This one moment when you know you're not a sad story.
« Il est hors de question que ma fille se marie avec un fou furieux qui se prétend sorcier » hurla Nicholas De Chastel, le grand-père maternel d’Opale.
« Rose, ma chérie, qu’est-ce que c’est que ces sornettes ? Ne pourrais-tu pas te contenter de t’unir avec le charmant Simon que nous t’avons présenté l’autre soir … Vous formiez un si beau couple sur la piste de danse. Et si Simon ne te plaît pas, nous pouvons te trouver des dizaines d’autres prétendants … Tu n’as pas à nous menacer de te marier à un … un … enfin, tu sais très bien ce que je veux dire » Renchérie Sophie De Chastel, la mère de Rose.
La jeune femme écoutait sagement ses parents, assise dans un des confortables fauteuils en velours qui équipaient le manoir. Elle pouvait devenir à quel point son père était furieux à la délicate teinte cramoisie qu’arborait sa peau habituellement d’albâtre. Il avait les cheveux drus, dressés sur la tête et une longue moustache qu’il entretenait avec fierté, persuadé de mettre en valeur ses origines polonaises. Grand et robuste – plus épaissit par les kilos que par une musculature surdéveloppé – il avait tous les attributs de ceux qui avaient trop bien réussit dans la vie. Son ventre bedonnant tendait sa chemise blanche tachée par les reliefs d’un trop bon repas, et ses chaussures vernies luisait comme si elles venaient d’être cirée – à la vérité, elles l’avaient été une heure plus tôt.
Sa mère se tenait à côté de son père, légèrement en retrait. Là où Nicholas était tout en épaisseur, sa mère contrastait par sa finesse et son apparente délicatesse. Elle partageait néanmoins avec son mari le teint d’albâtre que tous les polonais ont en commun. Elle avait l’air soucieuse et une de ses mains étaient posée sur le bras de Nicholas pour l’astreindre au calme.
Rose sentait bien que la tension était à son comble, mais ne put s’empêcher de défier ses parents en redressant le menton.
« Je suis désolée, c’est lui que j’ai choisi »De rage, son père poussa un cri rauque qui retentit dans tout le manoir. Les cuisinières s’activèrent un peu plus en cuisine ; Nicholas était connu pour son appétit d’ogre lorsqu’il était contrarié, et si la nourriture venait à manquer ou à lui déplaire, tous savait sur qui il passerait sa colère. Le majordome qui attendait devant la pièce, quant à lui, se terra un peu plus dans un coin sombre, espérant passer inaperçu. Le père de Rose ouvrit la porte à la volée, jeta un regard noir au laquais puis se retourna avec un sombre sourire adressé à sa fille
« Nous verrons cela, jeune fille. Les décennies d’union aux plus grandes familles ne seront pas gâchés par une petite écervelée. »
***
Victor avait fait la même annonce à ses parents. Si ce qui est ressorti de la conversation fut proche de la réponse que Rose avait obtenue, le contenu lui avait quelque peu différé. Tout vaillant qu’était Victor, alors âgé de 25 années toutes justes passées, cette discussion lui avait laissé un goût amer. Trois jours plus tard il était toujours en train de ressasser la querelle.
Contrairement à Rose qui avait lâché la nouvelle avec une désinvolture désarmante, Victor avait préparé son arrivée. Il avait décidé d’annoncer sa décision de se marier avec Rose alors que son père rentrait du Ministère de la Magie. Sa mère quant à elle rentrait d’une agréable journée à Pré-au-Lard où elle avait profité de la compagnie oisive des grandes dames de ce monde.
« Père, Mère, je voudrais vous annoncer une nouvelle importante
_ Hé bien, dis ! Ne nous fait pas plus attendre
_ Je vais me marier avec Rose De Chastel »L’ambiance devint glaciale. Sa mère, une main sur le cœur, se risqua à poser la question qui lui brûlait les lèvres.
