Comment survivre à un repas de famille sans avoir sur le visage cette expression maussade qui signifie aussi bien « Tuez moi ! » que « J'aurais préféré être n'importe où ailleurs qu'ici » ? Ne croyez pas qu'Abigél ait le mode d'emploi pour y réussir, parce qu'elle a toujours apprécié les repas de famille. Si ses frères semblaient vouloir n'en faire qu'à leur tête, et jouer entre eux de l'autre côté de la pièce, la brunette, du haut de ses dix ans à peine, ne voulait pas se détacher des conversations entre adultes. Au fond d'elle-même, elle se sentait l'âme d'une grande, et ses interventions se montraient aussi pertinentes que celles  des adultes de la famille. Ses pommettes roses sur son teint de porcelaine, rehaussaient son sourire que l'on aurait cru figé sur ses lèvres, ses yeux courraient de gauche à droite à l'affut de mots intéressants, on aurait cru à une poupée qui n'osait bouger, et pourtant, elle était la première à se lever de sa chaise – excuses avant de quitter la table – pour minimiser les dégâts avant que les parents, voire pire, la matriarche, ne se rende compte que le vase en coin était sur le point de rejoindre le sol par l'opération des jumeaux. Ses petits frères comptent énormément dans son cœur, et, c'était en quelque sorte un bon moyen de les empêcher de prendre une véritable punition !
Son côté maternel, Abigél l'a développé dès l'arrivée des jumeaux dans sa vie, suivis d'Auriane. Elle n'avait que trois ans, mais elle n'hésitait pas une seconde à leur prêter ses jouets, pour commencer. Puis plus les années passaient, plus elle montrait attention et gestes bienveillants sur les membres de sa famille, ayant toujours un mot pour l'un, un mot pour l'autre. Il lui est d'ailleurs arrivé souvent de devoir intervenir pour défendre les siens... pas forcément face à eux pour ne pas ébranler leur fierté.

La lettre de Poudlard arriva entre ses mains sans surprise. Depuis le temps que sa mère la tannait sur le sujet, que son père la préparait sortilègement parlant, et plus encore, depuis le temps que sa grand mère regardait avec une sévérité mal placée, les sortilèges qu'elle arrivait noblement à accomplir, elle savait qu'elle allait rejoindre l'école de sorcellerie avant tous les Aymslowe de sa génération, et qu'elle allait d'ores et déjà devoir montrer le bon exemple. Un plaisir pour elle que de montrer la voie, elle savait qu'elle était à la hauteur déjà, pour faire un nom à sa famille, à Poudlard.

Excellente élève au comportement irréprochable, Abi n'avait que l'embarras du choix pour ce qui était de son avenir. Malgré une attirance irraisonnée envers le journalisme, elle se lança plutôt sur la voie de la raison... la communication, qui lui permettrait d'obtenir un emploi au ministère de la magie. Viser haut, toujours plus haut, Abigél se lançait avec plaisir dans cette compétition entre cousins, tant que cela n'incluait pas de les écraser, et ne consistait qu'à se montrer toujours meilleure par les résultats scolaires, ses fréquentations, aussi bien que dans tout ce qu'elle pouvait entreprendre. Mais il y avait cette sensation d'être étouffée, d'être épiée à chaque décision qu'elle prenait, et plus les années passaient, plus la brunette avait besoin d'indépendance, de faire les choses par elle-même, et non par l'aide de ses proches.

Oh, le pire souvenir qu'elle puisse avoir, c'est cette période où pour ses parents et ses grands parents, Abigél avait le devoir de se fiancer avec un sang pur de bonne famille. S'il y avait bien un domaine sur lequel elle n'avait pas besoin qu'on la pousse, c'était bien « l'amour ». La seule histoire d'amour qu'elle avait vécu, avec un sang pur, évidemment, l'avait propulsé dans une telle morosité, qu'elle en  garda la difficulté, pendant un temps, de retrouver son habituel sourire neutre, et que son ambition pour les études s'était amoindrie. C'était drôle comme le désespoir pouvait troubler une personne aussi stable qu'elle, mais c'est justement grâce à son équilibre et à sa force qu'elle s'était jurée que le prochain passerait une batterie de tests avant qu'elle ne se laisse aller à des sentiments... Aussi, Abigél soucieuse de l'avenir de son nom, ne tenait en aucune façon, à se fiancer avec le choix de sa famille... Se voulant maitre d'un tel choix, elle passa outre l'une des précieuses volontés d'Adalaïd Aymslowe, qui dut se résigner face à opiniâtreté de sa petite fille. L'orage passé, elle évita toute rencontre et se laissa donner un dernier conseil. « C'est un choix qui ne devra pas être guidé par les sentiments Abigél. » Elle le savait, mais elle n'avait pas besoin qu'on lui dicte ses choix sur un point aussi personnel.

Déjà bien empreigne de nature, par la maturité, Abigél du affronter, comme les autres élèves, les épreuves mises sur leur chemin, notamment l'attaque du train de la rentrée. Comptant parmi les blessés, elle se montra tout de même, dès qu'elle sortit de cet état complètement vaporeux et douloureux, d'une grande aide pour les blessés plus graves qu'elle. Elle ne faisait que leur apporter un mot, un geste bienveillant, et rassurant pour que la situation se passe avec plus de douceur, du moins, autant qu'il en était possible. Tout s'était passé si vite qu'elle ne s'était pas rendu compte que sa meilleure amie avait subi de plus graves blessures, qu'elle était si mal en point que jamais son séjour à l'infirmerie ne pourrait la guerrier, que quelques jours plus tard, elle lui disait adieu. Une larme roulant sur sa joue, elle semblait pourtant ne pas ressentir tant de tristesse, et ne pas porter plus loin le deuil de celle qui avait toujours été la pour elle. Mais au fond de son cœur, elle se sentait incroyablement vide, sans la même ambition qui réussissait à la propulser. Ces trois jours d'infirmerie avaient été moins éprouvants physiquement que moralement. Mais tant que tu as la force de te relever, fais le, et marche la tête haute... c'est exactement ce qui ne quittait pas les bons conseil de sa mère,

Des mois passèrent, la douleur de la perte ne pouvait être balayée d'un revers de main, mais elle avait affronté les épreuves de la vie telle une Aymslowe, sans montrer forcément qu'elle aussi avait  besoin d'être consolée, sans montrer qu'elle pouvait avoir ce côté vulnérable elle aussi.

Arriva par la suite, la peste des patronus. Par malchance, elle avait passé ces journées entières enfermées, séparée de ses proches par une malheureuse vitre, tel une punition qui l'empêchait de pouvoir garder son rôle de grande sœur auprès de la famille. Jamais dans l'une de ces épreuves, elle ne perdit l'optique de travailler dur et de se surpasser !