres parents, ou pour s’imaginer qu’ils l’embrassaient sur le front chaque soir avant qu’elle ne s’endorme. - Allez il faut dormir maintenant, murmura-t-elle en se relevant du lit mais c’était sans compter sur Phoenix et son besoin de rester coûte que coûte éveillée plus longtemps. -Maman ? -Oui ? -Pourquoi je n’ai pas de papa ? Syeira sentit son cœur comme se briser à cette simple question. Pourquoi n’avait-elle pas de papa ? Car Syeira le lui en avait privé. Et elle avait beau se persuader qu’elle avait fait cela pour le bien de Phoenix, un jour ou l’autre la vérité finirait par éclater, et elle avait terriblement peur de la réaction de sa fille. - Ton papa ne pouvait pas s’occuper de toi, répondit-elle simplement. Elle ne laissa pas le temps à Phoenix d’ajouter un mot de plus et elle éteignit la lumière avant de quitter la pièce. Syeira connaissait cette souffrance, celle de devoir grandir sans parents, et elle se haïssait à l’idée de devoir faire subir cela à sa propre fille. Elle n’était pas à la hauteur, elle n’avait que vingt-et-un ans après tout, et les décisions qui avaient changé sa vie, elle ne les avait prises qu’à seize ans. Elle se laissa glisser le long du mur et éclata en sanglot. Elle n’était pas à la hauteur, peut-être ne le serait-elle jamais.
VI.
Les battements de son cœur étaient devenus si intenses que l’espace d’un instant, elle crut être sur le point de mourir. Des cris, de l’agitation, des pleurs, des hurlements, des bousculades, un attroupement de moldus, de la fumée, de la fumée, partout, c’était tout ce qu’il y avait autour d’elle. Mais tout ça, n’existait pas. Tout ce qu’elle voyait, c’était les deux silhouettes des personnes les plus importantes dans sa vie, deux silhouettes qui finirent par s’évaporer, aussi simplement que cela. Les reverrait-elle un jour ? Allaient-ils s’en sortir ? Elle était seule. Seule au milieu d’une foule terrifiée, et pourtant, son être tout entier semblait avoir été soudainement plongé dans un silence, un silence profond et douloureux. Une larme perla le long de sa joue tandis que son regard était toujours figé sur l’endroit où ces deux personnes avaient disparues, elle ne s’était jamais sentie aussi seule de sa vie, et pourtant, elle ne regrettait en rien sa décision. C’était son rôle, après tout. Une mère n’était pas une mère si elle n’était pas prête à se sacrifier pour sa chair et son sang, et ce sacrifice, aussi terrifiant et douloureux puisse-t-il être, serait en quelque sorte sa rédemption. Elle retint un sanglot et ferma les yeux. Elle avait l’impression que cet instant avait duré une éternité, comme si elle avait soudainement été projetée dans une autre réalité, une réalité atroce et terrifiante. Elle était maintenant entourée par plusieurs silhouettes encapuchonnées, entourée, emprisonnée, elle ne voyait là plus aucune différence. - Syeira Maloney Devereaux, réciata une voix derrière elle. Le ton était sec et glacial, et Syeira sentit un frisson la parcourir. Il avait mal prononcé son prénom, c’était tout ce dont elle était capable de penser. Il avait mal prononcé son prénom. Comme si insister sur ce simple détail allait changer la fatalité de la situation. Lentement, elle se releva alors, veillant à garder ses deux mains levées devant elle comme pour montrer qu’elle n’allait rien faire, qu’elle n’allait pas attaquer, mais qu’elle était prête à assumer les conséquences de cet accident. Son regard balaya brièvement chacune des silhouettes qui l’entouraient et elle eut envie de dégager ses cheveux de devant son visage, elle eut envie de sécher les larmes qui coulaient le long de ses joues, elle eut envie de se tenir droite, comme la princesse qu’elle était