« Tu veux dire Rose Montelard … ? Ce sont des Sangs-Purs, mais, mon chéri, nous pouvons trouver une famille qui conviendra bien mieux à nos standards. Que tu te sois entiché d’elle, je peux le comprendre, les femmes même les moins attirantes ont des charmes auxquels vous les hommes ne résisteraient jamais. Mais les charmes sont passagers, mon cœur. D’ailleurs je ne pen…
_ Je veux parler de Rose De Chastel, la jeune femme que je vous aie présenté il y a maintenant deux ans et dont vous continuez de prétendre ignorer son existence. Je suis formel là-dessus, ma décision est prise.
_ Tu n’y pense pas … Une moldue ? Une simple humaine dénuée de tout intérêt. Pourquoi diable voudrais-tu t’attirer un tel déshonneur ?
_ L’amour n’est pas un déshonneur, père.
_ Il l’est ! La voix de Charles Sobel monta d’un cran, il l’est quand on fait partie d’une famille aussi puissante et noble que la tienne et qu’on s’accroche à une chimère aussi idiote.
_ Vous pouvez hurler Père, rien n’y fera.
_ Viktor, chéri, ne nous oblige à te ramener à la raison de force. C’est une si jolie journée, pourquoi vouloir la gâcher avec un entêtement mal placé ?
_ Vous gâchez tout seul cette journée. Je vous annonce que je vais me marier, réjouissez-vous !
_ Avec une sale sang de bourbe ! De mon vivant jamais on ne verra ça. Un Sobel s’unir à la lie de la société ! Jamais je n’aurais pensé que tu puisses me décevoir autant
_ Faites attention à vos paroles Père. C’est de la femme que j’aime dont vous parlez
_ La femme que tu aimes, intervint sa mère en roulant des yeux. Non d’un balai tu n’as que 25 ans, tu es bien trop jeune pour savoir ce qu’est l’amour »
Vicktor se raidit d’un coup, prêt à sauter à la gorge de ses parents. Il aurait voulu répondre qu’eux-même, âgé de plus de 60 ans n’avaient aucune idée de ce que l’amour devait être. Vicktor savait que cela devait être plus qu’un accord financier passé entre deux familles et plus que deux jeunes presque inconnus qui promettent de partager la vie de l’autre jusqu’à la fin. Mais cela il ne pouvait le dire, tout impudent qu’il était. Il avait été trop bien éduqué pour se permettre de leur jeter ça au visage. Quoi qu’il en dise et combien même il aurait voulu que ce soit faux, il savait qu’il n’était encore qu’un enfant et il ne pouvait pas se permettre de se mettre ses parents à dos – enfin, pas trop. Charles Sobel se redressa, victorieux, face au silence de sa progéniture et se mit à disserter longuement sur les raisons de la nullité de ce mariage.
« Peut-on considérer qu’une moldue t’apprécie à ta juste valeur, toi qui est promis à un brillant avenir. Elle ne verra de ta baguette que des tours d’enfants et ne comprendra jamais à quel point notre société est puissante. Au mieux, elle sera considérée comme une crackmole et sera à peine respectée des gens de notre qualité. D’ailleurs, il y a peu de chance qu’elle t’apprécie réellement. Enfin, ouvres les yeux mon enfant, tu es riche. Plus riche qu’aucun moldu ne pourrait l’être. Je veux dire, as-tu déjà vu leur monnaie ? … Ce ne sont guère plus que des pièces de ferrailles sans valeurs et des billets colorés. Ils ne font que jouer avec ces babioles pour faire croire aux autres qu’ils sont riches.
Non, ce qu’il te faut c’est une fi … »Viktor garda la tête basse et écouta le sermon de son père. Ce n’est que trois heures plus tard qu’il réussit à s’échapper de l’emprise paternelle pour rejoindre sa dulcinée. Ils se marièrent en cachette de leurs parents respectifs, mais l’événement fut une telle fête et rassembla tellement d’amis et de connaissances que le secret ne perdura pas plus de deux nuits.
***
On dit que l’amour dure 3 ans, mais si 3 ans avaient réellement été accordés au jeune couple, ils s’étaient sans doute envolés bien plus vite que prévus. Les discours respectifs des parents de Rose et de Viktor était sans doutes désuet mais ils avaient un fond de vérité : c’était un amour impossible.
Comment deux personnes aussi différentes auraient-elles pu décemment vivre ensemble en harmonie ?
