-Maman, plus tard je veux être comme toi.
Deirdre Rhodes sourit légèrement, caressant la petite tête blonde de sa fille.
-Un jour, tu dirigeras peut-être notre famille, l'une des plus importantes du monde magique, mais pour l'instant, ce rôle me revient, et il reviendra ensuite à Siobhàn.
-Pourquoi c'est toujours elle qui a tout ce qu'elle veut ?! Moi aussi je veux faire honneur à la famille, c'est pas juste !, cria la petite fille de sa voix aiguë.
-Treasa, tu n'as que sept ans ! Siobhàn est de six ans ton aînée, c'est normal qu'elle hérite avant toi !
-Moi je trouve que c'est pas juste. Siobhàn, elle est méchante, et je la déteste !
La femme la gifla violemment.
-Jamais tu ne dois dire ça de ta sœur ! Le même sang coule dans vos veines, tu dois l'aimer et la respecter ! Est-ce bien compris ?
Ses grands yeux verts remplis de larmes, Treasa hocha la tête, résignée.
-Viens, c'est presque l'heure du dîner.
Deirdre Rhodes et sa fille quittèrent le salon pour se diriger vers l'immense salle à manger du manoir. La petite Treasa s'assit tant bien que mal sur son siège, très haut pour sa petite taille. Tandis que la nourriture se matérialisait magiquement sur la table, envoyée par les elfes de maison, son père arriva, suivi peu après de ses frères et et de sa sœur. Celle-ci s'assit en face de Treasa, comme à son habitude. La petite fille lui adressa un regard noir, que Siobhàn s'empressa de lui rendre. Elle ne supportait pas que cette gamine lui tienne tête et, à sept ans seulement, veuille devenir héritière à sa place. Treasa ne dit rien, se souvenant de l'ordre de sa mère, mais elle ne parla pas de tout le dîner et envoya des regards pleines de noires promesses à sa grande sœur.
*****
Treasa n'avait pas été habile sur ce coup là. Premier cours de vol, et bim, elle s'était tordu la cheville en atterrissant. Au début, elle pensait que la douleur se dissiperait au bout de quelques minutes. Elle s'abstint donc de mentionner sa blessure au professeur. Seulement, plus le cours avançait et plus la jeune fille ressentait un brûlure cuisante. Cependant, elle ne dit rien. A la fin du cours, Treasa était au paroxysme de la douleur, mais dans toute sa fierté, elle n'alla pas à l'infirmerie. Elle avait tellement mal qu'elle était à deux doigts de pleurer, mais elle s'en empêcha en se mordant vivement l'intérieur de la joue. Elle pouvait gérer ça. Pourtant, sa première année à Poudlard avait bien commencé. Dans l'ensemble, la jeune sorcière était ravie de ses cours et de l'ambiance de l'école en général. Mais il avait suffit d'une séance de vol... Si seulement sa mère avait conçu le fait que prendre un peu d'avance et commencer à voler avant ses onze ans était une bonne idée, cet accident ne serait sans doute pas arrivé. Si elle allait à l'infirmerie ou qu'elle disait à quelqu'un qu'elle s'était blessée, ça ne tarderait pas à se savoir, et toute l'école se moquerait d'elle et de sa famille. Ils diraient que les Rhodes étaient des chochottes, et de vrais manches sur un balai (remarquez l'ironie de l'expression). Bref, c'était pour Treasa
inconcevable. De plus, Siobhàn le saurait sûrement et n'en manquerait pas une pour lui rappeler cet incident...
Tandis qu'elle se rendait en Défence Contre les Forces du Mal, sa matière préférée, Treasa fit une pose et s'adossa contre le mur de pierre du château. Au même moment, son frère Irvine, jumeau de Siobhàn passa par là, et en la voyant dans une position plutôt étrange avec un rictus de douleur sur son visage, il s'approcha de sa petite sœur, inquiet.
-Tu t'es fait mal, Treasa ?
A la différence de sa jumelle, Irvine s'entendait très bien avec Treasa. Il était un peu arrogant au premier abord, mais la famille comptait beaucoup pour lui, et il était très protecteur avec sa petite sœur.
-Ça va, le rassura Treasa avec peine.
- Non ça ne va pas, tu te tords quasiment de douleur. Où est-ce que t'as mal ?