et qu’elle avait toujours été. Mais à quoi bon ? Peut-être n’en était-elle pas une. Peut-être n’en serait-elle jamais une. J’ai peur, pensa-t-elle. Ce n’était pas une chose qu’elle avouerait à voix haute. Elle avait peur, elle était terrifiée, mais ce sacrifice, elle savait qu’elle devait le faire. Ca va aller, tout va bien se passer, répondit-une voix dans son esprit. Elle mentait. Son monde entier était sur le point de s’écrouler, sa vie ne serait plus jamais la même, ce n’était pas possible, car elle avait senti une partie d’elle se déchirer quand ils avaient disparu. Comment tout pouvait alors bien se passer ? Ca va aller, je suis là, répéta la voix. Peut-être n’était-elle pas seule, après tout. Son regard dévia cette fois-ci afin de se poser sur la louve au pelage blanc immaculé qui se trouvait juste à côté d’elle. Comment avait-elle pu penser qu’elle était seule ? Elle ne le serait jamais vraiment, pas depuis ce fameux jour. Elle se souvint avoir pendant plusieurs mois tenté de faire apparaître la forme physique de son patronus comme quelques rares sorciers avaient réussi à le faire. Pas parce qu’elle en avait envie, ni même parce qu’elle en avait besoin, mais simplement parce que cela représentait un nouveau challenge pour elle, et elle avait eu envie de savoir si c’était le genre de challenge qu’elle réussirait à surmonter. Là n’était pas la seule raison toutefois, le fait que cet exercice était également considéré comme mal vu au sein de la communauté sorcière l’avait également poussée à prendre cette décision. Elle avait lutté, pendant longtemps, elle avait même eu envie d’abandonner à plusieurs reprises mais son acharnement avait fini par payer, et cela faisait quelques mois maintenant qu’elle partageait la moindre de ses pensées avec cet animal. Elle se souvint également avoir été surprise par la forme qu’avait prise son patronus. Un loup. Son patronus ne s’était jamais matérialisé de cette façon lorsqu’elle lançait simplement le sort, en réalité, il avait toujours pris la forme d’un phénix, avant même d’avoir une fille portant le même nom. Elle s’était attendue à voir un phénix, mais elle s’était trompée. Comment cela se fait-il ? Avait-elle demandé, perplexe. Un jour, tu comprendras. Rien n’arrive par hasard, avait simplement répondu son patronus, la laissant dans le flou pendant plusieurs mois. Aujourd’hui, elle comprenait pourquoi. Elle n’était pas un phénix renaissant de ses propres cendres. Elle était une louve, et c’est pour cela qu’elle survivrait. Car elle n’était pas seule. - Vous êtes en état d'arrestation. Veuillez poser votre baguette, reculer de trois pas et mettre vos deux mains sur la tête, reprit la même voix au ton toujours aussi sec et toujours aussi glacial, ramenant Syeira à la réalité. Mais elle resta figée, comme incapable de faire le moindre mouvement. - Je répète, veuillez poser votre baguette, reculer de trois pas et mettre vos deux mains sur la tête. Il leva sa baguette de façon un peu plus prononcée, en chœur avec les autres officiers qui l’accompagnaient. Lentement, Syeira laissa glisser sa baguette sur le sol humide, et elle n’eut pas le temps de la lâcher entièrement qu’elle lui glissa soudainement des doigts, attirée par un accio lancé par un des aurors. Elle recula alors de trois pas, et plaça ses mains derrière sa tête. Son regard resta perdu dans la contemplation de cet endroit, celui où quelques minutes plus tôt se trouvaient encore son frère et sa fille. Elle le fixa, se concentrant sur la dernière image qu’elle avait d’eux, comme pour l’imprimer dans son esprit. Peut-être ne les reverrait-elle jamais. Et elle avait terriblement peur d’oublier les traits de leurs visages.
