Tranches de vie :

Il ne s’en rappelle pas, tout cela remonte à bien longtemps. La mémoire ne remonte pas à cet âge. Dès tout petit il savait ce qu’était la magie. Il voyait les baguettes s’illuminer de sortilèges, les objets bouger tout seuls, les gens transplaner et parler dans le feu qui brule. La magie faisait partie de sa vie et pourtant il ne pouvait pas en faire. La frustration du garçonnet était terrible. Déjà à cinq ans, il piquait la baguette de sa mère dès qu’elle avait le dos tourné pour la secouer dans tous les sens sans réussir à en faire quoi que ce soit, et il finissait en pleurs sous la déception. Le pire fut quand Julian se mit à faire de la magie spontanée. Ce n’est jamais grand chose chez les jeunes enfants, des objets qui changent de couleur, des fleurs qui se ferment, des courgettes qui disparaissent des assiettes... Amadeus en était vert de jalousie. Si Julian pouvait le faire, pourquoi lui ne le pouvait pas?! Tous les soirs pendant des mois il se concentra sur divers objets de sa chambre à coucher, levant le bras et fronçant les sourcils jusqu’à en devenir tout rouge. Mais la magie ne fonctionne pas comme ça. Il dut attendre un jour où Franz avait cassé un de ses jouets pour que la colère fasse sortir ses pouvoirs. Il fit littéralement éclater le vase posé dans le couloir. Cela lui fit aussitôt oublier sa colère et il dévala les escaliers du manoir pour annoncer la nouvelle à sa mère, ravi.

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Ce souvenir ci, il s’en rappelle bien. C’est un souvenir tendre qu’il gardera sûrement toute sa vie, car c’était un de ses derniers moments d’intimité avec sa mère. Il avait dix ans, et désormais il avait bien appréhendé les flux de magie dans son corps. Cela le passionnait, et il passait du temps le soir, allongé dans son lit, à sentir ses doigts pétiller et la magie courir dans son corps. Mais il n’avait toujours pas de moyen d’exprimer cette magie car il n’avait pas de baguette. Pourtant il avait récupéré le livre de sortilèges de première année de Julian et connaissait déjà, en théorie du moins, tous les sorts de débutants. Wingardium Leviosa, on tourne et on abaisse. Mais quelle frustration de ne pas pouvoir pratiquer! Aussi, il profitait de chaque instant ou sa mère était occupée pour lui piquer sa baguette, comme quand il était tout petit, mais cette fois il savait ce qu’il faisait. Alors forcément, cela ne fonctionnait pas toujours très bien. En voulant faire apparaitre des fleurs, il n’avait au début qu’une bouillie verdâtre. Puis une feuille. Puis un pétale. Mais ça venait. Par contre, sa mère ne voyait pas cela d’un si bon oeil et finit par ranger systématiquement sa baguette dans sa poche, le prévenant que le Ministère viendrait l’enfermer à Azkaban s’il continuait de faire de la magie hors de l’école.

Le Ministère l’inquiétait peu. Il était un Von Sachsenheim - Lestrange enfin! Aucun de ces sorciers minables ne pouvait lui dire quoi que ce soit! Finalement, à force de réclamer et de se plaindre, ses parents cédèrent et l’emmenèrent chez Ollivanders trois mois avant la rentrée de première année.

Il se souvient aussi très bien de ce moment. Il sautillait partout dans le Chemin de Traverse et entra comme une flèche dans le magasin poussiéreux. Il avait déjà lu un ouvrage sur les baguettes et avait sa petite idée. «Bonjour Monsieur. Je voudrais essayer vos baguettes. Est-ce que vous avez du laurier et coeur de dragon? Je pense que c’est ce qui me conviendrait le mieux.» Son assurance fit rire le vendeur. «Monsieur Amadeus Von Sachsenheim, impatient à ce que je vois. Laissez moi vous montrer ce que j’ai en magasin.» Il se souvient d’avoir essayé quelques baguettes, et d’avoir été déçu, ne ressentant rien de spécial. L’homme rangeait les baguettes les unes après les autres quand enfin il sortit la bonne baguette. Bois d’orme et ventricule de dragon. Il la prit en main et senti ses cheveux se dresser sur l’arrière de son crâne. Il eut la chair de poule et sentie le flux de magie s’organiser dans son corps, comme si enfin tout se mettait en place. Sa main chauffait sur toute la surface tenant ce petit bout de bois à l’air insignifiant. Il su tout de suite que c’était la bonne et qu’ils s’entendrait parfaitement elle et lui.