Rose voulaient aller aux banquets organisés par la Reine d’Angleterre, aux dîners de charité envers les enfants sans foyer, aux événements d’inaugurations des établissements de son père, mais Vicktor se contentait de l’amener à d’austères banquets de discussions sur les problématiques du monde des sorciers. Elle était forcée de revêtir une robe sans forme et une cape violette et d’entendre des dizaines d’inconnus s’inquiéter de l’activité d’un mage noir duquel ils étaient tellement effrayé qu’ils ne supportaient pas prononcer son nom.
Quant à Viktor, pour faire bonne figure auprès des amis de sa femme se voyait contraint de jouer au golf et football alors qu’il ne rêvait que de s’envoler en l’air et faire une partie de Quidditch. Dans la vie publique on les enviait de leur vie magnifique ; un appartement spacieux au cœur de Londres, des propriétés à la campagne pour se ressourcer quand le travail de Monsieur lui permettait et d’heureuses rumeurs sur le ventre de Madame qui s’arrondissait à vu d’œil. Les époux moroses d’avoir perdu la passion qui les animait, n’avaient que peu de conversations en commun pour alimenter les longues nuits d’hiver, et, avoir un enfant était pour eux une ultime tentative pour ressouder les liens qui se détendaient.
C’est ainsi qu’Opale arriva au monde. Certainement pas le fruit d’une union heureuse, mais née dans une bonne famille. Rien que son prénom fut source de conflit des semaines durant au sein du couple. Les prénoms typiquement anglais proposés par Viktor n’étaient pas du goût de Rose qui préféraient qu’ils aient une consonance slave. Rose céda deux jours avant la naissance de sa fille, trop exténuée par le poids de l’enfant pour argumenter davantage. Ce serait donc Opale Katagena.
La venue d’Opale au monde n’eut pas l’effet escompté sur leur mariage, comme on aurait pu le deviner, mais donna aux anciens amants une cause commune : l’éducation de leur fille.
A deux ans, Opale savait déjà parler bien mieux que n’importe quel bébé. Deux ans plus tard, elle apprenait simultanément 3 autres langues. Elle coloriait sans déborder et avec un réalisme qui étonnait tout le monde. Alors quelle n’était qu’une enfant, elle entendait déjà les mots perfection, travail et performance plus qu’on ne lui parlât jamais de jeux, de divertissement et de plaisir.
Sa mère lui témoignait quelques signes d’affection quand la petite fille la satisfaisait, mais guère plus. Inutile de mentionner son père. Opale fut chanceuse de trouver parmi les employés de leur appartement une bonne et un elfe de maison qui l’embrassait plus que de raison et glissait dans son lit des jouets et des peluches pour qu’elle dorme sereinement.
Son premier souvenir remonte à ses 5 ans. Elle jouait dans un bac à sable avec d’autres bambins. Armée d’un sceau et d’une pelle en plastique, elle essayait de construire un château fort pour les petites figurines qu’un autre enfant avait amené. Ses pâtés de sable étaient quelque peu râtés, mais elle n’en avait cure : sa forteresse voyait le jour. L’imagination débordante de l’enfant qu’elle était prit rapidement le pas sur les imperfections de sa sculpture : déjà dragons et ogres tentaient d’envahir son château pour s’emparer de la princesse cachée dans la plus haute des tours.
Vickor Sobel qui, exceptionnellement avait accepté d’amener sa fille au jardin d’enfant jeta un coup d’œil aux activités d’Opale. Il se leva brusquement et d’un coup de talon écrasa l’édifice de sa fille.
La petite fille leva des yeux larmoyants vers son père, mais retint ses larmes – elle n’avait pas le droit de pleurer devant Viktor, sous peine de se faire rabrouer. Son paternel se mit à genoux et essuya une larme qui avait échappée à l’enfant ;
« Ne pleures pas. Ce que tu as fait n’était pas bien. Sois bonne dans tout ce que tu entreprends Opale Katagena Sobel. La perfection n’existe pas, mais parfois le travail acharné peut faire illusion, ne l’oublie pas. » Il planta un baiser sur le front de sa fille
« Recommences. ».
***
Dès lors comment voulez-vous qu’Opale devienne autrement qu’elle n’était ? Une jeune fille dans le contrôle, avec un esprit fin et aiguisé depuis de nombreuses années.