Un frisson la traversa. Elle essaya encore d’écarter ses mains, mais le même tintement de ferraille la ramena une nouvelle fois à la réalité. Elle fit de même avec ses pieds, mais impossible de les séparer de la chaise sur laquelle elle était assise, et sur laquelle elle était menottée. Des voix parvenaient de temps en temps à attirer son attention, mais elle ne réussissait jamais à rester concentrée suffisamment longtemps sur elles. Ses mains s’écartèrent à nouveau, et le même tintement résonna une nouvelle fois. -…et selon le décret numéro… Nouveau tintement, regard perdu dans le vide. - … qui stipule que… Nouveau tintement, regard toujours aussi perdu. -…récidiviste… -…usage détourné de la magie… -… escroquerie, mise en danger du secret magique… Tintement, regard perdu. -…trente-trois moldus blessés… Tintement, tintement, tintement. -…autorisation de … Tintement, regard perdu. -…briser la baguette magique du criminel. Silence. Son regard se leva vers le magenmagot assis dans les tribunes en face d’elle, et la juge, qui elle trônait en plein milieu. Son cœur cessa soudainement de battre tandis que les derniers mots prononcés par cette dernière continuaient de résonner dans son esprit. Ils ne pouvaient pas faire ça, ils n’avaient pas le droit, ils allaient la tuer. Pas Syeira. Mais elle. Son regard dévia aussitôt sur la louve qui se trouvait à ses pieds et qui était venue se réfugier entre ses jambes à l’annonce du verdict. Ils allaient la tuer, ils ne pouvaient pas faire ça, elle allait mourir. Elle eut envie de hurler mais aucun son ne parvint à se former tant le choc était grand. Une silhouette passa devant elle avec entre ses mains la fameuse baguette en question, et avant qu’elle n’eut le temps de faire ses adieux à son patronus, le morceau de bois se retrouva emprisonné entre les mains de la juge, et une seconde plus tard, un craquement sonore retentit dans la pièce. Un long silence suivit. Silence durant lequel Syeira garda les yeux fermés, prête à se sentir traversée par une douleur indescriptible. Mais rien ne se passa, et quand elle fut incapable de retenir son souffle plus longtemps, elle finit par ouvrir à nouveau les yeux. Elle ne pensait pas qu’elle se sentirait comme ça. Elle pensait qu’elle allait ressentir un grand vide en elle en perdant une part de sa personne, une part de son identité, ce qui faisait d’elle ce qu’elle était aujourd’hui. Mais rien de cela ne se produisit. Elle sentit le pelage de sa louve caresser sa jambe, et aucun mot n’aurait pu exprimer à cet instant l’ampleur de son soulagement. Elle était encore là et Syeira n’était pas seule. Peut-être survivrait-elle, après tout. Sa joie pourtant fut éphémère, puisqu’à peine sa baguette brisée, la juge poursuivit alors avec le reste de son verdict. Nurmengard. Un cri retentit dans l’assemblée et Syeira eut l’espace d’un instant l’impression d’avoir perdu à jamais l’usage de ses cordes vocales. Elle bondit de sa chaise, continuant à hurler comme si on la torturait de la façon la plus cruelle qui soit, tentant vainement de se débattre. C’était un cauchemar, sans doute le plus atroce de tous et les images de son enfance défilèrent alors sous ses yeux. Le ciel étoilé d’Oradea, les roulottes en cercle dans ce petit coin de pays, les chants tziganes qu’on lui avait appris, puis les coups de feu, les corps ensanglantés, les cris, la terreur, les cadavres, les ténèbres. Elle ne pouvait pas aller là-bas. Elle ne pouvait pas retourner de l’autre côté.
VII.
