Bloom a vingt ans, il vient tout juste de fêter son anniversaire le mois dernier et la colère gronde en lui, menaçant de le submerger tout entier. Vingt ans déjà, c'est un homme à présent. Et pourtant, ses parents refusent de lui laisser prendre la Marque des Ténèbres. Il ne comprend pas. Il se sent prêt à recevoir cet honneur, à rejoindre enfin les rangs du terrible Lord, à voir se dessiner sur sa peau pâle le funeste tatouage noir. Il ne supporte pas qu'on le tienne à l'écart, il se sent humilié, bafoué. Son frère Bentley n'a que trois ans de plus que lui, ce n'est presque rien, alors pourquoi a-t-il droit à cette distinction et pas lui ? D'un geste rageur, il shoote dans un caillou qui croisait sa route et l'envoie balader quelques mètres plus loin. Autour de lui, le chaos règne en maître. La plupart des cabanons qui abritaient les élèves de Poudlard pour l'été sont dévorés par les flammes, des cris de terreur et des plaintes douloureuses résonnent dans la nuit. Belize n'est plus le havre de paix que les sorciers avaient connu jusque là. La baguette à la main, sa hyène ricanante sur les talons, Bloom marche au milieu des débris avec un détachement qui frise l’irréel, comme s'il n'était pas concerné par l'horreur qui s'agite tout autour de lui. À quelques mètres devant lui, un groupe de sorciers encapuchonnés avance dans sa direction, leurs baguettes levées, prêts à faire feu sur lui. Des mangemorts. Bloom ne recule pas. Il veut les aider, c'est tout ce qu'il souhaite. Ils le tiennent à présent en joue, menaçants et sans pitié. « Attendez, c'est mon frère. » Dit alors une voix sortie de derrière un masque. Bentley Parkinson abaisse sa capuche et se dirige vers son petit frère, la mine sévère. « Qu'est-ce que tu fiches ici ?! Tu es censé aller dans la grotte, avec les autres sang-purs. » Sa voix se veut dure et cassante, il essaye de se donner une contenance devant les autres mangemorts, mais cela n'impressionne pas le moins du monde Bloom. « Ma place est ici, avec vous, et tu le sais. » Réplique-t-il aussitôt, un peu sur la défensive. Il n'a pas la moindre envie d'aller se cacher dans cette grotte avec tous les autres, il veut agir, se rendre utile. Il voudrait prouver au Mage Noir qu'il est digne d'entrer dans ses rangs. « Ta place est avec les autres. Avec Achille et Ombre, tu dois veiller sur eux. » Déclare Bentley en balayant la remarque de son frère d'un geste dédaigneux. Il ne le montre pas, mais s'il veut absolument que Bloom gagne la grotte, dans le fond, c'est parce qu'il a peur qu'il lui arrive quelque chose. « Mais– » « Pas de mais qui tienne. Allez, file. » Bloom n'a même pas le temps de protester qu'une déflagration assourdissante vient lui vriller les tympans et l'envoie valser quelques mètres plus loin. Les sortilèges se mettent à pleuvoir de tous les côtés, Bloom essaye vainement de se relever, ses oreilles sifflent et la tête lui tourne. Complètement désorienté, il se traîne dans la poussière sans parvenir à savoir où il est ni ce qu'il se passe. Des mains l'agrippent violemment par les épaules et le tirent vers le haut pour le remettre sur pieds. « VA DANS LA GROTTE, MAINTENANT ! COURS ! » Lui crie son frère. « Non, Ben, attends ! » Il s'égosille dans l'espoir que son aîné l'écoute, mais c'est peine perdue, il s'éloigne déjà. C'est alors qu'un éclair vert illumine l'obscurité ambiante et vient frapper le mangemort de plein fouet. « BENTLEY ! » Le cri de Bloom se transforme en hurlement de désespoir, tandis que la silhouette noire de son frère s'effondre au sol. Il n'a même pas le temps de reprendre ses esprits, un autre éclair vert vient s'écraser à quelques centimètres à peine de sa tête. Sans réfléchir, il se met à courir, aussi vite que ses jambes veulent bien le porter, à la recherche de son seul salut : la grotte.

