Tu ne peux pas me demander ça, c'est contre tout ce que je suis, contre tout ce à quoi j'aspire et contre mes propres idéaux. Le fait que tu sois mon père, ne dois pas m'obliger à ça. Et pourtant...

Assise sur le sol de ma petite chambre, je regarde Denver courir dans sa roue. Un soupir passe mes lèvres et se noie dans le néant, si toi aussi tu veux fuir... tu ne peux pas aller très loin, pensais-je. Il fait nuit dehors, et les embruns embaument l'été à venir... Si d'habitude cette perspective me procurait beaucoup d'allégresse, ce n'est plus le cas. Pas après ça. Ce que j'ai fait, ne peut pas être effacé, et je ne peux plus regarder mon père dans les yeux. Je le déteste, je me déteste, je rêverais de pouvoir quitter tout ça, ne surtout pas retourner à Beauxbâtons en Septembre, me terrer quelque part loin de tout ça. Je resserre l'étreinte de mes bras autour de mes jambes pliées contre moi, et je tente de me contrôler, mais dans mon esprit je vois les images, j'entends les cris apeurés, et je sais que ça me poursuivra encore longtemps. 1981, cette année maudite, va donc s'étirer encore et encore. Je n'ai pratiquement pas dormi depuis longtemps, et j'ai fuit la maison, pour courir à travers champs, la lumière est forte, mes yeux à moitié clos, je me laisse porter. Le vent est présent mais chaud, caressant ma peau blanche, ma robe en dentelle se soulève au rythme de mes pas effrénés, je suis seule, il est partit ce matin... je sais ce qu'il est allé faire, et j'ai eu besoin de m'éloigner de cette prison dorée. J'espère en réalité, oui j'espère qu'ils sont encore en vie... J'aimerais que les sorciers se soulèvent, réalisent ce qu'il se passe, et monte au créneau, mais tout est figé, comme un sort d'illusions jeté comme ça sur le monde.

Mes pieds se prennent dans une racine et je bascule en avant, roulant sur le dos, je suis prise d'un fou rire nerveux, je ris longuement, avant de terminer par en pleurer, les nerfs lâchent... j'en ai besoin au fond, comment ne pourrait il pas en être autrement. Les avions volent au dessus de moi, je rouvre les yeux floutés de larmes, et je plonge mon regard dans le bleu intense du ciel au dessus de moi. Je voudrais que la foudre s'abatte sur moi maintenant, que mon corps devienne poussière, que je m'évapore comme la rosée du matin, disparaissant sûrement de ce monde maudit. Finalement je me relève, rien n'arrive donc comme on le voudrait. Je regarde le sang couler de mes genoux, pas grave, je saigne pour la cause, c'est ironique. Je traverse le champ pour regagner la route, et j'entends le "teuf teuf" d'une vielle voiture qui arrive, je tends le pouce, avant de me rencontre compte qu'en face de moi, il y a ce garçon qui en fait de même. Plutôt grand, avec beaucoup de cheveux châtain, de gros sourcils, et un regard tellement... Je me mordille la lèvre et le regarde avec le sourire. "C'est ma voiture... Mon ticket pour l'ailleurs..." Lui dis-je en l'interpellant. Il était perdu, et il fit écho en moi, Edmond... un prénom si français pour un anglais. Une rencontre insolite, qui a débouché sur une journée ensemble, puis deux, puis trois... Puis tout un été.

Et mes deux mondes, l'un maudit, l'autre magnifique, ne se sont pas croisés heureusement. Il m'a redonné le goût de vivre, l'envie d'attendre la suite, le désir d'autrui. si au départ, il était une échappatoire, un possible ailleurs, lorsque je suis partie pour de bon de France, pour Londres... je savais que c'était plus un besoin, mais un désir, un rêve même. J'ai mentit à mon père, je lui ai dit que j'allais parcourir le monde, qu'il ne pouvait plus avoir autant de main mise sur celle que j'étais, qu'il était temps pour moi de voler de mes propres ailes. Je lui ai mentit , c'était la seule solution et j'ai fait mes valises dans la nuit avant le départ, et j'ai fait le mur, avec Denver sous le bras et mes valises entrées dans un petit sac à main. Me voilà donc londonienne d'adoption, en espérant qu'il ne me retrouve pas, sinon je sais pertinemment que je serais renvoyée sur le champs de Poudlard, poursuivie peut être même par le ministère magique... Ou pire encore, embrigadée de force chez les mangemorts. Prions pour que rien de tout cela ne m'arrive...