Cent cinquante-quatre jours. Ou peut-être, deux cent cinquante-quatre jours. Elle aurait été incapable de savoir depuis combien de temps exactement elle était en train de mourir. Mourir. Le mot semblait approprié. Si seulement c’était véritablement le cas. Ou peut-être, trois cent cinquante quatre jours. Impossible pour elle de savoir, l’infini ne se comptait pas. L’éternité ne se comptait pas. Un hurlement retentit et Syeira ouvrit soudainement les yeux, surprise comme à chaque fois qu’elle se rendait compte qu’elle avait réussi à s’endormir. Le cri résonna pendant plusieurs minutes, et elle dut poser les deux mains sur ses oreilles afin de se protéger de la violence de ce bruit. Crier. Elle avait oublié comment faire. Elle avait même fini par oublier le moment où ses propres cris avaient fini par laisser place à un silence interminable, ne reflétant que trop bien le vide qui avait pris possession d'elle. Elle avait aussi oublié comment pleurer, elle avait pleuré pendant des jours, des semaines, des mois peut-être jusqu’à ne plus avoir de larmes à verser. Elle avait hurlé jusqu’à ne plus avoir de voix. Elle avait lutté jusqu’à ne plus en avoir la force. Ses paupières se refermèrent, et elle put voir les visages de ces deux personnes. Mais leurs traits semblaient plus flous que d’habitude, plus lointain, et elle se mit à supplier sa mémoire de ne pas lui effacer le seul bon souvenir qui lui restait. Comment s’appelaient-ils déjà ? -Tobiasz, murmura-t-elle. Sa voix n’était qu’un souffle, un souffle qu’elle-même ne parvenait plus à entendre. -Phoenix, ajouta-t-elle. Ses yeux étaient restés fermés, et elle eut envie de pleurer, mais elle ne savait plus comment faire. Et quand bien même avait-elle su, elle n'en avait plus les larmes. Pleurer aurait peut-être réussi à la soulager. Elle se souvint alors de cette autre vie, cette vie qui lui semblait aujourd’hui imaginée. Quand elle avait mal dans cette autre vie, elle pleurait, et ça allait mieux. Ici, elle avait pleuré pendant des mois, mais ça n’allait jamais mieux. Ce n’était pas une vie. C’était l’enfer. Ce n’était pas une vie. Elle voulait mourir. Ses lèvres chuchotèrent à nouveau ces deux uniques prénoms, une fois, deux fois, trois fois, jusqu’à se retrouver à nouveau frappée par la violence d’un nouveau cri. Avait-elle aussi torturé quelqu’un de cette façon, un jour ? Une partie d’elle se plut à espérer que oui. Ca lui donnait l’impression d’avoir partagé sa douleur à un moment donné, sa souffrance, comme s’il y avait eu quelqu’un pour l’accompagner dans sa descente aux enfers. Peut-être que cette personne était encore là, peut-être était-elle morte, peut-être que Syeira ne tarderait pas à la rejoindre. Elle en avait envie, cruellement envie, mais elle avait fini par se rendre compte qu’ici, il n’y avait pas de place pour ses envies. Même si elle avait envie de mourir, même si elle était prête à mourir, elle était condamnée à rester vivante et pourrir dans cet endroit sans âme. C’était sa punition. C’était sa rédemption. Le cri retentit à nouveau mais cette fois, Syeira rouvrit les yeux. Elle sentait la douleur de cette personne, sa peine, et elle avait envie de lui dire qu’elle n’était pas seule dans sa descente aux enfers. Comme elle aurait eu envie qu’on lui dise qu’elle-même n’était pas seule. Combien étaient-ils dans cette prison ? Enfermés ici tandis que leur âme se déchirait un peu plus chaque jour. Elle aurait aimé savoir au moins un ordre de grandeur. Des dizaines ? Des centaines ? Des milliers ? Mais cela changeait-il quoique ce soit à la situation ? Même s’ils étaient des milliers, il n’y avait qu’elle, elle et sa solitude. Même son propre chagrin avait fini par la quitter et elle était incapable de ressentir la moindre douleur maintenant. Elle ne ressentait plus rien. Plus rien mis à part ce vide perpétuel dans lequel son être tout entier était plongé. Mais s’il n’y a plus que le vide, peut-on encore appeler ça ressentir ? Peut-être n’était-elle pas vide. Peut-être avait-elle encore mal. Peut-être avait-elle simplement perdu la faculté de ressentir. Son corps allongé sur le sol humide du coin de sa cellule semblait sans vie. Le bleu profond de ses iris autrefois pétillants de malice semblait s’être assombri de façon frissonnante. Son visage était creusé, amaigri, tandis que ses yeux étaient entourés de profonds cernes cachés par les mèches bourbeuses de ses cheveux dont on n’aurait jamais