Dans leur course à la perfection ces parents n’avaient pas négligés ses relations sociales. La jeune fille avait côtoyé la bonne société des deux mondes, jonglant habilement avec les règles et les codes de chacun. Elle pouvait aussi bien parler de la conjoncture économique de l’Angleterre que des derniers essais du Ministère de la Magie des sa lutte contre les forces du mal. Ô pardon, préférez-vous bavarder du bal des débutantes ? Ces années à courir les événements à droite à gauche, à Londres ou au chemin de traverse ont développées ses capacités d’adaptation de manière phénoménale. Il n’y a pas un endroit où elle ne se sente pas à son aise, pas une personne capable de résister bien longtemps à ses charmes, que ce soit ses sourires ou ses conversations.
Le jour de ses 11 ans, la jeune fille trépignait d’impatience dans la maison. Elle savait qu’elle recevrait une lettre,
pourquoi Poudlard ne voudrait pas d’elle ? Elle assaillait tant et si bien son père de questions, qu’il finit par la renvoyer dans sa chambre s’instruire. La petite fille, docile, avait bien tenté d’obéir mais l’image de la chouette lui amenant sa lettre d’admission n’arrêtait pas de lui revenir en flash. Elle était donc allongée par terre, les yeux rivés sur son livre mais l’esprit à milles lieux. Comment ce serait, Poudlard ? Et dans quelle maison atterrirait-elle ? Elle avait l’ambition de son père, qui lui-même était allé à Serpentard, mais son esprit fin et son intelligence pouvait tout à fait trouver sa place à Serdaigle. A Gryffondor, sa tête brûlée passerait sûrement inaperçue et elle ne doutait pas trouver de nombreux compagnons pour s’attirer les foudres des préfets. Il n’y avait qu’à Poufsouffle qu’elle avait du mal à s’imaginer. Elle haussa les épaules, patiente, elle verrait bien de toute façon.
Maria, sa bonne préférée rentrant dans la chambre au moment où elle avait décidé de se remettre à travailler – parce qu’évidemment, quelque soit sa maison, elle comptait bien en être digne.
« Mademoiselle Opale, vous avez reçu du courrier »
La jeune fille se leva d’un bon, manqua d’écraser le livre qu’elle était entrain d’étudier et après un furtif baiser à sa domestique – furtif, car elle avait déjà héritée d’une claque pour l’avoir fait devant son père – elle attrapa l’enveloppe. Le parchemin jauni avait été abîmé par le vol, mais l’écusson de Poudlard était encore bien visible. Avec soin, elle décolla la languette et extirpa la lettre. Un sourire réjoui naquit sur ses lèvres pour ne plus les quitter le reste de la journée.
***
Les cloches sonnaient leur terrible sentence au-dessus de l’assemblée endeuillée. C’était une triste journée de mars, froide, pluvieuse, tout le contraire de ce qu’à mère avait été. Il y avait énormément de monde qui était venu rendre un dernier hommage à Rose De Chastel Sobel, mais Opale se sentait seule et glacée. Le soliloque du prête touchait à sa fin et la jeune fille savait qu’on attendait d’elle qu’elle fasse un discours. Opale n’en avait aucune envie.
Son père se tenait à côté droit, le regard au loin et, contre toute attente, il semblait sincèrement peiné. Le moment était venu, les regards se tournaient vers elle. Hésitante, elle s’avança, se répétant sans cesse que c’était son
devoir de faire ce discours. Son ventre dansait d’une étrange manière, lui arrachant des hoquets de douleur, ses jambes menaçaient de se dérober sous elle, son cerveau lui faisait défaut. Elle se retrouva en face de l’assemblée de pique-assiettes, de personnes voulant se faire bien voir, d’inconnus dont le visage ruisselait de larmes, d’indifférents lorgnant sur leurs voitures qui les protégeraient de la pluie … Et tout d’un coup ceci fut trop. Devant l’assemblée de moldue, elle tira sa baguette la leva au ciel en dernier hommage et, pour la première fois de sa vie, se déroba à ses devoirs et s’enfuit en courant.
Tell me who you really are.