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Bloom a vingt-et-un ans, et il est fatigué d'attendre. D'attendre ce fichu Poudlard Express qui a déjà trois minutes de retard, d'attendre que l'on daigne l'écouter, d'attendre qu'on le laisse enfin réaliser son vœux le plus cher : rejoindre les mangemorts. Le bout de sa botte noire tapote nerveusement le sol du quai où il se trouve, et il ne cesse de relever sa manche toutes les trois minutes pour consulter sa montre. Aujourd'hui est le premier septembre 1980, jour de la rentrée. Une année de plus au château, une année de plus sans la Marque. La patience de Bloom est à bout. Psylla, sous sa forme de scolopendre, remonte lentement le long du dos de son sorcier pour venir se positionner sur son épaule, occasionnant une exclamation de dégoût chez deux première année qui passaient à côté. Le jeune Parkinson ne réplique rien, il se contente de sourire avec malice. Il n'a que faire de l'avis de ces deux gamins, probablement des sangs-de-bourbe. Le train finit par arriver en gare, accompagné d'un épais nuage de vapeur. Bloom monte dans le véhicule les mains dans les poches, sa valise est déjà partie depuis la veille et l'attend à Pré-Au-Lard. Il croise quelques connaissances à bord et ne s'arrête que quelques minutes pour échanger des poignées de mains et des accolades, avant de continuer son chemin au fil des wagons. Il a le sourire de quelqu'un qui sait quelque chose que les autres ignorent. Sans un mot, il se dirige vers le dernier wagon du train, là où l'attendent les autres. Les apprentis mangemorts. Il va s'asseoir dans l'un des compartiments, près de la fenêtre, et observe d'un œil détaché la foule qui se presse encore sur les quais. Un sifflement strident caractéristique vient fendre l'air et le train s'ébranle et commence à se mettre en marche. Une heure s'écoule ainsi, peut-être deux. Bloom observe à leur insu les quelques élèves qui se trouvent dans son compartiment. Ils sont tous occupés à lire ou bien à rêvasser en regardant par la fenêtre, aucun d'eux ne semble se douter de ce qui les attend. S'ils savaient... Un rictus moqueur vient étirer les lèvres du jeune homme. Après avoir jeté un dernier coup d’œil à sa montre, il finit par se lever. Il est l'heure de rejoindre les autres Woundeaters. Il retrouve Achille parmi le petit groupe et lui adresse une accolade fraternelle. Ils suivent Lester Croupton vers l'avant du wagon, s'assurant au passage que personne ne fait attention à eux. Bloom écoute avec une attention empreinte de respect les explications du chef de la bande et sort sa baguette aussitôt qu'il a fini de parler. Il l'observe jeter un sort par la fenêtre du wagon et un sourire vient à nouveau éclairer son visage. Il fait enfin partie de quelque chose de grand, il va enfin pouvoir faire ses preuves. « Confringo. » Énonce-t-il d'une voix froide lorsque c'est enfin son tour de jeter le sortilège sur les attaches des wagons. Le wagon est alors violemment secoué et, contre tout attente, ne se détache pas des autres comme c'était prévu. Il ralentit de plus en plus, et un rapide coup d’œil par la fenêtre leur apprend que l'autre wagon est à présent pendu dans le vide et menace de tomber, les entraînant eux aussi dans sa chute. Le Parkinson sent son estomac se nouer. C'est sa première véritable mission, et rien ne se passe comme prévu. Pour la première fois depuis longtemps, il a peur.

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Bloom a presque vingt-deux ans, et toute sa vigueur semble avoir abandonné son grand corps devenu trop maigre. Déjà un mois et demi qu'il est enfermé en quarantaine, dans une chambre qui n'est pas la sienne, couché dans un lit aux draps rêches et trop fins. Un long frisson remonte le long de son corps et vient secouer ses membres endoloris. La maladie l'a fauché de plein fouet, il n'a rien vu venir. Lorsque les premiers symptômes sont arrivés, la fatigue et l'abattement, il pensait avoir simplement pris froid. Il ne se doutait pas qu'il allait vivre un enfer pour les mois à venir. Lui qui ne supporte pas que l'on entrave sa liberté, le voilà pris au piège dans une aile du château complètement aseptisée et coupée du reste. Il serre les dents, retenant les remarques acerbes qui lui brûlent les lèvres. Cela ne sert à rien de se plaindre, il le sait, cela ne fera pas avancer les choses. Il n'y a rien d'autre à faire à part attendre, et Merlin sait que c'est difficile pour Bloom qui n'a aucune patience. Lentement, il sort une main de sous son drap et vient la poser d'un geste hésitant sur le pelage de la hyène rayée allongée contre lui. Psylla demeure immobile, elle respire à peine. La maladie la touche encore plus gravement que son sorcier. Voilà déjà plusieurs jours qu'elle n'a dit mot, elle qui est d'ordinaire si bavarde et qui prend un malin plaisir à commenter chaque action de son maître et chaque détail de leur vie. Il caresse doucement son pelage couleur sable dans l'espoir qu'elle réagisse, mais rien n'y fait. C'est comme si le lien qui les unissait était rompu. Il n'entend plus ses pensées, et elle n'entend probablement plus les siennes non plus. Un grand vide s'est installé entre eux, un vide qui ne cesse de s'agrandir de jour en jour. Un vide qui lui fait mal. Le jeune homme ferme les yeux, comme si ce simple geste pouvait suffire à le couper de la douloureuse réalisé à laquelle il doit faire face. Il redoute les jours à venir, car il sait ce qui va arriver à son patronus, les médicomages le lui ont dit. Elle va disparaître, ce n'est plus qu'une question de jours, d'heures peut-être. Qu'allait-il faire, si sa compagne d'esprit disparaissait ? Il s'y ferait, probablement. Il est fort, il sait s'adapter, c'est là l'une de ses rares qualités. Mais il n'en a pas envie. Il a mis longtemps à s'habituer à la présence de Psylla dans ses pensées et à ses côtés. Elle est devenue non pas une amie, mais une alliée de poids, utile et indispensable. Réapprendre à vivre sans elle serait sans doute plus dur que ce qu'il s'imaginait. Ce fut la sensation soudaine du drap sous ses doigts qui lui fit brusquement rouvrir les yeux. « Psylla ? » Appela-t-il d'une voix rauque. Le silence seul lui répondit. Là où s'était trouvé la hyène quelques minutes plus tôt, il n'y avait plus rien. Et soudain, le vide qui grandissait dans le cœur du jeune homme se fit gouffre profond et la douleur l'étreignit comme une décharge électrique. Une larme roula sur sa joue.