pu deviner qu’ils avaient été un jour blonds. Elle aurait pu aisément passer pour un cadavre mais sa poitrine mouvant au rythme de sa respiration saccadée était la preuve qu’elle était bien vivante. Malheureusement. Elle ne sut d’où elle avait réussi à trouver la force de se retourner, mais elle l’avait fait. Et au lieu de fixer les barreaux de sa cellule – qui ne servait qu’à lui rappeler qu’elle était en prison puisque personne ne venait jamais ici, elle aurait pu tout aussi bien restée enfermée entre quatre vrais murs – son regard dénué de toute vie se perdait maintenant dans la contemplation de cette lueur bleuâtre qui illuminait l’endroit. Du bleu. C’était une couleur. Elle connaissait le noir. Elle connaissait le gris. Elle connaissait le brun. Mais elle avait oublié à quoi ressemblaient toutes les autres couleurs. Sauf le bleu. Cela faisait un long moment que son patronus n’avait plus pris la forme de la louve qu’il était, probablement trop affaibli lui aussi par la situation. A de rares occasions, il lui arrivait d’entendre la voix de Soare dans son esprit mais même elle, avait fini par l’abandonner, en quelque sorte. Ce n’était pas sa faute, elle était juste trop faible. Et la simple lumière qu’elle formait en apparaissant sous sa forme spectrale était au fond tout ce dont Syeira avait besoin pour tenir le coup. Un nouveau cri retentit, puis un deuxième, puis un troisième, semblant chacun aller crescendo, comme s’ils se rapprochaient d’elle, de sa cellule. C’était étrange. Elle avait eu l’habitude des cris répétitifs dans toute la prison mais pas de cette façon, jamais de cette façon. Un air inquiet prit place sur son visage, mais elle n’eut pas le temps de réagir qu’elle comprit pourquoi. Les barreaux de sa cellule s’ouvrirent brusquement tandis que deux silhouettes l’attrapèrent par chacun de ses bras afin de la soulever. Ils avaient crié, parce que c’était la première fois qu’ils voyaient quelqu’un depuis des semaines. -Détenu numéro 974, dit une des deux personnes alors que les deux la tenaient toujours par les bras afin de l’empêcher de flancher, vous êtes libérée pour bonne conduite. Syeira cligna plusieurs fois des yeux, loin de comprendre ce qui était en train de se passer. Etait-elle en train de rêver ? Ses murs avaient-ils fini par avoir raison de sa santé mentale ? Etait-ce le début de la fin ? Elle cligna des yeux plusieurs fois, mais ne dit rien, attendant seulement le moment où ils la laisseraient retomber sur le sol. Ses muscles étaient douloureux et sa respiration difficile, rester debout était un effort qu’elle avait cessé de fournir il y a longtemps de cela. Ils ne la laissèrent pas retomber sur le sol mais l’aidèrent à quitter sa cellule. Ce n’était pas possible. Elle était peut-être morte, c’était peut-être pour ça qu’elle avait fini par dérailler. La tête baissée, ses yeux fixaient ses pieds mais rapidement, elle fut incapable de marcher plus longtemps et ses jambes flanchèrent. Elle ne s’arrêta pourtant pas d’avancer, traînée par les deux gardes et suivie par sa boule de lumière. Les cris s’intensifièrent mais elle fut incapable de se focaliser sur ces derniers, elle était perdue, elle ne comprenait pas. Ils s’arrêtèrent au bout d’un long moment face à une porte imposante dont Syeira était incapable de voir le bout. Un bruit sourd parvint à ses oreilles et la porte se mit alors à s’ouvrir graduellement, laissant pénétrer quelques rayons de soleil dans les ténèbres qu’était cette prison. Syeira plaça un bras devant son visage, aveuglée par cette lueur qu’elle n’avait plus connue depuis une éternité. Plus cette porte s’ouvrait, et plus les battements de son cœur s’intensifiaient même si au fond, elle persistait à croire que tout ça n’était qu’un rêve. Un nouveau silence prit place alors, et quelqu’un la poussa dehors tandis que la porte se refermait déjà derrière elle. Syeira se retourna, fixant les gardes qui disparaissaient sous ses yeux et elle aurait juré voir un sourire se dessiner sur le visage de l’un d’entre eux. La porte était maintenant totalement fermée, et ce ne fut qu’à ce moment là qu’elle se rendit compte qu’elle était à quatre pattes sur le sol boueux qui entourait la prison. Elle se releva. Elle prit une profonde inspiration, laissant l’air frais courir dans ses poumons. Elle ferma les yeux. Elle laissa les rayons de soleil caresser sa peau salie. Elle sourit. Elle avait envie de rire. Elle était libre.