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Il ne pourrait pas se rappeler du jour exactement. Ce qui était sûr, c’est que c’était un après midi doux, en juillet 1972. Un autre été en famille dans l’immense propriété bavaroise des Von Sachsenheim. Mais cet été là leur laissait à tous un goût de cendre dans la bouche. Malgré leurs plus grands espoirs, le bon air de la campagne germanique n’avait pas su améliorer l’état de Cressida.

Pour Amadeus, c’était ses premières vacances d’été, seulement quelques mois après l’accident tragique. Même si les souvenirs d’enfance s’estompent, des traces restent, et celle-ci lui est restée, marquée fortement dans son esprit., mêlée à une certaine gêne. Car c’est un âge difficile où l’on entre à l’école, un endroit plein d’adolescents et d’adultes. On souhaite faire partie de ce groupe et pourtant on reste un enfant dans l’âme. Et c’est cette âme d’enfant qui a marqué pour lui ce jour particulier. Le petit blond s’était démené tout l’été pour ramener un bulletin parfait. Sa mère le lui avait assez répété : «Tu dois nous ramener des bonnes notes, je serai très très heureuse». Oh oui, il voulait la rendre heureuse. Il ne voulait plus qu’elle pleure et qu’elle crie. Il voulait retrouver sa mère.

Et voilà qu’elle était là, dans le jardin du manoir, avec son père. Tous ses cousins, ses frères et soeur, couraient autour, jouaient, mais lui tenait son bulletin à la main et se sentait comme un missionnaire en s’avançant vers ses parents. Ils allaient être fiers de lui. Sa mère serait heureuse. Il tendit son bulletin, plein d’espoir. «Regardez mère, je n’ai eu que des O!». Il prit son manque de réaction comme une gifle. «Mère? Regardez...». La voix cassante de son père vint finir de briser ses rêves d’enfants. «Va-t-en enfin! Tu vois bien que ta mère est fatiguée!»
Alors il était reparti, essayant de faire bonne figure car toute sa famille était là, et un Von Sachsenheim ne pleure pas. Pourtant quelqu’un avait su voir les larmes dans ses yeux. Quelqu’un à qui il ne parlait pas souvent. Il était si grand, un adulte par rapport à lui. Il avait même eu ses ASPICS, et avec des O! C’est son cousin Orpheus qui s’accroupit à côté de lui ce jour là, et qui lui demanda gentiment «Alors Amadeus? Tu as eu ton bulletin?». Le garçonnet hocha la tête, en reniflant un coup. «Je peux regarder? Woaw, mais tu n’as eu que des O! C’est fantastique!». Il releva la tête, laissant apparaitre un sourire. «Attends de voir la tête des autres quand ils sauront ça! Ils seront drôlement fiers! Tu as beaucoup travaillé?». «Oh oui! Tu sais, j’adore les sortilèges, et le professeur a dit que j’étais le meilleur cette année! Mais il y a plein de choses que je n’aime pas, comme l’étude des créatures, et puis l’histoire, et les potions, je n’aime pas quand il n’y a pas de baguettes. Alors j’ai travaillé beaucoup à la bibliothèque. Il y a plein de livres, mais je ne peux pas tous les lire..» Et blablabla.

Peut être que pour Orpheus ça n’avait rien représenté. Une conversation interminable avec un gamin qui ne trouvait pas d’oreille pour l’écouter cet été là tout au plus. En revanche, ça avait représenté un monde pour un petit garçon qui venait de perdre sa mère. Quoi qu’il ferait, il aurait toujours un dynastie derrière lui. Un Von Sachsenheim n’est jamais seul.

