« Dis moi Octavia, Declan Shacklebolt, il a eu combien à ses ASPIC ? » Jill ne pu s'empêcher de lever les yeux au ciel et se complaire dans un profond soupir d'exaspération. Sa mère pouvait être une vraie harpie. Il fallait toujours qu'elle trouve le moyen de comparer la réussite de sa fille unique à celle des autres. « Je ne sais pas maman. Je m'en fiche. » Ne pouvait-elle simplement pas se contenter de ce qu'elle-même lui ramenait ? « Tu n'as qu'à demander à sa chère mère. Elle sera ravie de t'éclairer et je suis certaine qu'elle ne tarira pas d'éloge à son sujet. » Depuis deux semaines qu’elle était rentrée il n’y en avait que pour lui. Jill était sûre que sa mère préparait quelque-chose, hors l’intéressée niait tout en bloc. « Surveille un peu ton ton jeune fille. C’est dommage qu’il soit resté à Poudlard, nous aurions pu l’inviter quelques jours. » Ingram Peverell hissa un œil de derrière sa Gazette pour fixer sa femme d’un air contrit. « Il vient déjà une fois par an et vous n’arrêtez pas d’inviter sa famille à venir manger dès que ce sont les vacances. » répliqua aussitôt leur fille, agacée par tant d’insistance devait un fait si isolé. Au fil des années, sa mère avait fini par hisser Declan sur un piédestal si haut qu’elle ne devait plus en deviner les prémices. Aîné de la meilleure amie de Serafina Peverell, Declan était continuellement hissé en porte-étendard d’une perfection devenue collante. « Oh mais ne te sens pas la seule concernée. Moi aussi j’ai le droit de voir mes amis ! » Toujours le même refrain. « Et ton filleul… » Renchérirent machinalement et d’une voix monocorde le père comme la fille. Depuis le temps, ils avaient compris.


27 mars 1981, Osborne House, Île de Wight

« Je ne comprend pas pourquoi vous ne vous êtes jamais intéressé l’un à l’autre. » lança Serafina d’un ton inquisiteur. Jill ouvrit des yeux ronds et fixa momentanément le fond de son assiette non sans souligner sa mère d’un regard noir. La joyeuse assemblée s’était momentanément tue et un silence, quoique rapide, se fit rapidement ressentir. Assis stoïquement en face d’elle, Declan prit le temps de porter une serviette à sa bouche pour tamponner délicatement ses lèvres roses amusées avant de la reposer et reprendre, d’un ton posé. « Sûrement parce qu’Octavia est trop bien pour moi. » Le bref signe de pied qu’il lui asséna sous la table confirmait ce qu’elle pensait depuis le début. Il se payait clairement de sa tête. Depuis toutes ces années où ils se connaissaient, Declan n’avait jamais stoppé son petit jeu. Aussi sincère pouvait-il se montrer pendant deux minutes, les deux heures suivantes n’étaient que le reflet de son égoïste amusement. Il acquiesçait d’un air intéressé avant de piquer avec une justesse étonnante pour ce dédain qu’il affichait parfois. Leur relation n’avait pas toujours été rose et, quelques années auparavant, ils s’hurlaient encore allègrement dessus lorsque l’un  tentait de dépasser les bornes. Declan était joueur. Jill râleuse. Coincée. Sèche. Acariâtre. Arrogante. Il adorait lui renvoyer ce tableau en pleine figure. Alors que la jeune femme commençait à ouvrir la bouche sa mère la rabroua sans attendre, certaine que les dires de son enfant n’ajouteraient rien de constructif à la discussion. « Tu n’es pas mal toi non plus. » répliqua Serafina amusée, quoique profondément sérieuse. « C’est le moins qu’on puisse en dire effectivement. » rajouta lentement Mme Shacklebolt, dans une moue qui se devinait pétrie d’orgueil. Son fils aîné était sa perle. Sa plus grande réussite. Rien ni personne n’était trop bien pour lui. Ni ses voyages à l’étranger qu’elle finançait allègrement et sans un mot, ni l’aile privée qu’elle avait mit à disposition dans leur majestueuse demeure. Elle lui passait tout et lui offrait le moindre item qu’il convoyait. Sa simple présence semblait la remplir d’une fierté peu commune. Jill avait toujours apprécié Mme Shacklebolt, à petites doses il va s’en dire. La savoir au Manoir signifiait que sa mère était occupée. Il était par ailleurs impressionnant de voir qu’elles étaient capables de parler des heures et des heures durant sans jamais manquer du moindre sujet. Même leurs silences se trouvaient être un moyen de communication. C’en était souvent exaspérant.