La jeune file désigna sa cheville droite du doigt. Irvine se baissa et souleva légèrement sa robe. La cheville avait doublé de taille et était rouge/violacée.
-Treasa, ta cheville ressemble à un champignon, il serait peut-être temps que tu ailles à l'infirmerie. Tu dois avoir une entorse...
-Si Siobhàn apprend que je me suis blessée à mon premier cours de vol, elle va se moquer de moi pour le restant de mes jours, se lamenta Treasa.
Irvine leva les yeux au ciel.
-N'importe quoi. Tu énerves peut-être un peu Siobhàn parce que tu lui ressembles beaucoup et qu'elle trouve inadmissible que tu t'opposes à elle parce que tu es plus petite, mais elle ne te déteste pas. Elle ne se moquerait pas de toi, elle s’inquiéterait.
Treasa regarda son frère d'un air étonné.
-Tu en es sûr ? Parce que moi j'ai la nette impression qu'elle me hait...
-Mais non, sourit Irvine. Allez viens, je vais te porter jusqu'à l'infirmerie.
*****
Dans trois jours, c'était Noël. Une fête Moldue débile, mais qui avait été introduite chez les sorciers il y a bien longtemps. Aussi, Noël n'était pas aussi bidon que ce qu'on pouvait penser. En fait, chez les Rhodes, les fêtes de fin d'année étaient quasi sacrées. C'était le seul moment de l'année où toute la famille, cousins, cousines, oncles, tantes, neveux, nièces, frères et sœurs, grands-parents et petits-enfants étaient réunis. Et dans cette famille, cela représentait beaucoup de monde. Deirdre Rhodes étant l'actuelle dirigeante, c'était dans son immense manoir que se tenait chaque année les festivités. Il y avait assez de place pour accueillir tout le monde, les cousins de toutes les branches réunis. Malheureusement, Treasa ne s'entendait pas spécialement bien avec sa famille éloignée. Pour elle, c'était juste le décor du tableau, tandis qu'elle, sa sœur et sa mère en était les principaux éléments. Malgré tout, elle appréciait le fait que tous les Rhodes soient réunis. Voir tous ces gens et se dire qu'ils avaient tous le même sang remplissait Treasa se fierté, de fierté de faire partie d'une des familles de sorciers les plus importantes, et cela la remplissait aussi d'adrénaline, et d'encore plus d'ambition, si l'on considérait que c'était possible. La jeune fille était intérieurement très excitée que les festivités commencent vraiment, ce qu devait débuter le lendemain avec le réveillon. En général, la plupart des membres de la famille restaient au manoir jusqu'à la nouvelle année.
Mais plus encore, cette journée avait quelque chose de vraiment spéciale : le Ministre de la Magie avait annoncé que le Ministère avait enfin trouvé un sort qui réduirait à néant Celui-Dont-On-Ne-Dot-Pas-Prononcer_Le-Nom, et qui rétablirait la paix dans le monde magique. Le sort devait être lancé en fin d'après-midi, le jour même. A vrai dire, Treasa se fichait pas mal du Seigneur des Ténèbres et de ses ambitions. Ils avaient même quelques opinions en commun, mais la jeune fille n'était pas nom plus une pro-Mangemort pour autant. Elle se fichait de qui gagnait et de qui perdait, tant que cela n'altérait pas à ses propres ambitions : devenir Ministre de la Magie. Siobhàn, elle par contre, semblait très dérangée par la nouvelle. Bref, tout le monde attendait avec impatience de pouvoir lire les informations croustillantes de la Gazette des Sorciers. Ce fut donc une grande déception quand, vers 18 heures, la famille Rhodes reçu la nouvelle : le Ministère avait échoué, le sort n'avait pas fonctionné. Tout le monde avait attendu avec excitation un rebondissement, mais rien ne s'était produit. Pas de miracle de Noël cette année...
Treasa avait été très active toute la journée, et elle alla donc se coucher assez tôt, histoire de bien profiter de la journée du lendemain. A peine sa tête avait-elle touché l'oreiller, ses paupières devinrent lourdes et Treasa se sentit emportée dans un sommeil profond.