VIII.
Le silence avait pris place dans son esprit, un silence qu’elle n’avait plus connu depuis plusieurs mois maintenant. C’était étrange, quelque chose semblait différent mais il lui était impossible à cet instant de savoir quoi exactement. Elle ouvrit lentement les yeux, et une lumière au-dessus de sa tête la força à les refermer aussitôt. Un de ses bras vint se placer sur son front et une douleur intense à la tête lui arracha une grimace. Elle ne comprenait pas où elle était, ni comment elle était arrivée là, ni pourquoi elle se trouvait ici. La dernière chose dont elle se rappelait était la vue de cet immense bâtiment construit sur ce qui avait un jour était chez elle. A sa sortie de prison, Syeira n’avait pas choisi de retourner directement à Londres mais avait préféré rester quelques temps en Roumanie, comme dans l’espoir d’y trouver une chose qu’elle avait perdue depuis toujours. Mais ce pays n’avait plus rien à lui offrir, et il ne restait plus aucune trace de son passé ici, c’était comme si elle n’y avait jamais vécu, comme s’ils avaient tout simplement été rayés de l’Histoire. -Mademoiselle Devereaux, vous m’entendez ? Demanda une voix féminine au chevet de Syeira. Syeira comprit à cet instant que le bourdonnement dans ses oreilles avait en fait été la vox de cette jeune femme, et que la lumière aveuglante qui lui avait presque brûlé la rétine provenait d’une baguette de médicomage. Mais ce n’était pas ça qui l’interpela le plus, non, ce qui avait suffi à la plonger dans l’incompréhension la plus totale était la langue dans laquelle cette femme parlait. -Où suis-je ? Parvint-elle à marmonner en se redressant subitement, mais deux mains vinrent aussitôt se poser sur ses épaules afin de la forcer à rester allongée plus longtemps. Elle eut pourtant le temps de voir Soare allongée sur le même lit qu’elle, mais ne parvint pas à comprendre pourquoi elle était encore endormie. -Lâchez-moi ! Reprit-elle avec un peu plus de violence cette fois-ci, s’arrachant brutalement de l’emprise de cette médicomage. Syeira tenta de se débattre plus longtemps mais fut surprise par le feu de force qu’elle possédait. La dernière fois qu’elle s’était sentie aussi faible était dans cette prison, et elle avait été persuadée qu’elle y laisserait la vie. -Mademoiselle Devereaux, reprit calmement la médicomage, vous êtes encore faible, vous devez rester allongée. Vous avez été transférée ici il y a quelques jours suite à un accident en Roumanie. Les autorités sorcières présentes sur place vous ont trouvée souffrante dans une auberge et… Elle fit une pause, cherchant ses mots, mais ne tarda pas à reprendre face au regard perdu de Syeira : -Vous n’êtes pas la seule dans cet état, expliqua-t-elle, l’épidémie a commencé pendant que vous étiez en prison et il semblerait que même les sorciers comme vous n’en soient pas épargnés. -Comment ça les sorciers comme moi ? Demanda Syeira, toujours perdue dans l’incompréhension la plus totale. Elle avait l’impression d’avoir été enfermée durant des siècles, ce n’était pas possible que le monde puisse autant changer en l‘espace de si peu de mois. -Les daemons, répondit-elle, vous souffrez de la peste des patronus et d’après les analyses qu’on a pu faire, vous en êtes au stade VI. Peste des patronus, analyses, stade VI, aucune des paroles de la médicomage n’avaient de sens pour Syeira et même si elle avait un millier de questions à poser à cet instant, elle fut incapable d’en formuler ne serait-ce qu’une seule. Elle avait cru son cauchemar terminé une fois sortie de prison, elle avait cru pouvoir reprendre normalement le cours de sa vie en tentant de panser ses blessures intérieures, mais elle avait atterri dans un monde qui n’avait plus rien à voir avec ce qu’elle avait un jour connu. Qu’en étaient-ils de Tobiasz et Phoenix ? Au fond, Syeira s’en fichait de savoir qu’elle était souffrante tout ce qu’elle désirait était voir sa famille, sa famille qu’elle n’avait plus vue depuis plus d’un an et chaque seconde supplémentaire passée sans eux était une nouvelle seconde d’agonie pour elle. La médicomage continuait à parler, mais