12 mai 1981, Les Trois-Balais

Jill terminait son verre avec ce début d’écoeurement caractéristique à la satiété plus qu’acquise. De nombreux élèves en cursus secondaire s’étaient exilés le temps d’un week-end dans la ville proche de Pré-Au-Lard et en ce samedi soir, le célèbre bar des Trois Balais était rempli à craquer. « Tu te souviens de la tête du prof ? » Des rires goguenards s’élevèrent un peu partout autour de la table. « Je me rappelles surtout de la tienne qui ne savait plus quoi dire ! » rajouta Declan dans fou rire qu’il peinait à maîtriser. Son regard croisa celui de Jill assise quelques chaises plus loin qui, tout comme lui, riait à gorge déployée. Les deux élèves n’en étaient plus à leur coup d’essai.  En cinquième année il lui avait ensorcelé les cheveux pour qu’ils se dressent hissés sur sa tête 24h durant. Elle avait répliqué en envoyant son balai se heurter de plein fouet l’un des anneaux de but pour s’y désassembler avec fracas. Moins de 3 mois plus tard il lui envoyait un cognard lui briser 3 côtes dans un sinistre craquement. Chacun jouait tranquillement avec ses amis quand cette brillante idée lui avait traversé la misérable éponge qui lui servait de cerveau. Il s’en était royalement tiré prétextant qu’il ne l’avait pas vu. Tu parles. Lorsque les patronus avaient apparus il lui avait gravement soutenu que la panthère de Jill allait bien finir par dévorer son petit chat, précieux animal de compagnie qui constituait tout son monde. Elle avait presque fini par douter de Falco ce jour là. Bizarrement en ce soir Declan n’avait encore rien fait de complètement stupide. Du moins si on ne comptait pas son interprétation enflammée de l’hymne de l’équipe irlandaise de Quidditch, hissé debout sur sa chaise une chope débordante à la main, les yeux brillants sous l’effet de l’alcool. La soirée avait continué dans cette folie caractéristique aux jeunes avant que la table ne se vide peu à peu. Sans trop savoir comment Jill avait fini par se retrouver en face de Declan et celui ci avait alors engagé la discussion comme si de rien n’était. « Ou cette fois où tu as glissé une potion de sommeil dans mon jus de citrouille juste avant les épreuves d’histoire de la magie ? Fais pas semblant JE SAIS que c’est toi ! » Le jeune homme éclata d’un rire tel qu’il fut impossible de douter de sa réelle implication dans le véritable désastre qui avait valu à la jeune femme de rater l’Optimal pour cette matière lors de ses BUSE. « Tu devrais franchement me remercier pour celle là, personne ne veut fréquenter quelqu’un qui obtient toujours les meilleures notes ! » lui renchérit-il entre deux rires devant une Jill qui, pour la première fois de sa vie, arrivait à en sourire d’une telle manière que son visage lui devenait douloureux. Elle continua, jubilant de plaisir. « Je dois t’avouer que j’ai particulièrement apprécié ensorceler ta malle à la rentrée il y a quelques années... » Jill avait appris par sa mère qu’une mauvaise blague avait dévoré tous le caleçons du précieux Declan et que ses robes s’étaient enflammées lorsqu’il avait voulu les ranger. L’une des victoires qu’elle préférait bien qu’elle aurait donné tout l’or du monde pour avoir pu assister à la scène et se délecter de son air ahuri. « Et détourner mes paquets pendant 1 mois, ça t’as plu ? T’as rendu ma mère dingue ! » «  Oh ouais ! Elle t’envoi des trucs vraiment top en plus mais je t’avoue que c’en est devenu agaçant. Mais NON ! Tu ne peux pas compter ça, c’était clairement pour la fois ou tu as tout mouchardé à ma mère ! » Les deux jeunes gens rigolèrent encore quelques instants avant de lentement reprendre leur sérieux, ou presque, et noyer les derniers pans de leur hilarité dans leur verre. Declan reprit le premier ses esprits, un éternel sourire scotché sur les lèvres. « Tu as de l’imagination je te le concède. Peut-être même que t’es pas si chiante que t’en a l’air au fond. » Accusant le coup d’un air faussement touché, la jeune femme leva sa chope et attira l’attention des personnes alentours. « A tous ceux qui ne sont pas ce qu’ils semblent alors ! » Le verre s’entrechoqua et, bien vite, les conversations reprirent de plus belle comme si la nuit sonnait curieusement le glas des tensions en tout genre. Jusqu’à ce que le soleil reprenne sa course tout du moins.