Elle ne savait pas si elle avait dormi des heures ou simplement quelques minutes. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle fut réveillée par une puissante lumière blanchâtre. Elle ouvrit doucement les yeux, et les frotta, aveuglée. En fait, ce que Treasa avait pris pour de la lumière blanche était en fait un espèce de brume argentée, qui semblait provenir de son propre corps et stagnait tout autour d'elle. Elle toucha sa tête, son ventre, ses jambes, et essaya de se débarrasser de la poussière, paniquée. En vain. Elle se leva, marcha à travers sa chambre. La brume la suivait toujours. Pendant un instant, Treasa se dit que c'était peut-être un coup d'Irvine. Il aimait bien faire des farces à tout le monde celui-là. Puis elle pensa à ses cousines, particulièrement à Reagan, qu'elle savait très jalouse. Mais elle ne pouvait pas débarquer dans sa chambre comme ça et l'accuser sans preuves. Elle réfléchit à ce qu'elle devait faire. Tandis qu'elle se s'assit sur son lit, elle vit que la brume se détachait peu à peu d'elle, et s'agglomérait en une forme qu'elle n'arriva pas à identifier au premier abord. Petit à petit, la brume prit la forme d'un gros animal, un félin selon Treasa, et la couleur argentée prit de plus en plus de couleurs. La jeune fille pu finalement apercevoir un énorme léopard, majestueux mais un peu effrayant. Enfin, il devint totalement réaliste.
Treasa se recula sur son lit un maximum, jusqu'à toucher le mur, apeurée. Le léopard, quant à lui, s'avança vers elle.
-
N'ait pas peur de moi.
Treasa ouvrit des yeux gros comme des œufs de dragons. Elle avait l'impression que c'était l'animal qui venait de lui parler.
-
Et tu as raison.
La jeune fille poussa un cri et courut aussi vite que possible dans la chambre de Siobhàn. Devant elle se tenait un énorme loup. Le léopard entra à la suite de Treasa. Les deux sœurs se regardèrent, puis allèrent dans la chambre de leur frère, Conor, puis de Irvine. Tous deux avaient aussi hérités d'un animal avec qui ils pouvaient communiquer par la pensée.
Le lendemain, ils apprirent que toutes les personnes nées avant 1954 avaient hérités d'un patronus matériel, et que cela était le résultat du sort jeté par le Ministère.
*****
Treasa se rendait en cours de Potions. Quelques centimètres derrière elle, se tenait son patronus léopard, qui, elle l'avait appris plus tard, pouvait aussi se transformer en aigle noir. La jeune fille avait d'abord décidé de s'en éloigner, mais à chaque fois, une douleur fulgurante la prenait. Et quand elle essayait de l'ignorer, ce qui n'était pas une mince affaire, on parle d'un léopard de plusieurs mètres d'envergure, Treasa sentait comme une grande tristesse, une douleur, comme si le monde entier l'abandonnait. Elle apprit par la suite que ses émotions et celles de son patronus étaient intimement liées, et qu'elles ressentaient les sentiments de l'autre. Elle s'était donc résignée, et lui avait même donné un nom : Nehila. Au début, ce n'était pas facile pour la jeune fille : étant avide de solitude, le fait d'avoir un animal avec elle en permanence, qui pouvait plus ou moins lire dans ses pensées était très envahissant, mais elle finit par comprendre que Nehila ne la jugerait jamais, même si elle avait des intentions peu honorables. Elles étaient comme jumelles. Au fil du temps, Treasa avait donc fini par apprécier la grosse boule de poils. Elle s'amusait à communiquer avec son léopard par télépathie. Personne ne pouvait savoir de quoi elles parlaient, et c'était vraiment soulageant.
Arrivées dans les cachots, les deux amies entrèrent dans la salle de Potions et s'assirent au deuxième rang. Treasa était une élève très studieuse et avide d'apprendre, mais parfois, quand elle s'ennuyait, elle aimait parler avec son patronus sans que personne ne le sache. Ce jour là, elle du faire une décoction avec une élève de Poufsouffle, et elle s'amusa à faire remarquer à Nehila à quel point celle-ci était empotée.
Le soir même, allongée dans son lit, Treasa pensa à son léopard. Elle se remémora les années qu'elle avait passé sans elle, et elle en vint finalement à la conclusion qu'elle n'avait jamais vraiment eu d'ami avant Nehila. Elle avait du mal à l'avouer de par sa fierté, mais la jeune fille devait avouer qu'elle ne se voyait pas vivre une seconde de plus sans son patronus, désormais.