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Quelques années plus tard, Poudlard était devenu son terrain de jeu favori. Il n’était pas forcément facile d’avoir de bonnes notes partout mais il se donnait les moyens pour et surtout il s’amusait comme un petit fou à expérimenter chaque jour de nouveaux sorts. Être un élève, un excellent élève était appréciable, mais il voulait toujours être plus que ça, plus que le meilleur, l’exception. Cependant il ne pourrait pas devenir tout de suite un maitre en sortilèges. Pas tant qu’il n’aurait pas maitrisé tous les sorts existants. Il se lançait donc dans la vaste entreprise d’apprendre à maitriser tous les sorts avant la fin de sa scolarité. Ou même avant cela si possible. Les sorts simples étaient évidents pour lui, il maitrisait aussi les métamorphoses facilement. Maintenant qu’il était en quatrième année il voulait s’attaquer à du plus complexe. Il avait remarqué que quelques élèves de dernière année se vantaient de pouvoir créer un patronus et l’avait montré lors de leurs Aspics. Voilà un défi à la mesure de son talent!
Il se mit alors en oeuvre pour maitriser ce sort d’un tout autre niveau. La magie est toujours en nuance d’intentions et de sentiments, plus que de paroles ou de gestes. Ce sort en était bien la preuve. L’important était l’état d’esprit dans lequel le lanceur était. Il mit un certain temps à choisir un souvenir assez puissant, et ses premiers essais ne donnèrent qu’une brume argentée tout à fait décevante. Ces échecs le mirent dans une colère noire. Il n’était pas dit qu’un sort lui résiste à lui! Il savait tout invoquer, tout lancer, alors ce stupide patronus allait sortir lui aussi! Bien sûr plus il s’énervait et moins il y arrivait. Ce fut au bout de plusieurs semaines d’essais qu’il réussit enfin à invoquer un patronus corporel. La première fois il cria de joie avant d’avoir pu reconnaitre l’animal qui se dissipa en fumée aussitôt. Au bout de la troisième fois il vit qu’il s’agissait d’une sorte de loup ou de dingo haut sur patte. Quelques recherches lui permirent de voir que c’était en réalité un loup à crinière. Ce succès ne le rendit pas plus modeste, bien au contraire.

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C’était fou en y réfléchissant bien, à quelle vitesse le Seigneur des Ténèbres avait pris une place centrale au sein de leur famille. Pas qu’il y soit présent ou qu’il s’y soit même jamais penché personnellement, mais il lui semblait qu’en seulement quelques mois la majorité de sa famille avait adhéré aux idées du Lord et pris la marque. Cela dit, ils partageaient déjà ces idées depuis toujours, et l’accident de sa mère avait aggravé les choses.

Si Julian n’avait pas été le premier à rejoindre le Lord, il avait sans doute été le plus motivé. Amadeus pouvait le comprendre. Julian avait très mal vécu ce qui était arrivé à leur mère, probablement plus mal qu’eux, car il s’était toujours senti un peu à part du reste de la famille. Son grand frère se cherchait une place dans ce monde, et maintenant on venait de lui offrir un moyen d’agir pour une cause à laquelle il croyait. C’était tout ce qu’il lui fallait. De son côté, Amadeus adhérait complètement à ces idées, mais n’était pas prêt à se vouer corps et âme à la lutte. Quand leur père avait parlé de ce mage qui cherchait à recruter des partisans, il était encore trop jeune pour se lancer. Et pour lui, les études passaient de toutes façons avant autre chose.

Il préféra donc commencer sa première année d’offensive magique et de sortilèges avancés avant de prendre un décision concernant le groupe qu’on appelait les Mangemorts.
Ce qui acheva de le convaincre, c’était ce que l’on racontait sur ce mage noir. On disait qu’il était le plus grand mage de tous les temps. On disait qu’il voler sans balai, parler aux animaux, et même braver la mort. Et si la haine était ce qui animait Julian, dans le cas d’Amadeus c’était la puissance qui l’attirait comme une lampe attire un papillon de nuit. Il fallait qu’il rencontre cet homme, il fallait qu’il lui apprenne des choses.

Un an plus tard, il prit donc la marque et pu apercevoir le Seigneur des Ténèbres. Il su aussitôt qu’il avait fait le bon choix. Par Merlin, cet homme respirait la magie! Elle suintait pas ses pores, elle était son petit chien et il en faisait ce qu’il voulait. Il allait le suivre, c’était certain! Et peut être qu’avec le temps il apprendrait de lui comment il faisait ça. En attendant il ferait tout ce qu’on lui ordonnerait de faire pour faire avancer cette grande entreprise dans laquelle ils se lançaient. Il savait désormais qu’il avait encore du travail devant lui pour devenir un grand mage.