ses mots se perdaient avant même d’arriver aux oreilles de Syeira. Elle s’en fichait, tout ce qu’elle voulait était voir sa famille, le reste n’avait aucune importance à ses yeux. -Je vais vous laisser vous reposer, vous semblez en avoir besoin. Non, ce dont elle avait besoin c’était sa famille. Syeira n’était même pas certaine de parvenir à fermer les yeux sans entendre les cris des prisonniers la torture intérieurement. La médicomage s’éloigna ensuite pour quitter la pièce mais Syeira fut soudainement effrayée à l’idée de rester seule ne serait-ce qu’un instant. -S’il vous plait, commença-t-elle d’une voix presque brisée par l’émotion, j’ai un frère et une fille, pouvez-vous leur dire que je suis là ? La médicomage sourit tendrement à Syeira. -Vous avez un visiteur, répondit-elle simplement avant de disparaître à travers l’embrasure de la porte. Un long silence prit alors place dans a pièce durant lequel Syeira n’osa plus détourner son regard de la porte de sa chambre. Elle sentit les battements de son cœur accélérer au point d’en devenir douloureux et les quelques secondes qui venaient de s’écouler semblèrent durer une éternité. Puis une silhouette apparut, et Syeira fut incapable de retenir ses sanglots un instant de plus. Elle se leva précipitamment de son lit sans prêter attention aux diverses perfusions censées la maintenir allongée, et sauta au cou de son frère qu’elle n’avait plus vu depuis plus d’un an. Ils n’avaient jamais été séparés aussi longtemps, à vrai dire, ils n’avaient jamais été séparés tout court et ce ne fut que lorsqu’elle sentit les bras de ce dernier s’enrouler autour d’elle que Syeira réalisa alors à quel point ces derniers mois avaient été une torture pour elle. Elle ne comprenait toujours pas comment elle avait réussi à survivre ; peut-être était-ce l’espoir de le revoir un jour qui l’avait poussée à lutter ; peut-être était-elle une guerrière, elle aussi. Elle fut incapable de parler pendant plusieurs minutes au moins tant ces sanglots refusaient de se calmer. Pleurer lui faisait du bien, cela lui donnait comme l’impression de se purger de toute l’horreur qui l’avait traumatisée à Nurmengard. Et elle n’avait plus aucune raison d’avoir peur maintenant qu’il était là. Mais il y a des blessures qui ne guérissent jamais vraiment. Et elle finira par l’apprendre à ses dépens.
Dernière édition par Syeira M. Devereaux le Dim 1 Fév - 13:29, édité 12 fois |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 0:14 ( #) | |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 0:19 ( #) | Il pleut des DC chez les admins en ce moment Re bienvenuuuue Une nouvelle collègue owai Astronomie |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Guest, Jeu 8 Jan - 0:21 ( #) | |
| Nam So Hyun admin - the universe is full of intentions Répartition : 19/01/2014 Hiboux Envoyés : 1391
| Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Nam So Hyun, Jeu 8 Jan - 0:40 ( #) | DORMERKDHJGBVSNJ t'es trop belle Je l'attendais celle là JetedemandeunlienaveLevidirect Rebienvenue |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 0:56 ( #) | |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 4:15 ( #) | |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 4:38 ( #) | Oh quel beau début de fiche, en effet. Rebienvenue! |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Guest, Jeu 8 Jan - 6:51 ( #) | ASTRONOMIE KSDFJSKDJFG Would you marry me Re bienvenuuuuue J'ai hâte de lire ta fiche BINVENUE ET BON COURAGE TON FICHE |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 10:38 ( #) | Astronomie Rebienvenuuuuue |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 10:56 ( #) | Nataliiie Et prof d'astro en plus Rebienvenuuue (Et Lien ) |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 10:57 ( #) | |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 11:08 ( #) | |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Invité, Jeu 8 Jan - 19:01 ( #) | |
| | Re: we raise our daughters to be leaders, our sons to be soldiers ♦ (syeira)par Contenu sponsorisé, ( #) | |
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